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LéoTanguy, notre cyber journaliste breton, débarque en Normandie en pleine reconstitution du D-Day...




UN MOULIN. Du moulin au café, il n’y a qu’un pas et, sans doute, quelques kilomètres, mais Léo aurait bien arrêté son antique combi Volkswagen pour s’offrir un petit noir. Il a quitté Plouguer avant l’aube. Il a traversé une partie de la Bretagne et accompli la moitié de la route qui le sépare de Cherbourg. Il songe depuis des semaines au ferry qui l’attend, ce dimanche soir, au bout du bout de ce Cotentin interminable. Ensuite, ce sera l’Irlande et la maximum bamboule avec son vieux pote Sean. Dans son cœur, ça joue la sarabande depuis au moins Pontorson.




Les armes ne sont par toutes factices ou inoffensives pour rejouer le débarquement du 6 juin 1944. Au cours de cette reconstitution qui pétarade, mariant camions et voitures d’époques, uniformes anciens et drapeaux divers, ainsi que les personnages de GI, FFi, miliciens, etc., Tanguy mène l’enquête. Il esquive les balles mais pas les flèches de Cupidon...





Edition numérique du roman paru chez La Gidouille dans la collection des Nouvelles enquêtes de Léo Tanguy (n°20), personnage récurent bien connu des amateurs de polar bretons (Sous le titre « Balle tragique à Colombières : un mort »)



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Publié par

Date de parution

01 décembre 2021

Nombre de lectures

3

EAN13

9791023409062

Langue

Français

Jean-Noël Levavasseur

Replay

Roman

Collection Noire Soeur
Une nouvelle enquête de Léo Tanguy

Un personnage aux airs de Poulpe breton
Le personnage de Léo Tanguy a été créé par Gérard Alle, José-Louis Bocquet, Denis Flageul et Sylvie Rouch. Bruno Le Floc'h a été l'auteur de l'illustration présentée en couverture des polars et sur le site de la série.
Quelques détails de sa vie romanesque et des personnages se trouvent à la fin de l’ouvrage.

Roman paru précédemment aux éditions LA GIDOUILLE – n°20
Sous le titre Balle tragique à Colombières : un mort
Remerciements à Yves Portier-Réthoré et Gérard Alle
1

Un moulin. Du moulin au café, il n’y a qu’un pas et, sans doute, quelques kilomètres, mais Léo aurait bien arrêté son antique combi Volkswagen pour s’offrir un petit noir. Il a quitté Plouguer avant l’aube. Il a traversé une partie de la Bretagne et accompli la moitié de la route qui le sépare de Cherbourg. Il songe depuis des semaines au ferry qui l’attend, ce dimanche soir, au bout du bout de ce Cotentin interminable. Ensuite, ce sera l’Irlande et la maximum bamboule avec son vieux pote Sean. Dans son cœur, ça joue la sarabande depuis au moins Pontorson.
Et tant pis si, au fil des kilomètres, il a de plus en plus l’impression de rouler dans un moulin à café. C’est vrai quoi, le bruit de son moteur pantone lui fait irrésistiblement penser à un moulin à café et au breuvage qui va avec. Mais au diable le barouf de sa Voiture du Peuple, il s’en fiche comme de son premier caleçon à pois. La semaine s’annonce belle, le soleil brille et dans l’autoradio, Bob Dylan revisite l’autoroute 61. Léo pousse le volume un plus vers le maximum. Lui s’offre plus modestement une anonyme départementale qui mène au terminal portuaire.
Léo a réservé pour lui et son combi. Il aurait pu prendre l’avion mais depuis que les compagnies low-cost ont baissé pavillon, le ferry est devenu nettement plus intéressant, financièrement parlant. Surtout pour un journaliste indépendant dont les fins de mois sont souvent difficiles. Alors, Léo avance au rythme tranquille de son combi hors d’âge peinturluré façon « Les frères Ripolin revisitent Katmandou ».
Il a quitté le pennti de ses parents avec beaucoup d’avance sur l’horaire. Il n’a pas perdu de temps en au revoir larmoyants : ses parents, Jean-Yves et Monique, sont encore partis en vadrouille au bout du monde, cette fois en Laponie dans une quête hypothétique d’aurore boréale. Il a choisi d’emprunter les petites routes et de faire un grand crochet par la région d’Isigny-sur-Mer-Grandcamp-Maisy-Pointe du Hoc où il aimait jadis planter sa tente, avec son ami Sean justement. Après Saint-Lô, il a pris la direction de Bayeux et après s’être offert la verte ligne droite de la forêt de Cerisy, il a bifurqué et chemine tranquillement dans une campagne paisible, où le clocher des villages sonne encore l’angélus, où le voisin a un nom, où la vache a des taches brunes, bref la vraie France authentique sans une once de Jean-Pierre Pernaut dedans.
Dehors, la douceur du mois de juin prédomine. Les journées sont longues et les blés seront bientôt coupés. Léo regarde autour de lui, heureux, quand il sent son combi amorcer un zigzag brutal sur la route. Il tente de contrôler l’engin, ses mains se crispent sur le volant. Il redresse la trajectoire, échappe de peu au fossé, revient vers le milieu de la route, redonne un coup vers la droite. Il a tous les sens en éveil. Comme jamais il ne les a eus auparavant. Il se voit déjà dans le décor. Il se dit qu’il va peut-être mourir. Qu’il va peut-être enfin savoir si sa fiancée Soazig l’a devancé au paradis. Mais non, ce serait trop bête. Ce n’est pas possible qu’il disparaisse là, maintenant, dans ce trou perdu de Normandie : il n’a pas eu le temps de dire adieu à ses parents.
Le combi continue de flotter comme un ballon de baudruche perdu dans les airs. Le bas-côté est là, qui lui tend les bras. Il se tend encore un peu plus. Sa jambe droite écrase le frein, mais le Vokswagen n’en fait qu’à sa tête. Il fonce sur le terre-plein tout vert. Glisse dans le fossé. Léo voit une souche émerger devant lui. Il pousse un cri où la rage se mêle au désespoir. La carrosserie s’y frotte et s’y pique. Le VW s’arrête brutalement, Léo est projeté vers l’avant. La ceinture de sécurité garantie seventies ne résiste pas à sa grande carcasse. Ses boucles rousses et son crâne s’éclatent contre le pare-brise. Knock-out.
Volkswagen 1 – Léo 0.
2

Quand Léo refait surface, il ressent un mal de crâne pas piqué des hannetons. Il tente de poser sa main sur son front mais il a l’impression qu’elle pèse dix tonnes et que son corps en fait le centuple. Il entend une voix féminine aussi prévenante que possible :
— Ne bougez pas, surtout, ne bougez pas.
Léo se contente de soulever une paupière. Une infirmière en blouse blanche se tient juste au-dessus de lui. Elle a les cheveux noirs, attachés en chignon, des yeux clairs à porter un petit pull marine, et un décolleté à réveiller un mort. Léo ouvre l’autre œil. Si c’est ça le paradis, il signe tout de suite.
La jeune femme lui passe un chiffon humide sur le front, il se laisse faire. Dans sa tête, c’est le carnaval de Rio avec le volume poussé à fond. Il pose ses mains au sol. Il est allongé sur l’herbe et a l’impression d’avoir manqué un épisode de sa vie. Il demande :
— Qu’est-ce que je fais ici ?
— Ne bougez pas, répète l’apparition. Je vais vous expliquer. Vous avez fait une sortie de route avec votre combi. Vous êtes sonné, mais je pense que vous n’avez rien de grave.
— Comment suis-je arrivé là ?
— Mes amis ont assisté à votre accident. Ils vous ont sorti de votre engin. Ils n’auraient pas dû, on ne sait jamais, mais vous semblez bien aller pour un accidenté de la route.
Léo regarde ses lèvres fines bouger doucement. Son corps est tout engourdi mais il se sent entier, et côté cerveau, ça fonctionne. Il y a pourtant un truc qui cloche : le look de cette fille lui semble vraiment bizarre. La blouse blanche cintrée et décolletée, passe encore et tant pis pour les clichés, mais le bandeau blanc orné d’une croix rouge, ce n’est pas un peu dépassé ? Quant à l’espèce de gibecière beige marquée du sceau de l’US Navy… Léo croyait les Normands un peu plus évolués quand même.
Il n’a pas tout vu. Son sang se glace quand il parvient à regarder sur le côté et qu’il découvre deux types penchés sur son combi, à demi allongé dans le fossé, à cinq mètres de lui. Des miliciens du régime de Vichy ! Léo se pince pour le croire. Des milichiens , ici, en Normandie, en 2019 ! Ce n’est pas possible, il est revenu 75 ans en arrière ! Léo a-t-il pris un billet direct pour l’enfer ? Il tente de se redresser.
— Restez allongé, tout va bien.
— Je ne suis pas sûr. Il y a des miliciens là, répond Léo en les pointant du doigt. Il faut filer. Vite !
L’infirmière semble trouver la plaisanterie très bonne. Elle part d’un petit rire que Léo trouve distingué. Cette fille a la classe et la blouse lui sied à merveille.
— Rassurez-vous, vous n’avez pas été téléporté dans les années sombres. Jean-François et Sébastien ne sont pas miliciens. Enfin, pas vraiment. Ce sont des reconstitueurs.
— Des tueurs de quoi ?
— Des reconstitueurs. Des adeptes de la reconstitution historique si vous préférez. En fait, ils se retrouvent tout au long de l’année pour célébrer de grands événements et les rejouer à leur façon. Ce ne sont pas des méchants.
— Pourtant, l’uniforme…
— L’habit ne fait pas le moine. Vous allez voir.
Elle se tourne vers ses deux amis, se retenant difficilement de rire.
— Hé, les Sushi shops ! Venez nous rejoindre !
Les deux types accourent. Sten « empruntée » à l’ennemi anglais. Uniforme bleu marine. Grand béret orné d’un gamma doré de sinistre mémoire qui, de loin, fait effectivement penser au logo de Sushi Shop. Le parallèle pourrait amuser Léo si leur dégaine ne faisait pas aussi froid dans le dos. Léo les trouvait bien à leur place dans les livres d’histoire. Les voyant approcher, il ne peut s’empêcher de leur trouver quelque chose de comique. Ils ont davantage l’air de soldats d’opérette que de tueurs de résistants.
— On arrive ! Que se passe-t-il ? demande le plus grand, l’air dégingandé.
— Notre nouvel ami a besoin d’être rassuré. Votre uniforme ne lui inspire rien de bon. Présentez-vous, s’il vous plait !
Les deux garçons approchent. Face à Léo, ils se regardent, échangent un clin d’œil complice et sourient.
— Rassurez-vous, répond le plus grand sur un ton jovial. Nous ne sommes pas de vrais miliciens, juste des reconstitueurs. Moi, c’est Jean-François…
— … Et moi, Sébastien, reconstitueur itou, spécialisé dans la seconde guerre mondiale, enchaîne le plus petit, un peu arrondi aux entournures. Nous sommes membres de l’association D-Day 44.
— J’oubliais. Je m’appelle Marie-France, complète l’infirmière.
Machinalement et tout en se redressant, Léo leur tend la main dans un geste un peu mou.
— Restez allongé. Ne forcez pas, le prie Marie-France en le repoussant doucement sur l’herbe.
— Ça va, je vous assure, ment Léo. Je suis juste un peu courbatu. Je crois que je vais ressentir quelques raideurs ces prochains jours mais il y a plus grave dans la vie, pas vrai ?
— Oui, faites attention à vous, reprend Jean-François.
— Pas de bêtise, hein, conseille fermement l’infirmière.
— Non, ricane Léo. Les bêtises, je les garde pour la semaine prochaine, quand je serai en Irlande.
Marie-France le regarde, interloquée.
— Pardon ?
— Oui, j’embarque ce soir. Direction Rosslare.
— Rosslare ? Ah non, je ne crois pas, répond Marie-France, devant ses deux acolytes qui opinent du chef dans un mouvement parfaitement coordonné.
— Et pourquoi donc ? questionne Léo.
— Parce que votre camion bariolé n’est pas en état de rouler, rétorque Marie-France.
— Au minimum, il a le radiateur percé, précise Sébastien, en haussant les épaules. Mais, rassurez-vous, il sera bientôt entre de bonnes mains.
— Comment ça ?
— Nous avons appe

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