Fêtes et coutumes populaires
136 pages
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Description

Charles Le Goffic (1863-1932)



"Les fêtes et les coutumes populaires !


L’admirable matière, mais si vaste ! Une vie ne suffirait pas à la traiter. Comment donc la faire tenir en quelques pages ? Mais on ne s’est proposé ici que d’effleurer le sujet et l’on a choisi, parmi les fêtes populaires, les plus connues et les plus anciennes.


Ce ne sont pas toujours les moins curieuses, ni – bien qu’elles n’aient pour la plupart rien d’officiel – celles que le peuple chôme avec le moins de plaisir. Il ne les chôme pas toujours dans un esprit très orthodoxe ; il lui arrive même d’avoir complètement oublié le sens du rite héréditaire auquel il se plie et on l’étonnerait fort en lui révélant que les boudins de Noël, par exemple, sont un souvenir du sanglier que les Celtes sacrifiaient, au solstice d’hiver, en l’honneur de Bélénus, le dieu solaire. La plupart de nos coutumes populaires sont ainsi de très lointaines survivances ; en nous penchant un peu, nous discernerions sous chacune d’elles toute une cosmogonie primitive ; nous reconnaîtrions le travail profond des vieilles imaginations aryennes, leur essai d’une explication naturiste de l’univers.


Et peut-être que la vertu secrète de ces coutumes est là : elles sont aussi anciennes que la race ; elles se sont chargées en route de sens nouveaux et parfois contradictoires ; elles ont emprunté sans compter aux diverses cultures, celtique, latine, catholique, qui ont fait l’âme nationale. Mais cette plasticité même, cette souplesse à s’adapter à nos divers états de civilisation, n’est-elle pas la meilleure preuve de leur vitalité ?


Avant de sourire d’elles, tâchons d’abord de les comprendre. Qui les aura comprises ne tardera pas à les aimer."

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782374635279
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fêtes et coutumes populaires Charles Le Goffic Novembre 2019
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-527-9
Couverture : pastel de STEPH' lagibeciereamots@sfr.fr N° 527
Introduction
À ma petite Hervine
Les fêtes et les coutumes populaires ! L’admirable matière, mais si vaste ! Une vie ne suffirait pas à la traiter. Comment donc la faire tenir en quelques pages ? Mais on ne s’est proposé ici que d’effleurer le sujet et l’on a choisi, parmi les fêtes populaires, les plus connues et les plus anciennes. Ce ne sont pas toujours les moins curieuses, ni – b ien qu’elles n’aient pour la plupart rien d’officiel – celles que le peuple chôme avec le moins de plaisir. Il ne les chôme pas toujours dans un esprit très orthodoxe ; il lui arrive même d’avo ir complètement oublié le sens du rite héréditaire auquel il se plie et on l’étonnerait fo rt en lui révélant que les boudins de Noël, par exemple, sont un souvenir du sanglier que les Celtes sacrifiaient, au solstice d’hiver, en l’honneur de Bélénus, le dieu solaire. La plupart de nos cout umes populaires sont ainsi de très lointaines survivances ; en nous penchant un peu, nous discern erions sous chacune d’elles toute une cosmogonie primitive ; nous reconnaîtrions le travail profond des vieilles imaginations aryennes, leur essai d’une explication naturiste de l’univers. Et peut-être que la vertu secrète de ces coutumes est là : elles sont aussi anciennes que la race ; elles se sont chargées en route de sens nouveaux et parfois contradictoires ; elles ont emprunté sans compter aux diverses cultures, celtique, latine, catholique, qui ont fait l’âme nationale. Mais cette plasticité même, cette souplesse à s’adapter à nos divers états de civilisation, n’est-elle pas la meilleure preuve de leur vitalité ? Avant de sourire d’elles, tâchons d’abord de les comprendre. Qui les aura comprises ne tardera pas à les aimer. CH. LE G.
Les Fêtes patronales
Chaque corps de métier avait autrefois son patron spécial dont il célébrait la fête à certains jours de l’année. Le choix de ces patrons n’avait p as été laissé au hasard. S’il est vrai que quelques corps de métiers, afin de mieux honorer leur fondateur ou leur chef, se mirent sous le patronage du bienheureux dont il portait le nom, il est plus juste de dire que la vie même des bienheureux dont on avait fait choix avait servi dans la plupart des cas à les désigner aux fidèles. C’est ce qui explique que saint Hubert, lequel était un grand veneur d’Aquitaine, soit devenu le patron des chasseurs, et que saint Yves, qui fut avocat et ne vola jamais ses clients, comme l’affirme le dicton populaire : Sanctus Yvo erat Brito, Advocatus et non latro, soit devenu celui des gens de justice. Sainte Cécile n’avait pas moins de titres pour devenir la patronne des musiciens. Les actes de cette bienheur euse, qui mourut vierge et martyre, nous disent qu’elle « unissait souvent le son des instru ments à sa voix pour chanter les louanges de Dieu ». Le ciel s’en mêlait et il arrivait que, pris d’émulation, des anges, comme dans le tableau de Gérard Seghers, l’accompagnaient sur la flûte et le psaltérion. Cette céleste musique lui fit cortège jusqu’à la mort. Dans sa prison, et, plus tard, dans l’arène où elle avait été jetée aux bêtes fauves, on prétend que ses bourreaux, émerveillés, entendaient frémir autour d’elle des lyres invisibles. Peut-on s’étonner après cela que les musiciens l’aient prise pour patronne ? Sa fête est célébrée chaque année par des cantates et des concerts orphéoniques où rivalisent les plus renommés des artistes. C’est que sainte Cécile est restée avec saint Hubert, saint Crépin, sainte Barbe, saint Éloi, saint Yves et saint Fiacr e, la plus populaire des patronnes de corporations. Encore, pour saint Fiacre, est-il assez malaisé d’expliquer que les bonnetiers et les jardiniers lui aient voué un culte si fervent. On dit bien que Fiacre était fils d’un roi d’Écosse et que c’est d’Écosse que sont venus les premiers ouvrages de bonneterie faits au tricot. Il y a loin de là pourtant à conclure qu’il en fabriqua lui-même ; et, s’il est vrai aussi que, venu en France vers l’an 650, il bâtit un hospice près de Meaux, dans un village qui porte encore son nom, rien ne prouve qu’il s’y soit livré au jardinage. Sait-on, d’ailleurs, pourquoi saint Arnould est le patron des brasseurs, saint Odon le patron des fripiers, saint Roch le patron des plafonneurs, saint Maurice le patron des teinturiers, saint Paul le patron des cordiers, saint Antoine le patron des vanniers, saint Sylvestre le patron des sauniers et saint Jean le patron des compositeurs typographes ? Il ne faut voir là, sans doute, qu’une marque de la dévotion particulière des premiers fondateurs de la corporation à ces bienheureux. On ne s’expliquerait pas autrement que saint Médard, par exemple, lequel fut évêque de Noyon sous Childéric et, durant les longues années de son épiscopat, posséda le don de guérir, d’un simple attouchement, ses ouailles qui souffraient de névralgies, ait été choisi comme patron par les marchands de parapluies et non par les dentistes. On s’explique mieux en revanche pourquoi sainte Cat herine est devenue la patronne des vieilles filles. Il paraît qu’autrefois, dans quelques provinces, quand une jeune fille se mariait, l’usage était de confier à une de ses amies le soin d’arranger la coiffure nuptiale. Ce service devait lui porter bonheur et elle ne pouvait manquer de se marier à son tour dans le courant de l’année. L’expressioncoiffer sainte Catherineserait donc une simple ironie. Cette sainte étant morte célibataire et n’ayant jamais eu besoin qu’on lui rendît pareil service,coiffer sainte Catherineéquivalait, pour une fille mûre, à un brevet de célibat. Il est vrai d’ajouter qu’à côté de sainte Catherine les demoiselles désireuses de se marier trouvent dans sainte Agnès une patronne plus complaisante. La fête de cette sainte tombe le 21 janvier. Or, si la légende dit vrai, les jeunes filles qui invoquent la sainte d’un cœur fervent vo ient en rêve, dans la nuit du 20 au 21, l’époux que le ciel leur destine. À Rome, la Sainte-Agnès est célébrée avec un éclat extraordinaire. C’est
ce jour-là que les chanoines de Saint-Jean-de-Latran se réunissent pour porter au Souverain Pontife deux agneaux blancs dont la laine doit servir à confectionner lepalliumque le pape, en certaines circonstances, offre aux archevêques et aux évêques dont il veut récompenser les mérites sacerdotaux. Lepalliumse compose d’une bande de laine blanche, large d’environ deux centimètres et garnie de pendants terminés par de petites croix noires qui retombent tout autour des épaules. Innocent III, dans un de ses brefs, no us apprend « que la laine dont est fait cet ornement est l’emblème de la sévérité ; la couleur blanche celle de la douceur. Lepalliumforme un cercle autour des épaules pour marquer la crainte de Dieu. Les deux bandes placées en avant et en arrière signifient la vie active et la vie contemplative qu’un dignitaire de l’Église doit savoir concilier ». On retrouverait difficilement ce haut symbolisme dans les fêtes populaires qui se célèbrent aujourd’hui encore, sur la terre de France, en l’ho nneur des patrons de corps de métiers. Les choses s’y passent plus simplement. C’est ainsi que, pour la fête de saint Joseph, qui est le patron des charpentiers, les membres de la corporation ass istent, le matin, à une messe chantée et s’assemblent ensuite dans un grand banquet, que terminent des chansons et des rondes. D’autres corporations accrochent à la devanture de leurs ateliers ou de leur boutiques un rameau de sapin fleuri ; quelques-unes enfin se livrent à des manif estations publiques et parcourent la ville, précédées de tambours et de fifres et conduites par quelque compagnon de haute stature qui brandit une canne enrubannée. Il faut bien reconnaître d’ailleurs que l’intérêt et l’éclat de ces fêtes ont singulièrement décru depuis la Révolution. À l’époque où tous les corps de métiers étaient constitués en jurandes et en maîtrises, la solidarité était bien plus grande entre les maîtres, les compagnons et les apprentis. La piété était aussi plus vive. Chaque corporation for mait une confrérie qui avait son autel et quelquefois son église particulière, qu’elle mettai t son honneur à décorer luxueusement. Administrée par un comité de maîtres appeléssyndics,prud’hommeso ugarde-métiers, chacune de ces confréries était placée sous le vocable d’un saint ou d’un attribut religieux choisi par elle : ainsi les cordonniers et les savetiers formaient laConfrérie Saint-Crépin et Saint-Crépinien ;les maréchaux ferrants, les taillandiers, les serruriers, les arquebusiers, les couteliers, les éperonniers, les cloutiers, les fourbisseurs, les selliers et le s bourreliers, laConfrérie Saint-Éloi ; les menuisiers, les tourneurs, les charrons, les charpentiers et les sculpteurs, laConfrérie Saint-Josepho ude Sainte-Croix ;capitaines de navires, les marins, calfats, vo  les iliers, étaminiers, cordiers, laConfrérie du Sacre. Nous avons sur ces fêtes que célébraient les confréries en l’honneur de leurs saints patrons les détails les plus circonstanciés. Pour prendre un exemple dans l’histoire d’une petite ville qui a gardé à travers les âges sa physionomie curieuse d’ autrefois, nous voyons par le cartulaire communal de Joseph Daumesnil, ancien maire et prieu r-consul, ce qui se passait à Morlaix lors des fêtes de corporations. Les tailleurs faisaient chanter une grand’messe à Notre-Dame-du-Mur. Au moment de l’offertoire, le père abbé de la confr érie présentait un mouton blanc qui était ensuite conduit à l’hospice par tous les membres de la confrérie et donné en présent aux malades. Les bouchers célébraient leur fête les premiers jou rs de l’Avent. Après la cérémonie religieuse, on promenait dans les principales rues un bœuf qu’e scortaient tous les membres de la corporation, bras nus et la hache sur l’épaule. Le cortège s’arrêtait aux carrefours et sur les places pour y faire le simulacre d’abattre l’animal ; pendant ce temps deux ou trois confrères faisaient la quête dont le produit était employé dans un festin. À Limoges, à Dieppe, à Lannion et dans quelques autres villes de France, certaines de ces fêtes se sont perpétuées jusqu’à nos jours et les corps d e métiers (bouchers, ivoiriers, tailleurs de pierres, etc.) continuent à chômer l’anniversaire de leurs saints patrons. Saint Luc est celui des ivoiriers dieppois. À l’occasion de sa fête, qui échet le 18 octobre, les ivoiriers entendent une messe en musique et promènent par les rues leur ban nière corporative, un beau rectangle de velours grenat frappé d’ancres aux quatre coins, avec un blason symbolique au milieu : l’éléphant d’Afrique tout d’or sur champ d’azur. Et, dans le b anquet qui clôture la fête, on chante la M arseillaise des ivoiriers, paroles et musique de M. Bray, ex-ivoirier à Dieppe, présentement organiste au Tréport :
Dans l’art de buriner l’ivoire, Dieppe a conquis le premier rang. Nous voulons conserver sa gloire À ce vieux rivage normand : Parfois bien faible est le salaire. Qu’importe au talent créateur ? De Graillon(1)la vie exemplaire Guidera toujours le sculpteur. Refrain : Et vaillamment nous bravons la misère, Aussi fiers que des rois, En travaillant sous la noble bannière Des ivoiriers dieppois ! Il ne faudrait pas remonter très loin pour trouver, à Paris même, des fêtes patronales et corporatives du plus aimable coloris. Telle la Saint-Crépin, décrite en 1851 dansLa Liberté de Penséepar un rédacteur qui signaitPierre Vinçart, ouvrier. Que de changements en un demi-siècle ! Il apparaît bien, à lire Vinçart, que ces ouvriers de 1848 étaient des hommes d’un autre âge dont se gaud iraient nos syndicalistes d’aujourd’hui. Leur socialisme avait je ne sais quoi de naïf et de cordial. Les « compagnons » partaient des différents quartiers de Paris le matin du 25 octobre et se dirigeaient vers Montmartre. Quoique réuni à la capitale, Montmartre, au point de vue co rporatif, formait encore un district autonome, avec sacayenne(sorte de siège social), sonpèreet samèredes compagnons. Lamèreet lepère de Paris prenaient la tête du défilé ; derrière eux venait la musique, puis « les autorités municipales », enfin les compagnons eux-mêmes, des fleurs à la boutonnière et des flots de rubans à leurs cannes. Le cortège ainsi formé gagna itpedetentiml’église paroissiale de Montmartre et y pénétrait en grand arroi, après avo ir exécuté devant le portail toutes les cérémonies du « devoir » corporatif, telles qu’évolutions, hurlements, marches, etc., en un mot la guillebretteentière, qui était le nom générique donné aux cérémonies du compagnonnage. « Dans l’église, dit Pierre Vinçart, le pain bénit est surmonté de l’effigie de saint Crépin ; l’ancien évêque de Soissons est habillé en empereur du Bas-Empire et tient à la main une grande botte à revers. À la sortie de la messe, les compagnons réitèrent leurs cérémonies et, se remettant en ordre, ils vont à la barrière des Martyrs, chez le restaurateur ayant pour enseigne :Au rendez-vous des Princes. Ils y font un splendide repas. Deux femmes seulem ent sont admises à ce banquet : ce sont lesmèresde Paris et de Montmartre qui, pendant la durée de cette fête, se traitent mutuellement desœursur sujet,. De nombreuses chansons, ayant le compagnonnage po sont chantées à la fin du dîner, où personne autre que des compagnons ne peut assister. » L’auteur en vogue dans le peuple, et particulièrement chez les cordonniers, était alors Savinien Lapointe, lui-même cordonnier et que la muse visita it à ses heures. Rendons cette justice à Lapointe que, si ses vers sont pleins d’une ardente flamme démocratique, il n’y fait jamais appel qu’aux plus nobles sentiments. Le prolétariat répét ait à l’envi ses fameuses strophes surle Travailet c’était elles qu’on chantait de préférence au banquet de la Saint-Crépin. L’indépendance, amis, du travail est la fille ; Or, qui ne fait rien rampe ou mendie ou se vend ; À nos rameaux, ce n’est qu’une affreuse chenille Qui roule sous les pieds au premier coup de vent. Soyons justes, pour être en paix avec notre âme.
Soyons forts : l’homme fort est généreux toujours, Et nos membres hâlés que le travail réclame, Travailleurs, sèmeront pour de prochains beaux jours... Au banquet de 1851, ce même Savinien Lapointe était assis à la droite de lam è rede Montmartre. Les compagnons lui avaient décerné cet honneur, quoique Savinien, un peu grisé par le succès, n’eût pas imité la sagesse de Reboul et de Jasmin, autres poètes ouvriers. Tandis que Reboul demeurait boulanger et Jasmin perruquier, l’auteur d’Une voix d’en baset desÉchos de la rueavait déserté l’empeigne et le tranchet. C’était un « rouge », un « pur », comme on disait en ce temps-là. Candidat à l’Assemblée nationale, i l n’avait échoué que de quelques voix. Sa réputation, chez les cordonniers, n’était balancée que par celle de Martin et du père André. Martin, lui aussi, était chansonnier et cordonnier tout ensemble ; mais ses chansons étaient en argot ; il avait un « talent d’observation » très remarquable, qu’il gâtait un peu, suivant Vinçart, par la crudité voulue de ses expressions. Quant au père André, il était simplement cordonnier, et, en cette qualité, il ne fabriquait même que des chaussures d’hommes ; ce qui lui avait valu sa réputation, c’était l’extraordinaire rapidité avec laquelle il les fabriquait. Il avait fait une fois le pari d’exécuter en un jour un trajet de douze lieues, en s’arrêtant à chaque lieue pour y fabriquer une paire de chaussons. Et non seulement il gagna son pari, mais il figura le soir même dans un théâtre de société, où il jouait un rôle de vaudeville. Il n’y avait pas de bonnes fêtes corporatives sans Martin et le père André. Respectueux de l’antique proverbe : Aux saints Crépin et Crépinien Un bon cordonnier ne fait rien, ils chômaient, ce jour-là, avec toute la corporatio n, se rendaient avec elle à Montmartre et y banquetaient à la place d’honneur. Et c’étaient eux encore qui, le soir, à Valentino ou à la salle Montesquieu, ouvraient le bal avec lesmèresdes compagnons. Dès cet époque pourtant on pouvait noter la tendanc e fâcheuse de quelques ouvriers à s’abstenir des réjouissances compagnonniques. On appelait « neutres » ces indépendants. Ils ne paraissaient point à la fête patronale et préféraient la célébrer à trois ou quatre dans les petits cabarets des environs de Paris. La partie de piquet remplaçait pour eux les splendeurs de Valentino ou duRendez-vous des Princes. Peu à peu le nombre des « neutres » augmenta. Au socialisme enfantin des premiers jours avait succédé chez les ouvriers une conception plus scientifique et, il faut bien le dire, moins génére use aussi des intérêts et de l’avenir du prolétariat : le syndicalisme n’était pas né encore , mais déjà on ne se satisfaisait plus des anciennes corporations. Celles-ci, du reste, tendai ent à réduire au strict minimum la partie religieuse de leurs solennités : ce qui avait été l’élément essentiel de la fête n’en était plus que l’accessoire. On finit, dans certains corps de métier, par oublier jusqu’au nom du saint qu’on chômait. Cette sécularisation progressive d’une institution toute religieuse à l’origine ne laisse pas d’inspirer d’assez vifs regrets aux amis du pittoresque. Les fêtes patronales avaient eu leur âge d’or sous la féodalité. C’était le temps où, pour parler comme le bon Raoul Glaber, la France semblait toute fleurie d’une robe blanche de miracles. La multiplicité des saints intercesseurs qui imploraient pour elle auprès de Dieu déconcerte les efforts des plus laborieux hagiographes : ils sont trop ! Mais, à ces époques de foi ardente, nul ne s’étonnait que les bienheureux du ciel condescendissent à se faire les commissionnaires des fidèles, et non seulement à soulager les maux de leurs clients, mais encore à épouser leurs intérêts domestiques et commerciaux. Chaque saint possédait sa spécialité, sonarouez, comme on dit en Bretagne : saint Éloi, par exemple, était couramment invoqué pour les chevaux ; à Kerfourn, à Louargat, à Guiscriff, etc., les fermiers bretons lui font encore visite chaque année, montés sur leurs bêtes auxquelles ils coupent un paquet de crins qu’ils offrent au bienheureux, le produit de la vente de ces paquets de...
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