La grande beuverie
138 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La grande beuverie , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
138 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

René Daumal (1908-1944)



"Je nie qu’une pensée claire puisse être indicible. Pourtant l’apparence me contredit : car, de même qu’il y a une certaine intensité de douleur où le corps n’est plus intéressé, parce que s’il y participait, fût-ce d’un sanglot, il serait, semble-t-il, aussitôt réduit en cendres, de même qu’il y a un sommet où la douleur vole de ses propres ailes, ainsi il y a une certaine intensité de la pensée où les mots n’ont plus part. Les mots conviennent à une certaine précision de la pensée, comme les larmes à un certain degré de la douleur. Le plus vague est innommable, le plus précis est ineffable. Mais ce n’est là, vraiment, qu’une apparence. Si le langage n’exprime avec précision qu’une intensité moyenne de la pensée, c’est parce que la moyenne de l’humanité pense avec ce degré d’intensité ; c’est à cette intensité qu’elle consent, c’est de ce degré de précision qu’elle convient. Si nous n’arrivons pas à nous faire entendre clairement, ce n’est pas notre outil qu’il faut accuser.


Un langage clair suppose trois conditions : un parleur sachant ce qu’il veut dire, un auditeur à l’état de veille, et une langue qui leur soit commune. Mais il ne suffit pas qu’un langage soit clair, comme une proposition algébrique est claire. Il faut encore qu’il ait un contenu réel, et non seulement possible. Pour cela, il faut, comme quatrième élément, entre les interlocuteurs une expérience commune de la chose dont il est parlé."



Conte philosophique et surréaliste.


Une soirée bien arrosée amène le narrateur dans des discussions surréalistes avec ses compagnons de beuverie. Fin saoul, il s'endort et, en rêve, il visite la "Jérusalem", un monde sans alcool, où un infirmier lui fait rencontrer de singuliers "malades"...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374635057
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La grande beuverie
René Daumal
Octobre 2019
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-505-7
Couverture : pastel de STEPH' lagibeciereamots@sfr.fr N° 505
AVANT-PROPOS
pouvant servir de mode d’emploi
Je nie qu’une pensée claire puisse être indicible. Pourtant l’apparence me contredit : car, de même qu’il y a une certaine intensité de douleur où le corps n’est plus intéressé, parce que s’il y participait, fût-ce d’un sanglot, il serait, semble-t-il, aussitôt réduit en cendres, de même qu’il y a un sommet où la douleur vole de ses propres ailes, ainsi il y a une certaine intensité de la pensée où les mots n’ont plus part. Les mots conviennent à une certaine précision de la pensée, comme les larmes à un certain degré de la douleur. Le plu s vague est innommable, le plus précis est ineffable. Mais ce n’est là, vraiment, qu’une apparence. Si le langage n’exprime avec précision qu’une intensité moyenne de la pensée, c’est parce que la moyenne de l’humanité pense avec ce degré d’intensité ; c’est à cette intensité qu’elle consent, c’est de ce degré de précision qu’elle convient. Si nous n’arrivons pas à nous faire entendre clairement, ce n’est pas notre outil qu’il faut accuser. Un langage clair suppose trois conditions : un parleur sachant ce qu’il veut dire, un auditeur à l’état de veille, et une langue qui leur soit commu ne. Mais il ne suffit pas qu’un langage soit clair, comme une proposition algébrique est claire. Il faut encore qu’il ait un contenu réel, et non seulement possible. Pour cela, il faut, comme quatr ième élément, entre les interlocuteurs une expérience commune de la chose dont il est parlé. C ette expérience commune est la réserve d’or qui confère une valeur d’échange à cette monnaie qu e sont les mots ; sans cette réserve d’expériences communes, toutes nos paroles sont des chèques sans provision ; l’algèbre, justement, n’est qu’une vaste opération de crédit i ntellectuelle, un faux-monnayage légitime parce qu’avoué : chacun sait qu’elle a sa fin et so n sens en autre chose qu’elle-même, à savoir en l’arithmétique. Mais ce n’est pas encore assez que le langage ait clarté et contenu, comme si je dis « ce jour-là, il pleuvait » ou « trois et deux font cinq » ; il faut encore qu’il ait un but et une nécessité. Autrement, de langage on tombe en parlage, de parla ge en bavardage, de bavardage en confusion. Dans cette confusion des langues, les ho mmes, même s’ils ont des expériences communes, n’ont pas de langue pour en échanger les fruits. Puis, quand cette confusion devient intolérable, on invente des langues universelles, claires et vides, où les mots ne sont qu’une fausse monnaie que ne gage plus l’or d’une expérience réelle ; langues grâce auxquelles, depuis l’enfance, nous nous gonflons de faux savoirs. Entr e la confusion de Babel et ces stériles espérantos, il n’y a pas à choisir. Ce sont ces deu x formes d’incompréhension, mais surtout la seconde, que je vais essayer de décrire.
PREMIÈRE PARTIE
Dialogue laborieux sur la puissance des mots et la faiblesse de la pensée
I Il était tard lorsque nous bûmes. Nous pensions tou s qu’il était grand temps de commencer. Ce qu’il y avait eu avant, on ne s’en souvenait plus. On se disait seulement qu’il était déjà tard. Savoir d’où chacun venait, en quel point du globe o n était, ou si même c’était vraiment un globe (et en tout cas ce n’était pas un point), et le jou r du mois de quelle année, tout cela nous dépassait. On ne soulève pas de telles questions quand on a soif. Quand on a soif, on guette les occasions de boire et, pour le reste, on fait seulement semblant d’y faire attention. C’est pourquoi c’est si difficile, après, de raconter exactement ce que l’on a vécu. Il est très tentant, lorsqu’on rapporte des événements passés, de mettre de la clarté et de l’ordre là où il n’y avait ni l’un ni l’autre. C’est très tentant et très dangereux. C’est ainsi que l’on devient prématurément philosophe. Je vais donc essayer de raconter ce qui s’est passé, ce qui s’est dit et ce qui s’est pensé, comme c’est venu. Si tou t cela vous paraît d’abord chaotique et brumeux, prenez courage : ensuite ce ne sera que trop ordonné et trop clair. Si alors l’ordre et la clarté de mon récit vous paraissaient sans substance, rassurez-vous : je terminerai par des paroles réconfortantes. II Nous étions dans une fumée épaisse. La cheminée tir ait mal, le feu de bois trop vert se rabrouait, les chandelles dégageaient une sauce sui feuse dans l’air, et les nuages du tabac se couchaient en bancs bleuâtres à hauteur de visage. Si l’on était dix ou si l’on était mille, on ne savait plus. Ce qui est sûr, c’est qu’on était seul s. À ce propos, la grande voix de derrière les fagots, comme nous l’appelions dans notre langage de soiffards, s’était un peu élevée. Elle sortait effectivement de derrière un tas de fagots, ou de caisses à biscuits, c’était difficile à savoir à cause de la fumée et de la fatigue ; et elle disait : – Quand il est seul, le microbe (j’allais dire : l’ homme) réclame une âme sœur, comme il pleurniche, pour lui tenir compagnie. Si l’âme sœur arrive, ils ne peuvent plus supporter d’être deux, et chacun commence à se frénétiser pour deven ir un avec l’objet de ses tiraillements intestins. N’a pas de bon sens : un, veut être deux ; deux, veut être un. Si l’âme sœur n’arrive pas, il se scinde en deux, il se dit : bonjour mon vieux, il se jette dans ses bras, il se recolle de travers et il se prend pour quelque chose, sinon pour quelqu’un. Vous n’avez pourtant qu’une chose en commun, c’est la solitude ; c’est-à-dire tout ou rien, cela dépend de vous. On trouva que c’était bien dit mais personne ne se souciait de voir le personnage qui parlait. Il n’était question que de boire. On n’avait encore bu que des tasses d’un tord-boyau infect qui nous avait donné très soif. III
À un moment, la mauvaise humeur était à son comble et je crois me souvenir que nous nous sommes concertés à quelques-uns pour aller, avec des outils imprécis, taper sur les costauds qui ronflaient dans les coins. Il s’est passé un temps interminable, après lequel les costauds sont revenus, coltinant des barils sur leurs ecchymoses. Quand les barils ont été vidés, on a pu enfin s’asseoir dessus, ou à côté, mais enfin on était assis, prêts à boire et à écouter, car il avait été question de joutes oratoires ou de quelque divertis sement de ce genre. Tout cela reste assez nébuleux dans ma mémoire. Faute de direction, nous étions emportés au gré des mots, des souvenirs, des manies, des rancunes et des sympathies. Faute d’un but, nous pe rdions le peu de force de nos pensées à enchaîner un calembour, à dire du mal des amis communs, à fuir les constatations désagréables, à chevaucher des dadas, à enfoncer des portes ouvertes, à faire des grimaces et des grâces. La chaleur et la tabagie épaisse nous donnaient une soif inétanchable. Il fallait sans arrêt se relayer pour aller battre les costauds, qui maintenant apportaient des bonbonnes, des tonnelets, des jarres, des seaux, tout cela plein de l’espèce de tisane que l’on pense. Dans un coin, un camarade peintre expliquait à un copain photographe son projet de peindre de belles pommes, de les broyer, de les distiller, « et tu as un calvados épatant, mon vieux », disait-il. Le photographe bougonnait que « ça frisait l’idéalisme », mais cela ne l’empêchait pas de trinquer sec. Le jeune Amédée Gocourt se plaignait du manque de boisson parce que, disait-il, les gâteaux au chocolat dont il s’empiffrait lui avaient « velouté le tuyau de descente et embourbé l’estomac ». Marcellin, l’anarchiste, geignait que « si on nous laissait aussi scandaleusement crever de soif, on ne voyait vraiment pas la différ ence avec la papauté », mais personne ne saisissait le sens de ses paroles. Quant à moi, j’étais très mal assis sur un porte-bo uteilles, ce qui me donnait une apparence de profonde méditation, alors que j’étais simplement abruti, le plafond bas, très bas, la visière de l’intellect baissée jusqu’aux sédiments de l’humeur. IV Je ne vous présenterai pas les personnages qui étai ent là. Ce n’est ni d’eux, ni de leurs caractères, ni de leurs actions que je veux parler. Ils étaient là comme des figurants de songe qui essayaient, parfois sincèrement, de se réveiller : tous de bons camarades, chacun rêvant les autres. Tout ce que je veux dire maintenant, c’est qu’on était saouls et qu’on avait soif. Et nous étions beaucoup à être seuls. C’est Gonzague l’Araucanien qui eut la malheureuse idée de réclamer de la musique. Le coup était d’ailleurs prémédité, car tout le monde avait pu remarquer qu’il avait apporté une guitare neuve. Il ne se fit donc pas prier pour commencer. Ce fut horrible. Les sons qu’il tirait de l’instrument étaient si méchamment faux, si obstinément fêlés, que les chaudrons se mettaient à danser sur le ciment, les chandeliers de cuivre à glisser avec des rires atroces sur le stuc des cheminées, les casseroles à balancer leurs ventres contre les murs qui se décrépissaient, et les plâtras nous tombaient dans les yeux, et les araignées dégringolaient du plafond avec des cris, en plein dans la soupe, et cela nous donnait soif, et cela nous mettait dans des rages... Alors le personnage de derrière les fagots montra le bout d’une oreille, puis de l’autre, puis un nez, puis un menton glabre, puis une barbe, puis une calvitie, puis une grosse chevelure, car il était très changeant ; simples trucs de passe-passe et de maquillage instantané. On disait que sans cette mascarade on ne l’aurait même pas remarqué, car, croyait-on, il avait « une tête comme tout le monde ». Peut-être à ce moment-là avait-il des allures de bûcheron ou d’arbre, une barbiche de bouc et des yeux d’éléphant, mais je n’en jurerais pas. Il dit, calmement, quelque chose comme : – Granit, grès. Grès, granit. Gris, grenat. Gramme – (une pause) – Aconit ! Avec la dernière syllabe (j’avais déjà assez bu pour trouver cela tout naturel) la guitare vola en éclats entre les mains de Gonzague. Une des cordes lui cingla la lèvre supérieure. Il laissa quelques gouttes de sang tomber sur le dos de sa main. Puis il vida son verre. Puis il nota sur son
calepin les rudiments d’un poème extraordinaire qui devait être plagié le lendemain et trahi dans toutes les langues par deux cent douze petits poète s, d’où sortirent autant de mouvements artistiques d’avant-garde, d’où vingt-sept bagarres historiques, trois révolutions politiques dans une ferme mexicaine, sept guerres sanglantes sur le Paropamise, une famine à Gibraltar, un volcan au Gabon (on n’avait jamais vu cela), un dictateur à Monaco et une gloire presque durable pour lesminus habentes. V L’Araucanien ayant bu, il y eut un grand silence. Puis une vieille dame cria sèchement : – Pas de trucs de magie, ici ! Nous voulons des exp lications. Qui a cassé la guitare ? Et comment ? Et pourquoi ? – Pas de trucs scientifiques, cria Othello de sa vo ix ferrailleuse, l’écume aux lèvres. Pas de trucs scientifiques, hein ? Mais des explications magiques ! – Buvons d’abord, prononça lentement l’homme de der rière les fagots. Ensuite je vous endormirai d’un discours plus ou moins consistant s ur les emplois coupants, piquants, contondants, écrasants, désintégrants et quelques autres, du langage humain et peut-être de celui des oiseaux, mais buvons d’abord. À ce moment, d’ailleurs, des espèces de saucissons chauds étaient arrivés, épicés d’arrache-gueule divers. C’était une autre raison de boire, m ise à part la peur de penser, et Dudule le Conspirateur, qui avait vu faire cela au cinéma, allait de l’un à l’autre, offrant, d’un flacon plat tiré de sa poche fessière, de cet horrible alcool de bois aromatisé de citron que les Américains, sous le régime sec, appelaient vodka, cognac, gin, ou simplementdrink,selon qu’ils voulaient se rendre plus ou moins intéressants. Par malheur, j’avais laissé un poète (on l’appelait Solo le brocanteur) s’approcher de moi et commencer un long discours par lequel il essayait, bien en vain, de me faire comprendre que la terre était ronde et qu’il y avait des hommes, « les Antipodes, qui marchent la tête en bas grâce à l’emploi d’une espèce d’hélice en bois nomméeboomerangen hollandais », et je ne sais depuis combien de quarts d’heure il me parlait lorsque, relevant la tête, je vis que tout le monde était attentif au discours de Totochabo – c’estun nomchipéway, c’est-à-dire inintelligible, que l’on donnait à l’homme de derrière les fagots. Je rougis de ma distraction, exsudai un petit nuage de honte et me mis à écouter. Voici à peu près ce que je pus saisir de ses paroles. VI Totochabo disait : – ... Le plus crétin des virtuoses, au bout de quel ques années d’exercice, arrive à briser une coupe de cristal à distance, par la seule émission de la note exacte correspondant à l’équilibre instable de la matière vitreuse. On cite plusieurs violonistes, pas plus bêtes que d’autres, qui faisaient ça presque naturellement. La maîtresse de maison est toujours très fière d’avoir sacrifié à l’Art, ou à la Science, selon les cas, la plus belle pièce de sa verrerie, un souvenir de famille, qui plus est, elle est tellement ravie qu’elle en oublie de gronder son fils qui vient de rentrer du lycée complètement saoul, le fils persistera dans le vice, échouera à ses examens, sera réduit à faire du commerce, deviendra riche et considéré, et toute cette chaîne d’effets est suspendue à un son musical déterminé, exprimable par un nombre. J’ai o ublié de dire que le mot « Art » est le seul que les carpes soient capables de prononcer. Je continue. « Les physiciens Chladni el Savart, en faisant vibrer des plaques métalliques recouvertes de sable fin, ont produit des figures géométriques par les lignes nodales séparant les zones de mouvement. En employant au lieu de sable de la poudre de tournesol gommée, ces savants –
comme on les appelle, non sans raison – ... – On en a fouqué, d’fé vistoires, gicla Johannes Kakur, un érudit gascon, en s’avançant sur Totochabo, le vin rouge lui sortant des yeux ; et i l lui mit sous le nez, d’un poing furieux, quelques bouquins lardés de fiches et marginés de crayonnements multicolores. – Mais non, mon petit bout d’homme, dit le vieux doucereusement. L’érudit gascon, douché, lâcha ses livres. J’allai les ramasser discrètement. Les noms des auteurs ne me disaient pas grand-chose : Higgins, D e la Rive, Faraday, Wheatstone, Rijke, Sondhaus, Kundt, Schaffgotsch. Il y avait aussi un tome de Hclinholtz dépareillé, que je mis de côté. Je trouvai enfin unDictionnaire des rimeset uneEncyclopédie des Sciences occultesdans laquelle je me plongeai, non sans boire après chaqu e article, avec les délices que l’on éprouve toujours à trouver plus sot que soi. VII – Le son est donc puissant sur le feu, continuait l e vieux au moment où je me remettais à écouter. Et sur l’air par la voix, comme vous pouvez en ce moment l’entendre, ou de plusieurs autres manières. Sur l’eau, comme vous savez par les recherches de Plateau, Savart et Maurat, physiciens, et par les études du docteur Faustroll, pataphysicien, sur les veines liquides, spécialement lorsqu’elles s’écoulent verticalement d’un orifice percé en mince paroi. Et sur la terre, j’entends sur l’élément solide que Timée de Locres disait formé de cubes, comme je vous ai dit par l’exemple des plaques vibrantes ; j’y ajout erais celui des murailles de Jéricho, si l’invocation d’une autorité de ce genre n’était aujourd’hui en notre siècle de lumignons, quelque peu discréditée. – Oh ! ça va, dis-je. Je voulais ajouter : « On n’est pas venu ici pour écouter des conférences, on n’est pas venu ici pour se désaltérer de rhétorique... », mais il coupa court. – Et qui qu’a demandé des explications ? – C’est pas moi. – C’est tout comme. Othello se manifesta : – Justement, je vous y prends. Vous dites : puissant sur le feu, l’eau, la terre. Et le cinquième, qu’est-ce que vous en dites ? – Vous voyez, dit à mon adresse Totochabo. J’en ai aussi marre que vous. Nous allons lui improviser un petit clouage de bec de fausse érudition. Il reprit, plus haut : – Je vous dirai d’aller pêcher les cancres ailleurs, car nous savons fort bien que sous l’aspect sensible du son se cache une essence silencieuse. C ’est d’elle, de ce point critique où le germe du sensible n’a pas encore choisi d’être son ou lumièr e ou autre chose, de cet arrière-plan de la nature où qui voit, voit le son, où qui entend, entend les soleils, c’est de cette essence même que le son tire sa puissance et sa vertu ordonnatrice. En me jetant un clin d’œil, il chuchota : – Ça les calfeutre, hein ? – Épaissement, répondis-je. Mais lorsque vous dites fausse érudition, voulez-vous signifier vrai savoir ? – Mon pauvre ami, dit-il, comme vous avez soif ! C’était vrai et je me mis à me soigner.
VIII Nous buvions comme des trous. Soudain une...
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents