Seule contre moi
85 pages
Français

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Description

« Dix, quinze fois par jour, je monte sur la balance. Voir l'aiguille reculer dans son petit cadran vitré me donne des ailes. J'aime sentir mes pantalons flotter légèrement autour de ma taille. Insérer ma main entre le tissu et ma peau. Ça crée un espace en moi, une terre vierge où je peux m'inventer. »
Pascale a quatorze ans et un corps qu'elle n'a pas choisi. Un matin, plantée devant le miroir, mâchoire serrée, elle se déclare la guerre. Tandis que son corps s'affine, son univers rétrécit. Le processus de l'anorexie se déploie peu à peu, menaçant bientôt sa vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 septembre 2013
Nombre de lectures 4
EAN13 9782764411995
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection dirigée par Stéphanie Durand

Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron Révision linguistique : Eve Patenaude et Chantale Landry Mise en pages : André Vallée — Atelier typo Jane En couverture : Simon Birch, For All The Trouble , 216 x 175 cm, 2008. www.simon-birch.com Conversion au format ePub : Studio C1C4
Québec Amérique 329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage Montréal (Québec) H2Y 2E1 Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Piché, Geneviève Seule contre moi (Titan + ; 104) Pour les jeunes. ISBN 978-2-7644-2495-7 (Version imprimée) ISBN 978-2-7644-1198-8 (PDF) ISBN 978-2-7644-1199-5 (ePub) I. Titre. II. Collection : Titan jeunesse ; 104. PS8581.I243S48 2013 jC843’.6 C2013-941353-7 PS9581.I243S48 2013
Dépôt légal : 4 e trimestre 2013 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2013. quebec-amerique.com
GENEVIÈVE PICHÉ
À ma mère
PRÉFACE




« Trente-huit kilos, quatre cent cinquante grammes. » Un chiffre symbolique pour celles et ceux qui, comme Pascale, ont souffert d’anorexie. Le chiffre de l’incarcération. Impossible de sortir de l’hôpital avec un poids pareil. Il faudra engraisser…
Pascale, 14 ans, est hantée par son physique. Le gros, le gras, la chair sont synonymes d’une répugnance absolue pour elle. Elle souffre d’anorexie nerveuse, ce trouble alimentaire qui demeure un tabou pour bien des familles. Dans notre province, au moins 10 % des Québécoises âgées de 13 à 30 ans souffrent d’un trouble alimentaire sérieux * . Le poids qui pèse sur ses épaules est pourtant bien plus lourd que les kilos qu’elle tente de perdre avec une force inébranlable. À chacun sa forme de rébellion, à chacun ses travers. Pascale, elle, peut-être confrontée au fait de vieillir, effrayée par l’âge adulte ou en quête d’amour, se plonge dans cette fuite dangereuse, celle de vouloir maigrir au risque d’y laisser sa vie.
La lecture de Seule contre moi me remémore cette période fatale où j’ai été, moi aussi, hospitalisée, à Sainte-Justine. C’était l’heure de la défaite, car quand on souffre d’anorexie, on croit qu’engraisser, c’est perdre. Le gavage m’avait fait prendre deux kilos. Deux kilos de trop, à mes yeux, même si tout le monde persistait à me faire croire qu’il ne me restait que la peau et les os. Le repas en groupe, les activités du soir, la prise des signes vitaux, la rencontre chez le psychologue : la routine de l’hospitalisation à travers laquelle l’enfer de l’anorexique atteint son paroxysme au moment de la pesée quotidienne par le médecin. Il faut l’avoir vécu pour percevoir l’effroi indicible de perdre le contrôle de son corps, de son apparence et de sa lubie. Ce roman nous fait vivre, revivre ou découvrir l’ampleur de cette maladie qu’est l’anorexie.
Geneviève Piché partage, avec une vérité touchante, troublante, l’histoire de cette adolescente qui, envers et contre tous, tente de se faire disparaître . Vouloir être la plus belle fille au monde, mais maigrir pour fuir ; vouloir être remarquée, mais s’effacer ; vouloir être aimée, mais tenir les autres à distance. L’intimité de l’anorexique n’est pas toujours facile à comprendre pour ses proches. L’auteure propose un portrait sensible et émouvant de la bataille d’une héroïne, une guerrière dont l’ennemi principal reste elle-même et sa petite voix intérieure. Seule contre moi est un récit percutant, un reflet de ce que peut être parfois la vie dans toute sa complexité. Malgré les épreuves, Pascale nous prouve qu’il y a de l’espoir, dévoile son intimité avec générosité et offre une leçon de courage singulière.
J’aurais aimé lire cet opus révélateur quand je combattais cette obsession aliénante. J’espère qu’il saura accompagner certaines et certains dans leur combat et aider les autres à mieux comprendre cette maladie.


Léa Clermont-Dion
Diplômée en science politique, Léa Clermont-Dion est aussi reporter, chroniqueuse, conférencière, réalisatrice et lauréate de différents prix d’implication et d’excellence. Féministe affirmée, elle contribue à l’adoption d’une charte gouvernementale, la « Charte de l’image corporelle saine et diversifiée », en 2008. Léa travaille actuellement avec Stéphane Laporte sur divers projets télévisuels à titre d’assitante à la réalisation et au contenu.
CHAPITRE UN
Je me déclare la guerre
Je suis nue devant mon miroir. Je tremble. J’ai quatorze ans et je me vois pour la première fois. La chair molle entre les cuisses, les hanches trop larges, le bourrelet au-dessus du pubis. J’examine mes seins. Deux petits amas de graisse ridicules, qui n’ont pas la décence d’être de la même grosseur.
Je détourne la tête. Ferme les yeux. Je revois Carl. La lueur moqueuse dans ses yeux. Je serre les poings. Un picotement soudain dans l’aine. Je résiste, mais ça devient intenable. Mes ongles griffent ma chair, s’acharnent, frénétiques. La tension se relâche d’un coup. Je frissonne. La paume de mes mains remonte sur mes hanches, glisse sur mon ventre, palpe mes seins. Non ! Ça ne peut pas être moi. Je n’ai rien choisi de tout ça.
Je ne sais pas ce qui m’a pris, aussi, de demander à Carl, pendant le cours de musique : « Tu me trouves comment ? » Il me fait souvent rire, mais il ne m’intéresse pas. Il est maigre, je n’aime pas ses yeux. Et puis, il me raconte trop de choses. Des trucs idiots qu’il fait avec ses amis en pensant aux filles qui les font bander. Sarah surtout. La plus belle fille de la classe. Parfois, je m’imagine à sa place. Les gars se retournent sur mon passage, ils sont tous plus ou moins amoureux de moi.
Un moment, j’ai espéré que Carl ne m’ait pas entendue. Mais il s’est penché pour glisser à mon oreille :
— Toi, Pascale ?
Il semblait trouver ma question amusante. Moi, je ne voulais plus connaître la réponse. Heureusement, la cloche a sonné et je me suis dépêchée d’aller ranger ma clarinette. Carl m’a rattrapée et, sous mon chandail, il a pincé ma taille.
— Tu as encore ta graisse de bébé.
Je suis restée pétrifiée. Je l’entendais rire, là-bas, avec ses copains. Lorsque j’ai fini par bouger, le local était presque vide.
Ce matin, je descends l’escalier sur la pointe des pieds. Quelques marches craquent. Je m’arrête. Je sursaute lorsque le moteur du réfrigérateur démarre brusquement. Tends l’oreille. Le silence revient. Mes parents dorment encore. Au sous-sol, je m’empare du galon de couture dans la machine à coudre, puis je remonte dans ma chambre. Referme doucement la porte.
Je sors du tiroir de ma table un petit calepin noir, avec une couverture rigide, gagné à l’école primaire lors de la remise des prix de fin d’année. Sur la première page, j’inscris la date. Ensuite, je pose mes deux mains à plat de chaque côté, et je prends une grande respiration.
Je retire mon pyjama, le plie soigneusement et le dépose au pied de mon lit. Avec le galon de couture, j’encercle mes hanches, ma taille, ma poitrine. Le ruban ceinture ma chair sans la comprimer. Pas question de tricher. Je note chaque mesure, puis je vérifie une seconde fois. Je poursuis en faisant le tour de mes bras et de mes cuisses. Voilà. Je referme mon calepin. Il me reste une dernière chose à accomplir.
Sans bruit, je traverse dans la salle de bain et verrouille la porte. Je sors la balance rangée sous le lavabo. Le revêtement antidérapant porte l’empreinte brunâtre des pieds de ma mère. Je grimace. J’attends que l’aiguille cesse de bouger à l’intérieur du cadran vitré. Puis, j’expire l’air de mes poumons et j

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