Le Langage et ses maux
407 pages
Français

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Le Langage et ses maux , livre ebook

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Description

Pourquoi sommes-nous capables de langage ? Comment le subtil arrangement de cellules qui se cache sous notre crâne peut-il engendrer ce qui est à la base même de la culture ? La faculté de parler, de lire, d'écrire a-t-elle une racine seulement dans une zone bien précise de notre cerveau ? Que se passe-t-il lorsqu'une lésion survient ? À travers l'étude des aphasies et de quelques autres désordres neurologiques, une somme extraordinaire sur les fondements du langage, enrichie par les apports les plus récents de la recherche clinique. Neurologue, Olivier Sabouraud est professeur au centre hospitalier de Rennes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 1995
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738142351
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Publié avec le concours du Centre national du Livre.
© O DILE J ACOB , MARS  1995 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-4235-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.centrenationaldulivre.fr
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface

S’il est l’œuvre d’une seule plume, ce livre reflète l’expérience et la réflexion d’un groupe. Et, dès les premières lignes, je veux nommer Hubert Guyard, Attie Duval, Marie-Claude Le Bot. Leurs travaux sont à toutes les pages. Leur travail – cette collaboration et ces échanges que nous entretenons depuis des années, avec et à propos des patients suivis ensemble – est tout aussi présent même s’il se voit moins. Pour être plus distant ou plus intermittent, le dialogue avec Didier Le Gall n’en est pas moins apprécié.
Dans cette mention des collaborations décisives, s’il ne devait apparaître qu’un seul nom, ce serait celui de Jean Gagnepain, tant est grande vis-à-vis de lui notre dette à tous. Dans ce domaine de recherche où les doctrines et les synthèses sont si communément indigentes, il a apporté sa remarquable capacité à théoriser, proposant la séparation en quatre plans de la rationalité humaine – une notion dont la fécondité n’a pas fini de s’affirmer –, renouvelant complètement les notions de signe, d’outil, de personne et de norme. Il nous a fait comprendre quelle réduction c’était d’aborder l’homme selon une seule dimension et de ramener, comme on le fait trop souvent, toute la rationalité à une analyse purement technique : aujourd’hui le travail des chercheurs se résume presque à inventer des machines, le fonctionnement du cerveau est étudié comme s’il s’agissait de production industrielle. C’est à la clinique qu’à Rennes, dans notre travail commun, nous attribuons la primauté. Elle seule peut mettre en question, encore et toujours, la nature de ce qui est touché par suite d’une lésion du cerveau ; elle seule peut différencier des modules fonctionnels, plus multiples que ne supposait un abord naïf, révélant que l’homme est multiple, du fait de son cerveau.
Le temps était venu, même si l’état d’avancement est inégal selon les domaines, même si tout est toujours à corriger et à remanier, de réunir ce travail de trente-cinq ans, de reprendre des matériaux et des observations accumulés. Il fallait aussi que cette révision soit celle du neurologue, ayant pour objectifs d’évaluer et de faire connaître ce qu’apporte à la clinique une réflexion théorique sur le fonctionnement humain, dans une démarche qui croise celle du linguiste ou de l’épistémologue quand ils cherchent ce que les patients dans leur diversité peuvent révéler d’irremplaçable à l’anthropologie.
La rédaction est donc celle d’un clinicien et elle s’adresse à des non-spécialistes. En toute occasion il a été choisi d’utiliser les termes dans leur sens le plus communément admis plutôt qu’une terminologie peut-être plus stricte mais qui aurait imposé l’adhésion préalable du lecteur à un système de pensée. De la même façon, le parti a été pris de ne pas recourir, pour citer les patients, à l’écriture phonétique : les transcriptions doivent être lisibles, sans apprentissage particulier, en suivant les conventions les plus courantes de l’écriture française (avec seulement quelques apostrophes en excès).
Sans l’intérêt manifesté par Odile Jacob, cette entreprise n’aurait peut-être pas dépassé l’état de projet. Elle s’achève opportunément au moment où, de divers côtés, des voix s’élèvent pour contester le règne sans partage de la théorie de l’information et des modèles computationnels. Dans ce travail, je pense avoir été fidèle en esprit à Théophile Alajouanine, à son étonnement devant l’aphasie, à la profondeur de la réflexion qu’il m’a invité à partager, ainsi qu’à Jean-Louis Signoret, dont le talent et la discussion amicale nous manquent tellement.
INTRODUCTION
Et pourtant la science est nécessairement matérialiste

Auguste Comte nous a légué une image de la science comme une échelle. Pour gravir l’échelon supérieur, il faut prendre appui sur l’échelon inférieur. Dans cette ascension, les mathématiques sont le premier niveau, suivies de la physique, puis de la chimie, de la biologie et de la psychologie. Cette figuration reste très éclairante, soulignant en particulier la puissance et l’efficacité des mathématiques. Elle serait en même temps trompeuse si elle donnait à penser que chaque discipline – ou groupe de disciplines – peut être ramenée à l’autre, ce qui est faux. Il n’est pour s’en convaincre que d’observer la progression très déphasée des différents domaines : des mathématiques nouvelles ont été développées qui restent sans retombées et sans applications dans les autres sciences ; à l’inverse, la biologie a dû développer toute une chimie que la connaissance et les techniques traditionnelles n’avaient pas soupçonnée.
Ce décalage dans le temps révèle que si, dans la connaissance scientifique, il existe une unité et une nécessité de cohérence, il y a en même temps une discontinuité entre les différentes sciences, qui conservent leur champ et leurs méthodes propres. L’époque présente rend spécialement perceptible cette discontinuité quand, pour fabriquer de l’insuline, elle abandonne les synthèses dans des tubes, des colonnes, des usines, et s’adresse à la culture de bactéries dont les gènes ont été enrichis d’un fragment de génome humain.
L’équilibre entre cohérence et discontinuité qui existait depuis longtemps dans les rapports entre mathématiques et physique, physique et chimie, ne s’est vraiment trouvé que depuis peu entre chimie et biologie. Il a fallu reconnaître une complexité particulière au vivant (liée en premier lieu à la chimie des protéines), il a fallu comprendre le maintien et l’accroissement dans la matière vivante de constructions complexes et improbables (avec le rôle du code génétique et la place des acides nucléiques). En même temps ces mécanismes, ces interactions, ces molécules d’un type particulier se sont intégrés dans les concepts et dans les lois de la physico-chimie permettant d’en finir avec le vitalisme, la force vitale, le mystère du vivant.
Ce progrès vers la cohérence scientifique ne s’est pas encore produit entre la biologie et les sciences de l’homme. Il est appelé mais non réalisé dans le grand mélangeur des neurosciences, où coexistent sans arriver à unifier leurs concepts, d’un côté la physiologie des circuits neuronaux, la biochimie (et la pharmacologie) des neuromédiateurs, d’un autre côté la psychologie, la linguistique (et le groupe un peu flou des sciences de la « cognition »). C’est entre le cerveau et la pensée, le cerveau et le langage qu’apparaît le plus clairement le hiatus d’une connaissance qui cherche encore les voies de sa cohérence. Comme il est habituel quand un problème n’a pas de solution, la tentation est grande de le nier, ce qui aboutit souvent à réduire la rationalité d’un domaine de connaissance à la rationalité de l’autre. C’est le choix qui semble présider aux démarches des chercheurs sur « le cerveau-machine » ou sur « l’homme neuronal ». Pour éliminer toute trace du dualisme hérité d’une conception de l’homme avec une âme et un corps, on a choisi le matérialisme, parce que la science est matérialiste. Les opérations de l’esprit ne sont rien d’autre que les processus qui se déroulent dans les neurones du cerveau, les signaux concrètement observés dans toute leur complexité au niveau des ensembles neuronaux et de leurs connexions. Les concepts ou les mots par exemple sont des « objets mentaux », dérivés des données perceptives, selon l’enchaînement : images, souvenirs, abstractions ; chaque étape représente la constitution d’une configuration de cellules nerveuses activées en commun, constituant dès lors un ensemble susceptible d’être réactivé, associé, ou mis en relation comme tel avec d’autres ensembles.
Paradoxalement, la même réduction est opérée par les psychologues. Elle fonctionne pour les comportements moteurs, perceptifs, émotionnels, sociaux de l’homme, abordés avec les méthodes de la physiologie. Elle s’étend désormais aux activités cognitives, considérées comme « traitement de l’information ». L’information existe, elle a son unité de mesure ; elle se confond avec son signal matériel. « Données » et « logiques », « lexiques » et « grammaires », considérés dans leur réalisation matérielle, résument ce que l’on peut savoir du fonctionnement humain. Le travail des psychologues consiste à reconstituer à partir des stimuli expérimentalement manipulés et des résultats recueillis, sur le modèle de l’ordinateur, la machine capable des mêmes transformations, des percepts aux concepts, tous réduits à leur inscription matérielle dans des « mémoires ».
Bien qu’elles ne se rencontrent pas, les deux démarches des « objets mentaux » et du traitement de l’information conduisent à un même résultat qui est d’ignorer le problème du passage, ce passage que l’homme a franchi quand, en un temps de sa préhistoire, il s’est doté d’un langage et que, tous, nous devons effectuer, sans savoir comment, quand le langage nous arrive. Ce seuil est aussi celui qu’on désigne quand on reconnaît la séparation d’un ordre naturel et d’un ordre culturel.
Il ne s’agit pas seulement d’une puissance plus importante pour traiter les informations fournies par nos canaux sensoriels, d’une complexité plus

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