Carnet d un inconnu (Stépantchikovo)
113 pages
Français

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Carnet d'un inconnu (Stépantchikovo) , livre ebook

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Description

Ce livre est plus connu sous le titre «Le bourg de Stépantchikovo et sa population».Par une lettre, le narrateur est invité à rejoindre son oncle de toute urgence dans le village de Stépantchikovo, où il devra épouser une jeune gouvernante qu'il n'a pourtant jamais vue. Rendu sur les lieux, il pense se trouver dans un asile de fous : l'entière maisonnée est soumise à la tyrannie imbécile d'un tartuffe de province, animé d'une haine inexpugnable envers le monde qui a fait de lui un raté.Ce roman porté par une belle énergie comique, celle de la farce ou du théâtre de marionnettes, fut écrit en 1859 par un auteur qui, après dix ans de bagne et de relégation, revenait dans la vie littéraire.

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 131
EAN13 9782820603036
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Carnet d'un inconnu (St pantchikovo)
F dor Mikha lovitch Dosto evski
1859
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0303-6
Partie 1
Chapitre 1 Introduction

Sa retraite prise, mon oncle, le colonel Yégor Ilitch Rostaniev,se retira dans le village de Stépantchikovo où il vécut en parfaithobereau. Contents de tout, certains caractères se font àtout ; tel était le colonel. On s’imaginerait difficilementhomme plus paisible, plus conciliant et, si quelqu’un se fût aviséde voyager sur son dos l’espace de deux verstes, sans doutel’eût-il obtenu. Il était bon à donner jusqu’à sa dernière chemisesur première réquisition.
Il était bâti en athlète, de haute taille et bien découplé, avecdes joues roses, des dents blanches comme l’ivoire, une longuemoustache d’un blond foncé, le rire bruyant, sonore et franc, ets’exprimait très vite, par phrases hachées. Marié jeune, il avaitaimé sa femme à la folie, mais elle était morte, laissant en soncœur un noble et ineffaçable souvenir. Enfin, ayant hérité duvillage de Stépantchikovo, ce qui haussait sa fortune à six centsâmes, il quitta le service et s’en fut vivre à la campagne avec sonfils de huit ans, Hucha, dont la naissance avait coûté la vie de samère, et sa fillette Sachenka, âgée de quinze ans, qui sortait d’unpensionnat de Moscou où on l’avait mise après ce malheur. Mais lamaison de mon oncle ne tarda pas à devenir une vraie arche de Noé.Voici comment.
Au moment où il prenait sa retraite après son héritage, sa mère,la générale Krakhotkine, perdit son second mari, épousé quelqueseize ans plus tôt, alors que mon oncle, encore simple cornette,pensait déjà à se marier.
Longtemps elle refusait son consentement à ce mariage, versantd’abondantes larmes, accusant mon oncle d’égoïsme, d’ingratitude,d’irrespect. Elle arguait que la propriété du jeune homme suffisaità peine aux besoins de la famille, c’est-à-dire à ceux de sa mèreavec son cortège de domestiques, de chiens, de chats, etc. Et puis,au beau milieu de ces récriminations et de ces larmes, nes’était-elle pas mariée tout à coup avant son fils ? Elleavait alors quarante-deux ans. L’occasion lui avait paru excellentede charger encore mon pauvre oncle, en affirmant qu’elle ne semariait que pour assurer à sa vieillesse l’asile refusé parl’égoïste impiété de son fils et cette impardonnable insolence deprétendre se créer un foyer.
Je n’ai jamais pu savoir les motifs capables d’avoir déterminéun homme aussi raisonnable que le semblait être feu le généralKrakhotkine à épouser une veuve de quarante-deux ans. Il fautadmettre qu’il la croyait riche. D’aucuns estimaient que, sentantl’approche des innombrables maladies qui assaillirent son déclin,il s’assurait une infirmière. On sait seulement que le généralméprisait profondément sa femme et la poursuivait à toute occasiond’impitoyables moqueries.
C’était un homme hautain. D’instruction moyenne, maisintelligent, il ne s’embarrassait pas de principes, ne croyant riendevoir aux hommes ni aux choses que son dédain et ses raillerieset, dans sa vieillesse, les maladies, conséquences d’une vie peuexemplaire, l’avaient rendu méchant, emporté et cruel.
Sa carrière, assez brillante, s’était trouvée brusquementinterrompue par une démission forcée à la suite d’un « fâcheuxaccident ». Il avait tout juste évité le jugement et, privé de sapension, en fut définitivement aigri. Bien que sans ressources etne possédant qu’une centaine d’âmes misérables, il se croisait lesbras et se laissait entretenir pendant les douze longues annéesqu’il vécut encore. Il n’en exigeait pas moins un train de vieconfortable, ne regardait pas à la dépense et ne pouvait se passerde voiture. Il perdit bientôt l’usage de ses deux jambes et passases dix dernières années dans un confortable fauteuil où lepromenaient deux grands laquais qui n’entendirent jamais sortir desa bouche que les plus grossières injures.
Voitures, laquais et fauteuil étaient aux frais du fils impie.Il envoyait à sa mère ses ultimes deniers, grevant sa propriétéd’hypothèques, se privant de tout, contractant des dettes hors deproportion avec sa fortune d’alors, sans échapper pour cela auxreproches d’égoïsme et d’ingratitude, si bien que mon oncle avaitfini par se regarder lui-même comme un affreux égoïste et, pours’en punir, pour s’en corriger, il multipliait les sacrifices etles envois d’argent.
La générale était restée en adoration devant son mari. Ce quil’avait particulièrement charmée en lui, c’est qu’il était général,faisant d’elle une générale. Elle avait dans la maison sonappartement particulier où elle vivait avec ses domestiques, sescommères et ses chiens. Dans la ville, on la traitait en personned’importance et elle se consolait de son infériorité domestique partous les potins qu’on lui relatait, par les invitations auxbaptêmes, aux mariages et aux parties de cartes. Les mauvaiseslangues lui apportaient des nouvelles et la première place luiétait toujours réservée où qu’elle fût. En un mot, elle jouissaitde tous les avantages inhérents à sa situation de générale.
Quant au général, il ne se mêlait de rien, mais il se plaisait àrailler cruellement sa femme devant les étrangers, se posant desquestions dans le genre de celle-ci : « Comment ai-je bien pu memarier avec cette faiseuse de brioches ? » Et personne n’osaitlui tenir tête. Mais, peu à peu, toutes ses connaissances l’avaientabandonné. Or, la compagnie lui était indispensable, car il aimaità bavarder, à discuter, à tenir un auditeur. C’était un librepenseur, un athée à l’ancienne mode ; il n’hésitait pas àtraiter les questions les plus ardues.
Mais les auditeurs de la ville ne goûtaient point ce genre deconversation et se faisaient de plus en plus rares. On avait biententé d’organiser chez lui un whist préférence, mais les parties seterminaient ordinairement par de telles fureurs du général queMadame et ses amis brûlaient des cierges, disaient des prières,faisaient des réussites, distribuaient des pains dans les prisonspour écarter d’eux ce redoutable whist de l’après-midi qui ne leurvalait que des injures, et parfois même des coups au sujet de lamoindre erreur. Le général ne se gênait devant personne et, pour unrien qui le contrariait, il braillait comme une femme, jurait commeun charretier, jetait sur le plancher les cartes déchirées etmettait ses partenaires à la porte. Resté seul, il pleurait de rageet de dépit, tout cela parce qu’on avait joué un valet au lieu d’unneuf. Sur la fin, sa vue s’étant affaiblie, il lui fallut unlecteur et l’on vit apparaître Foma Fomitch Opiskine.
J’avoue annoncer ce personnage avec solennité, car il est sansconteste le héros de mon récit. Je n’expliquerai pas les raisonsqui lui méritent l’intérêt, trouvant plus décent de laisser aulecteur lui-même le soin de résoudre cette question.
Foma Fomitch, en s’offrant au général Krakhotkine, ne demandad’autre salaire que sa nourriture ! D’où sortait-il ?Personne ne le savait. Je me suis renseigné et j’ai pu recueillircertaines particularités sur le passé de cet homme remarquable. Ondisait qu’il avait servi quelque part et qu’il avait souffert «pour la vérité ». On racontait aussi qu’il avait jadis fait de lalittérature à Moscou. Rien d’étonnant à cela et son ignorancecrasse n’était pas pour entraver une carrière d’écrivain. Ce quiest certain, c’est que rien ne lui avait réussi et, qu’en fin decompte, il s’était vu contraint d’entrer au service du général enqualité de lecteur-victime. Aucune humiliation ne lui fut épargnéepour le pain qu’il mangeait.
Il est vrai qu’à la mort du général, quant Foma Fomitch passatout à coup au rang de personnage, il nous assurait que sacondescendance à l’emploi de bouffon n’avait été qu’un sacrifice àl’amitié. Le général était son bienfaiteur ; à lui seul, Foma,cet incompris avait confié les grands secrets de son âme et si lui,Foma, avait consenti, su

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