La lecture à portée de main
112
pages
Français
Ebooks
2023
Écrit par
Ana Kori
Publié par
Les éditions du 38
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Ebook
2023
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Publié par
Date de parution
08 septembre 2023
Nombre de lectures
10
EAN13
9782384830817
Langue
Français
Mathilde travaille dans une agence qui gère les comptes de grandes célébrités du spectacle, d'internet et du monde des affaires. Méprisée à longueur de journée, elle décide de se venger de ces insupportables stars en révélant leurs secrets sur internet.
Commence alors une spirale infernale dans laquelle Mathilde s’engouffre à ses risques et périls.
Publié par
Date de parution
08 septembre 2023
Nombre de lectures
10
EAN13
9782384830817
Langue
Français
Invisible
Ana Kori
Présentation
Mathilde travaille dans une agence qui gère les comptes de grandes célébrités du spectacle, d'internet et du monde des affaires. Méprisée à longueur de journée, elle décide de se venger de ces insupportables stars en révélant leurs secrets sur internet. Commence alors une spirale infernale dans laquelle Mathilde s’engouffre à ses risques et périls.
Invitation
Je me précipitai dans la pièce suivante et repoussai la porte avec force. Les lumières extérieures faisaient danser des ombres inquiétantes sur les murs. Je serrai le manche du couteau entre mes doigts, la lame vers le bas. Quelques gouttes de sang glissèrent le long du métal et tombèrent sans bruit sur ma jupe. Je devais continuer, j’avais maintenant peu de temps.
Je m’accroupis, le dos toujours collé à la porte, et j’aperçus mon sac d’où un bout de mon ordinateur s’était échappé. Le reflet de la coque me renvoya quelques mois en arrière. Au tout début, à ce jour où j’avais décidé de cesser d’être une victime.
C’était un samedi.
Un de ces samedis ensoleillés où je traînais chez moi. J’avais délaissé mon bouquin et les séries télé pour me caler à la fenêtre. Assise sur le rebord de celle-ci, dans mon studio au dernier étage, la joue molle contre l’encadrement, j’observais les gens en bas. Ces couples qui passaient tendrement enlacés, collés l’un à l’autre comme si rien ne pouvait les séparer. Je ne les entendais pas, mais j’imaginais sans peine qu’ils se glissaient des mots doux, des promesses de sexe et d’avenir radieux. Ainsi, rien ne semblait avoir d’importance à part eux. Ils étaient dans une rue parisienne bondée, et pourtant seuls au monde. Je me demandais ce que ça faisait de ressentir une telle proximité avec quelqu’un. Une intimité si forte qu’on se sentait enveloppés dans une bulle où seuls nos gazouillis résonnaient. C’était une relation que je n’avais jamais connue et le fait d’y songer me tordit les tripes. J’avais bien eu des petits copains, très rares… deux, en réalité. Deux idiots avec qui j’avais couché, sans doute un peu trop rapidement, et qui m’avaient ghostée juste après. Cela ne m’avait pas rendue triste, plutôt folle de rage. Comment pouvait-on traiter une fille comme ça ? Une fois la colère passée, je glissais toujours dans de sombres pensées sur le fait qu’au fond, les mecs ne me trouvaient pas suffisamment séduisante et intéressante pour avoir envie d’une vraie relation. Que le problème venait de moi. Que j’étais quelconque. Une, parmi des milliards…
Pour me remettre un peu de baume au cœur, je quittai provisoirement mon poste d’observation et attrapai un pot de glace dans le congélateur avant d’y plonger une cuillère à soupe. La profusion de sucre et de sensation crémeuse m’arracha un sourire et je me réinstallai pour continuer d’espionner ces inconnus, en prenant bien soin de ne pas m’attarder sur les couples.
Je décidai de me concentrer sur les groupes de jeunes gens qui discutaient et riaient bruyamment. Je m’amusai en observant une fille arriver en courant derrière un type qui devait être son ami. Elle lui balança une petite tape sympathique sur le haut du crâne et ils se mirent à chahuter sous les vivats de leurs autres potes.
Nouvelle cuillère de glace !
Comme ils avaient l’air complices ! J’imaginai qu’il s’agissait d’étudiants, une espèce de groupe soudé qui faisait tout ensemble et qui, sans le savoir, nouait une amitié qui durerait toute leur vie.
Moi aussi j’avais été étudiante, mais durant mon BTS, ma seule copine avait changé le jour où elle était sortie avec un élève de notre promotion. Le genre de gars que nous pensions inaccessible, puisque trop beau et trop populaire pour s’intéresser à des filles comme nous. Pourtant elle avait fini avec lui et la deuxième année, elle avait intégré la bande de son mec, me laissant sur le bord de la route sans même un regard en arrière.
Encore une grosse portion de glace. Trop grosse, ça me brûle le palais !
Soudain, on frappa à ma porte, me faisant sursauter. La bouche pleine de crème, j’ouvris et me pétrifiai. Il était là, devant moi, avec son sourire craquant. David, mon voisin du dessous, ou plutôt devrais-je dire : mon amoureux secret.
Nous restâmes suspendus durant plusieurs secondes, suffisamment longtemps pour que je distingue ses yeux me détailler et que je prenne conscience que je portais un bas de jogging ainsi qu’un t-shirt affichant : « Je suis forte et j’assume ». Je sentis la chaleur me monter aux joues pendant que mon esprit intimait à mon corps de se calmer.
— Salut Mathilde. Je te dérange ? demanda-t-il d’un air amusé.
— Non, articulai-je difficilement, incapable d’avaler en une fois l’énorme quantité de crème glacée.
— Sympa ton t-shirt !
— Merchi…
Avale, mais bordel, avale !
Je toussai aussi élégamment que je le pus. J’aurais préféré refermer la porte, me changer, me coiffer, me maquiller, tout ça en une seconde, puis rouvrir pour chasser cette mine moqueuse de son visage. Mais non, cette vieille pute de karma avait fait exprès de me mettre dans cette situation et s’était à présent installée, avec un gros pot de pop-corn, pour savourer son ouvrage. Je pouvais presque l’entendre se marrer derrière moi.
— Qu’est-ce que tu veux, David ?
M’inviter à sortir ? Un resto ? Un ciné ? Me déclarer ta flamme ?
— Je fais une petite fiesta chez moi ce soir. Un truc intime avec quelques potes. Je me demandais si t’avais des bacs à glaçons à me prêter.
— Ouais, euh… attends, répondis-je en le laissant en plan sur le palier.
Je ne pouvais pas le faire entrer, mon appartement était en bordel. En même temps, cela ne changeait rien ! De là où il était, il voyait tout : mon lit juste en face, sur lequel se trouvaient mon ordinateur, des revues, des mouchoirs sales éparpillés. Sur sa gauche, une table qui me servait de bureau, à laquelle j’avais collé une étagère Ikea qui dégueulait de romances et de thrillers : mes deux passions. À la suite, ma ridicule salle d’eau, si petite que lorsque j’allais aux toilettes, j’étais contrainte de laisser la porte ouverte. David détailla mon intimité puis me suivit du regard. Il s’était accolé au chambranle, le bras étendu au-dessus de sa tête, dans une attitude lascive. Me draguait-il ? Je me dirigeai sur sa droite, dans ma kitchenette dont le minuscule évier débordait de vaisselle sale, jusqu’au frigidaire qui occupait quasiment toute la place.
— Voilà, lui annonçai-je en tendant les deux bacs. C’est tout ce que j’ai.
— Parfait ! C’est sympa, merci Mathilde. Je te les rapporte demain.
Il fit quelques pas dans le couloir, hésita, se retourna et me lança :
— Si tu veux, tu peux passer.
— Ah ? Ouais, euh… je ne sais pas trop, j’avais un truc, mais euh… faut que je voie.
— Comme tu veux. Ciao !
— Tchuss !
Tchuss ? Non, mais quelle conne !
Je refermai la porte et restai le souffle court. David venait de m’inviter chez lui, ce soir, à une fête. Des bacs à glaçons, n’importe quoi ! C’était clairement de la drague. Et cette pose pendant que je fouillais mon frigo. Aucun doute, c’était de la drague.
Je réalisai que je tenais toujours mon pot de glace dans la main. Il n’était plus temps de bouffer ! Je devais me doucher, me raser les jambes, le maillot, m’épiler les sourcils, et peut-être la moustache… me faire un shampoing aussi. Normalement, je me lavais les cheveux le dimanche, mais là, il y avait urgence.
Je lançai donc le chantier Mathilde va à un date avec une énergie étonnante.
Il était presque 18 h quand je sortis de mon immeuble bien décidée à acheter un petit quelque chose. Ça ne se fait pas d’arriver les mains vides. Sans hésiter, je marchai jusqu’à la pâtisserie dans ma rue qui proposait des chocolats faits maison. C’était une bonne idée, une boîte de douceurs. Déterminée, j’entrai et la patronne, une fausse blonde dont la poitrine généreuse débordait de son chemisier, prit ma commande.
— C’est pour toi, Mathilde ? Qu’est-ce que tu veux ?
Ma pâtissière connaissait mon prénom et mes goûts, depuis le temps que je venais chez eux. J’avais sans doute financé une partie des rénovations de leur magasin. Quelle tristesse !
— Non, c’est pour offrir.
— Okay, fit-elle d’un ton traînant. C’est pour un garçon ?
— Oui, enfin, pour une soirée, mais chez un garçon.
— Okay.
Cette fois, elle appuya sa réponse d’un clin d’œil fortement déplacé.
Elle fit une composition variée, ajouta du papier de soie. Je la vis détacher du ruban doré sans réussir à détailler ce qu’elle faisait. Elle me tournait le dos, pivotant vers moi de temps à autre d’un air facétieux. C’était très gênant à force ! Elle revint à la caisse et déposa une magnifique boîte… en forme de cœur.
— Oh ! euh… vous n’auriez pas une autre forme. Un cœur, c’est… un peu trop tôt. Vous comprenez ?
— Voyons ma chère, il t’a invitée et tu lui offres du chocolat, qui est un aphrodisiaque reconnu. Crois-moi, même emballé dans du papier journal, le message est clair !
Je bougonnai une nouvelle objection, consciente que la patronne n’accepterait pas de modifier sa composition. J’étais quitte pour offrir une boîte en forme de cœur.
Je retournai à mon appartement en veillant à cacher l’écrin sous mon bras, de crainte de croiser David dans le hall. J’avalai les escaliers sans ralentir et atterris chez moi totalement essoufflée. Je déposai mon présent sur mon bureau et me décidai à ranger un peu. Après tout, il n’était même pas 19 h et c’était bien trop tôt pour me présenter à la fête.
Pendant que je lavais ma vaisselle, je me torturais sur l’horaire idéal pour débarquer. Me pointer en début de soirée était exclu, cela signifierait que j’étais une pauvre gonzesse sans aucune vie sociale. Ce qui n’était pas faux… Mais était-ce séduisant ? Non, sans aucun doute. Arriver trop tard enverrait le message que je n’en avais rien à foutre de sa soirée et par effet rebond, rien à foutre de David. Et ce n’était pas ce que je souhaitais.
Je contrôlai l’heure : 19 h 23. Comme l’attente allait être longue ! J’eus soudain envie