Atala - suivi de René
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Description


François-René de Chateaubriand (1768-1848)



Chateaubriand est l'un des initiateurs du romantisme français.



Le personnage de René, à l'instar de Werther pour le romantisme allemand, est devenu le héros emblématique de ce courant.


"Atala" n'est pas seulement une simple histoire d'amour tragique et impossible aux accents exotiques, c'est aussi une apologie du christianisme dans tout ce qu'il possède d'amour, de sacrifice et de simplicité. "René" a toujours été édité à la suite d'"Atala". En effet, si dans "Atala" Chactas raconte son histoire à René, dans "René", c'est René qui raconte son histoire à Chactas, une histoire de solitude, de chimère, d'amour fraternel, d'un pâle héros torturé par l'existence.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782374630717
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Atala suivi de René
François-René de Chateaubriand Septembre 2015
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-071-7
Couverture : pastel de STEPH’ lagibeciereamots@sfr.fr N° 72
Lettre publiée dans leJournal des Débatset dansle Publiciste
Citoyen, dans mon ouvragesur le Génie du Christianisme,o ules Beautés de la Religion chrétienne,il se trouve une partie entière consacrée à lapoétique du christianisme.Cette partie se divise en quatre livres : poésie, beaux-arts, littérature. Ces trois parties sont terminées par une quatrième, sous le titre d'Harmonies de la religion,avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. Dans cette partie, j'examine plusieurs sujets qui n'ont pu entrer dans les précédentes, tels que les effets des ruines gothiqu es, comparées aux autres sortes de ruines, les sites des monastères dans la solitude, le côté poétique de cette religion populaire, qui plaçait des croix aux carrefours des chemins dans les forêts, qui mettait des images de vierges et de saints à la garde des fontaines et des vieux ormeaux ; qui croyait aux pressentiments et aux fantômes, etc., etc. Cette partie est terminée par une anecdote extraite de mes voyages en Amérique, et écrite sous les huttes mêmes des Sauvages. Elle est intitu lée :Atala,etc.Quelques épreuves de cette petite histoire s'étant trouvées égarées, pour prévenir un accident qui me causerait un tort infini, je me vois obligé de l'imprimer à part, avant mon grand ouvrage. Si vous vouliez, citoyen, me faire le plaisir de publier ma lettre, vous me rendriez un important service. J'ai l'honneur d'être, etc.
Préface de la première édition
On voit par la lettre précédente, ce qui a donné lieu à la publicationd'Atalaavant mon ouvrage sur leGénie du Christianisme, oules Beautés poétiques et morales de la Religion chrétienne, dont elle fait partie. Il ne me reste plus qu'à rendre compte de la manière dont cette petite histoire a été composée. J'étais encore très jeune, lorsque je conçus l'idée de faire l'épopée de l'homme de la nature,ou de peindre les mœurs des Sauvages, en les liant à quelque événement connu. Après la découverte de l'Amérique, je ne vis pas de sujet plus intéressant, surtout pour des Français, que le massacre de la colonie des Natchez à la Louisiane, en 1727. Toutes les tribus indiennes conspirant, après deux siècles d'oppression, pour rendre la liberté a u Nouveau-Monde, me parurent offrir au pinceau un sujet presque aussi heureux que la conqu ête du Mexique. Je jetai quelques fragments de cet ouvrage sur le papier ; mais je m'aperçus bientôt que je manquais des vraies couleurs, et que si je voulais faire une image semblable, il fallait, à l'exemple d'Homère, visiter les peuples que je voulais peindre. En 1789, je fis part à M. de. Malesherbes du dessein que j'avais de passer en Amérique. Mais désirant en même temps donner un but utile à mon vo yage, je formai le dessein de découvrir par terre lepassagetant cherché, et sur lequel Cook même avait laissé des doutes. Je partis, je vis les solitudes américaines, et je revins avec des plans pour un autre voyage, qui devait durer neuf ans. Je me proposais de traverser tout le continent de l'Amérique septentrionale, de remonter ensuite le long des côtes, au nord de la Californie, et de revenir par la baie d'Hudson, en tournant sous le pôle. Si je n'eusse pas péri dans ce second voyage, j'aurai pu faire des découvertes importantes pour les sciences et utiles à mon pays.M. de Malesherbes se chargea de présenter mes plans au Gouvernement ; et ce fut alors qu'il entendit les premiers fragments du petit ouvrage, que je donne aujourd'hui au public. On sait ce qu'est deve nue la France, jusqu'au moment où la Providence a fait paraître un de ces hommes qu'elle envoie en signe de réconciliation, lorsqu'elle est lassée de punir. Couvert du sang de mon frère u nique, de ma belle-sœur, de celui de l'illustre vieillard leur père ; ayant vu ma mère et une autre sœur pleine de talents mourir des suites du traitement qu'elles avaient éprouvé dans les cachots, j'ai erré sur les terres étrangères, où le seul ami que j'eusse conservé s'est poignardé dans mes bras(1). De tous mes manuscrits sur l'Amérique, je n'ai sauvé que quelques fragments, en particulier Atala,qui n'était qu'un épisode desNatchez. Atalaa été écrite dans le désert et sous les huttes des Sauvages. Je ne sais si le public goûtera cette histoire qui sort de toutes les routes connues, et qui présente une nature et des mœurs tout à fait étrangères à l'Europe. Il n'y a point d'aventures dans Atala. C'est une sorte de poème(2), moitié descriptif, moitié dramatique : tout consiste dans la peinture de deux amants qui marchent et causent dans la solitude ; tout gît dans le tableau des troubles de l'amour, au milieu du calme des déserts et du calme de la religion. J'ai donné à ce petit ouvrage les formes les plus antiques ; il est divisé enprologue, récite tépilogue.Les principales parties du récit prennent une dénominat ion, comme lesch a sseu rs,les laboureurs,etc. ; et c'était ainsi que dans les premiers siècl es de la Grèce, les Rapshodes chantaient, sous divers titres, les fragments de l'Iliadeet de l'Odyssée. Je ne dissimule point que j'ai cherché l'extrême simplicité de fond et de style, la partie descriptive exceptée ; encore est-il vrai que, dans la description même, il est une manière d'être pompeux et simple. Dire ce que j'ai tenté, n'est pas dire ce que j'ai fait. Depuis longtemps je ne lis plus qu'Homère et la Bible ; heureux si l'on s'en aperçoit, et si j'ai fondu dans les teintes du désert et dans les sentiments particuliers à mon cœur, les couleurs de ces deux grands et éternels modèles du beau et du vrai. Je dirai encore que mon but n'a pas été d'arracher beaucoup de larmes ; il me semble que c'est une dangereuse erreur, avancée, comme tant d'autres, par M. Voltaire, queles bons ouvrages sont ceux qui font le plus pleurer.Il y a tel drame dont personne ne voudrait être l'auteur, et qui déchire le cœur bien autrement que l'Enéide. On n'est point un grand écrivain, parce qu'on met l'âme à la torture. Les vraies larmes sont celles que fait couler une belle poésie ; il faut qu'il s'y mêle autant d'admiration que de douleur.
C'est Priam, disant à Achille : Andros paidojonoio poti atoma ceir oregesqai. Juge de l'excès de mon malheur ; puisque je baise la main qui a tué mes fils. C'est Joseph s'écriant : Ego sum Joseph, frater vester ; quem vendidistis in Ægyptum. Je suis Joseph , votre frère, que vous avez vendu pour l'Egypte. Voilà les seules larmes qui doivent mouiller les co rdes de la lyre, et attendrir les sons. Les muses sont des femmes célestes qui ne défigurent point leurs traits par des grimaces ; quand elles pleurent, c'est avec un secret dessein de s'embellir. Au reste, je ne suis point comme M. Rousseau, un enthousiaste des Sauvages ; et quoique j'aie peut-être autant à me plaindre de la société que ce philosophe avait à s'en louer, je ne crois point que lapure naturesoit la plus belle chose du monde. Je l'ai toujours trouvée fort laide, partout où j'ai eu l'occasion de la voir. Bien loin d'être d'opinion que l'homme qui pense soit unanimal dépravé, je crois que c'est la pensée qui fait l'homme. Avec ce mot denature,on a tout perdu. De là les détails fastidieux de mille romans où l'on décrit jusqu'au bonnet de nuit, et à la robe de chambre ; de là ces drames infâmes, qui ont succédé aux chefs-d'œuvre des Racine. Peignons la nature, mais la belle nature : l'art ne doit pas s'occuper de l'imitation des monstres. Les moralités que j'ai voulu faire dansAtalaétant faciles à découvrir, et se trouvant résumées dans l'épilogue, je n'en parlerai point ici ; je dirai seulement un mot de mes personnages. Atala, comme le Philoctète, n'a que trois personnages. On trouvera peut-être dans la femme que j'ai cherché à peindre, un caractère assez nouveau. C'est une chose qu'on n'a pas assez développée, que les contrariétés du cœur humain : elles méritaient d'autant plus de l'être, qu'elles tiennent à l'antique tradition d'une dégradation originelle, et que conséquemment elles ouvrent des vues profondes sur tout ce qu'il y a de grand et de mystérieux dans l'homme et son histoire. Chactas, l'amantd'Atala,est un Sauvage qu'on suppose né avec du génie, et qui est plus qu'à moitié civilisé, puisque non seulement il sait les langues vivantes, mais encore les langues mortes de l'Europe. Il doit donc s'exprimer dans un style mêlé, convenable à la ligne sur laquelle il marche, entre la société et la nature. Cela m'a donné de grands avantages, en le faisant parler en Sauvage dans la peinture des mœurs, et en Européen dans le drame et la narration. Sans cela il eût fallu renoncer à l'ouvrage : si je m'étais toujours servi du style indien,Atalaeût été de l'hébreu pour le lecteur. Quant au Missionnaire, j'ai cru remarquer que ceux qui jusqu'à présent ont le prêtre en action, en ont fait ou un scélérat fanatique, ou une espèce de philosophe. LeP. Aubryn'est rien de tout cela. C'est un simple chrétien qui parle sans rougirde la croix, du sang de son divin M aître, de la chair corrompue,etc., en un mot, c'est le prêtre tel qu'il est. Je sais qu'il est difficile de peindre un pareil caractère aux yeux de certaines gens, sans toucher au ridicule. Si je n'attendris pas, je ferai rire : on en jugera. Après tout, si l'on examine ce que j'ai fait entrer dans un si petit cadre, si l'on considère qu'il n'y a pas une circonstance intéressante des mœurs des Sauvages que je n'aie touchée, pas un bel effet de la nature, pas un beau site de la Nouvelle-France que je n'aie décrit ; si l'on observe que j'ai placé auprès du peuple chasseur un tableau complet du peuple agricole, pour montrer les avantages de la vie sociale sur la vie sauvage ; si l'on fait attention aux difficultés que j'ai dû trouver à soutenir l'intérêt dramatique entre deux seuls personnages, pendant toute une longue peinture de mœurs, et de nombreuses descriptions de paysages ; si l'on remarque enfin que la catastrophe même, je me suis privé de tout secours, et n'ai tâché de me soutenir, comme les anciens, que par la force du dialogue : ces considé rations me mériteront peut-être quelque
indulgence de la part du lecteur. Encore une fois, je ne me flatte point d'avoir réussi ; mais on doit toujours savoir gré à un écrivain qui s'efforce de rappeler la littérature à ce goût antique, trop oublié de nos jours. Il me reste une chose à dire ; je ne sais par quel hasard une lettre de moi, adressée au citoyen Fontanes, a excité l'attention du public beaucoup plus que je ne m'y attendais. Je croyais que quelques lignes d'un auteur inconnu passeraient sans être aperçues ; je me suis trompé. Les papiers publics ont bien voulu parler de cette lettre, et on m'a fait l'honneur de m'écrire, à moi personnellement, et à mes amis, des pages de compliments et d'injures. Quoique j'aie été moins étonné des dernières que des premiers, je pense n'a voir mérité ni les unes, ni les autres. En réfléchissant sur ce caprice du public, qui a fait attention à une chose de si peu de valeur, j'ai pensé que cela pouvait venir du titre de mon grand ouvrage:Génie du Christianisme,etc. On s'est, peut-être figuré qu'il s'agissait d'une affaire de parti, et que je dirais dans ce livre beauco up de mal à la révolution et aux philosophes. Il est sans doute permis à présent, sous un gouvern ement qui ne proscrit aucune opinion paisible, de prendre la défense du christianisme. Il a été un temps où les adversaires de cette religion avaient seuls le droit de parler. Maintenant la lice est ouverte, et ceux qui pensent que le christianisme est poétique et moral peuvent le dire tout haut, comme les philosophes peuvent soutenir le contraire. J'ose croire que si le grand ouvrage que j'ai entrepris, et qui ne tardera pas à paraître, était traité par une main plus habile que la mienne, la question serait décidée sans retour. Quoi qu'il en soit, je suis obligé de déclarer qu'i l n'est pas question de la révolution dans le Génie du Christianismeet que je n'y parle le plus souvent que d'auteur s morts ; quant aux ; auteurs vivants qui s'y trouvent nommés, ils n'auro nt pas lieu d'être mécontents : en général, j'ai gardé une mesure, que, selon toutes les apparences, on ne gardera pas envers moi. On m'a dit que la femme célèbre, dont l'ouvrage formait le sujet de ma lettre, s'est plaint d'un passage de cette lettre. Je prendrai la liberté d'o bserver que ce n'est pas moi qui ai employé le premier l'arme que l'on me reproche, et qui m'est odieuse. Je n'ai fait que repousser le coup qu'on portait à un homme dont je fais profession d'admire r les talents, et d'aimer tendrement la personne. Mais dès lors que j'ai offensé, j'ai été trop loin ; qu'il soit donc tenu pour effacé ce passage. Au reste, quand on a l'existence brillante et les talents de Mme de Staël, on doit oublier facilement les petites blessures que nous peut faire un solitaire, et un homme aussi ignoré que je le suis. Pour dire un dernier mot surAtala : si, par un dessein de la plus haute politique, le gouvernement français songeait un jour à redemander le Canada à l'Angleterre, ma description de la Nouvelle-France prendrait un nouvel intérêt. Enf in, le sujet d'Atala n'est pas tout de mon invention : il est certain qu'il y a eu un Sauvage aux galères et à la cour de Louis XIV ; il est certain qu'un missionnaire français a fait les choses que j'ai rapportées ; il est certain que j'ai trouvé des Sauvages emportant les os de leurs aïeux, et une jeune mère exposant le corps de son enfant sur les branches d'un arbre ; quelques autres circonstances aussi sont véritables : mais comme elles ne sont pas d'un intérêt général, je suis dispensé d'en parler.
Avis sur la troisième édition (1801)
J'ai profité de toutes les critiques, pour rendre ce petit ouvrage plus digne des succès qu'il a obtenus. J'ai eu le bonheur de voir que la vraie philosophie et la vraie religion sont une et même chose ; car des personnes fort distinguées, qui ne pensent pas comme moi sur le christianisme, ont été les premières à faire la fortune d'Atala. Ce seul fait répond à ceux qui voudraient faire croire que lavoguede cette anecdote indienne, est une affaire de parti. Cependant j'ai été amèrement, pour ne pas dire grossièrement censuré ; on a été jusqu'à tourner en ridicule cette apostrophe aux Indiens(3): «Indiens infortunés, que j'ai vus errer dans les déserts du Nouveau-Monde avec les cendres de vos aïeux ; vous qui m'aviez donné l'hospitalité malgré votre misère ! je ne pourrais vous l'offrir aujourd'hui, car j'erre, ainsi que vous, à la merci des hommes, et moins heureux dans mon exil, je n'ai point emporté les os de mes pères. » C'est sur la dernière phrase de cette apostrophe que tombe la remarque du critique. Les cendres de ma famille, confondues avec celles de M. de Malesherbes ; six ans d'exil et d'infortunes, ne lui ont offert qu'un sujet de plaisanterie. Puisse-t-il n'avoir jamais à regretter les tombeaux de ses pères ! Au reste, il est facile de concilier les divers jugements qu'on a portés d'Atala :ceux qui m'ont blâmé, n'ont songé qu'à mes talents ; ceux qui m'ont loué n'ont pensé qu'à mes malheurs. P. S. – J'apprends dans le moment qu'on vient de découvrir à Paris une contrefaçon des deux premières éditions d'Atala, et qu'il s'en fait plusieurs autres à Nancy et à Strasbourg. J'espère que le public voudra bien n'acheter ce petit ouvrage qu e chezMigneret et à l'ancienne Librairie de Dupont.
Avis sur laquatrième Edition (1801)
Depuis quelque temps, il a paru de nouvelles critiques d'Atala.Je n'ai pu en profiter dans cette quatrième édition. Les avis qu'on m'a fait l'honneu r de m'adresser exigeaient trop de changements, et le public semble maintenant accoutumé à ce petit ouvrage, avec tous ses défauts. Cette quatrième édition est donc parfaitement sembl able à la troisième. J'ai seulement rétabli dans quelques endroits le texte des deux premières.
Préface d'Atala (1805)
L'indulgence avec laquelle on a bien voulu accueillir mes ouvrages m'a imposé la loi d'obéir au goût du public, et de céder au conseil de la critique. Quant au premier, j'ai mis tous mes soins à le sati sfaire. Des personnes chargées de l'instruction de la jeunesse ont désiré avoir une é dition duGénie du Christianismequi fût dépouillée de cette partie de l'Apologie, uniquement destinée aux gens du monde : malgré la répugnance naturelle que j'avais à mutiler mon ouvrage, et ne considérant que l'utilité publique, j'ai publié l'abrégé que l'on attendait de moi. Une autre classe de lecteurs demandait une édition séparée des deux épisodes de l'ouvrage : je donne aujourd'hui cette édition. Je dirai maintenant ce que j'ai fait relativement à la critique. Je me suis arrêté, pour leGénie du Christianisme,à des idées différentes de celles que j'ai adoptées pour ses épisodes. Il m'a semblé d'abord que par égard pour les personnes qui ont acheté les premières éditions, je ne devais faire, du moins à présent, aucun changement notable à un livre qui se vend aussi cher que leGénie du Christianisme.L'amour-propre et l'intérêt ne m'ont pas paru des raisons assez bonnes, même dans ce siècle, pour manquer à la délicatesse. En second lieu, il ne s'est pas écoulé assez de tem ps depuis la publication duGénie du Christianisme,pour que je sois parfaitement éclairé sur les défau ts d'un ouvrage de cette étendue. Où trouverais-je la vérité parmi une foule d'opinions contradictoires ? L'un vante mon sujet aux dépens de mon style ; l'autre approuve mo n style et désapprouve mon sujet. Si l'on m'assure, d'une part, que leGénie du Christianismeest un monument à jamais mémorable pour la main qui l'éleva, et pour le commencement du XIXe siècle(4)de l'autre, on a pris soin de ; m'avertir, un mois ou deux après la publication de l'ouvrage, que les critiques venaient trop tard, puisque cet ouvrage était déjà oublié(5). Je sais qu'un amour-propre plus affermi que le mien trouverait peut-être quelques motifs d'espérance pour se rassurer contre cette dernière assertion. Les éditions duGénie du Christianismese multiplient, malgré les circonstances qui ont ôté à la cause que j'ai défendue le puissant intérêt du malheur. L'ouvrage, si je ne m'abuse, paraît même augmenter d'estime dans l'opinion publique à mesure qu'il vieillit, et il semble que l'on commence à y voir autre chose qu'un ouvrage depure imagination.Mais à Dieu ne plaise que je prétende persuader de mon faible mérite ceux qui ont sans doute de bonnes raisons pour ne pas y croire. Hors la religion et l'honneur, j'estime trop peu de choses dans le monde pour ne pas souscrire aux arrêts de la critique la plus rigoureuse. Je suis si peu aveuglé par quelques succès, et si loin de regarder quelques éloges comme un jugement définitif en ma faveur, que je n'ai pas cru devoir mettre la dernière main à mon ouvrage. J'attendrai encore, af in de laisser le temps aux préjugés de se calmer, à l'esprit de parti de s'éteindre ; alors l'opinion qui se sera formée sur mon livre sera sans doute la véritable opinion : je saurai ce qu'il fau dra changer auGénie du Christianisme,pour le rendre tel que je désire le laisser après moi, s'il me survit. Mais si j'ai résisté à la censure dirigée contre l'ouvrage entier par les raisons que je viens de déduire, j'ai suivi pourAtala,prise séparément, un système absolument opposé. Je n'ai pu être arrêté dans les corrections, ni par la considératio n du prix du livre, ni par celle de la longueur de l'ouvrage. Quelques années ont été plus que suffisa ntes pour me faire connaître les endroits faibles ou vicieux de cet épisode. Docile sur ce po int à la critique, jusqu'à me faire reprocher mon trop de facilité, j'ai prouvé à ceux qui m'attaquaient que je ne suis jamais volontairement dans l'erreur, et que, dans tous les temps et sur tous les sujets, je suis prêt à céder à des lumières supérieures aux miennes.Atalaa été réimprimée onze fois : cinq fois séparément, et six fois dans leGénie du Christianisme ;si l'on confrontait ces onze éditions, à peine en trouverait-on deux tout à fait semblables. La douzième, que je publie aujourd'hui, a été revue avec le plus grand soin. J'ai consulté des
amis prompts à me censurer ;j'ai pesé chaque phrase, examiné chaque mot. Le style, dégagé des épithètes qui l'embarrassaient, marche peut-être avec plus de naturel et de simplicité. J'ai mis plus d'ordre et de suite dans quelques idées ; j'ai fait disparaître jusqu'aux moindres incorrections de langage. M. de la Harpe me disait au sujet d'Atala : «Si vous voulez vous enfermer avec moi seulement quelques heures, ce temps nous suffira pour effacer les taches qui font crier si haut vos censeurs. » J'ai passé quatre ans à revoir cet épisode, mais aussi il est tel qu'il doit rester. C'est la seuleAtalaque je reconnaîtrai à l'avenir. Cependant il y a des points sur lesquels je n'ai pas cédé entièrement à la critique. On a prétendu que quelques sentiments exprimés par le P. Aubry renfermaient une doctrine désolante. On a, par exemple, été révolté de ce passage (nous avons aujourd'hui tant de sensibilité !) : « Que dis-je ! ô vanité des vanités ! Que parlé-je de la puissance des amitiés de la terre ! Voulez-vous, ma chère fille, en connaître l'étendue ? Si un homme revenait à la lumière quelques années après sa mort, je doute qu'il fût revu avec joie par ceux-là même qui ont donné le plus de larmes à sa mémoire : tant on forme vite d'autres l iaisons, tant on prend facilement d'autres habitudes, tant l'inconstance est naturelle à l'homme, tant notre vie est peu de chose même dans le cœur de nos amis ! » Il ne s'agit pas de savoir si ce sentiment est pénible à avouer, mais s'il est vrai et fondé sur la commune expérience. Il serait difficile de ne pas e n convenir. Ce n'est pas surtout chez les François que l'on peut avoir la prétention de ne rien oublier. Sans parler des morts dont on ne se souvient guère, que de vivants sont revenus dans leurs familles et n'y ont trouvé que l'oubli, l'humeur et le dégoût ! D'ailleurs quel est ici le but du P. Aubry ? N'est-ce pas d'ôter à Atala tout regret d'une existence qu'elle vient de s'arracher volontairement, et à laquelle elle voudrait en vain revenir ? Dans cette intention, le missionnaire, en exagérant même à cette infortunée les maux de la vie, ne ferait encore qu'un acte d'humanité. Mai s il n'est pas nécessaire de recourir à cette explication. Le P. Aubry exprime une chose malheure usement trop vraie. S'il ne faut pas calomnier la nature humaine, il est aussi très inutile de la voir meilleure qu'elle ne l'est en effet. Le même critique, M. l'abbé Morellet, s'est encore élevé contre cette autre pensée, comme fausse et paradoxale : « Croyez-moi, mon fils, les douleurs ne sont point éternelles ; il faut tôt ou tard qu'elles finissent, parce que le cœur de l'homme est fini. C 'est une de nos grandes misères : nous ne sommes pas même capables d'être longtemps malheureux. » Le critique prétend que cette sorte d'incapacité de l'homme pour la douleur est au contraire un des grands biens de la vie. Je ne lui répondrai pas que, si cette réflexion est vraie, elle détruit l'observation qu'il a faite sur le premier passage du discours du P. Aubry. En effet, ce serait soutenir, d'un côté, que l'on n'oublie jamais ses amis ; et de l'autre, qu'on est très heureux de n'y plus penser. Je remarquerai seulement que l'habile grammairien me semble ici confondre les mots. Je n'ai pas dit : « C'est une de...
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