Rêves amers
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Rêves amers , livre ebook

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Description

Rose-Aimée a 13 ans. Elle vit heureuse dans son petit village à Haïti, jusqu'au jour où la misère l'oblige à quitter les siens. Mais à Port-au-Prince, chez l’odieuse Madame Zéphyr, il n'est plus question d'étudier ni même de découvrir les joies de la ville. Petit à petit, Rose-Aimée devient son esclave. Avec l'aide de Lisa, elle parviendra à s'enfuir, sans espoir cependant d'atteindre la liberté.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 467
EAN13 9782747085007
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Découvrez une fiche pédagogique portant sur ce roman à l’adresse suivante : www.bayardeducation.com
Ce roman est paru pour la première fois en 1987 sous le titre Haïti chérie , dans le magazine Je Bouquine .
 
 
 
 
 
 
 
© Bayard Éditions Jeunesse, 2001 © Bayard Éditions, 2017, pour la présente édition 18, rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex ISBN : 978-2-7470-8500-7 Dépôt légal : septembre 2017 Vingt-cinquième édition
 
Loi n o  49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Reproduction, même partielle, interdite.
 
Illustration de couverture : Bruno Pilorget
Table des matières
Couverture
Page de titre
Page de copyright
Chapitre 1 - Le départ de Rose-Aimée
Chapitre 2 - Chez madame Zéphyr
Chapitre 3 - Les sans-abri
Chapitre 4 - Un patron terrifiant
Chapitre 5 - Un bateau dans la nuit
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Chapitre 1
Le départ de Rose-Aimée

–  R ose-Aimée, viens ici ! Il faut causer.
Rose-Aimée reconnut la voix de son père. Ces mots, elle les attendait, elle les redoutait depuis longtemps, depuis que la sécheresse avait commencé de tarauder les flancs des montagnes et de les tanner comme une peau de vache. Pas une goutte d’eau ne tombait du ciel. Les dernières bêtes étaient mortes, même l’âne qui menait au marché Régina, la mère de Rose-Aimée. Un matin, on l’avait trouvé tout raide au pied du calebassier 1 à gauche de la case. Le maïs qui, avec le café, occupait les deux carreaux de terre de la famille jaunissait sur pied sans donner ni fleurs ni épis. Il faisait grand-faim. Alors Rose-Aimée savait ce qui l’attendait.
Rose-Aimée habitait le village de Limbé dans la région du Cap en Haïti. Autrefois la campagne était belle. Les jardins à sucre succédaient aux jardins à indigo 2 et aux champs de coton, séparés les uns des autres par des haies d’orangers et de citronniers. Des canaux apportaient une eau limpide captée dans les rivières bordées de massifs de bambous ou de cocotiers. À présent la terre ne donnait plus rien.
Mano, le père de Rose-Aimée, était naguère un habile charpentier-menuisier ; il couchait les arbres et tirait de leurs troncs des planches, blondes comme la barbe du maïs, avec lesquelles il faisait des cases. Maintenant, il se croisait les bras, n’ayant plus de travail, et les plis du souci labouraient son front. Autour de lui, les hommes, les femmes et les enfants du village prenaient le chemin de Port-au-Prince ou du Cap-Haïtien où, croyaient-ils, la misère avait les crocs moins acérés. Certains, disait-on, montaient à bord de rafiots et s’en allaient vers la Floride toute proche, ou vers les autres îles des Caraïbes…
Rose-Aimée s’approcha du glacis de maçonnerie entourant la case, sur lequel autrefois on mettait le café à sécher avant de le porter à monsieur Lhérisson, un grand propriétaire terrien, qui le vendait aux Américains. Ses parents étaient assis à même le sol, usés, ravagés comme le paysage autour d’eux.
Ce fut Mano qui parla d’une voix grave :
– Écoute, tu as bientôt treize ans. Tu n’es plus une enfant. Tu vois notre misère ici. Aussi, nous avons écrit à une connaissance à Port-au-Prince et elle a trouvé une bonne famille qui veut bien se charger de toi et te prendre à son service. Tu partiras demain. Demain ? À Port-au-Prince ? Effarée, Rose-Aimée fixa son père qui, pour cacher son chagrin sans doute, se mit à la rudoyer :
– Eh bien, qu’est-ce que tu as à me regarder comme cela ? Est-ce que tu ne sais pas qu’un enfant baisse les yeux devant ses parents ?
– Rose-Aimée obéit, cependant que sa mère expliquait avec douceur :
– Tu sais, la dame qui a accepté de te recevoir, madame Zéphyr, est très gentille. Et puis, que feras-tu chez elle que tu ne fais pas ici ? Laver, repasser, aller au marché…
 
Le cœur gros, incapable de prononcer une parole, Rose-Aimée s’éloigna. C’était la coutume. Ses deux sœurs aînées avaient été confiées à des familles du Cap-Haïtien et, quand elles revenaient à Limbé, elles ne semblaient pas mécontentes. Elles étaient proprement vêtues et elles remettaient à leurs parents des gourdes 3 qui permettaient de manger de la viande pendant quelques jours. Rose-Aimée avait aussi un frère, Romain. Mais de celui-là, on n’avait pas de nouvelles. Deux ou trois ans auparavant, il avait signé un contrat et était parti couper la canne à sucre dans la République Dominicaine voisine. Le gouvernement avait sollicité quinze mille ouvriers, mais c’était une véritable foule qui s’était pressée devant les bureaux d’embauche. Comme Romain était un grand gars, robuste malgré sa maigreur, il avait été engagé avec d’autres hommes, il avait franchi la frontière. Son rêve était de revenir bien vite afin de bâtir une petite maison avec des tôles sur le toit. Seulement voilà, il n’était jamais revenu…
Rose-Aimée prit la direction du chemin du Morne Vert qui menait chez son amie Florette. De loin, elle l’entendit chanter un vieil air familier pour endormir son petit frère. Cela lui mit les larmes aux yeux. Ainsi elle allait quitter ce petit coin de terre auquel elle était si attachée ! Elle ne verrait plus ces femmes, compagnes de sa mère, le front ceint d’un madras, fumer leur pipe au serein 4 , ces hommes, le visage à moitié caché par leur chapeau en fibres de latanier tressées, jouant aux dés ou aux dames pour se divertir après une dure journée. Parfois, un conteur se mettait debout au milieu d’un cercle rapidement formé et redisait, pour le bonheur de tous, les malheurs de Bouki et Malice 5 . Oui, tout cela était fini. Elle allait vivre au milieu d’étrangers, dans une ville inconnue, hostile !
 
Florette alla déposer son petit frère endormi sur la natte dans la case aux murs de terre blanchis à la chaux et recouverte de branchages. Quand elle fut revenue et que Rose-Aimée lui eut annoncé son départ, elle eut une exclamation :
– Eh bien, tu en as de la veine, toi !
De la veine ? Rose-Aimée n’en crut pas ses oreilles. Mais Florette hocha vigoureusement la tête.
– On dit qu’à Port-au-Prince, les maisons sont éclairées avec de l’électricité. Tu tournes un robinet et l’eau coule. Pas besoin de marcher des kilomètres sous le soleil avec un seau en équilibre sur la tête. Et puis, il y a le cinéma, la télévision. Chaque jour, tu vois des films qui viennent des USA …
La perspective de tant de merveilles ne dérida pas Rose-Aimée et elle resta muette à regarder le soleil se coucher derrière les crêtes montagneuses. Port-au-Prince ! Elle ne connaissait personne qui y soit allé. Les histoires les plus invraisemblables et les plus terrifiantes circulaient à propos de cette ville. On disait qu’un corps de miliciens, les Tontons Macoutes, y faisaient la loi et que le président à vie qui avait succédé à son père, lui-même président à vie, ne quittait jamais l’enceinte de son palais sans une formidable escorte. On disait que les maisons des beaux quartiers étagées sur les mornes étaient flanquées de piscines tandis que, quelques mètres plus bas, de pauvres femmes lavaient leur linge dans de capricieuses rivières, et le faisaient sécher sur des cailloux. Inégalités, contrastes : c’était cela, Port-au-Prince. Élégantes maisons de bois à balcon de fer forgé, bidonvilles dont la puanteur écœurait. De la veine ? Ah non ! Rose-Aimée ne pensait pas en avoir…
Quelque part au loin résonnait le battement de tam-tams d’une cérémonie du vaudou, la religion amenée par les ancêtres esclaves africains. Plus d’une fois, Rose-Aimée avait accompagné ses parents dans un sanctuaire pour implorer la bienveillance des loas 6 . Ah, qu’ils daignent faire tomber de l’eau du ciel ! Mais, malgré les prières du prêtre, de la prêtresse et de l’assistance, malgré les efforts des tambourinaires à cheval sur leurs tam-tams, les fleurs et les fruits offerts à profusion, les loas ne s’étaient pas laissé attendrir et la terre était restée pierreuse. Dans le désarroi où elle se trouvait, comme Rose-Aimée aurait aimé se jeter à genoux dans un sanctuaire, au pied d’un autel encombré de bougies, de calebasses emplies de graines diverses, de fioles et de petits drapeaux brodés de couleurs violentes !
 
Peut-être un loa, le bon papa Legba ou mère Ersulie que l’on dit si belle avec ses robes colorées et ses colliers de fleurs, aurait-il daigné lui parler, lui révéler ce que serait sa vie à Port-au-Prince auprès de cette famille Zéphyr ?

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