Jean-Louis Aubert
166 pages
Français

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Jean-Louis Aubert , livre ebook

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Description

1 L’histoire commence à Nonza C ette histoire commence pour moi au printemps 2008, je passe une semaine de vacances dans le village de Nonza au Cap Corse. De Paris à Bastia, il faut compter une bonne heure d’avion, à laquelle vient s’ajouter une demi-heure de traversée de l’île d’est en ouest. La vue par le hublot quelques minutes avant d’atterrir est déjà époustouflante, mais ce sont les derniers kilomètres les plus impressionnants. La route sinueuse qui part de Saint-Florent est à flanc de falaise, étroite et forcément dangereuse ; les sens sont en alarme. Taillée à même la roche, elle ravit l’œil par les paysages qu’elle offre mais, fenêtres ouvertes, c’est l’odeur des châtaignes et des cédrats qui embaume. Parfois, un éboulement empêche de passer, des chauffards nous effraient, mais la délivrance est au bout. Après une quinzaine de kilomètres entre ciel et mer, enfin Nonza se découvre au détour d’un virage, un village d’une trentaine d’habitants l’hiver, dominé par la verte nature et son rocher. Quand on vient directement de Paris, cela semble le bout du monde, même si en saison le café et sa terrasse, étape privilégiée de nombre de touristes, désemplit rarement. Pour qui vient du continent, le dépaysement est saisissant. On ne peut que tomber sous le charme. Une fois posé, la voiture garée et la valise sortie, les premiers curieux s’annoncent.

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Publié par
Date de parution 22 septembre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782810418527
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1
L’histoire commence à Nonza

C ette histoire commence pour moi au printemps 2008, je passe une semaine de vacances dans le village de Nonza au Cap Corse. De Paris à Bastia, il faut compter une bonne heure d’avion, à laquelle vient s’ajouter une demi-heure de traversée de l’île d’est en ouest. La vue par le hublot quelques minutes avant d’atterrir est déjà époustouflante, mais ce sont les derniers kilomètres les plus impressionnants. La route sinueuse qui part de Saint-Florent est à flanc de falaise, étroite et forcément dangereuse ; les sens sont en alarme. Taillée à même la roche, elle ravit l’œil par les paysages qu’elle offre mais, fenêtres ouvertes, c’est l’odeur des châtaignes et des cédrats qui embaume. Parfois, un éboulement empêche de passer, des chauffards nous effraient, mais la délivrance est au bout. Après une quinzaine de kilomètres entre ciel et mer, enfin Nonza se découvre au détour d’un virage, un village d’une trentaine d’habitants l’hiver, dominé par la verte nature et son rocher. Quand on vient directement de Paris, cela semble le bout du monde, même si en saison le café et sa terrasse, étape privilégiée de nombre de touristes, désemplit rarement.
Pour qui vient du continent, le dépaysement est saisissant. On ne peut que tomber sous le charme. Une fois posé, la voiture garée et la valise sortie, les premiers curieux s’annoncent. C’est une photo de carte postale, la vie y défile de manière douce et calme, entre l’église Sainte-Julie et la place Louis-Carlini, bien loin de l’agitation urbaine. C’est là que je croise pour la première fois l’ami Émile, en bleu de travail, cigarette roulée aux lèvres et éternelles lunettes rondes, venu saluer ma chérie. « À tout à l’heure ! », nous lance-t-il. Je découvre bientôt que ce local est né bien loin d’ici, à Clamart, et surtout qu’il n’a pas été cantonnier toute sa vie.
Cet Émile-là dans une autre vie s’appelait Saxo. Drôle d’endroit pour une telle rencontre, alors qu’on pensait laisser la capitale loin derrière, mais l’homme est un ex-habitué du Studio parisien. On évoque d’ailleurs plusieurs fois ensemble quelques groupes rock des années 1980 et autres fantômes qu’il n’a pas revus depuis des années. Voulant échapper à la frénésie parisienne, Émile a trouvé refuge à Nonza à la fin des années 1980, mais cette dernière le retrouve. Parce que Sara-Jane, ma chérie, fait alors partie de la garde rapprochée de Jean-Louis Aubert, parce que Phify, ex-garde du corps de Serge Gainsbourg mais aussi du groupe Téléphone, va bientôt prendre sa retraite à quelques kilomètres de là, à Centuri. Émile avait fait la connaissance de Jean-Louis Aubert au Studio parisien, il reprend contact avec lui par hasard, à mille kilomètres de ces souvenirs. Une profonde amitié naît, le second appréciant particulièrement la discrétion du premier, ainsi que le côté trésor caché et anonyme de ce petit village. Il viendra régulièrement s’y ressourcer.
Le 20 août 2012, Jean-Louis, aux Nuits de la Guitare de Patrimonio (haut lieu de la viniculture entre Saint-Florent et Nonza), dédie son concert à « son ami Émile de Nonza qui l’a accueilli lorsqu’il était orphelin »… Le même jour, on peut lire dans les pages de Corse-Matin  : « J’ai un ami à Nonza, Émile, c’est le cantonnier. On se connaît depuis l’époque Téléphone. Souvent je l’appelle pour lui dire que je veux venir le voir dans deux jours et il me trouve un endroit où dormir. J’ai une histoire d’amour avec ce village de Nonza. En ce moment, il est malade, c’est pour ça que je suis arrivé plus tôt pour le concert, je voulais prendre le temps de l’embrasser. Il ne pourra pas venir me voir sur scène… Mais c’est l’un de mes meilleurs amis, un sacré philosophe… Je pense beaucoup à lui 1 . » Émile est malade. Sara-Jane est restée à son chevet, elle nous donne des nouvelles, que je transmets parfois à l’ami parisien… Il s’éteint à Bastia quelques semaines plus tard. Sa disparition est la première d’une longue série pour Jean-Louis, une ambiance particulière, qu’il va retranscrire avec passion et amour dans l’un de ses plus beaux albums, Roc’Éclair . Un disque marqué par l’absence des êtres aimés, mais également porteur d’un magnifique espoir. Assurément l’un des mes préférés. Au-delà de l’artiste dont je connaissais le parcours, je découvre un Jean-Louis profondément bouleversé et généreux. Discret à la façon d’un Renaud, mais n’oubliant jamais ses amis dans le besoin. Oui l’argent peut parfois procurer cette satisfaction d’aider ses proches.
C’est en 2008 que j’ai rencontré Jean-Louis pour la première fois, lors d’un entretien pour la défunte émission de France 2, CDaujourd’hui 2 . Sourire immédiat et communicatif, j’évoque spontanément le village de Nonza et l’ami Émile, mais bien évidemment aussi son album Premières Prises , car je suis là pour ça. Un disque enregistré pour la première fois en solo. « Tourner comme ça, tout seul sur scène, ça ressemble un peu à ce que je fais chez moi et donc à ce que je fais pour les amis depuis ma plus tendre jeunesse. J’avais l’impression de partager ce que j’ai de plus intime, ce que je fais depuis le plus longtemps et le plus régulièrement. L’idée est venue comme ça, par l’envie de dessiner des chansons le plus simplement du monde. »
J’ai assisté à plusieurs concerts de cette tournée, ce n’était pas la première fois que je le voyais sur scène, mais j’ai eu l’impression à ce moment-là que le personnage acquérait une vraie dimension. Avec d’un côté son histoire, inévitable, celle de Téléphone et de ses folles années, mais surtout cette infatigable envie d’aller de l’avant, de toujours remettre sur le métier son ouvrage. Jean-Louis n’a jamais cessé d’écrire, ses chansons ont suivi une évolution naturelle, s’assagissant forcément, mais gagnant en épaisseur. Ses prestations montrent une grande expérience et ne donnent jamais dans le récital souvenir. « Je ne suis animé d’aucune nostalgie, c’est pour cela je pense que mes chansons peuvent se répondre les unes aux autres dans le temps, par exemple Au cœur de la nuit et Alter ego . C’est sûr que plus les chansons sont loin, plus les souvenirs qu’elles évoquent sont faciles à épingler. Parce que plus elles s’éloignent, plus on a de la tendresse, comme si c’était presque quelqu’un d’autre qui les avait écrites… » Jean-Louis ne propose pas un tour de chant avec les mêmes plaisanteries répétées ad libitum soir après soir. Au contraire, sa spontanéité et son sens de l’improvisation séduisent. Il habille les chansons suivant l’humeur du moment, d’une ou deux phrases d’introduction, jamais identiques. Jean-Louis ne triche pas. Ce plaisir qu’il transmet par la parole est inscrit dans ses gènes. « Mon père est originaire d’un petit village en Provence, et mon arrière-grand-père était conteur. Il avait passé ses journées à raconter des histoires, et les plus anciens du village m’appelaient comme lui, le Ché. Ils trouvaient que mon boulot de chanteur était en fait un boulot de conteur, pour eux ça se ressemblait. »
Qu’importe si certains anciens succès paraissent surannés, surtout lorsqu’on n’a cessé de les entendre depuis le moment de leur sortie. Avec la patine du temps, un doux attachement s’en dégage. Ils nous font revivre des moments et, encore plus important, des émotions. Ils me font également prendre conscience de l’importance de l’artiste, et c’est ce qui m’a donné envie de me lancer dans cette aventure.
2
Histoires d’enfance

«  J ’étais attendu et souhaité. Mais plus tard, j’ai peut-être été un peu en trop, et à 15 ans, je me suis retrouvé dans une chambre de bonne : façon assez bourgeoise de quitter la maison. J’avais des ennuis disciplinaires partout, tu vois… Mais la pension, j’ai dit non, menacé, et mon père a dit OK pour la chambrette. On pouvait y faire ce qu’on voulait, déconner, s’envoyer en l’air ou rester seul. Cette chambre, c’était aussi une sorte de sanctuaire pour moi. Un endroit pour grandir libre 3 … »
Jean-Louis Aubert naît le 12 avril 1955 à Nantua, dans l’Ain, où son père est sous-préfet. Après une première mutation à Senlis en 1960, la famille Aubert : Yves, son père, Nicole, sa mère, et ses deux sœurs Béatrice et Nathalie s’installent à Neuilly-sur-Seine. Jean-Louis a 11 ans.
Dans la famille, une légende alimente parfois les conversations 4  : la maman de Jean-Louis raconte la visite du général de Gaulle et l’histoire de cette porte qu’on avait dû surélever pour qu’il passe dessous sans baisser la tête. Venu pour inaugurer le mémorial de la déportation à Nantua, le général aurait prédit au jeune Jean-Louis qu’il serait heureux. Il ne s’était pas trompé.
La vie de la famille Aubert n’a rien de traditionnel : il y a les obligations d’une vie de représentation, mais aussi pour les enfants les restrictions liées à la vie en sous-préfecture. Ne pas faire trop de bruit. Ne pas déranger ces réunions qui n’en finissent jamais. Les moments partagés avec leur père sont toujours brefs. « En dehors des réceptions mondaines et autres contraintes politiques de nos parents, raconte sa sœur Béatrice, nous dînions quelques soirs ensemble. Avec Jean-Louis, je me souviens que nous allions souvent dans son bureau à Senlis, qui était attenant à l’appartement de fonction, et là, entre deux rendez-vous ou deux dossiers, on pouvait venir le déranger en toquant à la porte. Il nous racontait une histoire drôle… On riait ensemble. Il nous fabriquait aussi parfois des petits trucs rigolos, vite fait, avec ce qui lui tombait sous la main : trombones, papier, capuchon de stylo, etc. On adorait ces moments furtifs. De temps en temps, nous sortions en famille, le dimanche, dans un club de sport à Chantilly. Nos parents jouaient au tennis, nous les enfants, avions nos petites activités. »
Les enfants passent beaucoup de temps dans le jardin. Jean-Louis grimpe aux arbres, fait du vélo, installe son circuit de petites voitures dehors ou dans sa chambre. Il a des Meccano et plein d’autres jeux. Le scoutisme où l’emmène de temps en temps sa sœur lui p

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