Lire, c est aussi écrire
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Description

Malgré la mise en place de réseaux d'aide à l'alphabétisation, malgré la sensibilisation des enseignants, le nombre d'illettrés reste, en France, suffisamment élevé pour que notre pays s'en inquiète. Il existe pourtant, dans certains cas, une méthode pour soigner l'illettrisme. Élaborée et pratiquée avec succès depuis de nombreuses années par le docteur Gisèle Gelbert, elle demande de la patience, une précision d'horloger et des exercices de rééducation qui ne nécessitent qu'un crayon, du papier, un livre et un magnétophone. Faut-il être être intelligent pour bien écrire ? Est-il vrai que celui qui ne sait pas lire ne pourra pas apprendre à écrire ? Que faire pour que tous ces petits écoliers qui viennent à sa consultation, pourtant motivés, sachant leur grammaire sur le bout des doigts, arrêtent de faire des myriades de fautes d'orthographe ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1998
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738173546
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Lire, c’est vivre, Paris, Odile Jacob, 1994 ; réédité en poche, dans la collection « Opus », en 1996.
Le Cerveau des illettrés , Paris, Odile Jacob, collection « Opus », 1998.
© O DILE J ACOB , janvier 1998 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7354-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Introduction

Samuel a bientôt sept ans. Il redouble le cours préparatoire. Quand on lui demande de lire une page de syllabaire, il hésite, essaye deux ou trois syllabes, puis se met à inventer totalement. Et lorsqu’on lui fait faire une dictée, on obtient de lui un jargon réduit et stéréotypé, c’est-à-dire des lettres très peu variées et sans rapport avec ce qui a été dicté : « ala le mmai le iai ale le ». Pourtant, Samuel est capable d’épeler sur le syllabaire, tout comme il peut faire une dictée épelée correcte...
Dominique, lui, a neuf ans et redouble le CE1. Mais il ne peut ni lire ni écrire. En outre, il parle très mal et souvent de manière inintelligible. Face au syllabaire, il amorce un déchiffrage, puis, très vite, déforme les mots, de sorte que ceux-ci n’ont rien à voir avec ce qui est écrit. Dominique ne peut pas épeler et ne connaît pas la correspondance entre les sons et les lettres. En dictée, non seulement on obtient le même jargon que celui de Samuel, mais en plus de très nombreuses lettres sont informes et ne peuvent pas être reconnues.
Jules a quatorze ans, mais en paraît vingt. Il est scolarisé dans un institut médico-éducatif qu’il devra bientôt quitter en raison de son âge. Malgré toutes les tentatives, il ne peut ni lire ni écrire. En lecture, il alterne épellation erronée et invention ; il est incapable d’épeler et n’arrive pas à reconnaître les lettres et les mots. En dictée, il donne une sorte de serpentin composé de m et de i .
Et voici Françoise, dix-huit ans. Elle a tenté un CAP de fleuriste et n’a actuellement aucune activité. Elle non plus ne peut ni lire ni écrire, malgré deux années dans un centre d’alphabétisation. Au lieu de lire, elle épelle et tente de faire la syllabe : «  èm et i , mi  », mais le plus souvent avec des erreurs. Elle ne parvient pas à déchiffrer. Et sa dictée donne un jargon total : aucun de ses mots n’est reconnaissable.
Chaque jour, je reçois en consultation, dans mon cabinet de neurologue, des patients en difficulté de lecture comme Samuel et Dominique, et d’autres, comme Jules et Françoise, qui sont déjà presque des illettrés. Quel est mon travail de médecin – mon devoir ? Pour les uns, faire en sorte que « petit jargon ne devienne pas grand » ; pour les autres, arrêter le développement de l’illettrisme. Bref, tenter de les « guérir », permettre à leur cerveau de retrouver un fonctionnement normal – pour qu’ils puissent lire et écrire.
Mission impossible ? Non... Mais difficile, oui. Car il y a illettrisme et illettrisme, illettrés et illettrés.
Depuis des années, on sait que l’illettrisme est un fléau social. Pourtant, malgré la mise en place de réseaux d’aide à l’alphabétisation, malgré la sensibilisation de l’école, le nombre d’illettrés est suffisamment élevé en France pour que les plus hautes instances de notre pays s’en inquiètent. Or l’analyse de l’illettrisme, trop globale, ignore encore cette frange non négligeable d’illettrés qui ressortit non pas à la pédagogie et des structures scolaires, de la psychologie ou de l’environnement, mais d’une pathologie cérébrale que j’ai appelée troubles de type aphasique et qui peut être sévère, dans le cas des « vrais analphabètes », incapables de lire ou de transcrire.
Dans mon précédent livre 1 , vous m’avez vu élaborer, développer, étoffer un schéma des fonctions linguistiques, sorte de carte sur laquelle s’animent les mauvaises connexions, les erreurs d’aiguillage responsables de ces anomalies du langage 2 . La parole, la lecture, l’écriture apparaissaient ainsi comme le résultat du fonctionnement d’un mécanisme aussi précis, aussi dynamique qu’une horloge ou qu’un moteur. Vous avez vu comment ces rouages pouvaient s’être mal installés chez les enfants ou pouvaient « se casser » chez les aphasiques adultes. Dans les deux cas, je vous ai montré de quelle manière il était possible de réparer.
Vous avez rencontré bon nombre de mes patients : Simon qui, à neuf ans, ne pouvait pas « accrocher » pour lire la syllabe ; Stanislas qui « fonçait dans le brouillard », incapable de comprendre qu’un lien existe (le lien linguistique) entre ce qui se dit et ce qui s’écrit ; ou encore Janine qui ne pouvait parler qu’avec une voyelle... Leur histoire vous a peut-être permis, comme à beaucoup d’autres parents, d’y reconnaître intuitivement les difficultés de vos propres enfants et de faire vous-mêmes le diagnostic de troubles de type aphasique. Car vous avez été nombreux, malgré la difficulté du livre, à leur permettre de bénéficier d’un travail aphasiologique, évitant ainsi qu’ils viennent renforcer plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, le contingent des illettrés.
Vous avez sans doute retenu que les troubles de type aphasique expliquent des troubles du langage et des apprentissages de l’écrit jusque-là inaccessibles à la pédagogie spécialisée, à l’orthophonie classique et à la psychothérapie. Médecins, vous les avez reconnus chez vos petits patients. Orthophonistes, vous vous êtes rendus compte qu’il est parfois inutile d’insister avec les instruments habituels. Tous, vous avez compris que le travail est difficile : on ne gagne pas à tous les coups – du moins, pas toujours comme on l’espérait...
Aujourd’hui, vous avez entre les mains un deuxième livre. Il dit que tous ces enfants que j’ai vus depuis Lire, c’est vivre , et que j’ai soignés, confirment la justesse de mon analyse et l’efficacité du travail aphasiologique – premier enjeu sans lequel le reste est inutile, mon but ayant toujours été d’améliorer, de restaurer, voire de guérir ces enfants malades du langage. Il insiste aussi sur la « filiation » entre ces derniers et les illettrés qu’ils pourraient devenir.
Et surtout, il parle de l’écriture.
Non pas que l’écriture soit pour moi différente de la parole ou de la lecture – au contraire, je vais développer l’hypothèse que nous sommes aussi bien faits pour parler que pour écrire. Pourquoi un enfant qui parle correctement présente-t-il à l’écrit des altérations typiques des troubles de type aphasique ? Parce que l’écrit est dans l’oral . Telle est l’hypothèse : l’oral porte secrètement des anomalies structurelles de la consonne et de la voyelle qui seront responsables des anomalies de l’écrit ; elles existent même si l’enfant n’a pas encore appris à écrire, de sorte que la rééducation que j’entreprends avec eux comporte également des exercices oraux.
Notre cerveau est une machine à écrire...
En me suivant, vous allez voir comment le nourrisson se prépare à écrire et comment l’écriture a été inventée. Vous allez voir des enfants atteindre le degré zéro de l’écriture, alors qu’ils peuvent dessiner et qu’ils ne souffrent d’aucun trouble psychologique : totalement incapables de tracer des lettres, ils produisent des « guirlandes ». Vous allez voir ces « guirlandes » devenir « serpentins » : un chapelet de lettres qui s’étalent sur toute la page. Vous allez voir qu’il est possible de sortir de la « guirlande », mais que, parfois, on n’arrive à copier des modèles que dans certaines conditions, lorsque les mots à copier sont présentés sur un segment de droite bien délimité. Vous allez voir aussi des enfants incapables de copier des lettres, mais en revanche très forts pour en inventer... Et vous saurez ainsi passer le mur des apparences, lire entre les lignes, faire « parler » les écritures les plus banales et les plus silencieuses...
Les troubles de type aphasique intéressent tout le fonctionnement linguistique, même s’ils s’expriment de préférence – ou seulement – à l’écrit. Ensemble, nous allons les « re-sourcer » à l’aphasie. Nous verrons que, dans leur forme sévère, ils peuvent être associés à d’autres handicaps : surdité, épilepsie, troubles de la personnalité, etc., et que, dans leur forme discrète, on peut les déceler chez des enfants qui résistent à l’orthophonie classique et persistent à faire d’innombrables fautes d’orthographe, ou ne peuvent pas devenir de bons lecteurs, ou encore ne comprennent rien à ce qu’ils lisent.
Tout n’est pas encore dit. À mesure que je soigne, s’ouvrent de nouveaux horizons de recherche. De nombreux praticiens participent à cet effort, lors de séminaires ou de consultations communes. Qu’ils soient linguistes, pédopsychiatres, psychologues, psychanalystes, phoniatres, neurologues, orthophonistes et enseignants, leur collaboration est indispensable.

1 . Gisèle Gelbert, Lire, c’est vivre , Paris, Odile Jacob, 1994, rééd. coll. « Opus », 1996. C’est à cette dernière édition que je me référerai par la suite.

2 . On trouvera en annexe le schéma des fonctions linguistiques. Je m’y réfère constamment lorsqu’il s’agit pour moi d’analyser les troubles du langage et d’élaborer la thérapeutique. Munis de quelques images de ces enfants porteurs de troubles de type aphasique et en possession du schéma, il vous sera possible de vous orienter dans l’entrelacs des bizarreries de leurs productions.
CHAPITRE PREMIER
L’écrit est dans l’oral

C’est une longue et vieille

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