Théorie générale de l histoire de l art
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Théorie générale de l'histoire de l'art , livre ebook

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Description

" Ce livre est la synthèse de vingt années d’enseignement au Collège de France. Il irritera peut-être les “bien-pensants ”. Les plus indulgents d’entre eux nous reprocheront de jouer les provocateurs. Quoi ! Ne pas tenir la photographie pour un art en tous points analogue à la peinture ? Ne pas vouloir interpréter les figures préhistoriques de la même manière que les toiles de Miró ? Renvoyer à l’ethnologie les masques africains qui font de si hautes enchères dans les ventes ?…L’historien d’art doit savoir ce qu’il défend. Or il semble qu’aujourd’hui il ne le sache et ne le sente plus vraiment. On ne peut en effet s’empêcher de penser qu’il nous manque le recul suffisant pour dégager de l’énorme production actuelle les éléments qui mériteraient réflexion. D’où la nécessité de revenir à l’évidence des fondements : qu’est-ce que l’art ? " J. T. Jacques Thuillier est professeur honoraire au Collège de France où il a occupé la chaire d’Histoire de la création artistique en France. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2003
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738161055
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

C OLLECTION « S CIENCES ET A RT  »
dirigée par Jean-Pierre Changeux et Jean-Pierre Mohen.
Ouvrages déjà parus :
Jean-Pierre Mohen, Les Rites de l’au-delà , 1995.
Jean-Pierre Mohen, Les Sciences du patrimoine , 1999.
Lionel Salem, La Science dans l’art , 2000.
Jacques Ninio, La Science des illusions , 1998.
Rosa Dausset, Épouvantails du monde , 2001.
© O DILE J ACOB, SEPTEMBRE  2003 15 , RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6105-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À la mémoire d’A NDRÉ C HASTEL , disparu depuis douze années, et qui seul sans doute eût compris ce besoin de revenir à l’évidence des fondements.
Prologue

André Chastel écrivit un jour cette phrase sévère : «  L’histoire de l’art est placée (aujourd’hui) devant le fait gênant, mais irrécusable, qu’elle est largement responsable de son objet . » Il était alors encore jeune. Par la suite, je fus amené à reprendre en sa présence et devant un public assez vaste cette phrase qui m’avait frappé. Il ne la renia pas. Elle avait commandé toute sa carrière d’historien d’art, qui ne se borna pas à ses livres et à ses cours, mais se doubla d’une action incessante pour la défense du patrimoine français et international. La fondation et l’extension à toute la France de l’ Inventaire des richesses d’art ainsi que la réorganisation du Comité international d’histoire de l’art , avec ses colloques et ses congrès quasi annuels, par exemple, occupèrent une part considérable de son temps. Certaines initiatives ne furent que des demi-succès, et le château de Gaillon n’a guère pu retrouver de son éclat passé. D’autres, comme la conservation des Halles de Paris, furent des échecs patents : mais la bataille suscitée allait sauver tout ce que la France conservait encore comme architecture de fer. Contrairement à la plupart de ses collègues américains ou allemands, André Chastel n’a jamais considéré que sa tâche se limitait à la spéculation et à la glose : il se pensait, il se sentait responsable de l’œuvre d’art .
Qu’on n’imagine pas là une simple responsabilité morale : l’existence même de l’œuvre d’art est en jeu. Cette particularité tient à sa nature. L’opinion d’un historien du droit ou de l’économie peut modifier la manière d’interpréter les données : mais son discours reste en quelque sorte à l’intérieur du champ de la glose. L’historien de la littérature n’a pas à se préoccuper de ce qui fait l’objet de son étude. Ses commentaires et son silence même ne changeront pas grand-chose au texte du roman ou du poème : les livres attendront sur les rayons. Même le musicien ou l’historien de la musique ne sont pas responsables d’un concerto de Bach. Le musicien peut seul donner forme sensible à un morceau, et il a donc sur lui les droits et les devoirs de l’interprète : mais la partition ne change pas. Au contraire, l’œuvre d’art, dès sa naissance, est condamnée à disparaître.
L’œuvre d’art, en effet, est par nature matérielle. La pierre se délite, le bronze s’oxyde ou s’use, la peinture tombe écaille à écaille, la lumière ronge le dessin avec le papier. À cette destruction pour ainsi dire programmée s’ajoutent les accidents, les incendies, les guerres et les divers iconoclasmes. De l’immense quantité d’œuvres d’art produites par l’humanité, il ne demeure qu’une très infime partie. Et les œuvres qui ont survécu n’ont pu être sauvées que par l’historien qui, désignant leur sens et leur importance, a maintenu autour d’elles un rayonnement toujours prêt à s’éteindre. Combien seraient parvenues jusqu’à nos jours sans les fouilles et sans les musées ?
Ne nous leurrons pas : cinq siècles de collectionneurs passionnés et d’érudits attentifs n’ont guère changé le problème. Le jeu des modes, se substituant au goût, a plutôt aggravé la menace. Nous aimerions citer pour exemple, et peut-être comme symbole de ce pouvoir de l’historien d’art sur le sort de l’œuvre, la fameuse Tête de cire du musée des Beaux-Arts de Lille.
Ce buste de jeune fille apparaît en 1834 dans la collection du peintre et connaisseur lillois Jean-Baptiste Wicar. Au moment où celle-ci quitte l’Italie pour la France, l’inventaire le mentionne comme «  un petit buste en cire du temps de Raphaël  ». Son envoi est entouré de grandes précautions. Dès son arrivée à Lille, il s’impose comme un chef-d’œuvre. Une sorte de consensus s’établit pour y reconnaître, comme le pensait Wicar, la main de Raphaël s’exerçant à la sculpture. Alexandre Dumas parle de la «  Joconde de Lille  » et obtient d’en faire tirer une copie qu’il place près de sa table de travail. Au musée, on a installé l’original dans une niche dorée, au centre d’une sorte d’autel. Une série de textes, qu’il serait trop long de citer ici, permet de suivre les vicissitudes de cette gloire, qui va s’effriter devant les doutes de l’érudition. Elle s’écroulera finalement sous le coup d’une attribution à François Du Quesnoy, pourtant sans fondement.
La Tête de cire est dès lors reléguée au bout d’une vulgaire vitrine. Sa délicate et très exceptionnelle beauté n’a pas suffi à la défendre. L’attribution à Du Quesnoy n’ayant persuadé personne, on ne sait ni lui trouver un auteur ni même lui fixer un siècle précis. L’exposer pose un problème de cartel. Personne ne se risque plus à la reproduire dans un livre. Personne n’ose la commenter, personne n’ose l’admirer.
Or cette sculpture est particulièrement fragile. Un trop long séjour en réserve ou en dépôt aboutirait sans doute à une destruction plus ou moins clandestine. Il faut regarder comme une vraie chance le léger accident qui se produit lors d’un déplacement. Il oblige à une restauration, qui ne livre pas le secret de l’œuvre, mais qui ramène l’attention sur elle et assure – jusqu’à un nouveau caprice du goût ? – sa survie.
Cette responsabilité de l’historien d’art vis-à-vis de l’objet de son étude est un terrible privilège. Il confère à ses propos un poids qui peut être décisif. L’idée hautement déclarée que dans la sculpture française rien ne compte «  entre Reims et Rodin  » a permis dans les années 1950-1980 la destruction sans remords de quantité de plâtres originaux, de modèles et même de marbres. Le massacre, en 1968, des « prix de concours » conservés à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris peut passer pour une triste preuve de cette toute-puissance. Pareillement, le mépris longtemps affiché par les historiens de l’architecture pour les immeubles des années 1840-1920 a conduit à démolir ou à défigurer des quartiers entiers de villes jusque vers 1980. Et l’ouvrage publié à Londres sous le titre The Destruction of the Country House 1875-1975 offre, à la charge de ces mêmes spécialistes de l’architecture, un bilan hallucinant qu’aucun autre pays n’a eu le courage de dresser…
À l’inverse, l’exercice de cette responsabilité peut être ressenti comme une mission positive et l’un des plus hauts plaisirs de l’esprit. Ainsi pour Thoré-Bürger redécouvrant Vermeer et célébrant Théodore Rousseau, pour Champfleury rendant leur gloire aux frères Le Nain et à leurs œuvres, pour Philippe de Chennevières publiant ses Peintres provinciaux de l’ancienne France . Ou de nos jours pour l’enthousiasme des trois jeunes historiens d’art qui – à eux seuls et au prix de quels efforts physiques… – sauvèrent d’une destruction discrètement programmée l’immense Dépôt des œuvres d’art de la ville de Paris, avec ses centaines de grands plâtres originaux et d’esquisses peintes. Et pareillement pour l’allégresse efficace d’Anne Pingeot et de son équipe d’Orsay réhabilitant envers et contre toutes les modes les chefs-d’œuvre de la sculpture du dix-neuvième siècle…
Mais il faut pour cela que l’historien d’art sache ce qu’il défend. Or il semble qu’aujourd’hui il ne le sache et ne le sente plus très bien.
 
Toute considération sur l’histoire de l’art devrait commencer par cette interrogation : qu’est-ce que l’art ?
PREMIÈRE PARTIE
Recherche d’une définition de l’art
Pendant très longtemps le problème d’une définition ne s’est pas posé. On discutait sur l’art, sur les relations entre les différents arts, sur la nature du plaisir artistique, ou les rapports de l’art et du temps, ou simplement les mérites des divers artistes. Il eût paru singulier, voire indécent, de se demander : qu’est-ce que l’art ? Un consensus existait et suffisait. Or ce consensus, au début du vingtième siècle, s’est fissuré, pour voler en éclats dans les trente dernières années. On peut dire qu’aujourd’hui le mot art s’applique à tout et n’importe quoi.
Ce n’est pas le lieu de retracer le détail de cette crise, dont les divers épisodes sont contés partout. Le terme a peu à peu couvert toutes sortes d’activités. Un dessin d’enfant est considéré comme faisant partie de l’art. L’Unesco lui-même en organise des expositions, avec prix nationaux et internationaux. Du coup les tableaux d’adultes imitant les dessins enfantins, surtout s’il s’y mêle des graffitis obscènes, ont droit aux plus grands musées. De leur côté, les œuvres des fous, collectionnées d’abord comme des documents sur l’aliénation, ont aussi glissé au rang d’œuvres d’art. L’« art brut » tient depuis plusieurs années la vedette dans les ventes new-yorkaises.
Parallèlement, les œuvres que se réservaient les musées d’ethnologie sont passées sous le nom emphatique d’arts primordiaux dans

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