Le Trésor de D.
112 pages
Français

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Description

« Des fins tragiques au bout des contes merveilleux, ma langue de conteur en sait quelque chose ; des personnages abandonnés de tous puis secourus par un miracle au bord du dernier souffle, aussi. Mais de conteur pris dans un conte pour de vrai, jamais je n’en ai seulement entendu parler. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342005240
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Trésor de D.
Lomomba Emongo
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Trésor de D.
 
 
 
À mon enfant, qui est aussi mon père, Dikoko
 
 
 
 
Pourquoi partir ? Pour quelle destination, partir ?
Si je le savais moi-même…
 
Que le sable des chemins me chatouille la plante des pieds,
Que le vent m’effleure le creux de l’oreille,
Et me voilà à l’entrée d’un voyage.
 
Pourquoi partir ? Jusqu’à quel horizon, partir ?
Que ne le demandez-vous à ceux qui m’ont fait conteur !
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le pays à nul autre pareil
 
 
 
 
 
 
Comment ça : qu’est-ce que je fais ? Tu as bien deux yeux comme tout le monde, non ! Alors, à quoi est-ce qu’ils te servent, sinon à voir ? Eh bien, comme tu le vois toi-même, je marche ; voilà. Oui, c’est ça : je suis en route. En voyage, si tu préfères.
Où je vais ? Si je le savais moi-même…
Ah, mon ami – je peux t’appeler mon ami, n’est-ce pas –, ce que je fais dans la vie n’est pas toujours réjouissant. Je n’aime plus trop en parler, tu sais. Bon, puisque tu insistes, voici : je suis un conteur. Mais attention, ne le répète à personne ; d’accord ? Bon.
Comment ça : qu’est-ce qu’un conteur fait ? Tu ne vas pas me faire croire que tu n’as jamais écouté un conte. Non ? Pour de vrai ? Allons, ne me mens pas ; entre amis, on ne se raconte pas d’histoires, voyons. Maintenant, avoue, dis-moi la vérité, toute la vérité : jamais de la vie tu n’as vraiment entendu un conte ?
Pauvre toi !
Ah non, mon ami ! Il n’en est pas question, je dis. Mais pas du tout, alors. Moi, te dire un conte, ça jamais de la vie ! Parfaitement, tu m’as bien compris. Et ne me demande pas pourquoi.
Ce que tu peux être têtu, toi. Je viens tout juste de te l’interdire et, toi, tu ne trouves rien de mieux que de me demander pourquoi. Tu veux savoir ceci, tu veux savoir cela, alors que tu ne m’as même pas encore dit comment tu t’appelles toi-même.
Bon, je vais te répondre ; mais c’est la dernière fois que je vais parler à quelqu’un de tout ça. Après, tu pourras me poser toutes les questions que tu veux, je n’ouvrirai plus ma bouche, je ne remuerai même plus les lèvres.
Eh bien, le conteur que je suis a décidé de ne plus dire de conte parce que le métier de conteur n’est plus ce qu’il était. Pire encore, de nos jours, c’est le plus ingrat métier de la terre. Avoir le baluchon et le bâton toujours à portée de la main, avoir les yeux constamment à l’horizon, avoir une telle envie de voyage à fleur de peau ; tout cela pour quel résultat, mon ami ? Pour quel résultat, je te le demande, hein, mon ami ?
Tiens, tiens, où est-il passé ? Ohé, il y a quelqu’un ? Je n’ai quand même pas rêvé debout…
Quand, soudain, alors que la fatigue me tombe sur les épaules, alors que la soif me brûle la gorge, alors que la faim me torture l’estomac, je débouche sur un pays à nul autre pareil. Je jure au nom de ma mère que jamais de la vie mes pieds ne m’ont porté ici auparavant.
D’où naît le soleil tous les matins, la montagne pareille à un mur infranchissable. Où se couche le soleil tous les soirs, le fleuve semblable à la mère de toutes les eaux.
Comme c’est étrange…
 
 
 
Le village du silence
 
 
 
C’est un pays mystérieux que celui-ci. Imaginez donc un pays où personne ne parle. Rien : ni éternuement d’adulte ni piaillement d’enfants, rien ne s’entend.
Un conteur, cela n’étonne plus personne, est un être qui adore les mystères. Comme je suis toujours conteur dans l’âme, même si j’ai décidé de ne plus dire le moindre conte, le mystère de ce pays m’intrigue aussitôt.
Comme je m’y attends, ce pays mystérieux est aussi un pays plein de surprises.
Je me demande encore si je ne vais pas revenir sur ma décision et me dégourdir la langue ici, en reprenant mon métier de conteur ; je fouille déjà, dans le baluchon de ma mémoire, parmi les plus délicieux contes de mon répertoire quand, soudain, un léger coup de vent m’effleure l’oreille gauche.
C’est une tourterelle qui vient de se poser sur le bras d’un arbrisseau. Je ne sais pourquoi je m’approche résolument et demande à la tourterelle au repos :
— Ô rapide tourterelle, dont les ailes ont tant voyagé, comment s’appelle ce pays, dis-le-moi, mon amie ?
La rapide tourterelle me répond en roucoulant :
— Qui le sait encore de nos jours ?
Et la rapide tourterelle de s’envoler du bras de l’arbrisseau.
Et moi de prendre, je ne sais pourquoi, la même direction que la rapide tourterelle, mon baluchon à bout de bâton, mon bâton sur une épaule jeté.
Mon petit doigt me dit qu’une autre surprise m’attend non loin…
Je me dis que seul un griot à la longue mémoire peut me renseigner sur ce pays à nul autre pareil quand, soudain, un murmure dans le feuillage m’effleure l’oreille droite.
Qui voilà ! Un chien à l’air vaguement familier, qui aboie joyeusement pour me saluer. Je fais tout de suite un pas en avant et demande au chien à l’air familier :
— Ô fidèle chien, dont les pas accompagnent jusqu’à la mort les pas de l’homme et de la femme, comment s’appelle ce pays, dis-le-moi, s’il te plaît ?
Le fidèle chien me répond en jappant :
— Qui le sait encore de nos jours ?
Et le fidèle chien de s’éclipser comme la rapide tourterelle.
Et moi de prendre, toujours sans savoir pourquoi, la même direction que le fidèle chien, mon baluchon à bout de bâton, mon bâton sur une épaule jeté.
Or, je ne suis pas au bout de mes surprises…
Voici que jaillit de je-ne-sais-où un village. Avec ses cases qui fument tranquillement et ses hommes et femmes qui vont et viennent paisiblement. Avec ses oiseaux de basse-cour et ses animaux domestiques. Ce serait un village tout ce qu’il y a de plus village, s’il n’est bordé, d’où naît le soleil tous les matins, par la montagne pareille à un mur infranchissable et, où le soleil se couche tous les soirs, par le fleuve semblable à la mère de toutes les eaux.
Qu’a de spécial un tel village ? Je ne vais pas tarder à le savoir.
En attendant, je me dis que je vais pouvoir, enfin, me renseigner sur ce pays à nul autre pareil. Et je me dis aussi que pour cela, il me suffit de mettre la main sur un griot, le plus vieux qui soit. Qui mieux qu’un vieux griot à la mémoire longue peut se souvenir des choses dont plus personne ne se souvient ?
Sans perdre une minute, je débarque au milieu de l’unique rue. Sans attendre, je presse de questions hommes et femmes, jeunes et vieux qui, tous, semblent se hâter dans la même direction.
Je veux connaître le nom du lieu, l’origine des habitants, pourquoi personne ne parle. Je veux savoir comment le village est apparu si subitement, pourquoi ici et maintenant, où se dirige tout ce beau monde et pour quoi y faire.
Grave, très grave est le silence qui me répond.
Un conteur, ce n’est un secret pour personne, est un être curieux. Or, plus curieux que moi, ça n’existe pas.
Et de prendre la même direction que les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux du village, mon baluchon à bout de bâton, mon bâton sur une épaule jeté.
Pourquoi les suivre ? Je n’en sais trop rien.
Immense, que dis-je, gigantesque, haute jusqu’aux nuages, la case qui surgit à l’écart de toutes ! Elle est si gigantesque qu’elle pourrait contenir dix villages entiers dans son ventre, et si haute qu’elle pourrait abriter la moitié du ciel sous son toit !
Sitôt passé mon émerveillement, je ne me retiens plus et harcèle mes voisins de questions. Je veux savoir à quel riche et puissant chef appartient la demeure, combien de palais il possède dans le pays, s’il y en a de plus impressionnants que celui-ci.
Grave, très grave est le silence qui me répond, une fois de plus.
Un conteur, c’est ainsi, ne se décourage pas de sitôt. Opiniâtre, je l’ai toujours été, on me l’a souvent répété.
Et de jouer de coudes, de me faufiler jusqu’au premier rang, de m’installer à même le sol comme tout un chacun, mon baluchon entre mes jambes et mon bâton tout à côté.
Tout le village est là, tous : hommes et femmes, jeunes et vieux. Même la rapide tourterelle qui vient de se poser sur une branche basse. Qui voilà entre les badauds ? Le fidèle chien de tout à l’heure en personne.
Tous, nous attendons. Qui, quoi ? Je l’ignore.
Et en attendant, je me dis en moi-même que le propriétaire d’une case aussi immense, que dis-je, aussi gigantesque, haute jusqu’aux nuages, doit être un chef vraiment très riche et très puissant. Du coup, l’endroit me paraît sympathique car on doit y faire bonne chair et boire d’abondance. À quand remonte la dernière fois où j’ai fait bombance, déjà ?
Je me le demande encore quand, soudain, commence l’histoire, là, devant mes yeux médusés. Mais quelle histoire, quelle histoire !
 
 
 
La vieille qui n’a jamais vieilli
 
 
 
C’est une histoire invraisemblable, l’histoire d’une femme extraordinaire.
De qui est-elle la fille ? Nul ne lui connaît d’ascendance au village. À son apparition sur la terre, elle était déjà la plus vieille femme du monde.
A-t-elle une descendance au moins ? On la sait l’ancêtre de cinq petits-enfants, quatre filles et un unique garçon. Mais d’enfants nés d’elle et qui auraient engendré ses petits-enfants, nul n’en a jamais vu aucun.
D’où lui vient la case immense, gigantesque, haute jusqu’aux nuages ? Comme sa propriétaire, la case a surgi un beau jour, comme ça, à l’écart de toutes les autres cases du village.
Comment je le sais, moi ? C’est grâce au fidèle chien qui, me reconnaissant parmi les badauds, a rampé jusqu’à moi et s’est couché contre ma jambe. Le voilà qui me murmure encore :

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