L Uscoque
106 pages
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L'Uscoque , livre ebook

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Description

pubOne.info present you this new edition. Je crois, Lelio, dit Beppa, que nous avons endormi le digne Asseim Zuzuf.

Informations

Publié par
Date de parution 06 novembre 2010
Nombre de lectures 1
EAN13 9782819931508
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'USCOQUE.
«Je crois, Lélio, dit Beppa, que nous avons endormile digne Asseim Zuzuf.
— Toutes nos histoires l'ennuient, dit l'abbé. C'estun homme trop grave pour s'intéresser à des sujets aussifrivoles.
— Pardonnez-moi, répondit le sage Zuzuf. Dans monpays, on aime les contes avec passion; dans nos cafés, nous avonsnos conteurs comme ici vous avez vos improvisateurs. Leurs récitssont tour à tour en prose et en vers. J'ai vu le poëte anglais lesécouter des soirées entières.
— Quel poëte anglais? demandai-je.
— Celui qui a fait la guerre avec les Grecs, et quia fait passer dans les langues d'Europe l'histoire de Phrosine etplusieurs autres traditions orientales, dit Zuzuf.
— Je parie qu'il ne sait pas le nom de lord Byron!s'écria Beppa.
— Je le sais fort bien, répondit Zuzuf. Si j'hésiteà le prononcer, c'est que je n'ai jamais pu le dire devant lui sansle faire sourire. Il paraît que je le prononce très-mal.
— Devant lui! m'écriai-je; vous l'avez doncconnu?
— Beaucoup, à Athènes principalement. C'est là queje lui ai raconté l'histoire de l'Uscoque >, qu'il aécrite en anglais sous le titre du Corsaire et de Lara .
— Comment, mon cher Zuzuf, dit Lélio, c'est vous quiêtes l'auteur des poëmes de lord Byron?
— Non, répondit le Corcyriote sans se dérider lemoins du monde à cette plaisanterie, car il a tout à fait changécette histoire, dont au reste je ne suis pas l'auteur, puisquec'est une histoire véritable.
— Eh bien! vous allez la raconter, dit Beppa.
— Mais vous devez la savoir, répondit-il, car c'estplutôt une histoire vénitienne qu'un conte oriental.
— J'ai ouï dire, reprit Beppa, qu'il avait pris lesujet de Lara dans l'assassinat du comte Ezzelino, qui futtué de nuit, au traguet de San-Miniato, par une espèce de renégat,du temps des guerres de Morée.
— Ce n'est donc pas le même, dit Lélio, que cecélèbre et farouche
Ezzelin…
— Qui peut savoir, dit l'abbé, quel est cet Ezzelin,et surtout ce Conrad? Pourquoi chercher une réalité historique aufond de ces belles fictions de la poésie? Ne serait-ce pas lesdéflorer? Si quelque chose pouvait affaiblir mon culte pour lordByron, ce seraient les notes historico-philosophiques dont il a crudevoir appuyer la vraisemblance de ses poëmes. Heureusementpersonne ne lui demande plus compte de ses sublimes fantaisies, etnous savons que le personnage le plus historique de ses épopéeslyriques, c'est lui-même. Grâce à Dieu et à son génie, il s'estpeint dans ces grandes figures. Et quel autre modèle eût pu poserpour un tel peintre?
— Cependant, repris-je, j'aimerais à retrouver, dansquelque coin obscur et oublié, les matériaux dont il s'est servipour bâtir ses grands édifices. Plus ils seraient simples etgrossiers, plus j'admirerais le parti qu'il en a su tirer. De mêmeque j'aimerais à rencontrer les femmes qui servirent de modèle auxvierges de Raphaël.
— Si vous êtes curieux de savoir quel est le premiercorsaire que Byron ait songé à célébrer sous le nom de Conrad et deLara, je pense, dit l'abbé, qu'il nous sera facile de le retrouver;car je sais une histoire qui a des rapports frappants avec lesaventures de ces deux poëmes. C'est probablement la même, cherAsseim, que vous racontâtes au poëte anglais, lorsque vous fîtesamitié avec lui à Athènes?
— Ce doit être la même, répondit Zuzuf. Or, si vousla savez, racontez-la vous-même; vous vous en tirerez mieux quemoi.
— Je ne le pense pas, dit l'abbé. J'en ai oublié lameilleure partie, ou, pour mieux dire, je ne l'ai jamais biensue.
— Nous la raconterons donc à nous deux, dit Zuzuf.Vous m'aiderez pour la partie qui s'est passée à Venise, et moi, demon côté, pour celle qui s'est passée en Grèce. »
La proposition fut acceptée, et les deux amis,prenant alternativement la parole, se disputant parfois sur desnoms propres, sur des dates et sur des détails que l'abbé,historien scrupuleux, traitait d'apocryphes, tandis que leLevantin, épris du romanesque avant tout, faisait bon marché desanachronismes et des fautes de topographie, l' Histoire del'Uscoque nous arriva enfin par lambeaux. Je vais essayer deles recoudre, sauf à être trahi en beaucoup d'endroits par mamémoire, et à n'être pas aussi authentique que l'abbé Panoriopourrait le désirer s'il relisait ces pages. Mais, heureusementpour nous, nos pauvres contes ont paru dignes de l'index de SaSainteté (ce dont, à coup sûr, personne n'eût jamais été s'aviser),et Sa Majesté l'empereur d'Autriche, qu'on ne s'attendaitguère non plus à voir en cette affaire , faisant exécuterà Venise tous les index du pape, il n'y a pas de danger que monconte y arrive et y reçoive le plus petit démenti.
«D'abord qu'est-ce qu'un Uscoque? demandai-je aumoment où l'honnête Zuzuf essuyait sa barbe et ouvrait la bouchepour commencer son récit.
— Ignorant! dit l'abbé. Le mot uscocco vientde scoco , lequel, en langue dalmate, signifie transfuge.L'origine et les diverses fortunes des Uscoques occupent une placeimportante dans l'histoire de Venise. Je vous y renvoie. Il voussuffira de savoir maintenant que les empereurs et les princesd'Autriche se servirent souvent de ces brigands pour défendre lesvilles maritimes contre les entreprises des Turcs. Pour sedispenser de payer cette terrible garnison, qui ne se fût pascontentée de peu, l'Autriche fermait les yeux sur leurs pirateries;et les Uscoques faisaient main basse sur tout ce qu'ilsrencontraient dans l'Adriatique, ruinaient le commerce de larépublique, et désolaient les provinces d'Istrie et de Dalmatie.Ils furent longtemps établis à Segna, au fond du golfe de Carnie,et, retranchés là derrière de hautes montagnes et d'épaissesforêts, ils bravèrent les efforts réitérés qu'on fit pour lesdétruire. Vers 1615, un traité conclu avec l'Autriche les livraenfin sans appui à la vengeance des Vénitiens, et le littoral del'Italie en fut purgé. Les Uscoques cessèrent donc de faire uncorps, et, forcés de se disperser, ils se répandirent dans toutesles mers, et grossirent le nombre des flibustiers qui, de touttemps et en tous lieux, ont fait la guerre au commerce des nations.Longtemps encore après l'expulsion de cette race féroce et brutaleentre toutes celles qui vivent de meurtre et de rapine, le nomd'Uscoque demeura en horreur dans notre marine militaire etmarchande. Et c'est ici l'occasion de vous faire remarquer ladistance qui existe entre le titre de corsaire donné par lord Byronà son héros, et celui d'uscoque que portait le nôtre. C'est à peuprès celle qui sépare les bandits de drame et d'opéra moderne desvoleurs de grands chemins, les aventuriers de roman des chevaliersd'industrie; en un mot, la fantaisie de la réalité. Ce n'est pasque notre Uscoque ne fût, comme le corsaire Conrad, de bonne maisonet de bonne compagnie. Mais il a plu au poëte d'en faire un grandhomme au dénoûment; et il n'en pouvait être autrement, puisque,n'en déplaise à notre ami Zuzuf, il avait oublié peu à peu lepersonnage de son conte athénien pour ne plus voir dans Conrad quelord Byron lui-même. Quant à nous, qui voulons nous soumettre à lavérité de la chronique et rester dans le positif de la vie, nousallons vous montrer un pirate beaucoup moins noble.
— Un corsaire en prose, dit Zuzuf.
— Il a beaucoup d'esprit et de gaieté pour un Turc,» me dit Beppa en baissant la voix.
L'histoire commença enfin.
* * * * *
Au commencement où éclata, vers la fin du quinzièmesiècle, la fameuse guerre de Morée, étant doge Marc-AntonioGiustiniani, Pier Orio Soranzo, dernier descendant de la raceducale de ce nom, achevait de manger à Venise une immense fortune.C'était un homme encore jeune, d'une grande beauté, d'une rarevigueur, de passions fougueuses, d'un orgueil effréné, d'uneénergie indomptable. Il était célèbre dans toute la république parses duels, ses prodigalités et ses débauches. On eût dit qu'ilcherchait à plaisir tous les moyens d'user sa vie, sans en venir àbout. Son corps semblait être à l'épreuve du fer, et sa santé àcelle de tous les excès. Pour ses richesses, ce fut différent;elles ne tardèrent pas à succomber aux larges saignées qu'il yfaisait tous les jours. Ses amis, voyant sa ruine approcher,voulurent lui faire des remontrances et l'engager à s'arrêter surla pente fatale qui l'entraînait; mais il ne voulut faire attentionà rien, et aux plus sages discours il ne répondait que par desplaisanteries ou des rebuffades, appelant l'un pédant, traitantl'autre de Jérémie bâtard, priant ceux qui ne trouveraient pas sonvin bon d'aller boire ailleurs, et promettant des coups d'épée àceux qui reviendraient lui parler d'affaires. Ce fut ainsi qu'ilfit jusqu'au bout. Lorsque enfin, toutes ses ressources épuisées,il se vit dans l'impossibilité absolue de continuer son train devie, il se mit pour la première fois à réfléchir sérieusement à saposition. Après s'être bien consulté, il ne vit pour lui que troispartis à prendre: le premier était de se casser la tête et delaisser ses créanciers se débrouiller comme ils pourraient aumilieu des débris épars de sa fortune; le second, de se fairemoine; le troisième, de mettre ordre à ses affaires, et d'allerensuite guerroyer contre les Turcs. Ce fut ce dernier parti qu'ilprit, se disant qu'il valait mieux casser la tête aux autres qu'àsoi-même, et que d'ailleurs il était toujours temps d'en venir là.Il vendit donc tous ses biens, paya ses dettes, et, avec sesderniers deniers, qui ne l'auraient pas fait vivre deux mois, iléquipa et arma une galère, et partit à la rencontre des infidèles.Il leur fit payer cher les folies de sa jeunesse. Tous ceux qui setrouvèrent sur sa route furent attaqués, pillés, massacrés. En peude temps sa petite galère devint la terreur de l'Archipel. A la finde la campagne, il revint à Venise avec une brillante réputation decapitaine. Le doge, voulant lui témoigner la satisfaction de larépublique pour tous les services qu'il avait rendus, lui confia,pour l'année suivante, un poste important dans la flotte commandéepar le célèbre Francesco Morosini. Celui-ci, qui l'avait vu enmaintes occasions accomp

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