Profession sinologue
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Description

Être sinologue, c’est chercher à comprendre et à faire comprendre les multiples facettes de la société et de la culture de la Chine. Par son isolement physique et culturel à l’autre bout de l’Eurasie, la Chine se donne comme l’Autre du monde indo-européen. Il incombe au sinologue de « traduire » cette différence pour à la fois comprendre et respecter la spécificité chinoise, enrichir l’esprit et le cœur de l’Occident, et favoriser la communication la plus ouverte entre deux pôles incontournables de la planète. C’était bien là les valeurs que préconisait Jean Pierre Abel-Rémusat (1788-1832), titulaire de la première chaire d’études chinoises en Occident au Collège de France en 1814 et fondateur de l’étude scientifique de la Chine : la sinologie.
Charles Le Blanc est professeur émérite de philosophie chinoise à l’Université de Montréal. Aux PUM, il dirige la collection « Sociétés et cultures de l’Asie », il a publié Le Wen zi (2000) et a traduit Confucius (2004) et La population chinoise (2006). Il a aussi publié, avec Rémi Mathieu, Philosophes taoïstes II : le Huainan zi (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2003).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760625693
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHARLES LE BLANC


Professionsinologue




Les Presses de l’Université de Montréal
La collection


Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.

Directeur de collection : Benoît Melançon

Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :


www.pum.umontreal.ca
Copyright

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archivesnationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Le Blanc, Charles
Profession, sinologue
(Profession)
Comprend des réf. bibliogr.

ISBN  978-2-7606-2027-8
ISBN  978-2-7606-2569-3 (ePub)

1. Sinologues. 2. Chine - Étude et enseignement - Aspect social.I. Titre. II. Collection : Profession (Montréal, Québec).

DS734.95. L422007 951.0072 C2006-941512-9

Dépôt légal : 1 er trimestre 2007
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2007 ; 2010 pourla version ePub.

Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutienfinancier le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des Artsdu Canada et la Société de développement des entreprises culturellesdu Québec (SODEC).
Avant-propos



L ’autre jour, on m’a posé deux questions : « À quois’occupe un sinologue ? Comment le devient-on ? »
Presque toutes les pages de cet ouvrage servirontde réponse à la première question. Quant à la seconde,elle exige un point de vue plus personnel.
Je suis devenu sinologue parce que j’ai éprouvétrès jeune le goût de découvrir des paysages lointains,inconnus, différents de mon environnement immédiat. Ce goût, sans doute issu du paysage maritime demon enfance (Cap-Pelé, Ponte-Sapin, Petit Rocher),ne m’a jamais quitté : encore aujourd’hui, je ne puisregarder la mer sans que montent dans ma mémoirele monde de mon enfance, ses joies et ses peines.Beaucoup plus tard, la Chine m’est apparue commele pays de la différence et du dépaysement, mais ausside la découverte et de l’appropriation de l’autre versant de l’humanité.
Mes études en philosophie occidentale, quej’ai aimée passionnément, induisaient en moi unmalaise. Les penseurs grecs et latins que j’ai surtoutfréquentés, Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, appartenaient à des époques et des cultures bien limitéesdans le temps et l’espace, mais ils parlaient toujoursen termes universels, comme si leur pensée était fondée sur une expérience illimitée, hors du tempset de l’espace. Le peu que je connaissais alors de laculture et de la philosophie chinoises me laissaitcroire qu’en les étudiant en profondeur elles apporteraient un correctif nécessaire aux prétentions universalistes de la philosophie occidentale et qu’elles meconduiraient à une synthèse équilibrée, favorisantle dialogue, l’échange et la compréhension, entre lesdeux pôles « radiaux » de la planète, le monde indo-européen et le monde chinois.
Des lectures de collège (Malraux, Claudel, TiborMende) m’avaient laissé entrevoir que la Chineétait destinée à devenir la première puissance de laplanète, non seulement sur le plan géopolitique etéconomique, mais aussi sur le plan culturel et philosophique. Je voulais être partie prenante de ce renouveau, surtout sur le plan des idées et des valeurs.Étudier la Chine, c’était en même temps étudierl’avenir de notre planète.
Un certain goût pour l’aventure, une exigencephilosophique, un besoin de participer aux grandsenjeux de notre monde : voilà trois des mobiles quidéclenchèrent ma décision de devenir sinologue.
Introduction



The East is East and the West is West
And never the twain shall meet.
(L’Est est l’Est et l’Ouest est l’Ouest
Et jamais les deux ne se rencontreront.)
RUDYARD KIPLING


Orient und Occident
Sind nicht mehr zu trennen
(L’Orient et l’Occident
Ne sauraient désormais être tenus séparés)
JOHANN WOLFGANG VON GOETHE




L’écart Chine-Occident

La Chine est souvent perçue comme l’autre de l’Occident et du monde indo-européen. Sur des thèmesfondateurs de la société et de la culture, elle sembleoffrir un modèle diamétralement opposé à celuiqui nous est familier et qui nous apparaît naturel etnormal. Pratiquer une langue sans flexions, une écriture sans alphabet ? Adhérer à trois religions plutôtqu’à une seule ? Préférer les rites plutôt que les loisafin de régler les rapports sociaux ? Manger avec desbaguettes plutôt qu’avec un couteau et une fourchette ? Faire du blanc plutôt que du noir la couleur dudeuil ? Concevoir le changement comme fondementdu réel plutôt que l’être, la substance et l’essence ?Expliquer le changement par la résonance plutôtque par la causalité ? Utiliser l’image et l’expérienceet non l’idée générale comme nerf de la logique ? Penser en termes de simultanéité et de correspondance plutôt que de déduction linéaire ? On pourrait allonger indéfiniment la liste des exemples decontrastes, d’oppositions et même de contradictionsdans les domaines de l’imaginaire, de la pensée, despratiques sociales et des techniques. L’autre fascine etattire, oui, mais, en même temps, il désempare et ilmenace. La Chine, ayant formé une grande civilisation dans l’isolement presque total du monde indo-européen, a servi tantôt de repoussoir et de groupetémoin « en creux », tantôt de norme et de modèlede substitution, pour rehausser ou pour critiquerl’Occident. Même au XX e siècle, la Chine fut aduléecomme le pays révolutionnaire de l’homme nouveauou vilipendée comme un goulag totalitaire monstrueux. Elle laisse rarement indifférent, inclinant lesuns à la sinophilie, les autres à la sinophobie. « Selonle versant où penche ton cœur… » disait Pascal.


L’objet de la sinologie

La sinologie n’est pourtant pas aussi mystérieusequ’on pourrait le penser de prime abord. Le mot estplutôt récent, datant du x I x e siècle : « sino » vient de Sina , le nom latin de la Chine, modifié pour formerdes mots composés (sinologie, sinophilie, sinophobie, sinocentrisme, sino-japonais, etc.) ; « logie » vientdu grec logos , « discours », « théorie », employé commesuffixe pour désigner plusieurs sciences et disciplines. Le mot sinologie signifie donc « discours théorique ou scientifique sur la Chine », comme le motanthropologie signifie « discours théorique ou scientifique sur l’être humain ».
La sinologie fut une invention de l’Occident.L’approche des savants chinois sur leur culture et leurcivilisation est très différente, car elle ne comporte pas de dimension comparative inhérente. Or l’étudede la Chine par les Occidentaux est toujours, au moinsimplicitement, comparative. Le point de départ dusinologue est toujours, consciemment ou inconsciemment, comparatif : un regard occidental posé sur uneréalité chinoise. Ce regard n’est pas nécessairementsubjectif ou biaisé ; il peut même révéler des aspectsde l’expérience sociale, religieuse et intellectuelleque les Chinois n’ont jamais aperçus. Il peut toutautant mettre en lumière, par rétroaction, des côtésde l’expérience passés inaperçus chez les penseurs quiont formulé et codifié la vision du monde et le système de valeurs du monde occidental. Si la Chine estpour nous l’Extrême-Orient, nous sommes, pour lesChinois, l’Extrême-Occident.
La sinologie ambitionne de relever deux défis :comprendre la Chine en elle-même et faire comprendre la Chine en Occident. Ce sont là deux démarchesdistinctes mais inséparables. On peut les rapprocher des concepts complémentaires émique/étiqueformulés par Kenneth Pike, Ward Goodenough etRobert Feleppa pour rendre compte de l’épistémologie anthropologique. L’anthropologue doit s’insérerprofondément dans le groupe de ceux qu’il étudie,apprenant à comprendre et à justifier leur culturevivante dans le cadre de leur propre système de référence (approche émique). Dans un deuxième temps,il doit « traduire » la connaissance émique acquisedans un langage théorique compréhensible aux gensde sa propre culture ou profession, afin qu’elle serve àl’avancement de la science (approche étique).
Il y a bien chez le sinologue quelque chose del’anthropologue. Il cherche à comprendre un groupehumain qui a créé, dans une durée très longue et unespace très étendu, une culture et une civilisationà nulle autre pareille. L’expérience de la société chinoise, basée sur la connaissance d’individus decette société, semble être un préalable à une connaissance authentique de cette culture et de cette civilisation, même si de grands sinologues n’ont jamaisfoulé le sol chinois : l’exception confirme la règle. Lesinologue Yves Raguin a ainsi écrit : « Il faut, pourcomprendre la Chine, savoir communier à l’âmesecrète de ceux qui l’habitent. »
Pour saisir la Chine dans son devenir historiqueet dans son processus civilisateur, on doit se tourner vers et se concentrer sur l’immense littérature qu’ellea produite et accumulée sur une durée non pas de siècles mais de millénaires. C’est dans ce langage poétique, littéraire, philosophique, ritualiste et historiquequ’on trouve exprimés de manière réflexive et structurée les idéaux, les valeurs, les concepts qui sous-tendent la vision du monde des Chinois et, tout aussibien, leur imagination, leur sensibilité, leur sens dubeau, leur goût artistique et esthétique. Comprendrela Chine, c’est comprendre les textes où elle a cristallisé dans un prisme aux multiples facettes la quintessence de son expérience créatrice.
Née dans le climat optimiste du Siècle des lumières, dont elle fut d’ailleurs un protagoniste important mais souvent méconnu, la sinologie prend pourpostulat de base que, malgré l’abîme linguistique etcosmologique séparant la Chine et l’Occident, il estpossible pour les deux extrémités du continent eurasien de communiquer et de se comprendre dans leplein respect de la spécificité de chacun. Les mots« Chine », « comprendre » et « faire comprendre »cachent, il est vrai, tout un programme – mieux, unengagement à très long terme, un métier qu’on n’ajamais fini d’

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