Contes
146 pages
Français

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Description

C’est à la fin de sa vie qu’Alfred de Musset a écrit ces contes où l’on croise la jolie grisette Mimi Pinson, un artiste incompris (« Histoire d’un merle blanc »). Dans ces récits où la nostalgie se mêle à l’émerveillement, on retrouve tout l’art d’Alfred de Musset pour analyser les sentiments tout en finesse.
Ce recueil rassemble une série de contes publiés entre 1842 et 1853 : « Histoire d’un merle blanc », « Pierre et Camille », « Le Secret de Javotte », « Mimi Pinson », « La Mouche »…

Informations

Publié par
Date de parution 17 avril 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782363153425
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0002€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Contes
Alfred de Musset
ISBN 978-2-36315-365-4

Septembre 2014
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et in dits pour un nouveau plaisir de lire.

Table des mati res

HISTOIRE D'UN MERLE BLANC
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
PIERRE ET CAMILLE
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
LE SECRET DE JAVOTTE
I
II
III
IV
V
MIMI PINSON
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
LA MOUCHE
I
II
III
IV
V
VI
Crédits
Biographie
Dans la m me collection
HISTOIRE D'UN MERLE BLANC


Publié pour la première fois dans la Scènes de la vie privée des animaux en 1842.
I

Qu'il est glorieux, mais qu'il est pénible d'être en ce monde un merle exceptionnel ! Je ne suis point un oiseau fabuleux, et M. de Buffon m'a décrit. Mais, hélas ! je suis extrêmement rare et très difficile à trouver. Plût au ciel que je fusse tout à fait impossible !
Mon père et ma mère étaient deux bonnes gens qui vivaient, depuis nombre d'années, au fond d'un vieux jardin retiré du Marais. C'était un ménage exemplaire. Pendant que ma mère, assise dans un buisson fourré, pondait régulièrement trois fois par an, et couvait, tout en sommeillant, avec une religion patriarcale, mon père, encore fort propre et fort pétulant, malgré son grand âge, picorait autour d'elle toute la journée, lui apportant de beaux insectes qu'il saisissait délicatement par le bout de la queue pour ne pas dégoûter sa femme, et, la nuit venue, il ne manquait jamais, quand il faisait beau, de la régaler d'une chanson qui réjouissait tout le voisinage. Jamais une querelle, jamais le moindre nuage n'avait troublé cette douce union.
À peine fus-je venu au monde, que, pour là première fois de sa vie, mon père commença à montrer de la mauvaise humeur. Bien que je ne fusse encore que d'un gris douteux, il ne reconnaissait en moi ni la couleur, ni la tournure de sa nombreuse postérité.
« Voilà un sale enfant, disait-il quelquefois en me regardant de travers ; il faut que ce gamin-là aille apparemment se fourrer dans tous les plâtras et tous les tas de boue qu'il rencontre, pour être toujours si laid et si crotté.
– Eh, mon Dieu ! mon ami, répondait ma mère, toujours roulée en boule dans une vieille écuelle dont elle avait fait son nid, ne voyez-vous pas que c'est de son âge ? Et vous-même, dans votre jeune temps, n'avez-vous pas été un charmant vaurien ? Laissez grandir notre merlichon, et vous verrez comme il sera beau ; il est des mieux que j'aie pondus. »
Tout en prenant ainsi ma défense, ma mère ne s'y trompait pas ; elle voyait pousser mon fatal plumage, qui lui semblait une monstruosité ; mais elle faisait comme toutes les mères qui s'attachent souvent à leurs enfants par cela même qu'ils sont maltraités de la nature, comme si la faute en était à elles, ou comme si elles repoussaient d'avance l'injustice du sort qui doit les frapper.
Quand vint le temps de ma première mue, mon père devint tout à fait pensif et me considéra attentivement. Tant que mes plumes tombèrent, il me traita encore avec assez de bonté et me donna même la pâtée, me voyant grelotter presque nu dans un coin ; mais dès que mes pauvres ailerons transis commencèrent à se recouvrir de duvet, à chaque plume blanche qu'il vit paraître, il entra dans une telle colère, que je craignis qu'il ne me plumât pour le reste de mes jours ! Hélas ! je n'avais pas de miroir ; j'ignorais le sujet de cette fureur, et je me demandais pourquoi le meilleur des pères se montrait pour moi si barbare.
Un jour qu'un rayon de soleil et ma fourrure naissante m'avaient mis, malgré moi, le cœur en joie, comme je voltigeais dans une allée, je me mis, pour mon malheur, à chanter. À la première note qu'il entendit, mon père sauta en l'air comme une fusée.
« Qu'est-ce que j'entends-là ? s'écria-t-il ; est-ce ainsi qu'un merle siffle ? est-ce ainsi que je siffle ? est-ce là siffler ? »
Et, s'abattant près de ma mère avec la contenance la plus terrible :
« Malheureuse ! dit-il, qui est-ce qui a pondu dans ton nid ? »
À ces mots, ma mère indignée s'élança de son écuelle, non sans se faire du mal à une patte ; elle voulut parler, mais ses sanglots la suffoquaient, elle tomba à terre à demi pâmée. Je la vis près d'expirer ; épouvanté et tremblant de peur, je me jetai aux genoux de mon père.
« Ô mon père ! lui dis-je, si je siffle de travers, et si je suis mal vêtu, que ma mère n'en soit point punie ! Est-ce sa faute si la nature m'a refusé une voix comme la vôtre ? Est-ce sa faute si je n'ai pas votre beau bec jaune et votre bel habit noir à la française, qui vous donnent l'air d'un marguillier en train d'avaler une omelette ? Si le Ciel a fait de moi un monstre, et si quelqu'un doit en porter la peine, que je sois du moins le seul malheureux !
– Il ne s'agit pas de cela, dit mon père ; que signifie la manière absurde dont tu viens de te permettre de siffler ? qui t'a appris à siffler ainsi contre tous les usages et toutes les règles ?
– Hélas ! monsieur, répondis-je humblement, j'ai sifflé comme je pouvais, me sentant gai parce qu'il fait beau, et ayant peut-être mangé trop de mouches.
– On ne siffle pas ainsi dans ma famille, reprit mon père hors de lui. Il y a des siècles que nous sifflons de père en fils, et, lorsque je fais entendre ma voix la nuit, apprends qu'il y a ici, au premier étage, un vieux monsieur, et au grenier une jeune grisette, qui ouvrent leurs fenêtres pour m'entendre. N'est-ce pas assez que j'aie devant les yeux l'affreuse couleur de tes sottes plumes qui te donnent l'air enfariné comme un paillasse de la foire ? Si je n'étais le plus pacifique des merles, je t'aurais déjà cent fois mis à nu, ni plus ni moins qu'un poulet de basse-cour prêt à être embroché.
– Eh bien ! m'écriai-je, révolté de l'injustice de mon père, s'il en est ainsi, monsieur, qu'à cela ne tienne ! je me déroberai à votre présence, je délivrerai vos regards de cette malheureuse queue blanche, par laquelle vous me tirez toute la journée. Je partirai, monsieur, je fuirai ; assez d'autres enfants consoleront votre vieillesse, puisque ma mère pond trois fois par an ; j'irai loin de vous cacher ma misère, et peut-être, ajoutai-je en sanglotant, peut-être trouverai-je, dans le potager du voisin ou sur les gouttières, quelques vers de terre ou quelques araignées pour soutenir ma triste existence.
– Comme tu voudras, répliqua mon père, loin de s'attendrir à ce discours ; que je ne te voie plus ! Tu n'es pas mon fils ; tu n'es pas un merle.
– Et que suis-je donc, monsieur, s'il vous plaît ?
– Je n'en sais rien, mais tu n'es pas un merle. » Après ces paroles foudroyantes, mon père s'éloigna à pas lents. Ma mère se releva tristement, et alla, en boitant, achever de pleurer dans son écuelle. Pour moi, confus et désolé, je pris mon vol du mieux que je pus, et j'allai, comme je l'avais annoncé, me percher sur la gouttière d'une maison voisine.
II

Mon père eut l'inhumanité de me laisser pendant plusieurs jours dans cette situation mortifiante. Malgré sa violence, il avait bon cœur, et, aux regards détournés qu'il me lançait, je voyais bien qu'il aurait voulu me pardonner et me rappeler ; ma mère, surtout, levait sans cesse vers moi des yeux pleins de tendresse, et se risquait même parfois à m'appeler d'un petit cri plaintif ; mais mon horrible plumage blanc leur inspirait, malgré eux, une répugnance et un effroi auxquels je vis bien qu'il n'y avait point de remède.
« Je ne suis point un merle ! me répétais-je ; » et, en effet, en m'épluchant le matin et en me mirant dans l'eau de la gouttière, je ne reconnaissais que trop clairement combien je ressemblais peu à ma famille. « Ô ciel ! répétais-je encore, apprends-moi donc ce que je suis ! »
Une certaine nuit qu'il pleuvait averse, j'allais m'endormir exténué de faim et de chagrin, lorsque je vis se poser près de moi un oiseau plus mouillé, plus pâle et plus maigre que je ne le croyais possible. I

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