La lecture à portée de main
140
pages
Français
Ebooks
2021
Écrit par
Claire Musiol
Publié par
Les éditions d'Avallon
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Français
Ebook
2021
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Publié par
Date de parution
27 avril 2021
Nombre de lectures
11
EAN13
9782491996345
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
"Un roman aussi fort qu'original, subtil et sensible, une grande réussite". Olivia Gartner, L'Esprit des Lettres.
Avant d’écrire des livres, Claire Musiol a beaucoup voyagé, été diplômée en géopolitique, cadre à Paris, enseignante en Californie et chercheuse en Caroline du Nord. Aujourd’hui, elle a posé ses valises près de la Méditerranée et promène sa plume entre les genres littéraires. Elle a publié plusieurs livres : romans, nouvelles et poésie. On la trouve également en anthologies, en animation d’ateliers d'écriture et sur scène pour des lectures ou des performances d'écriture.
Publié par
Date de parution
27 avril 2021
Nombre de lectures
11
EAN13
9782491996345
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
COLLECTION BLANCHE
LITTÉRATURE CONTEMPORAINE
Éditeur : Les éditions d’Avallon
Illustration et confection de la couverture : Vero Mila
Composition du livre : Les éditions d’Avallon
ISBN numérique : 9782491996345
ISBN papier : 9782491996352
1 ère édition
Dépôt légal : mai 2021
Distribution numérique : Immatériel
© 2021 Les éditions d’Avallon
Fan(n)y et la mer
Claire Musiol
Fan(n)y et la mer
R O M A N
De la même autrice
Publications
Avec ou sans enfants ? , éditions Gros Textes, 2020
par tous les moyens, cheminer , éditions Gros Textes, 2018
Le Bleu du ciel , AE, 2015
Les Bonnes nouvelles arrivent surtout quand on ne les attend pas , AE, 2014
Textes en ouvrages collectifs :
in Femmes libres , éditions Tapuscrits, 2021
in La veuve noire , éditions Diable Vauvert, 2020
in Mecha de plata , éditions Diable Vauvert, 2019
in L'instant fugace , éditions Jacques Flament, 2018
in Résonances , éditions Jacques Flament, 2017
à toutes les personnes qui rêvent grand et
qui osent prendre le large,
même si elles s’arrêtent au milieu du chemin
« Tu verras que, dans leurs forêts, les stupides Samanas apprennent beaucoup de jolies choses dont vous autres, ici, n’avez pas une idée. »
Siddhartha, Hermann Hesse
« tout bâtisseur, à la longue, n’édifie qu’un effondrement »
Anna, soror…, Marguerite Yourcenar
[
je n’ai pas eu la vie que j’aurais voulu avoir, j’aurai au moins la mort que je mérite
je ne suis pas dans cette histo ire pourtant j’en suis la trame j ’ai déterminé chacun de ses pas, ses impasses, comme ils ont décidé des miennes, l’un après l’autre, comme ils m’ont forcée à fuir, sans s’en rendre compte, mais chacun à leur tour en me poussant un peu plus au bord du non-retour, surtout lui j e suis partie parc e que je n’avais plus d’issue p ourtant d ès le début dès les premiers pas j’étais déterminée à changer la fin, plus tard j e l’ai décidé avant qu’elle ne naisse mais quand je savais déj à qu’elle était là qu’elle serait j e l’ai choisi avec elle, malgré elle pas pour elle elle s’est imposée à moi j e m’imposerai un jour à ell e, dans le futur, après ma mort cette fille, je l’ai donc préparée jour après jour à ma suite, formée à ce nécessaire retour, mon retour
plus les années ont passé, moins je pouvais revenir sur mes pas e lle, au contraire, devenait ce double à q ui tout était autorisé e lle pourrait aller où je n’irai plus elle réglerait mes comptes, sèmerait le trouble, rendrait la m onnaie longtemps, j e me suis délectée de cette projection e lle a été mon moteur, mon appui, mon socle
on y arrive enfin m ais si je suis la pièce centrale du puzzle, je raterai la reconstitution finale c ’est inévitable j e manquerai à l’appel tout le monde finira par me croire oubliée alors que je serai le canevas sur lequel ils tisseront leurs retrouvailles c ’est avec cette pensée réjouissant e que je l’ai élevée, ce double c ’est avec cette même pensée que je me suis laissée glisser sur la pente caillouteuse la semaine dernière ma mort est mon couronnement et je compte bien en profiter
]
Les chemins s’arrêtent au bord des précipices
Elle arrive au village un soir d’été peu avant neuf heures. Elle apparaît sur la place dallée depuis une ruelle, couverte seulement d’une robe brune, droite, sans forme. Sur son dos, un sac délavé. En boule, dépassant, une couverture en patchwork. Les terrasses sont pleines, c’est la saison. Quelques touristes trinquent à leurs vacances sur les tables qu’on a bien voulu leur laisser. On doit se serrer un peu plus l’été, déjà qu’il fait chaud. Mais faut bien faire tourner le tiroir-caisse. Ça permet d’avoir des bûches pour l’hiver.
Elle avance jusqu’à la fontaine au centre de la place. Une déesse en grès d’un autre temps. Un cheval. L’ensemble jaillissant de l’eau. C’est là seulement qu’on la remarque. Les touristes continuent à trinquer : dans les montagnes on voit des choses, on sait pas ce qui est normal, ce qui n’est pas normal, on s’habitue à faire comme si en observant du coin de l’œil, sans montrer du doigt surtout. Quand les locaux assis dos au bistrot arrêtent d’un coup de parler, ceux d’en face se retournent. Alors même les touristes finissent par poser leurs verres.
Cette jeune femme immobile n’a pas l’air d’une randonneuse, n’a rien du look chapeau-bâton-pantalon avec tirette pour en faire un short.
— C’est pas Fanny ?
— Fanny ?
— Elle est pas morte ?
C’est difficile de voir distinctement depuis le café, mais c’est vrai qu’on dirait Fanny. Un visage fin, des pommettes hautes et des sourcils épais, l’air évaporé, farouche.
Elle regarde dans leur direction mais ne bouge pas.
Fanny ? ce serait impossible…
Pierre se faufile avec peine entre les tablées figées. Il croit bon de dire, On l’a vue venir depuis le GR, depuis le haut. Isabelle l’a vue passer.
La femme descendue de la montagne reste plantée devant la fontaine. Une demi-heure, jusqu’à ce qu’Alban s’approche. Les touristes sont partis entre temps. L’ambiance est devenue lourde, le poids du silence, ça fait pas vacances.
Quand elle parvient sur la place, elle n’entend pas les voix s’éteindre, les conversations se taire.
C’est seulement au pied de la statue qu’elle considère le monde au-delà d’elle.
Des terrasses, des tables pleines d’assiettes et de verres, des gens attablés, pivotés vers elle, une foule en t-shirts, en robes fines, avec des lunettes de soleil ou des fronts plissés, là une boulangerie, devanture pastel, une femme avec un tablier blanc sous l’auvent, une mairie, sur la gauche, avec les mots École et Primaire gravés sur le fronton mais où n’entrent sûrement plus les enfants, un drapeau pendu, la tête en bas, dans chaque angle une rue qui s’éloigne dans les entrailles du hameau, un clocher par-dessus les toits de lauzes, un banc de l’autre côté, et des gens, partout des gens, des gens statiques, des gens braqués sur elle, des gens pétrifiés.
Fany dévisage en retour ceux qui la fixent.
Elle voudrait courir, regagner la montagne.
Mais les chemins s’arrêtent au bord des précipices. Elle sait ça.
C’est sa mère qui le lui a enseigné.
Si elle ne devait citer qu’une seule parole d’elle, elle dirait cela.
Les chemins s’arrêtent au bord des précipices.
Il y a toujours un précipice quelque part. Et il lui semble qu’elle rencontre le sien ici.
Dans ces visages interrogateurs ou fermés ou tendus. Dans ces regards dépourvus d’amicalité, de tendresse. Dans les ruelles en calade trop serrées de ce village.
Fany ne bouge pas.
Le silence est si dense qu’il semble que la canicule a anéanti les insectes.
Fany fait face.
Alors un crissement déchire la place.
Une chaise en métal qu’on tire sur les pavés.
À la terrasse, un homme se redresse, les poings sur une table couverte de verres.
Un homme avec trop de ventre et pas assez d’oreille, avec une chemise aux manches retroussées et des bretelles pour maintenir son pantalon fermé trop bas.
Il avance entre les chaises en se dandinant. Certains se déplacent pour le laisser passer. Il se meut lentement comme s’il ne voulait pas tout à fait s’approcher, comme s’il cherchait à retarder ce mouvement pourtant déjà entamé.
Il stoppe un instant au bord de la ligne invisible formée par les tables puis soudain il est devant elle.
Il y a un pont dans ce précipice.
Parfois, lui disait aussi sa mère, parfois il y a un pont.
Et Fany pose un premier pied sur le pont.
Depuis la terrasse on voit Alban de dos devant la statue mais plus la fille, sauf ceux installés sur les côtés. Certains râlent, L’est trop gros, il bouche la vue c’t’imbécile ! Quand Alban se retourne enfin, la fille est toujours là, derrière lui, à sa place, son sac sur le dos.
— Appelle Anouk ! gueule Alban en direction du bar. Préviens-la qu’on vient la voir.
Les autres veulent savoir ce que ça veut dire. Ils vont la voir pourquoi ? Mais Alban et la fille s’éloignent déjà. Coin droit de la place, à l’angle avec la pharmacie. Dans l’ombre de la ruelle, la robe brune disparaît. Alban avec ses bretelles sur sa chemise aux manches retroussées c’est pareil.
Alban n’a pas dit qui devait appeler. Son tu avait valeur de vous . Le premier qui voudrait bien, il n’avait qu’à le faire. C’est Pierre qui se lève. Anouk c’est sa mère.
Lune du cabanon
Dans le cabanon, la chaleur empuantit l’air coincé sous la tôle, le charge d’odeurs. De l’orange, de la pisse, du plastique brûlé, du chien humide et, comme si elle voulait recouvrir l’ensemble, une odeur de bébé, mais pas de bébé propre couvert d’huile à la lavande, non, une odeur de bébé sale, pas changé, pas lavé. Contenir la nausée. Fixer droit devant. Se concentrer sur les coquillages alignés sur le rebord de la fenêtre.
Les yeux peinent à y voir. Sauf la vitre éclairée du soleil écrasé contre la terre. Dedans, la nuit.
Les murs sont ramassés sur une pièce étroite. Peut-être l’échelle posée contre une cloison mène-t-elle à un étage. Peut-être pas.
— Anouk, y’a quelqu’un pour toi.
Lui non plus ne doit pas la voir. Alban a jeté les mots devant lui comme un hameçon au bout d’une ligne, au hasard.
Raclement sur le sol en béton. Sur leur droite, une ombre grandit. Puis très vite, elle cesse de prendre de la hauteur.
Alban dit, C’est Anouk, mais elle le sait déjà.
Avec l’ombre, l’odeur aussi gonfle. C’est celle de la femme, une odeur de peau fripée qu’on ne lave pas souvent, de la crasse entre les plis serrés des rides.
Lentes oscillations, tâtonnements d’une main au bout d’un bras opaque. Craquement. Une flammèche d’allumette éclaire son menton, peau pendue au-dessus du vide. Quand la flamme avale la mèc