Audimat N° 1
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Description

Audimat éditions publie des textes critiques, sensibles et politiques, des contre-récits, de l'esthétique sauvage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 0
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

AUDIMATAUDIMAT,
une revue éditée par Les Siestes Electroniques
Directeur de publication: Samuel Aubert
Rédacteurs en chef#: Guillaume Heuguet & Etienne Menu
Direction artistique#: Maximage Société Suisse
Police#: Program, Optimo Type Foundry
Illustration#couverture: James Marsh
Traductrices#: Valeria Costa-Kostritsky, Nelly Fourment, Aude de Hesdin
2013, Imprimé en France
Ce numéro d'Audimat doit beaucoup au soutien de la fondation 
Jan Michalski que nous remercions pour sa générosité.
Prix public#: 10 EUR
ISSN#: 2261 – 3595AUDIMAT
NUMÉRO 1SOMMAIRE
EDITO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
YUPPIES VERSUS HIPSTERS# : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
L’UNDERGROUND D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
PAR ADAM HARPER
THRASH-METAL, ORGIES POP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
ET GESTICULATIONS OUTRÉES : MANIFESTE
DE L'IMMODÉRÉ ET DU DÉRAISONNABLE
PAR LELO JIMMY BATISTA
MUSIQUE NUMÉRIQUE : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
POUR QUOI FAIRE#?
PAR GUILLAUME HEUGUET
LA WORLD N’EST PLUS DE CE MONDE . . . . . . . . . . . . 55
PAR JOHAN PALME
LA NEBULEUSE DREXCIYA#: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
UNE MUSIQUE CONCEPTUELLE#?
PAR QUENTIN DELANNOI
FAUSTUS ET MOI#: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
L’INAUTHENTICITÉ DE LA POP
PAR AGNÈS GAYRAUDEDITO
Faire de la «#critique de la pop music#» n’a rien d’évident
en France. Ecrire de la critique pop ici, ce serait réussir à
se détacher de la seule actualité des sorties, sans pour
autant s’identifier à une recherche universitaire trop
souvent stérilisante. Ce serait rendre compte de
l’expérience qu’elle constitue, du dedans et du dehors à la
fois#–#ce que nous avons tenté de faire avec notre
numéro zéro et que nous voulons poursuivre aujourd’hui.
 
Audimat tient à ce terme de «#critique » car il a revêtu au
fil du temps de multiples sens qui conviennent assez
bien à notre projet : écriture à la première personne,
discours né d’une insatisfaction, réflexion sur les critères
du jugement, attention à la dimension éthique et
culturelle de phénomènes ordinaires, réévaluation
historique, etc. Dans ce deuxième numéro, nous avons
également donné la place à un récit sur la musique, une
forme de fiction des origines qui se trouve occuper une
place essentielle dans cet ensemble critique pop.
Les parti-pris esthétiques ou théoriques qui sont
développés dans les textes qui suivent ne sont pas
forcément les nôtres, et c’est bien sûr pour cela que nous les
publions. Audimat n’a pas vocation à devenir une
chapelle du bon goût ou du contre-pied systématique.
Nous voulons juste donner à la critique pop un peu plus
d’espace et de multiplicité, et la laisser sonder la matière
toujours vive du son dans ses moindres surgissements
magiques.

7V
E
RYUPPIES HIPSTERS#:S
U
S
L’UNDERGROUND
D’HIER
ET D’AUJOURD’HUI
ADAM
HARPERADAM HARPER
Les textes d’Adam Harper sont de bons antidotes
contemporains à la prolifération des discours sur une
hypothétique « rétr omania&». Collaborateur de Wire
et Dummy Magazine, il a publié chez Infinite Music$:
Imagining The Next Millenium of Human Music-Making,
un essai stimulant qui prend acte de l’histoire des
théories de la musique pour proposer un modèle ouvert à
toutes ses potentialités. Dans cet article, il s’appuie
sur ses recherches en cours à l’université d’Oxford
à propos de l’underground des années 80, pour
relativiser l’explosion des échanges souvent associée à
l’apparition d’Internet et en questionner la dimension
politique.
10YUPPIES VERSUS HIPSTERS
Le champ de recherche couvert par ma thèse de
doctorat, actuellement en cours d’écriture, s’est rapidement
constitué à partir de la musique qui m’intéressait tout
particulièrement en 2009#: la pop underground lo-fi
d’Ariel Pink, John Maus, Nite Jewel, Gary War, auxquels
bien d’autres artistes se sont peu à peu ajoutés.
L’underground reste le terrain où je préfère découvrir la
musique. En fait, la pop underground ne se résume pas
à un espace ou à un type de musique : elle est un
«#discours#», une forme de discussion culturelle permanente
qui se manifeste par des événements, des visuels, des
textes. Au-delà, il s’agit, à bien des égards, d’une
communauté fondée sur un large partage de valeurs et
d’intérêts communs. Ainsi, lorsque mes recherches m’ont
conduit à remonter aux années 80, aux sources de la
lofi et de la musique indie, et à partir aux États-Unis où j’ai
pu consulter les livres et surtout les magazines associés
à cette scène, je n’ai pas pu m’empêcher d’effectuer des
comparaisons et de rechercher une continuité entre le
discours et la communauté de l’époque et ceux qui me
sont familiers aujourd’hui. Cela m’a fait réfléchir aux
origines et aux horizons de ma tribu musicale, à ce qui a
changé et à ce qui n’a pas changé, et surtout à la
question de savoir si c’était mieux avant, et pourquoi.
Il est bien sûr problématique à plus d’un titre de
supposer des continuités et même des ruptures entre le
discours qui m’environne et un discours vieux de trente ans
dont je ne prends connaissance qu’à travers des extraits
jaunis. Il y a eu en l’espace de près de trente-cinq ans un
renouvellement quasi complet des différents acteurs de
la pop underground#: seule une poignée d’artistes, de
groupes, de magazines et de critiques continuent plus
11ADAM HARPER
ou moins de faire ce qu’ils faisaient à l’époque. En
l’occurrence, je suis né en 1986 et le matériau que j’étudie
est en grande partie plus vieux que moi. Avec l’avantage
(ou le handicap ? ) du recul dont je dispose, je pourrais
facilement être tenté de projeter une continuité a
posteriori en m’appuyant sur quelques piles de magazines
et sur une hypothèse solide. Ceux qui ont vécu
l’évolution du discours de la musique indépendante pourraient
contester la valeur même de toute comparaison avec la
situation présente. Ils pourraient juger mon propos très
incomplet ou contredire des pans entiers de mon
analyse et ils auraient raison. Toutefois, à mi-chemin entre la
subjectivité et l’objectivité, la leur et la mienne, nos
perspectives et nos partis-pris peuvent sans doute se
compléter de manière productive. Car en fin de compte,
ce n’est pas à un chercheur isolé –#quel que soit son âge
ou son implication#–#de dire ce qui est (ou a été)
significatif, ou non, pour la musique underground#: c’est à
nous en tant que communauté d’en décider.
Selon l’avis dominant, l’âge d’or de la pop serait révolu#;
qu’il s’agisse des musiques commerciales ou
underground, rock ou dance, il se situerait dans les années 80
ou 90. Même ceux qui n’ont pas connu ces décennies se
rangent à cette idée. Les arguments se focalisent
généralement sur le changement qui a le plus affecté le
discours de la pop underground#: Internet, et, plus
largement, le «#digital#» tel qu’on l’oppose à l’analogique du
eXX siècle. On commence à bien connaître le propos#:
depuis Internet et l’ère du digital, la valeur des
enregistrements et des productions écrites de la pop
underground connaîtrait une forme de raréfaction liée à la
vitesse et la facilité avec lesquelles ils sont créés et
12YUPPIES VERSUS HIPSTERS
diffusés au sein du réseau proliférant. Sur Internet
règnerait une hype frénétique et autoritaire qui atrophierait la
sensibilité et la créativité des musiciens et des
auditeurs. Or, les craintes de ce type ont été bien trop
fréquentes dans l’histoire de la musique pour ne pas les
relativiser. Si vous voulez confronter de manière objective
le discours des années 80 à celui des années 2010, le
seul présupposé qui soit légitime est le constat qu’ils
sont différents. C’était mieux avant, oui, mais seulement
par certains aspects#; selon d’autres, c’est mieux
aujourd’hui et je peux confirmer que ce postulat résiste à
un examen plus approfondi.
Si aujourd’hui le discours de la pop underground se
construit intégralement à travers le numérique et
Internet, à l’exception des sorties physiques d’albums et
des concerts, celui des années 80 s’élaborait à travers
divers canaux. On trouvait des publications de toutes
sortes#: magazines de moyen tirage et relativement
commerciaux comme Spin, magazines underground
rédigés par des légions de bénévoles (Option, Sound
Choice, Force Exposure), fanzines très actifs (Op,
Puncture), publications «#perso#» faites à la
photocopieuse (comme Ancient Grandma Secrets, Vicious ou
Hippies from Panda Hell), et à peu près toute la palette
possible entre ces divers formats. Aux Etats-Unis, la
diffusion de la musique s’opérait principalement via les
radios étudiantes comme KOS à Olympia, dans l’Etat de
Washington, et WFMU dans le New Jersey (deux
stations qui existent toujours mais qui subissent
maintenant la concurrence des nouveaux prescripteurs que
sont les blogs et les sites de mixes en ligne). En Europe,
il y avait des émissions radio comme celle de John Peel.
13ADAM HARPER
Mais ce qui permettait de surmonter la dispersion
géographique de la scène américaine, c’était sans doute la
poste. Si les fans les plus chanceux pouvaient acheter
magazines, fanzines et vinyles au magasin de disques
du coin, une immense partie du business et du discours
de la pop underground s’opérait par voie postale. Les
revues spécialisées finissaient par des listes de
coordonnées postales destinées aux auditeurs intéressés, et
on trouvait dans certaines publications des sections
entièrement consacrées au recensement détaillé d’autres
publications, labels, radios, distributeurs et autres
contacts.
Ceux qui comme moi n’ont pas connu cette période
peuvent difficilement s’imaginer la quantité de
travail#– et de salive –#nécessaires à l’entretien d’un tel
réseau de fans, critiques, musiciens, labels, magasins et
radios. On se plaint souvent du déluge d’e-mails et de
l’abrutissante surcharge d’informations qu’on doit
supporter sur Internet.

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