Arabe/Musulman : Archéologie du discours et des représentations dans les dictionnaires de langue française
404 pages
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Description

Se présentant souvent sous forme d'articles, les définitions dans un dictionnaire de langue ne proposent pas exclusivement le(s) sens des mots-entrées de cette étude. En effet, l'observation du corpus composé des mots arabe, mahométan, Mahomet, musulman, maure, sarrasin et turc nous a conduit à y voir des dénominations et de considérer les définitions qui en sont proposées comme des discours sur les référents, véhiculant surtout des stéréotypes socialement partagés. Dans cette perspective nous avons adopté une démarche qui étudie les mots dans leur parcours sémantique allant de la langue (le mot) au discours (l'énoncé définitionnel). Les mots-entrées des dictionnaires de notre corpus sont ainsi étudiés d'un point de vue lexicographique, comme unité du dictionnaire, et leurs définitions sont analysées comme des discours sur le référent. Notre démarche participe d'un croisement entre les définitions des mots et le discours de la doxa sur le référent. Nous y étudions l'agencement des énoncés et des arguments auxquels il est fait appel pour argumenter tel ou tel emploi. Nous découvrons le proverbe et l'emploi familier aux côtés des citations d'auteurs célèbres. L'appel à l'histoire et la mémoire collective est manifeste et constitue la trame de fond de presque toutes les définitions. Les définitions des dénominations véhiculent constamment des représentations péjorées que les dictionnaires pérennisent et consacrent. Ces représentations sont souvent argumentées par des emplois familiers et populaires qui inscrivent le discours dictionnairique dans une formation discursive, celle de la doxa dans son discours sur l'autre. Une question demeure cependant en suspens : les conflits qui surgissent de temps à autre témoignent-ils d'un conflit séculaire que les dictionnaires, tout comme les manuels d'histoire, ne font que mettre sur le marché du sens ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 octobre 2016
Nombre de lectures 4
EAN13 9782342057447
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Arabe/Musulman : Archéologie du discours et des représentations dans les dictionnaires de langue française
Ammar Azouzi
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Arabe/Musulman : Archéologie du discours et des représentations dans les dictionnaires de langue française
 
 
 
Arabe/Musulman :
Archéologie du discours et des représentations
dans les dictionnaires de langue française
Ammar AZOUZI
 
 
 
 
Arabe/Musulman
Archéologie du discours et des représentations
dans les dictionnaires de langue française
Ammar AZOUZI
 
 
 
 
À la mémoire de mon père.
 
Introduction générale
Le dictionnaire n’est pas seulement un objet, un produit de consommation, défini par des besoins socio-culturels, c’est aussi et surtout un texte , un discours continu et clos, tenu par le lexicographe sur un objet qu’il dit être la langue (ou une partie déterminée de la langue) ou sur cet autre objet qui est le savoir sur le monde (ou une partie de ce savoir) : Dictionnaire de langue ou Dictionnaire encyclopédique dépendent de règles communes qui commandent la tenue de l’énoncé lexicographique. (Jean Dubois, 1970 : 35)
Aborder les questions de la dénomination, du sens et de la référence à travers les définitions de mots dans les dictionnaires de langue nous met face à de nombreuses interrogations qui tournent aussi bien autour des motivations que de la méthode à adopter. L’intérêt porté à la sémantique des mots -dans un ouvrage lui-même traitant du sens des mots- pourrait être considéré comme paradoxal. Pourquoi étudier le sens de ces mots alors que le dictionnaire joue bien ce rôle ?
Si le dictionnaire de langue propose à lecteur aussi bien un outil pédagogique qu’un répertoire des mots d’une langue à un moment donné de l’histoire de celle-ci, il est le représentant d’un mode de pensée, d’une idéologie non pas uniquement de son (ses) auteur(s) mais aussi de son époque. Le sens assigné aux mots n’est pourtant jamais définitif ; les éditions renouvelées d’un même dictionnaire ou les nouveaux dictionnaires en sont les preuves.
La volonté affichée de tout dictionnaire de proposer le vrai sens des mots ne masque pas le fait que le même ouvrage s’inscrit, de par l’énoncé définitionnel qu’il propose, dans la perspective d’un discours produit et de ses conditions de production.
Un dictionnaire est un ouvrage didactique qui décrit un ensemble défini (généralement structuré) d’éléments linguistiques, présentés en messages séparés et ordonnés, permettant la consultation. (Debove, 1971 : 27)
La définition proposée par le dictionnaire de langue dépend donc du genre de celui-ci et de la représentation que son auteur se fait de la lexicologie, de sa mission et de son public. C’est ainsi que les premiers dictionnaires étaient destinés aux érudits, pas à un public large. Avec le temps et la démocratisation, voire la popularisation, du savoir, des dictionnaires sont surtout destinés aux débutants, à ceux dont la maîtrise de la langue est peu avancée alors que d’autres le sont à des spécialistes de telle ou telle discipline. À cet effet, outre les dictionnaires de langue, nous pouvons évoquer ceux de linguistique, de pragmatique, de rhétorique, de stylistique, etc., pour rester dans le cadre des sciences humaines. Il y a à cet effet des dictionnaires de plus en plus spécialisés.
Il est convenu que le dictionnaire de langue, objet de notre étude, propose les définitions des mots-entrées en en donnant des sens, par le recours à des périphrases, aux emplois du mot, à des citations, etc. Outre qu’elles constituent une tentative d’expliquer le mot-entrée, les définitions constituent un métalangage qui propose à l’usager l’étymologie du mot, les synonymes, parfois une transcription phonétique, etc., une sorte de description du mot en langue.
Cette description devra être telle qu’elle corresponde à l’ensemble des emplois observables du mot à une époque donnée et qu’elle permette de le distinguer de tout autre mot de la même langue et notamment de tout autre mot sémantiquement apparenté. (Alain Rey, 1990 : 13)
Aussi, la définition du dictionnaire s’inscrivant en principe dans la pratique d’une langue, est-elle dès lors « respectueuse des variations que l’usage social produit pour une forme linguistique donnée » (Alain Rey, 1990 : 13). Par ailleurs, la définition d’une unité lexicale proposée dans le dictionnaire s’inscrit dans un contexte socioculturel dont la prégnance est souvent manifeste.
Outre qu’elle propose une étymologie, une périphrase et des synonymes de l’unité lexicale, la définition du dictionnaire est amenée à argumenter en faveur de ce même énoncé définitionnel par le recours aux exemples et aux citations d’auteurs. Le recours incessant à l’argumentation, par l’exemple et par la citation, n’est pas consacré, non plus. Le choix des exemples et des citations s’inscrit dans la perspective d’un recours à l’argument d’autorité, à la doxa, au déjà dit, au prêt-à-penser. Ainsi l’auteur du dictionnaire s’efface-t-il en tant que sujet du discours derrière l’argument mobilisé pour laisser parler la doxa, l’autorité de la mémoire des mots, la mémoire des dires antérieurs. Si cela a été dit ailleurs et par d’autres, cela ne veut-il pas dire que cela est vrai ? L’élaboration d’un énoncé définitionnel, le premier dictionnaire excepté, ne part pas du vide, il y a toujours un discours antérieur. Cette manière de rédiger répond à un protocole d’écriture propre aux dictionnaires de langue en général.
Les développements techniques et scientifiques, l’aspect didactique mais aussi commercial, donnent lieu à des dizaines de dictionnaires. Si les dictionnaires ne proposent pas tout à fait le même contenu, le même dictionnaire, publiant une nouvelle édition chaque année ou presque, n’offre pas de nouveaux sens au lecteur potentiel.
La multiplication et la succession des dictionnaires nous mettent face à « tous les pièges de la définition du dictionnaire, sa charge affective et idéologique, la nature datée de sa rhétorique, le flou des limites entre l’évocation de traits pertinents et celle de traits seulement caractéristiques, voire accidentels, dépendent d’un programme en partie implicite et non pas forcément de faiblesses par rapport à un modèle théorique qui ne lui convient pas. » […] De fait, on ne décèle guère de progrès autres que pédagogiques dans l’évolution de la pratique définitionnelle des dictionnaires de langue depuis le XVII e siècle. (Alain Rey, 1990 : 21-22)
Notre étude consistera à étudier les définitions des mots arabe , mahométan , Mahomet , musulman, maure, sarrasin et turc avec leurs référents dans les dictionnaires, sans pour autant occulter le contexte socioculturel dans lequel celles-ci ont été mises sur le marché du sens « en allant observer le fonctionnement sémantique des mots dans leur contexte verbal, voire grammatical […], ainsi que l’usage qu’en font les locuteurs dans des situations de communication ordinaires. » (Moirand, Rakotonoelina et Reboul-Touré, 2003 : 11)
L’étude des mots qui constituent notre corpus partira des définitions d’abord, d’un dictionnaire à un autre, d’un siècle à un autre par la suite, dans une perspective à la fois diachronique et comparative. Chacune des définitions fera l’objet d’une étude systématique. Nous partons du fait que le dictionnaire est d’abord et surtout un outil pédagogique mais nous démontrerons l’enjeu idéologique, culturel et social des définitions proposées. En effet, l’outil pédagogique qu’est le dictionnaire, de par les définitions qu’il donne, s’inscrit toujours dans une idéologie ou en adopte une.
 
Les emplois, depuis longtemps attestés en langue, des mots dont nous étudions les définitions nous autorisent à les considérer comme des dénominations 1 . Nous nous pencherons alors sur leur étude en langue. Ces mêmes emplois, pris dans des contextes socioculturels différents avec un impact direct ou indirect sur le dire du dictionnaire, permettent de considérer les énoncés définitionnels proposés non pas comme de simples définitions mais plutôt comme des discours, discours tenus plutôt sur le référent que sur le mot lui-même.
 
Les dénominations prennent alors de nouvelles dimensions. Nous passons de leur étude en langue à celle de leur étude en discours, «  le discours, défini et partiellement déterminé par sa relation avec un « extérieur » historique, politique ou social-extérieur qui peut être appréhendé comme « sphère de l’activité sociale », « situation de communication », « conditions de production », « contexte socio-historique » . (Cislaru, Pugnière-Saavedra et Sitri, 2008 : 12).
 
Ainsi des mots tels que Arabe , Maure , Musulman , Sarrasin , Turcs sont-ils étudiés à travers les différentes définitions que les dictionnaires proposent aux lecteurs. Raisons de clarté et souci de précision obligent, nous décomposons les mots, non pas suivant l’ordre alphabétique ou le fonctionnement syntaxique mais suivant leurs références afin de composer des groupes harmonieux et compatibles au niveau des points de vue pour rester fidèle à l’objectif majeur de l’étude, à savoir « le sens », mot qui a occupé les linguistes et les lexicographes 2 . Donc le lien entre les mots sera référentiel. Cette composition permettra de s’éloigner des travaux anciens trop consommés analysant les mots suivant leurs étymologies, leurs familles, leurs dérivations…
 
A cet effet, « nous avons délibérément choisi de situer notre enquête sur le terrain d

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