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pages
Français
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2020
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Ebook
2020
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Publié par
Date de parution
09 janvier 2020
Nombre de lectures
2
EAN13
9782895977537
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
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09 janvier 2020
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2
EAN13
9782895977537
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Français
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Perdue au bord de la baie d’Hudson
DE LA MÊME AUTEURE
Romans jeunesse
Mauvaise mine Ottawa, L’Interligne, coll. « Cavales », 2014. Prix du livre d’enfant Trillium 2015.
À la vie à la mort Ottawa, L’Interligne, coll. « Cavales », 2006 (rééd. 2009).
Une aventure au pays des Ouendats Ottawa, L’Interligne, coll. « Cavales », 2003 (rééd. 2011).
Nouvelles
Sur les berges de l’infini Ottawa, Vermillon, 2012.
Micheline Marchand
Perdue au bord de la baie d’Hudson
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Titre: Perdue au bord de la baie d’Hudson / Micheline Marchand.
Noms: Marchand, Micheline, 1962- auteur.
Collections: 14/18.
Description: Mention de collection: 14/18
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190231262 | Canadiana (livre numérique) 20190231378 | ISBN 9782895977230 (couverture souple) | ISBN 9782895977520 (PDF) | ISBN 9782895977537 (EPUB)
Classification: LCC PS8576.A63395 P47 2020 | CDD jC843/.6— dc23
L’auteure tient à remercier le Conseil des Arts du Canada pour son aide financière accordée pour l’écriture de ce roman. Elle remercie également Marc-André Belcourt. C’est grâce à ses histoires, ses expériences et ses précieux conseils que ce roman a vu le jour.
Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.
Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1 er trimestre 2020
À Marc-André Belcourt qui porte Churchill dans son cœur et à Daniel pour la profondeur de son regard
CHAPITRE 1
La fuite
Zoé Delaronde sent qu’on la regarde. Elle lève la tête. Son père l’observe à partir du seuil de sa chambre. Dans sa main, Zoé dissimule rapidement le petit canif bleu qui est devenu son confident. Défiante, elle soutient le regard chagriné de son père. Un curieux mélange de tristesse et d’incompréhension qu’elle connaît. Elle se mordille la lèvre inférieure et détourne les yeux. La mine défaite de son père décuple sa détresse intérieure. Le silence insoutenable se dresse comme une barrière infranchissable entre eux. À quoi parler servirait-il ? Tout a déjà été dit. Michel, mal à l’aise, jette un œil sur la photo placée sur la commode avant de virer sur ses talons.
Un rictus déforme le visage de Zoé qui contemple à son tour la photo prise le jour de ses seize ans. Elle ne reconnaît plus cette jeune femme rayonnante qu’elle a été. Du revers de la main, elle essuie les larmes qui se pointent aux coins des yeux. Depuis un an, tant a changé.
« Personne ne peut m’aider », se désole-t-elle, en frôlant l’épiderme de son bras avec la fine lame du couteau, son complice depuis huit mois. Elle sent déferler ses émotions telle une vague de tsunami et ne se maîtrise plus. Le contact du métal qui déchire sa peau, c’est sa bouée de sauvetage. Voir couler son sang l’apaise et la douleur lui permet d’oublier son trop-plein d’émotion, l’espace d’un moment. Ce répit n’est que temporaire, mais c’est le seul moyen que Zoé a trouvé pour s’arracher à la culpabilité face à l’irréparable.
Un mal de vivre la ronge, la détruit et la consume comme le feu d’une chandelle. Pour retrouver l’équilibre, Zoé sait qu’elle doit partir le plus loin possible. Voilà un mois, elle a pensé se réfugier à Churchill chez son cousin Christophe. Elle attendait le moment propice, mais ce moment ne s’est pas présenté.
Zoé replie son canif et l’enfonce dans sa poche. Partir ne dépend que de sa volonté. Soudain, elle comprend. Il lui faut agir tout de suite avant de changer d’idée. Le 10 octobre 2016. Maintenant. Elle s’empresse de rassembler sa tablette électronique, son téléphone et quelques effets personnels dans son sac à dos en daim. Elle replonge sa main dans la poche, en sort le canif et se met à le frotter comme si elle cherchait à le polir. Puisqu’elle ne pourra pas accéder à la zone sécurisée de l’aéroport avec cette lame, elle se résigne à la déposer sur la commode.
Zoé enfile ses bottes et son parka. Juste avant d’ouvrir la porte, elle lance à l’intention de son père assis dans le salon.
— Je sors, ne t’inquiète pas.
La mort dans l’âme, Zoé fuit la maison familiale de la rue Guy, les yeux voilés par les larmes qui restent figées. D’un pas rapide, elle se rend à l’arrêt d’autobus sur le boulevard Saint-Laurent. Peu après, assise au fond du véhicule, elle frissonne à chaque courant d’air créé par la porte qui ne cesse de s’activer. Mais la fuyarde ne s’en aperçoit pas. Pas plus qu’elle ne voit les bâtiments défiler par la fenêtre. Sa souffrance l’absorbe complètement. Tout ce qu’elle éprouve, c’est son malheur.
Le mouvement brusque d’une passagère qui s’assoit à ses côtés sort Zoé de sa torpeur. En reconnaissant les édifices de la rue Bank, elle se rappelle de ne pas rater l’arrêt pour sa correspondance.
Descendue à l’aéroport international Macdonald-Cartier d’Ottawa, Zoé a le goût de rebrousser chemin. Elle appréhende son départ, mais le juge nécessaire. Elle prend son courage à deux mains et achète un billet pour le premier vol en direction de Winnipeg. Ce n’est qu’au décollage de l’avion, qu’elle se fait un reproche : « J’aurais dû lui laisser un mot. »
Une heure plus tard, l’avion atterrit à Toronto. En attendant sa correspondance, Zoé erre au hasard dans les couloirs de l’aérogare. Près de deux heures s’écoulent avant qu’elle s’assoie tout près de la porte d’embarquement. À côté d’elle, deux femmes âgées savourent lentement leur café tout en se livrant l’une à l’autre. Celle à la coiffure montée en chignon montre des photos de ses petits-enfants à son interlocutrice aux cheveux drus, teints couleur cire à chaussures noires. Lorsque l’agente de bord annonce l’embarquement, les femmes se placent en tête de la ligne avec empressement. Même si Zoé a hâte elle aussi de reprendre la route, elle monte dans l’avion au dernier moment, afin de diminuer le temps passé dans l’appareil. Chaque fois qu’elle prend un vol, elle sent un lourd poids écraser sa poitrine, son cœur s’accélérer à un rythme affolant et ses voies respiratoires se rétrécir.
La passagère se glisse dans son siège exigu entre le hublot et une trentenaire qui ajuste un casque d’écoute en se dépêchant à commencer le visionnement d’un film sur sa tablette. « Je serai tranquille », pense Zoé avec satisfaction. L’avion décolle et la voyageuse craint d’étouffer. À mesure que l’appareil monte vers le ciel étoilé et s’éloigne de la ville, la sérénité qui la gagne la surprend.
Deux heures plus tard, elle entend l’homme assis devant elle dire au garçon frisé qui l’accompagne :
— Vois-tu les lumières au sol ? C’est Thunder Bay. Dommage qu’il fasse trop noir pour voir le lac Supérieur.
L’enfant étire son maigre cou vers le hublot. Zoé l’imite. Elle salue les faibles lumières qui scintillent au loin, comme des milliers de bougies. Elle connaît bien cette ville du Nord ontarien où elle est née. C’est seulement lorsque sa mère est décédée qu’elle et son père ont déménagé à Ottawa. Elle n’avait que neuf ans. Par la suite, chaque année, pendant les vacances d’été, elle est revenue à Thunder Bay chez son grand-père paternel. La dernière fois qu’elle a foulé le sol de cette ville, c’était voilà un an lors des funérailles de son aïeul.
Pendant les dernières années de sa vie, son grand-père a dû vendre sa maisonnette pour prendre un logement dans le foyer À cœur joie. Zoé s’est toujours demandé comment un amoureux des espaces ouverts avait réussi à trouver son bonheur dans sa chambre étroite. Il maintenait que tout ce qui lui manquait, c’était sa viande sauvage et sa pêche. « Lui, il savait bien prendre la vie », constate-t-elle, toujours admirative de cet homme qu’elle aimait.
Zoé s’ennuie de ces étés d’insouciance remplis de précieux souvenirs : des parties de pêche, des visites au Fort William, des baignades dans l’eau glaciale du lac Supérieur et des soirées passées devant le feu de camp.
Ces moments nostalgiques cessent brusquement lorsque l’avion traverse une zone de turbulence qui propulse Zoé contre le siège avant. Elle se ressaisit, mais une boule se forme dans son ventre, ses tripes s’entortillent. D’un geste inconscient, sa main cherche le canif dans sa poche. L’absence de son complice l’angoisse. Pour tempérer l’anxiété, elle respire profondément comme le lui a enseigné sa psychiatre. « Ses séances thérapeutiques auront au moins servi à ça », reconnaît-elle.
Même si l’adolescente sait qu’il reste à peine trente minutes avant l’atterrissage, ce court laps de temps lui semble éternel. Quand Winnipeg illuminée surgit enfin de la noirceur, Zoé sourit faiblement. « Partir, c’était la bonne décision », se réconforte-t-elle. Cependant, le doute la tenaille toujours, comme le désir de brandir son couteau.
CHAPITRE 2
Une nuit de découvertes
Dès que les roues touchent le sol en faisant quelques sauts, Zoé, à l’instar de nombreux passagers, allume par automatisme son téléphone. Les courriels défilent, les textos l’attendent. Elle lit les derniers messages :
Où es-tu ?
T’es chez Jean-Yves ?
Je te cherche partout.
Zoé ne sait quoi répondre. Pourtant, si elle ne donne pas signe de vie, son père n’hésitera pas à faire appel à la police. Elle tape :
Je fais une pause.
Zoé éteint brusquement son téléphone et empoigne son sac à dos. Elle veut débarquer de l’appareil et au plus vite. Toutefois, les gens dans la file devant elle ont également hâte de mettre les pieds sur terre.
La voyageuse est encore loin de sa destination ultime. Prendre un vol vers Churchill sur les ailes de Calm Air lui coûterait les yeux de la tête et grugerait ses minces économies. Puisqu’aucune route terrestre ne relie la capitale de l’ours polaire au reste du monde, elle prendra le train.
À partir des fenêtres de l’autobus 15 qui la mène au cent