À l ombre des étoiles
279 pages
Français

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À l'ombre des étoiles , livre ebook

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Description

Sous un angle encore jamais abordé, découvrez le monde de la scène française du rock, de la variété et du jazz, raconté par un de ses acteurs les plus assidus, musicien « notoirement » inconnu, comme il s’amuse à se définir lui-même.
Un récit captivant qui couvre la longue carrière d’un « sideman », batteur de son état. Un témoignage riche en anecdotes parfois touchantes, souvent drôles, apportant pour la première fois sur le show-business à la française le point de vue d’une corporation qui parle peu, dont on parle peu : ces artistes musiciens qui vivent « à l’ombre des étoiles » et sont pourtant indispensables à leur éclat...

Informations

Publié par
Date de parution 10 juillet 2018
Nombre de lectures 9
EAN13 9782411000558
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

À l’ombre des étoiles
Charles Benarroch
À l’ombre des étoiles
Batteur de Stars
LEN
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Tous les dessins sont de l’auteur.
© LEN, 2018
ISBN : 978-2-411-00055-8
Je lève mon verre à la santé de Lucile , ma femme, mon garde du cœur, ma sœur, ma copine, ma mère. Je bois à la pérennité de cet amour et conjure le ciel de perpétuer nos quarante-six années d’inceste.

« L’heure est venue peut-être de faire ce seul et unique effort : considérer ma vie. »
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité
Premiers Symptômes
Un petit choc émotionnel, un micro-événement insignifiant, chargé d’inquiétude et de questionnement… Voilà l’origine, le point de départ de ce récit.
J’arpentais en somnambule les rayons d’une grande surface. Agrippé à mon caddie comme à un déambulateur. Un démonstrateur coupait la musique de fond pour cracher au micro des rafales d’infos saturées.
Arrivé, un peu sonné, devant la grosse dame à la caisse, le trou… gros comme un cratère !
« Tapez votre code, monsieur… »
Noir total…
« Allez-y, monsieur. »
Rien… Le vide…
« Allez-y, monsieur ! »
Un cauchemar debout.
J’essaye de me concentrer, de garder mon calme. Rien n’y fait.
Derrière moi la file d’attente piétine, enfle, s’impatiente.
Petite suée froide, le palpitant s’énerve, cogne aux oreilles et martèle les tempes !
Incroyable d’être déstabilisé à ce point.
« Votre code, monsieur ! »
Naufrage… C’est quoi déjà ces putains de chiffres ?
Quelques siècles ou cinq minutes plus tard, contre toute attente, les voilà restitués, au bout du doigt fébrile qui tape le code libérateur !
Ouf ! Fin d’alerte ! Pas passé loin… Suffisamment près, pour avoir senti l’haleine rance de ce cher Alzheimer.
Ruminations…
Prodromes, signes avant-coureurs ?
L’avant-garde d’une armée de fossoyeurs prêts à tout dévaster, à mettre sens dessus dessous l’édifice branlant de mes pauvres repères chronologiques ; à rouler en boule la moindre rumeur de souvenir, à ne faire qu’une bouillie des noms propres et communs, des lieux, des dates, des visages aimés ou amis ?
Et pour finir, à ensevelir le tout sous les terres arides et désertes, des exilés de la mémoire.
Enterré vivant…
La solution ?
Tout noter ! Mots de passe, dates d’anniversaire, codes, numéros d’immatriculation. Les moindres détails, les rendez-vous, les idées, les pensées, même les plus fugaces. S’atteler non pas à un « devoir » de mémoire, évocatoire et commémoratif, mais à un « travail », un long jogging neuronal, une gym avec exercices d’assouplissement cortex-hippocampe, à la manière de ceux préconisés pour les seniors par nombre de docteurs et spécialistes du fitness cérébral.
Avant l’extinction de feu madame ma souvenance, je vais donc tenter d’entretenir la flamme d’un musicien notoirement inconnu, de restituer en vrac l’histoire de sa vie à l’ombre des étoiles.
Les Ogres
Rabat, Maroc.
Comme tous les jours d’été entre quatorze et seize heures, notre rue animée et bourdonnante était silencieuse et déserte. Écrasée de chaleur, terrassée par une épidémie de siestes.
Une ou deux fois par mois et sans préavis, des ogres mandingues déferlaient dans nos rues, sur nos maisons ! Boum ! Boum ! Ta ! Ka Tcha Ta ! Boum ! Boum !
Le quartier entier arraché à sa moiteur léthargique, réveillé en sursaut le cœur battant, secoué et vibrant sous la percussion sèche du tam-tam et des crotales.
Ils n’étaient que deux à provoquer un tel tintamarre, deux Bambaras noir charbon, sarouals et gilets brodés, coiffés d’une chéchia prolongée d’un pompon au bout d’une lanière, qu’une rotation continue de la tête faisait tournoyer dans les airs, comme des pales d’hélicoptère. Ils virevoltaient dans la lumière crue, implacable, de juillet. Depuis toujours, à la moindre petite faute grave ou insoumission avérée, les adultes menaçaient de nous donner à bouffer aux Bambaras .
La peur au ventre, je courais me planquer derrière une porte.
Je les voyais dans l’entrebâillement, à quelques mètres de moi, ils ondulaient, l’œil blanc, révulsé, en transe. Quoique dissimulé et frissonnant de trouille, je n’en perdais pas une miette ! Les Karkabous de métal, puissantes, bruyantes. Le gros tambour battu à l’aide d’une fine et longue branche taillée, en guise de baguette, frappé sur une des faces, joué à la main sur l’autre. La peau de chèvre tendue à craquer sous le soleil exalté d’une chaude journée d’été marocain. Le cœur battant jusqu’au vertige, mais le corps entier scandant cette métrique en 6/8 qu’on retrouve, sous différentes formes, en de nombreux points du globe. Un lien indéfectible. Une prise de terre universelle.
Les variations, les nuances, la vitesse des cadences, le message et la particularité de chaque pulsation, de chaque imbrication rythmique, trouvaient en moi leur transposition émotionnelle. Spontanément, ça me parlait, je comprenais leur langage. Pourquoi cette connaissance innée ?…
On appelait à tort ces musiciens itinérants du nom de « Bambaras » la langue parlée au Mali, car ils n’étaient pas tous maliens. Il y avait plutôt à Rabat une majorité de Gnaouas dont l’origine se situe plutôt au Sénégal, au Soudan ou au Ghana. Les Bambaras cessèrent de me faire peur le jour où j’en croisai un dans la Médina, habillé normalement en djellaba et faisant ses courses comme tout un chacun.
Ils ne mangeaient donc pas « uniquement » du petit vaurien ?!
Peur, chantage, duperie, affabulation et petites ruses ; les mille et une façons de saper l’unité enfantine ! Une manipulation inconsciente de plus, à ranger au rayon des farces et attrapes entre le Père Noël, le Père Fouettard et la petite souris friande de nos dents de lait.
La Musique
Nous partagions la maison de mon enfance avec nos propriétaires, devenus, au fil des ans, une extension familiale. Ils occupaient tout le premier étage surmonté d’une terrasse.
Les Cohen nous faisaient face au rez-de-chaussée.
Dans l’appartement restant, se sont succédé différentes familles. Il y eut les Masson, partis bien avant ma naissance et que j’ai, sans les avoir connus, beaucoup regrettés : ils possédaient un piano droit et jouaient tous les deux Chopin, Satie, Ravel…
Puis il y eut des Italiens venus de Tunisie , Madame Lucia et son fils ; c’était une grande femme brune aux longs cheveux bouclés qui roulait les « r » avec un charme fou. Le dimanche, ils recevaient à déjeuner amis et famille. Alors, pendant la rituelle cuisson de spaghettis, des vapeurs de bain maure s’échappaient par bouffées de leur minuscule cuisine.
Après le repas, allumés au chianti , ils chantaient des airs d’opéra, nous régalaient d’extraits de Carmen , du Barbier de Séville , de l’ Ave Maria ou de la Traviata . Certains de leurs amis avaient de vraies dispositions naturelles. Les jours de grande forme, la maison entière tremblait sous la voix du tonton ténor et le célèbre O Solé Mio d’Eduardo Di Capua se répandait jusque dans la rue. Toute la semaine, le parfum de ces airs prestigieux flottait dans nos têtes comme un encens.
Tôt le dimanche matin, ma sœur aînée Sarah lançait les hostilités. Son long et scrupuleux ménage s’effectuait à tue-tête. Battant, époussetant, secouant avec un bel enthousiasme oreillers, couvertures et traversins, elle chantait à pleine voix des opérettes à la mode.
Un jour, Momo, le fils de nos propriétaires et copain d’enfance, revint d’un court séjour à Paris complètement dingo du dernier microsillon de Charles Aznavour qui tournait en boucle sur sa platine. Du rez-de-chaussée à l’étage, chaque famille possédait sa radio, ouverte de préférence volume à fond. On aboyait avec Le chien dans la vitrine de Line Renaud . On roucoulait avec Luis Mariano et la Belle de Cadix .
La musique classique couvrait les chansons de Farid El Atrache ou Salim Halali, tandis que sur Radio Andorra, un speaker hurlait entre deux variétés espagnoles. Au cours de soirées bien arrosées, mon père chantait le Flamenco pour ses invités.
Quand, à mon tour, j’

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