Apprentissage scolaire : lorsque les émotions s’invitent en classe… , livre ebook

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Parler des émotions à l’école n’est pas anodin. Certains enseignants expriment d’ailleurs se sentir comme « un funambule » lorsqu’ils les abordent en classe. Objet de représentations contradictoires: les émotions sont considérées comme un moteur potentiel aux apprentissages, mais sont parfois perçues comme un frein au raisonnement. Leur émergence dans l’espace de la classe représente un risque d’intrusion dans la sphère intime de l’élève.
Ces tensions sont ravivées depuis quelques années par l’introduction en classe de thèmes tels que la diversité culturelle, le rapport à l’altérité et les questions migratoires.
Faisant écho aux défis d’une société marquée par la pluralité culturelle et linguistique, ces thèmes associés à une éducation interculturelle deviennent des objets d’enseignement aux enjeux brûlants.
L’auteure étudie des pratiques réelles d’enseignement en éducation interculturelle. Elle examine les processus d’apprentissage à l’œuvre lorsque les émotions verbalisées des élèves sont sollicitées dans des activités interculturelles. À partir d’un travail d’analyse fin des interactions sociales, le livre met en lumière les défis de la prise en compte des émotions et de leur secondarisation dans ces pratiques. Il participe à la réflexion sur les conditions d’enseignement des objets interculturels en proposant un travail innovant à partir des émotions verbalisées des élèves, une voie pour aller au-delà des pièges des approches interculturelles et répondre à leurs finalités.

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Nombre de lectures

17

EAN13

9782889304448

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2022
Rue du Tertre, 10
2000 Neuchâtel
Suisse
 
 
www.alphil.ch
Alphil Diffusion
 
 
commande@alphil.ch
 
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03189
ISBN papier : 978-2-88930-442-4
ISBN PDF : 978-2-88930-443-1
ISBN EPUB : 978-2-88930-444-8
 
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Illustration de couverture : ©iStock
 
Responsable d’édition : François Lapeyronie


Introduction
D es objets de savoirs hétérogènes aux contenus sensibles sont introduits depuis quelques années à l’école. Faisant écho aux défis d’une société marquée par la pluralité culturelle et linguistique et les incertitudes économiques et écologiques, ces objets prennent forme dans différents programmes d’éducation transversaux – appelés aujourd’hui « Éducations à » 1 (comme l’éducation au développement durable, l’éducation interculturelle ou l’éducation à la citoyenneté) – ou dans des disciplines des sciences sociales comme l’histoire ou la géographie. Outre qu’elles visent à faire entrer certaines pratiques sociales dans l’école, ces « Éducations à » cherchent à outiller les élèves afin qu’ils puissent comprendre et prendre part activement aux défis sociétaux actuels et futurs qui pèsent sur le monde. Les objets abordés par ces programmes sont multiples et rattachés à des domaines de connaissances (par exemple à des disciplines comme les sciences humaines et sociales, l’éthique ou la religion), de compétences (par exemple prendre part au débat ou se forger une opinion dans la confrontation de différents points de vue) ou de valeurs (telles que le partage et le respect).
L’introduction de ces objets dans le cadre scolaire, si elle n’est pas récente, suscite toutefois des débats et ouvre des questions dans le champ de la didactique (A UDIGER , 2006, 2015), des questions qui intéressent particulièrement le domaine de la psychologie. La grande hétérogénéité des objets traités dans ces programmes, qui recouvrent à la fois des thèmes sociaux, disciplinaires ou plus personnels, est souvent étroitement liée à des thèmes discutés dans l’espace social, et peut ainsi toucher les élèves et les enseignants dans leurs identités (M ULLER M IRZA, 2012b, 2014, 2016). D’ailleurs, certains documents pédagogiques propres à ces programmes d’éducation transversaux proposent aux enseignants des activités qui invitent les élèves à verbaliser des opinions, des souvenirs, des expériences personnelles ou des émotions. Si toutes les disciplines à l’école accordent une place à la sphère personnelle, toutes n’y ont pas recours ni ne prennent en charge de la même manière la question des frontières entre sphère intime et sphère scolaire (M ULLER M IRZA , 2014).
Aborder ces objets de savoirs sensibles signifie, pour l’école, relancer le débat autour de la place accordée aux émotions des élèves. Depuis une trentaine d’années, le nombre des études réalisées dans le champ de la psychologie et des sciences de l’éducation sur l’importance et le rôle des émotions à l’école augmente (C UISINIER, C LAVEL, R OSNAY et P ONS , 2010a ; C UISINIER, S ANGUIN- B RUNCKERT et C LAVEL, 2010b ; C UISINIER, T ORNARE et P ONS, 2015 ; E SPINOZA, 2003 ; L AFORTUNE, D OUDIN, P ONS et H ANCOCK, 2004 ; M ONTANDON , 2002 ; S CHUTZ et P EKRUN , 2007). Conjointement, les références aux émotions dans l’enseignement et les initiatives pédagogiques se multiplient. Les émotions sont d’ailleurs envisagées par les acteurs scolaires «  comme l’un des leviers du “vivre ensemble”  » (C UISINIER , 2016, p. 9). Dans le champ des sciences humaines et des neurosciences, de nombreux travaux concèdent l’existence du lien entre émotion et cognition (C HANNOUF et R OUAN , 2002 ; S ANDER et S CHERER, 2009). Si l’émotion est perçue comme indispensable au fonctionnement cognitif et peut représenter un moteur potentiel des apprentissages, elle peut aussi constituer un frein à la mise en œuvre de processus cognitifs nécessaires au développement des apprentissages. De manière plus générale, laisser une place à la subjectivité des élèves dans un contexte comme celui de l’école, qui est bâti sur un ensemble de normes et de codes, n’est pas anodin : il s’agit vraisemblablement d’un «  lieu d’opacité  » pour les élèves, qui soulève un certain nombre de questions liées à l’éclaircissement des objectifs (N ONNON , 2008, p. 94). Si, comme le relève Grossen (2010), la classe peut être un «  espace dialogique hétérogène  » dans lequel des appartenances différentes d’élèves sont mises en évidence, accorder une place aux dimensions de la vie quotidienne en classe peut parfois engendrer des difficultés de compréhension des objets scolaires (B AUTIER , 2008 ; B AUTIER, C HARLOT et R OCHEX , 2001 ; B ONNÉRY, 2009). Dans son travail, Bonnéry (2009), par exemple, relate des activités d’enseignement-apprentissage dans lesquelles les enseignants, dans une volonté de motiver les élèves, les invitent à parler d’un souvenir de vacances ou de modes alimentaires liés à leur pays d’origine. Ces activités mises en œuvre dans certains quartiers « populaires » où vivent de nombreuses familles issues de la migration peuvent paradoxalement conduire les élèves à se méprendre sur les intentions véritables de l’institution et même avoir pour conséquence la production de stéréotypes à l’égard de ces élèves, créant ainsi davantage d’exclusion (N ICOLET , 1987). De plus, du côté des enseignants, laisser une place aux émotions des élèves peut conduire à des dynamiques difficiles à cadrer en classe et interroge plus largement les frontières entre la sphère intime et la sphère publique. Sur le plan relationnel, l’émergence d’émotions dans l’espace de la classe peut se révéler délicate pour l’enseignant, car l’élève se trouve ainsi exposé au regard des autres, d’autant plus si les émotions qu’il exprime concernent un élément de sa vie personnelle : c’est alors sa vie privée qui est rendue publique.
Ce constat qui met en évidence les tensions représentées par la prise en compte des émotions en classe amène ainsi à s’interroger sur les activités dans lesquelles elles sont sollicitées. Si ces activités sont propres à certains programmes d’éducation transversaux, quels sont les apprentissages attendus ? Décèle-t-on, lors de ces activités, des situations dans lesquelles les émotions des élèves sont prises en compte et envisagées comme des occasions possibles de construction de savoirs ? Et de quel ordre peuvent être les gestes de l’enseignant dont on attend, en situation formelle, qu’il introduise des procédures qui viendront transformer l’expérience « première » ? Observe-t-on des processus que l’on pourrait qualifier de «  secondarisation  » 2 de l’expérience ?
Cet ouvrage 3 a ainsi pour but d’étudier des pratiques réelles associées aux « Éducations à » . C’est à partir de l’exemple de l’éducation interculturelle qu’une réflexion sera menée sur la façon dont les émotions sont prises en compte par les enseignants et sur les processus à l’œuvre dans la construction de connaissances. En effet, dans ce domaine, les objets d’enseignement sont multiples : ils traitent à la fois de contenus liés à des disciplines scolaires telles que la géographie ou l’histoire, mais également de contenus discutés ou vécus dans les sphères familiales ou dans les médias (par exemple des thématiques telles que la migration ou la relation à l’altérité). La question des émotions se pose avec plus d’acuité dans le domaine de l’éducation interculturelle que pour d’autres « Éducations à », car elle se trouve à la fois au cœur des activités, de manière explicite, lorsque les objets en jeu visent un travail sur les émotions, et de manière implicite, lorsque les objets de savoir en jeu suscitent les émotions.
Afin de comprendre les processus à l’œuvre lorsque les émotions sont verbalisées dans des pratiques d’enseignement-apprentissage, nous analyserons des leçons mises en place par douze enseignantes 4 sur trois plans différents. Sur le premier, nous examinerons le travail réalisé par ces enseignantes dans différents contextes scolaires, autour de deux documents pédagogiques utilisés dans le domaine de l’interculturel : un photolangage (PH dans la suite du texte) regroupant des photographies en noir et blanc sur des sujets tels que la migration, la guerre, etc., et une bande dessinée sans texte (BD, dans la suite du texte) retraçant l’histoire migratoire d’un individu. Sur le deuxième plan, nous porterons plus spécifiquement notre regard sur la façon dont les émotions des élèves sont abordées, sollicitées et élaborées, voire secondarisées au sein de séquences interactionnelles dans des leçons mises en place à partir du PH plus spécifiquement. Enfin, sur le troisième plan, nous aborderons d’une manière plus générale les difficultés dans l’exercice des pratiques d’éducation interculturelle pour les enseignantes et pour les élèves, et les implications qu’elles peuvent avoir sur différents registres.
Les émotions dans une approche socioculturelle
La notion d’émotion dans différents domaines disciplinaires, comme la psychologie, la sociologie, les neurosciences et la linguistique, a donné naissance depuis un certain nombre d’années à une grande diversité de définitions et de modèles des émotions. Au-delà de cette diversité, les théoriciens s’accordent sur l’idée que l’émotion est un phénomène comprenant plusieurs composantes : d’évaluation (p. ex., le stimulus est agréable, je suis capable de faire face à la situation) ; de sentiments (p. ex., se sentir honteux ou en colère) ; de réactions motrices (p. ex., sourire de plaisir, froncer les sourcils contre un événement allant à l’encontre de nos buts) ; et physiologiques (p. ex., rougir de honte, avoir le rythme cardi

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