De la Terre a la Lune
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Description

pubOne.info thank you for your continued support and wish to present you this new edition. Pendant la guerre federale des Etats-Unis, un nouveau club tres influent s'etablit dans la ville de Baltimore, en plein Maryland. On sait avec quelle energie l'instinct militaire se developpa chez ce peuple d'armateurs, de marchands et de mecaniciens. De simples negociants enjamberent leur comptoir pour s'improviser capitaines, colonels, generaux, sans avoir passe par les ecoles d'application de West-Point [Ecole militaire des Etats-Unis.]; ils egalerent bientot dans L'art de la guerre leurs collegues du vieux continent, et comme eux ils remporterent des victoires a force de prodiguer les boulets, les millions et les hommes.

Informations

Publié par
Date de parution 23 octobre 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819919391
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

I - LE GUN-CLUB
Pendant la guerre fédérale des États-Unis, unnouveau club très influent s'établit dans la ville de Baltimore, enplein Maryland. On sait avec quelle énergie l'instinct militaire sedéveloppa chez ce peuple d'armateurs, de marchands et demécaniciens. De simples négociants enjambèrent leur comptoir pours'improviser capitaines, colonels, généraux, sans avoir passé parles écoles d'application de West-Point [École militaire desÉtats-Unis.] ; ils égalèrent bientôt dans « L'art de laguerre » leurs collègues du vieux continent, et comme eux ilsremportèrent des victoires à force de prodiguer les boulets, lesmillions et les hommes.
Mais en quoi les Américains surpassèrentsingulièrement les Européens, ce fut dans la science de labalistique. Non que leurs armes atteignissent un plus haut degré deperfection, mais elles offrirent des dimensions inusitées, eteurent par conséquent des portées inconnues jusqu'alors. En fait detirs rasants, plongeants ou de plein fouet, de feux d'écharpe,d'enfilade ou de revers, les Anglais, les Français, les Prussiens,n'ont plus rien à apprendre; mais leurs canons, leurs obusiers,leurs mortiers ne sont que des pistolets de poche auprès desformidables engins de l'artillerie américaine.
Ceci ne doit étonner personne. Les Yankees, cespremiers mécaniciens du monde, sont ingénieurs, comme les Italienssont musiciens et les Allemands métaphysiciens, - de naissance.Rien de plus naturel, dès lors, que de les voir apporter dans lascience de la balistique leur audacieuse ingéniosité. De là cescanons gigantesques, beaucoup moins utiles que les machines àcoudre, mais aussi étonnants et encore plus admirés. On connaît ence genre les merveilles de Parrott, de Dahlgreen, de Rodman. LesArmstrong, les Pallisser et les Treuille de Beaulieu n'eurent plusqu'à s'incliner devant leurs rivaux d'outre-mer.
Donc, pendant cette terrible lutte des Nordistes etdes Sudistes, les artilleurs tinrent le haut du pavé; les journauxde l'Union célébraient leurs inventions avec enthousiasme, et iln'était si mince marchand, si naïf « booby » [Badaud.] , qui ne se cassât jour et nuit la tête àcalculer des trajectoires insensées.
Or, quand un Américain a une idée, il cherche unsecond Américain qui la partage. Sont-ils trois, ils élisent unprésident et deux secrétaires. Quatre, ils nomment un archiviste,et le bureau fonctionne. Cinq, ils se convoquent en assembléegénérale, et le club est constitué. Ainsi arriva-t-il à Baltimore.Le premier qui inventa un nouveau canon s'associa avec le premierqui le fondit et le premier qui le fora. Tel fut le noyau duGun-Club [Littéralement « Club-Canon ».] . Un moisaprès sa formation, il comptait dix-huit cent trente-trois membreseffectifs et trente mille cinq cent soixante-quinze membrescorrespondants.
Une condition sine qua non était imposée àtoute personne qui voulait entrer dans l'association, la conditiond'avoir imaginé ou, tout au moins, perfectionné un canon; à défautde canon, une arme feu quelconque. Mais, pour tout dire, lesinventeurs de revolvers quinze coups, de carabines pivotantes ou desabres-pistolets ne jouissaient pas d'une grande considération. Lesartilleurs les primaient en toute circonstance.
« L'estime qu'ils obtiennent, dit un jour un desplus savants orateurs du Gun-Club, est proportionnelle « aux masses» de leur canon, et « en raison directe du carré des distances »atteintes par leurs projectiles !
Un peu plus, c'était la loi de Newton sur lagravitation universelle transportée dans l'ordre moral.
Le Gun-Club fondé, on se figure aisément ce queproduisit en ce genre le génie inventif des Américains. Les enginsde guerre prirent des proportions colossales, et les projectilesallèrent, au-delà des limites permises, couper en deux lespromeneurs inoffensifs. Toutes ces inventions laissèrent loinderrière elles les timides instruments de l'artillerie européenne.Qu'on en juge par les chiffres suivants.
Jadis, « au bon temps », un boulet de trente-six, àune distance de trois cents pieds, traversait trente-six chevauxpris de flanc et soixante-huit hommes. C'était l'enfance de l'art.Depuis lors, les projectiles ont fait du chemin. Le canon Rodman,qui portait à sept milles [Le mille vaut 1609 mètres 31centimètres. Cela fait donc près de trois lieues.] unboulet pesant une demi-tonne [Cinq centskilogrammes.] aurait facilement renversé cent cinquantechevaux et trois cents hommes. Il fut même question au Gun-Clubd'en faire une épreuve solennelle. Mais, si les chevauxconsentirent à tenter l'expérience, les hommes firentmalheureusement défaut.
Quoi qu'il en soit, l'effet de ces canons était trèsmeurtrier, et chaque décharge les combattants tombaient comme desépis sous la faux. Que signifiaient, auprès de tels projectiles, cefameux boulet qui, Coutras, en 1587, mit vingt-cinq hommes hors decombat, et cet autre qui, à Zorndoff, en 1758, tua quarantefantassins, et, en 1742, ce canon autrichien de Kesselsdorf, dontchaque coup jetait soixante-dix ennemis par terre ? Qu'étaientces feux surprenants d'Iéna ou d'Austerlitz qui décidaient du sortde la bataille ? On en avait vu bien d'autres pendant laguerre fédérale ! Au combat de Gettysburg, un projectileconique lancé par un canon rayé atteignit cent soixante-treizeconfédérés; et, au passage du Potomac, un boulet Rodman envoya deuxcent quinze Sudistes dans un monde évidemment meilleur. Il fautmentionner également un mortier formidable inventé par J.-T.Maston, membre distingué et secrétaire perpétuel du Gun-Club, dontle résultat fut bien autrement meurtrier, puisque, son coupd'essai, il tua trois cent trente-sept personnes, - en éclatant, ilest vrai !
Qu'ajouter à ces nombres si éloquents pareux-mêmes ? Rien. Aussi admettra-t-on sans conteste le calculsuivant, obtenu par le statisticien Pitcairn: en divisant le nombredes victimes tombées sous les boulets par celui des membres duGun-Club, il trouva que chacun de ceux-ci avait tué pour son compteune « moyenne » de deux mille trois cent soixante-quinze hommes etune fraction.
A considérer un pareil chiffre, il est évident quel'unique préoccupation de cette société savante fut la destructionde l'humanité dans un but philanthropique, et le perfectionnementdes armes de guerre, considérées comme instruments decivilisation.
C'était une réunion d'Anges Exterminateurs, audemeurant les meilleurs fils du monde.
Il faut ajouter que ces Yankees, braves à touteépreuve, ne s'en tinrent pas seulement aux formules et qu'ilspayèrent de leur personne. On comptait parmi eux des officiers detout grade, lieutenants ou généraux, des militaires de tout âge,ceux qui débutaient dans la carrière des armes et ceux quivieillissaient sur leur affût. Beaucoup restèrent sur le champ debataille dont les noms figuraient au livre d'honneur du Gun-Club,et de ceux qui revinrent la plupart portaient les marques de leurindiscutable intrépidité. Béquilles, jambes de bois, brasarticulés, mains à crochets, mâchoires en caoutchouc, crânes enargent, nez en platine, rien ne manquait à la collection, et lesusdit Pitcairn calcula également que, dans le Gun-Club, il n'yavait pas tout à fait un bras pour quatre personnes, et seulementdeux jambes pour six.
Mais ces vaillants artilleurs n'y regardaient pas desi près, et ils se sentaient fiers à bon droit, quand le bulletind'une bataille relevait un nombre de victimes décuple de laquantité de projectiles dépensés.
Un jour, pourtant, triste et lamentable jour, lapaix fut signée par les survivants de la guerre, les détonationscessèrent peu à peu, les mortiers se turent, les obusiers museléspour longtemps et les canons, la tête basse, rentrèrent auxarsenaux, les boulets s'empilèrent dans les parcs, les souvenirssanglants s'effacèrent, les cotonniers poussèrent magnifiquementsur les champs largement engraissés, les vêtements de deuilachevèrent de s'user avec les douleurs, et le Gun-Club demeuraplongé dans un désoeuvrement profond.
Certains piocheurs, des travailleurs acharnés, selivraient bien encore à des calculs de balistique; ils rêvaienttoujours de bombes gigantesques et d'obus incomparables. Mais, sansla pratique, pourquoi ces vaines théories ? Aussi les sallesdevenaient désertes, les domestiques dormaient dans lesantichambres, les journaux moisissaient sur les tables, les coinsobscurs retentissaient de ronflements tristes, et les membres duGun-Club, jadis si bruyants, maintenant réduits au silence par unepaix désastreuse, s'endormaient dans les rêveries de l'artillerieplatonique !
« C'est désolant, dit un soir le brave Tom Hunter,pendant que ses jambes de bois se carbonisaient dans la cheminée dufumoir. Rien faire ! rien à espérer ! Quelle existencefastidieuse ! Où est le temps où le canon vous réveillaitchaque matin par ses joyeuses détonations ?
- Ce temps-là n'est plus, répondit le fringantBilsby, en cherchant se détirer les bras qui lui manquaient.C'était un plaisir alors ! On inventait son obusier, et, àpeine fondu, on courait l'essayer devant l'ennemi; puis on rentraitau camp avec un encouragement de Sherman ou une poignée de main deMacClellan ! Mais, aujourd'hui, les généraux sont retournés àleur comptoir, et, au lieu de projectiles, ils expédientd'inoffensives balles de coton ! Ah ! par sainteBarbe ! l'avenir de l'artillerie est perdu enAmérique !
- Oui, Bilsby, s'écria le colonel Blomsberry, voilàde cruelles déceptions ! Un jour on quitte ses habitudestranquilles, on s'exerce au maniement des armes, on abandonneBaltimore pour les champs de bataille, on se conduit en héros, et,deux ans, trois ans plus tard, il faut perdre le fruit de tant defatigues, s'endormir dans une déplorable oisiveté et fourrer sesmains dans ses poches.
Quoi qu'il pût dire, le vaillant colonel eût étéfort empêché de donner une pareille marque de son désoeuvrement, etcependant, ce n'étaient pas les poches qui lui manquaient.
« Et nulle guerre en perspective ! dit alors lefameux J.-T. Maston, en grattant de son crochet de fer son crâne engutta-percha. Pas un nuage à l'hor

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