Le Sens au cœur des dispositifs et des environnements
276 pages
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Description

Consacré à la question du sens en émergence, cet ouvrage collectif réunit des réflexions d'horizons disciplinaires et épistémologiques variés sur les dispositifs et les environnements. Variés mais cohérents et surtout féconds. Que l'on soit sémioticien, géographe, biologiste, économiste, philosophe, anthropologue ou spécialiste des Sciences de l'Information et de la Communication, il s'agit de mobiliser le contexte, la situation, l'environnement, le dispositif, le cadre spatio-temporel ..., pour penser pleinement les interrelations constitutives du sens en tant que tenir–ensemble, pour questionner le maillage, le tissu, le tissage, entre « tout ce qui est » en co-présence et faire la critique des visées qui fondent l'agir humain, des visées éthique, sémiotique, pragmatique. Construit en deux parties, l'ouvrage discute les enjeux de la réciprocité entre nature/culture, leur frontière étant indéniablement mise en question par les faits tant sociaux qu'épistémologiques. Ont participé à cet ouvrage : Bruno Bachimont, Anne-Sophie Bellair, Augustin Berque, Beat Bürgenmeier, François Laplantine, Michel Lavigne, Eleni Mitropoulou, Jean-Pierre Nguede Ngono, Alain Papaux, Nicole Pignier.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2018
Nombre de lectures 3
EAN13 9782342162134
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Sens au cœur des dispositifs et des environnements
Sous la direction de Eleni Mitropoulou et Nicole Pignier
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Sens au cœur des dispositifs et des environnements
 
Introduction. Le sens au cœur des dispositifs et des environnements
Eleni Mitropoulou et Nicole Pignier
« Manifestement, quelque chose manque – manque terriblement. Un ingrédient essentiel a été négligé, un aspect nécessaire de la vie a été dangereusement ignoré, écarté ou simplement oublié dans la ruée vers un monde commun. Afin d’obtenir cette extraordinaire image unificatrice de la terre tout entière (the whole Earth) tournoyant dans l’obscurité de l’espace, les humains ont dû, semble-t-il, abandonner quelque chose de tout aussi précieux – l’humilité et la grâce qui viennent d’une pleine appartenance à ce monde tournoyant. Nous avons oublié l’assurance, l’équilibre que donne une vie en relation et en réciprocité, nourries d’histoires et de chants, avec la myriade de choses, la myriade d’êtres qui nous entourent et participent à nos perceptions. »
David Abram, Comment la terre s’est tue , (2013, [1997] : 343)
 
 
Qu’il s’agisse des liens entre les textes et leurs supports, dispositifs de médiation ou des interrelations entre les êtres vivants, de nombreux travaux aux horizons disciplinaires multiples invitent les sémioticiens à ne pas couper les ensembles de signes de leur « environnement », du tissu vivant ou/et technico-médiatique dans lequel ils sont énoncés, donnés à interpréter. Cela, afin de questionner le statut que l’« environnement » affecte aux signes, quelle que soit sa nature. En quoi a-t-il à voir avec l’expérience que nous pouvons faire des êtres culturels et des êtres vivants ?
Selon le bio-acousticien Bernie Krause par exemple, c’est dans une interaction permanente avec leur milieu que les êtres vivants, insectes, oiseaux, mammifères s’expriment, non par déterminisme mais avec créativité. In vivo , ils ajustent leurs signes sonores, les modulent, les modèlent, en interrelation continue avec les autres êtres vivants, selon la présence spécifique du vent, de l’eau et des autres éléments naturels. Ainsi, ils font émerger un paysage sonore ou biophonie dans lequel les énonciations animales se rencontrent, s’unissent sans jamais se fondre, en tensions coopératives ou compétitives (Krause, 2013 : 40). Le biologiste Jean-Claude Ameisen reprend et commente les travaux de Bernie Krause en insistant sur la nécessité pour le devenir de l’humanité de porter attention à ce lien de sens entre les êtres vivants, y compris les humains et leur « environnement » (Ameissen, 2014 : 206-207).
Du côté des « êtres culturels », Yves Jeanneret a démontré comment les textes au sens large d’énoncés artistiques, informatifs ou relevant de tout autre type de discours se réénoncent au fil de leurs circulations au sein de la vie sociale. Cette réénonciation permanente réoriente potentiellement l’expérience que nous pouvons en faire. Elle constitue, via la convocation des supports et des dispositifs, « la trivialité des êtres culturels » (Jeanneret, 2008).
 
Prenant acte de tels travaux qui invitent à comprendre l’« environnement » en tant que « milieu » qui habite, traverse les êtres plutôt que ce qui les entoure, la sémiotique peut-elle dire quel sens fonde un milieu duquel ou dans lequel des signes émergent ? Non ; car elle ne s’occupe pas de la description du sens mais bien plutôt des conditions de son avènement. Elle interroge les éléments fondateurs du processus de la construction du sens. À la croisée de disciplines aussi diverses que la philosophie des sciences, la philosophie du droit, la mésologie, les sciences de l’information et de la communication, les sciences économiques et sociales, l’anthropologie, cet ouvrage questionne les conditions d’émergence du sens en interaction continue entre les signes et leurs milieux. Deux lignes de force majeures se dessinent au fil de cette réflexion collective.
1. Les signes ne « fonctionnent pas » de façon « arbitraire », ils naissent du rapport à l’oikos.
Dans sa contribution, « Milieu et sens des choses », Augustin Berque situe le concept de « milieu » à partir des travaux du naturaliste et biologiste allemand Jakob Von Uexküll ainsi que ceux du philosophe japonais Watsuji. Le « milieu » se distingue alors du donné environnemental brut. Le sens des choses relève d’une dynamique selon laquelle le donné environnemental est saisi par les sens, l’action, la pensée et le langage en tant que quelque chose. Jakob Von Uexküll (1864-1944) fut en effet le premier en biologie à appréhender le vivant comme constitué d’une infinité de mondes perceptifs, tous liés entre eux sur le mode de l’orchestration et non sur un ordre d’interdépendances hiérarchiques dictées par la nécessité.
 
Augustin Berque démontre que les signes linguistiques émergeant de l’interaction entre les humains et leur milieu ne « fonctionnent » pas, pas plus qu’ils ne constituent un « système ». Ils naissent de notre relation concrète et existentielle à la terre/Terre tandis que cette dernière, en tant que milieu singulier pour les êtres vivants, invite à une réinterprétation continue. La pensée, le langage, les gestes des êtres humains émergent d’une relation à la Terre qui se veut concrète, située, incorporée dans un milieu « éco-techno-symbolique ». Les signes linguistiques n’ont en ce sens rien d’arbitraire, contrairement à ce que prétend la thèse structuraliste. Ce processus éco-techno-symbolique, Augustin Berque le nomme « trajection ».
Qu’en est-il des processus de sens chez les êtres vivants non-humains ? Nicole Pignier précise en quoi les mondes perceptifs des êtres vivants non humains manifestent quelque chose d’eux-mêmes aux autres, dans un milieu, avec ou sans intention mais toujours avec une intentionnalité. Elle fait à ce titre l’hypothèse que des énonciations du vivant peuvent advenir même sans sujet symbolique, dans un lien perceptif, d’appréciation, de dépréciation, de choix de partenaires, invitant d’autres êtres vivants à une co-énonciation. En esquissant une alternative aux limites des épistémologies organiciste et mécaniciste, l’éco-sémiotique proposée ici invite, dans tout projet de design des activités humaines, à co-énoncer avec le vivant au lieu de s’en abstraire ou de le contraindre jusqu’à faire tourner les signes dans le vide en les coupant de l’oikos, la Terre ou accueil de la vie.
Et pourtant, de nombreuses communautés humaines ont fondé leur vivre ensemble sur une pleine continuité « éco-techno-symbolique » pour reprendre les termes d’Augustin Berque. C’est ce qu’explique Jean-Pierre Nguede Ngono à propos des pygmées Baka, un peuple situé au sud-est du Cameroun. Chez cette communauté, les différents espaces ne correspondent pas à une perception de la mesure faite d’étendues fonctionnelles mais leur désignation, conception, expriment et génèrent des relations concrètes, existentielles entre les humains et leur milieu.
Entre le proche profane et le lointain sacré se trouvent respectivement les lieux d’habitation puis de chasse – cueillette-plantation et enfin de rites initiatiques. Ainsi le Jengi, incarnation divine et rite de passage marque la transition entre le profane et le sacré, les lieux de sédentarité et le nomadisme. Les formes de vie sociales se tissent en étroite interrelation avec la perception/conception de ces espaces, passages, transitions. En détruisant leur forêt ou en leur imposant des zones de réserve naturelle, on décime le processus sémiotique baka de continuité entre l’oikos et les signes techno-symboliques. Or, chaque pratique du quotidien se fonde sur sa relation à un espace concret, situé et en interrelation avec les autres pratiques liées éco-techno-symboliquement à d’autres lieux. L’économie, à l’origine éco-nomie ou loi, règle de l’oikos, en tendant majoritairement vers l’exclusion des milieux socio-écologiques nie les processus sémiotiques de continuité éco-techno-symbolique tels qu’ils ont lieu chez les Baka.
La contribution de Beat Bürgenmeier montre qu’historiquement, la notion de croissance économique s’est fondée sur une conception du bien-être, du mieux-être individuel et collectif relativement au Produit Intérieur Brut (PIB) à savoir à la production de biens et de services. Vers 1950, dans une logique immanentiste et sous l’égide de l’ONU, la croissance économique a fondé son sens ainsi que celui des sociétés humaines exclusivement sur la production de richesses monnayables.
Les travaux onusiens ont tenté, à la fin du XXème siècle, d’intégrer plusieurs éléments socio-écologiques dans le calcul du bien-être, de la qualité de vie mais c’est au Bhoutan que le milieu éco-socio-culturel a été reconnu comme fondateur de richesses non réductibles aux biens monnayables. Le terme de « Bonheur Intérieur Brut », par différence du PIB souhaite ainsi placer le sens au cœur des dispositifs politiques et des milieux concrets, existentiels. Il met à l’épreuve l’immanence du sens du PIB en ajustant l’économie à l’oikos.
Beat Bürgenmeier explique que la justice procédurale contemporaine consiste justement à élargir le plan d’immanence du sens en portant attention à la manière écologique, sociale dont on produit des richesses. Cependant, les environnements socio-culturels ne sont-ils pas davantage mobilisés à des fins mercatiques pour justifier toujours plus de productions de richesses monnayables et de signes hors-sol ?
 
Cette p

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