Helgvor du fleuve bleu
222 pages
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Helgvor du fleuve bleu , livre ebook

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Description

J. - H. Rosny Aîné (1856-1940)



"Les femmes, à l’entrée des cavernes, contemplaient la flamme rouge qui menaçait les astres, et le ciel s’abaissait sur la plaine comme le creux d’un roc.


Le vieillard Urm disait :


– Nos pères ont vu couler des torrents de feu ! Le feu fondait la pierre, les hommes mouraient comme des sauterelles.


Il avait l’âge des corbeaux blanchis : les Tzoh croyaient qu’il était né avec les étoiles, le fleuve et les forêts. Les autres vieillards regardaient avec des yeux creux.


Parce que c’était le temps où les hommes forts cherchent au loin les grands herbivores, la flamme rouge semblait plus redoutable. La montagne grondait dans ses profondeurs.


Urm parla aux choses homicides, qui vivent dans la pierre : on ne sait jamais quand elles s’évadent.


– Les Tzoh arroseront la montagne de sang chaud, clamait l’ancêtre. Les cœurs vivants seront arrachés des poitrines et nourriront les Vies Cachées.


Il élevait des mains suppliantes, qui avaient la couleur de la cendre et tremblaient comme des roseaux. La flamme pâlit. Les gémissements des femmes se répandirent de caverne en caverne ; la voix de la montagne s’abaissa.


– Les Tzoh sacrifieront au lever du soleil ! promit encore le vieillard."



En des temps très reculés, Glâva de la tribu des Tzoh refuse de devenir l'épouse du chef Kzahm. Elle s'enfuit, amenant avec elle sa soeur Amhao, destinée à être sacrifiée aux Vies Cachées...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374636078
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Roman des âges farouches


Helgvor du fleuve bleu


J. - H. Rosny Aîné


Février 2020
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-607-8
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 607
PREMIÈRE PARTIE

I
La montagne dévorante

Les femmes, à l’entrée des cavernes, contemplaient la flamme rouge qui menaçait les astres, et le ciel s’abaissait sur la plaine comme le creux d’un roc.
Le vieillard Urm disait :
– Nos pères ont vu couler des torrents de feu ! Le feu fondait la pierre, les hommes mouraient comme des sauterelles.
Il avait l’âge des corbeaux blanchis : les Tzoh croyaient qu’il était né avec les étoiles, le fleuve et les forêts. Les autres vieillards regardaient avec des yeux creux.
Parce que c’était le temps où les hommes forts cherchent au loin les grands herbivores, la flamme rouge semblait plus redoutable. La montagne grondait dans ses profondeurs.
Urm parla aux choses homicides, qui vivent dans la pierre : on ne sait jamais quand elles s’évadent.
– Les Tzoh arroseront la montagne de sang chaud, clamait l’ancêtre. Les cœurs vivants seront arrachés des poitrines et nourriront les Vies Cachées.
Il élevait des mains suppliantes, qui avaient la couleur de la cendre et tremblaient comme des roseaux. La flamme pâlit. Les gémissements des femmes se répandirent de caverne en caverne ; la voix de la montagne s’abaissa.
– Les Tzoh sacrifieront au lever du soleil ! promit encore le vieillard.
Et il murmura :
– Les Tzoh descendent du Grand Sanglier qui est sorti du Roc, un jour que le feu remplissait les torrents. Les Tzoh sont les fils du Sanglier rouge et du Roc.
La tribu venait de l’Orient. Elle savait forger le bronze et cultiver la terre, tandis que les hommes de l’Ouest taillaient encore la pierre. Les cavernes abritaient deux cents guerriers, autant de femmes nubiles, trois cents enfants, peu de vieillards, et la race pratiquant la Loi, qui est de tuer les faibles, elle vivait sans tare.
– Demain, fit doucement Urm, trois femmes et un guerrier doivent périr !... L’épreuve des Pierres les désignera...
Ce commandement, transmis de la plus haute caverne, jusqu’à la plus basse, rassura les femmes. La montagne avait compris : on n’entendait plus qu’un bouillonnement lointain, la flamme du cratère devint presque invisible.
Les femmes et les vieillards rentrèrent dans l’ombre des rocs. Urm demeurait seul avec Glâva, fille de Wôkr, qui appartenait au guerrier Wam le Lynx. Car les enfants sont au frère de la mère.
Une seule saison séparait Glâva de l’enfance. Elle n’avait pas la tête cubique des Tzoh ni leurs sourcils obliques : une aïeule reparaissait dans son visage clair, dans les flammes rousses de ses yeux et dans son immense chevelure, sans cesse croissante, alors que celle des Tzoh s’arrête et se replie en serpents.
Urm y reconnaissait la race des Lacs Verts, dont les guerriers Tzoh avaient jadis capturé des filles. En ce temps, à cause d’une longue disette, les femmes furent décimées ; car les aliments doivent aller d’abord aux guerriers. Quand elles devenaient trop faibles, la massue les abattait et leur chair nourrissait les survivants.
Glâva, songeant à l’épreuve des Pierres, haïssait les Vies Cachées. Pourtant, elle était sûre de ne pas périr car, haute et flexible, avec des muscles durs, plus forte et plus agile qu’aucune femme des trois clans, elle soulèverait le plus épais des blocs.
Mais Amhao, sa sœur, qu’elle préférait à toute la tribu, serait immolée. Une colère épouvantée grondait dans la poitrine de Glâva. Le chef, Kzahm, fils du Sanglier noir, lui était odieux pour sa rudesse, sa férocité et parce que, au retour des grandes chasses, il lui briserait deux dents canines et ferait d’elle sa femme.
Sa tête d’aurochs, son odeur de chacal, et ses yeux frénétiques la remplissaient de dégoût.
Elle ne voulait pas voir périr Amhao ; pour la sauver, elle se lèverait contre Kzahm, Urm et les Vies Cachées.
– Les étoiles sont froides ! marmonna Urm. Pourquoi ne rentres-tu pas dans la caverne ?
Jadis, il fut le chef des Hommes du Roc : on lui obéissait encore, malgré ses membres desséchés, parce qu’il connaissait seul toute la légende et tous les mystères. D’ailleurs, sa force dépassait celle des vieillards plus jeunes ; il escaladait les cimes ; il marchait pendant la moitié d’un jour : on commençait à croire qu’il était immortel...
Glâva ne l’aimait point. Il exigeait continuellement des sacrifices et il regardait couler le sang avec une gravité joyeuse...
– Je rentrerai dans la caverne, répondit-elle.
– Va !... Il est bon que Urm soit seul pour dire la Grande Parole.
Elle disparut et chercha la niche d’Amhao. Quoi qu’elle connût le sort qui était sur elle, la jeune femme s’était endormie, avec son enfant auprès d’elle : s’il avait été plus jeune, elle aurait été sauve, mais il comptait plus de six saisons.
Le sommeil d’Amhao était trouble et léger. Quand Glâva lui eut saisi la main, elle se dressa dans l’ombre :
– Lève-toi, chuchota Glâva... et viens avec ton petit.
Quoiqu’elle fût l’aînée et qu’elle eût veillé sur Glâva enfant, Amhao subissait la volonté ardente de sa sœur. Elle se leva. L’ombre était pleine de souffles. Des corps obstruaient le passage.
Au fond de la caverne, elles se glissèrent par une fissure étroite et raboteuse, jusqu’au torrent, presque à sec, qui roulait entre des murailles granitiques.
– Où allons-nous ? demanda Amhao.
– Où tu ne mourras point, dit la fille de Wôkr.
Une rumeur s’élargit dans les flancs de la montagne ; la lueur rouge remonta jusqu’aux astres.
– Les Vies Cachées se vengeront ! gémit Amhao, qui vacillait comme la ramure d’un tremble ; la terreur emplissait sa gorge.
La tête dressée, sentant passer l’horreur obscure, Glâva se courba sous la légende ; mais ces instincts lui conseillaient la révolte et presque l’incrédulité :
– Si Amhao reste dans la caverne, c’est pour mourir ! dit-elle. Que feront de plus les Vies Cachées ?
Sa petite main énergique se ferma sur le bras d’Amhao. Le feu rouge enveloppait la cime, l’eau coulait comme du sang, la montagne avait la vont d’un lion démesuré. Alors, une colère impétueuse souleva la fille de Wôkr : elle brava les éléments, les Vies Cachées et les Clans.
– Les Vies Cachées sont aveugles ! dit-elle. Elles frappent comme la pierre tombe...
Elle entraînait Amhao dont l’âme fut semblable à celle d’un enfant... Le torrent devint une rivière et une lune ébréchée parut au-delà du Fleuve Noir.
Glâva marchait vite, sans incertitude, ayant choisi sa voie. On n’entendait plus la montagne, mais la lueur rouge augmentait la clarté de la lune.
Des chacals, derrière les femmes, glapissaient lugubrement, puis une bête tachetée surgit d’un buisson. Glâva, reconnaissant le léopard, s’arrêta pour lui faire face et poussa une clameur stridente.
Allongé comme un reptile, ses yeux pareils à de grands lampyres allumés dans l’ombre, il avançait sournoisement. Au loin, parmi les peupliers noirs, on apercevait la palpitation du fleuve.
Les guerriers, armés de l’arc, de la massue ou du couteau de bronze ne redoutent guère le léopard et il se garde de les attaquer, mais, dans le pays des Tzoh, il savait reconnaître les enfants et les femmes.
– Je briserai tes os et je percerai ta poitrine ! cria Glâva, à l’imitation des chasseurs.
Elle aperçut une pierre ronde. L’ayant ramassée, elle la brandit. Ce geste arrêta la bête :
– Marche vers le fleuve, Amhao ! commanda la fille de Wôkr... Voici l’enfant. Je veux toute ma force.
Amhao obéit, suivie de Glâva qui marchait à reculons. Chaque fois que le léopard semblait trop proche, la jeune fille s’arrêtait, menaçante. Mais il s’excitait ; les entrailles avides, il aspirait violemment l’effluve des êtres verticaux qu’il voulait incorporer à sa chair : Glâva, sachant que tout animal s’inquiète de la vigilance des yeux, ne cessait de la regarder. Légers et furtifs, les chacals suivaient la chasse...
Subitement, le léopard changea de tactique. En bonds obliques, il tourna autour des fugitives et se trouva devant Amhao. Saisie d’un découragement glacial, elle pensa que les Vies Cachées guidaient le fauve et demeura immobile. Il flaira cette épouvante, il arriva en foudre...
Glâva l’avait précédé.
La pierre fila et frappa la bête aux naseaux. Avec un hurlement de douleur et de fureur, elle recula jusqu’au fleuve... Les chacals miaulèrent, étonnés ; on voyait partout surgir leurs pelages cuivrés et leurs oreilles pointues ; ils étaient faibles, lâches et angoissants.
– Le léopard reviendra ! dit Amhao.
Glâva, qui avait repris la pierre, dispersa d’un geste trois chacals aux prunelles

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