La Plume et le Pinceau
476 pages
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La Plume et le Pinceau , livre ebook

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Description

Les grands romanciers du XIXe et du début du XXe siècle, notamment Balzac, Stendhal, les frères Goncourt, Zola, Maupassant et Proust, ont en commun un intérêt passionné pour la peinture, intérêt qui les a tous amenés à inventer de nombreux personnages de peintres, incités à regarder et à écrire en peintres et souvent à se transformer en critiques d’art. Balzac aurait voulu écrire avec les couleurs de Delacroix, Zola, initié à la peinture par Cézanne, son ami d’enfance, s’inspirait de Manet ou de Degas pour décrire ses sujets, et Bergotte, l’écrivain fictif de Proust, meurt en regrettant de ne pas avoir écrit avec l’art de Vermeer. Intriguée par ce trait si caractéristique de la littérature française, Anka Muhlstein s’est attachée à montrer l’union intime de la peinture et de la littérature pendant cette période, facilitée par l’accès, alors unique en Europe, au musée et stimulée par l’étonnante camaraderie d’un groupe d’artistes étroitement unis, prompts à s’encourager les uns les autres. Auteur notamment de Napoléon à Moscou, de Garçon, un cent d’huîtres !, de Balzac et la table et de La Bibliothèque de Marcel Proust, Anka Muhlstein est historienne et biographe. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 septembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738159564
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5956-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour Louis
INTRODUCTION
L’art pour tous

Je me suis souvent demandé pourquoi les romanciers du XIX e  siècle ont été littéralement obsédés par la peinture, alors qu’au siècle précédent seul Diderot, parmi les grands écrivains de sa génération, a témoigné d’un intérêt pour les arts. Lisez Stendhal, dont l’ouvrage sur la peinture en Italie avait fasciné Cézanne, Balzac, Flaubert, les Goncourt, Zola, Anatole France, Huysmans, Maupassant, Mirbeau et enfin Proust : tous ont accordé une importance extrême à la manière de regarder et de décrire, et cela les a incités à créer une prolifération de personnages de peintres. C’est un phénomène essentiellement français. L’équivalent ne se trouve ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni en Russie. Aux États-Unis, il faudra attendre la fin du siècle et Henry James pour que la peinture se fasse sujet littéraire. En Angleterre, Virginia Woolf sera la première à s’interroger sur l’influence de la peinture sur la littérature. Pourquoi cet intérêt si précoce et si général en France, si ce n’est que la création d’un musée public, à la toute fin du XVIII e  siècle, a permis à toute une génération d’acquérir une vaste, réelle et unique culture artistique ?
Quoi de plus naturel que d’aller au musée ? Avoir un accès facile aux grandes œuvres nous paraît si évident que nous songeons rarement à la révolution culturelle amenée par la création des musées modernes. Et pourtant, quel bouleversement dans les mœurs que cette opportunité ! Au XVIII e  siècle, seules la naissance ou une rare réussite personnelle ouvraient la porte aux chefs-d’œuvre isolés dans les palais et autres grandes demeures, et permettaient de visiter les galeries de tableaux constituées par les riches collectionneurs parisiens. Faute de quoi, on en était réduit à passer beaucoup de temps dans les églises, seuls lieux où chacun pouvait admirer en toute liberté les œuvres d’art, du moins avant ou après la messe. L’Italie était particulièrement riche en ce domaine. Mais apprécier un tableau dans l’obscurité des chapelles posait problème et en posera longtemps : Henry James se lamentait, pendant une visite à Venise, d’avoir dû renoncer à admirer le magnifique Cima da Conegliano de San Giovanni in Bragora et les superbes Tintoret de San Rocco tant les églises étaient sombres. De nos jours encore, nombre de touristes, à court de pièces à glisser dans un appareil, n’ont que quelques minutes pour apercevoir fresques ou tableaux. De plus, il fallait de l’argent et des loisirs pour voyager en Europe afin de découvrir la sculpture et la peinture d’autres cultures. Se promener à son gré et à son rythme dans la grande galerie du Louvre était donc sans prix, au propre – puisque l’entrée était libre – comme au figuré.
Le phénomène le plus important de la vie artistique du début du XIX e  siècle, en France, a sans conteste été l’exposition publique d’une immense quantité de chefs-d’œuvre. Il fallut la chute de la royauté pour que le projet d’organisation d’un musée, prévu depuis longtemps, avançât enfin et, en novembre 1793, le Louvre ouvrit sous un nom nouveau, celui de Muséum central des arts de la République. Le règlement prévu pour la décade, c’est-à-dire la période de dix jours qui, sur ordre du gouvernement révolutionnaire, remplaçait la semaine, voulait que les cinq premiers jours fussent réservés aux artistes et aux copistes, les deux jours suivants au nettoyage et le peuple était admis les trois derniers jours. La grande innovation, outre la politique des portes ouvertes, consistait à ne pas simplement montrer des œuvres diverses, mais à les organiser dans un but éducatif.
Dès la chute de la monarchie, en 1792, le gouvernement avait commencé à confisquer les œuvres d’art conservées dans les monastères et les églises ainsi que les biens des premiers émigrés. Ces œuvres allaient en partie trouver leur place au Louvre. De plus, les trésors de différents châteaux royaux furent transférés à Paris. Le surplus, plus d’une centaine de toiles, fut entreposé à Versailles, dans le bâtiment de la surintendance, l’administration chargée de l’entretien des palais royaux.
Le nombre de peintures et de sculptures augmenta de façon spectaculaire dès 1794 grâce aux conquêtes militaires de la Révolution et de l’Empire, puisque toutes les victoires de l’époque se traduisaient par un pillage systématique des œuvres d’art des pays vaincus. Le pillage artistique ne date pas des guerres révolutionnaires et impériales, mais l’importance et le nombre des œuvres saisies dépassaient l’imaginable, non seulement par le nombre, mais par la qualité. Des convois chargés de Rubens, de Van Eyck et de Rembrandt arrivèrent à Paris après la prise de Bruxelles en juillet 1794, suivie par celle de Gand et d’Anvers. Plus de deux cents toiles furent confisquées aux Pays-Bas. Une semblable mainmise se produisit en Allemagne et, à plus grande échelle encore, en Italie. Bonaparte, dès qu’il fut nommé général et affecté à l’armée d’Italie, chargea des commissaires spécialisés du choix des œuvres, des manuscrits, des curiosités animales ou botaniques, et ces hommes remarquables – Monge, un grand mathématicien, Berthollet, un chimiste de génie, Moitte, un sculpteur renommé, et un botaniste, Thouin, ancien jardinier en chef du Jardin royal des plantes médicinales, aujourd’hui le Jardin des plantes – non seulement surent choisir, mais firent preuve d’un incroyable talent d’organisateurs. Les Français justifiaient leurs spoliations en prétextant que désormais elles seraient possession du peuple au lieu d’être réservées au plaisir des despotes.
L’arrivée des trophées fut l’occasion d’une manifestation politique à la gloire du gouvernement. Le commissaire Thouin, qui avait le sens de la publicité, en avait fait son affaire : « Ferons-nous arriver les précieuses dépouilles de Rome comme des sacs de charbon et les verra-t-on débarquer sur le quai du Louvre comme des caisses de savon ? […] Non, il faut que le peuple entier soit convié à la fête. […] Toutes les classes de citoyens verront que le gouvernement s’est occupé d’elles et que chacun aura sa part dans le partage d’un aussi riche butin. Elles jugeront ce que c’est qu’un gouvernement républicain comparativement au monarchique qui ne fait de conquêtes que pour placer et enrichir ses courtisans et satisfaire sa vanité 1 . » Une grande fête marqua l’entrée à Paris, le 28 juillet 1798, d’une procession triomphale. Un défilé d’animaux exotiques – lions, chameaux et ours – précédait les quatre statues de chevaux en cuivre, orgueil de la façade de la basilique de Saint-Marc ; venaient ensuite plus de trente chars porteurs de grandes sculptures classiques et enfin les toiles les plus célèbres de la Renaissance italienne, les Raphaël, les Titien, les Tintoret et un immense Véronèse, Les Noces de Cana.
En réalité, les responsables étaient beaucoup trop conscients de la fragilité de ces œuvres pour les faire circuler en plein air. Sculptures et peintures ne furent sorties de leurs caisses qu’au moment de leur placement dans les galeries. Et le fait qu’aucun dégât ne survint pendant ces longs transports, notamment en provenance d’Italie, impressionna considérablement Français et étrangers.
Les envois continuèrent jusqu’à la fin de la période conquérante de Napoléon. La profusion extraordinaire d’œuvres exigea une complète réorganisation du Louvre qui se fit sous la direction de Vivant Denon, un diplomate très féru d’art. Les habitants du Louvre furent priés de déguerpir. Une grande partie des toiles de l’École française reprit le chemin de Versailles où se constitua le Musée spécial de l’École française. Des travaux importants dans le Louvre même furent entrepris. Il y eut des périodes pendant lesquelles le musée fut fermé, mais dès que les portes ouvraient à nouveau, l’affluence se faisait considérable. Mme Vigée Le Brun y courut dès son retour à Paris, qu’elle avait fui en 1789 pour y revenir en 1802, sous le Consulat. Elle voulut y aller seule pour ne pas être distraite et fut emportée d’admiration à la vue de tant de beauté, au point qu’elle ne se rendit pas compte que les gardiens fermaient les portes. Elle crut qu’elle serait obligée de passer la nuit parmi ces belles statues, qui lui paraissaient maintenant autant d’effrayants fantômes, quand elle découvrit finalement une petite porte contre laquelle elle frappa si fort qu’on vint la libérer 2 .
Il n’y avait pas que le Louvre. En 1803, le musée du Luxembourg, qui renfermait la collection commencée par Marie de Médicis, accueillait ses premiers visiteurs. Pendant une courte période au XVIII e  siècle, les galeries du palais du Luxembourg avaient été ouvertes à tous, mais lorsque le comte de Provence, le frère de Louis XVI, prit possession des lieux, les visites prirent fin. Watteau s’y faisait introduire subrepticement pour y étudier le cycle de Marie de Médicis par Rubens. Un troisième musée d’importance, le musée de l’Histoire de France, fut installé à Versailles par Louis-Philippe. Cette ouverture au public constituait une véritable première en Europe. Les princes allemands, les aristocrates anglais avaient toujours laissé visiter leurs collections, mais, la plu

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