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pages
Français
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2001
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Ebook
2001
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Publié par
Date de parution
01 octobre 2001
Nombre de lectures
2
EAN13
9782738137609
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
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01 octobre 2001
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EAN13
9782738137609
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Français
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O DILE J ACOB , OCTOBRE 2001 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3760-9
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2 et 3 a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
La pyramide du Grand Louvre. Croquis sur papier de I. M. Pei, oct. 1983.
Plan sommaire du Louvre. L’axe est-ouest tel qu’indiqué dans le prolongement des Champs-Élysées aboutit au centre de la façade Lescot. La statue de Bernin en marque l’emplacement. Croquis sur papier de I. M. Pei.
Esquisse de travail sur la dimension de la pyramide. Croquis sur papier de I. M. Pei.
La pyramide du Grand Louvre. Dessin et pyramide relief de I. M. Pei, 21 oct. 1983.
(Photographies : Sophie Chivet/agence VU)
« De tous les actes, le plus complet est celui de construire. Une œuvre demande l’amour, la méditation, l’obéissance à ta plus belle pensée, l’invention de lois par ton âme, et bien d’autres choses qu’elle tire merveilleusement de toi-même, qui ne soupçonnais pas de les posséder. Cette œuvre découle du plus intime de ta vie, et cependant elle ne se confond pas avec toi…
« Mais le constructeur que je fais maintenant paraître trouve devant soi pour chaos et pour matière primitive, précisément l’ordre du monde que le Démiurge a tiré du désordre du début. La Nature est formée, et les éléments sont séparés ; mais quelque chose lui enjoint de considérer cette œuvre inachevée, et devant être remaniée et remise en mouvement, pour satisfaire plus spécialement à l’homme. »
Paul V ALÉRY , Eupalinos ou l’Architecte
Avant-propos
Donner la parole aux deux principaux inventeurs du « Grand Louvre » : telle est l’idée qui a servi de point de départ à ce livre — témoin de la grande entreprise déclenchée en 1981 par François Mitterrand.
À ces contributions originales, qui se présentent sous forme d’interviews recueillies en 2001, vingt ans après le « coup d’envoi » de l’opération, l’une sous forme orale, celle de Ieoh Ming Pei, l’autre sous forme écrite, celle d’Émile Biasini, il nous a paru utile de donner une « ouverture », comme diraient les musiciens, rappelant les grandes étapes de l’histoire du Louvre et proposant un récit distancié des quelques épisodes clés de l’« invention du Grand Louvre ».
C’est à partir de cette évocation de base que les coauteurs du livre apportent leurs précieux témoignages, à la lumière d’expériences entrecroisées ou superposées. Ainsi nous proposent-ils, à deux voix, le récit des « enfances » de ce musée qu’on appelle désormais « Grand Louvre » et dont l’histoire, cascade de métamorphoses, se confond depuis neuf siècles, pour le meilleur et pour le pire, avec celle de la France monarchique ou républicaine.
Qu’il soit devenu ou en train de devenir « le plus grand » ou « le plus beau » musée du monde n’est pas ce qui importe, mais bien plutôt que cet incomparable conservatoire soit transformé par la grâce de quelques pionniers, la compétence et le dévouement de toute une corporation en plein essor, un lieu privilégié mais ouvert à tous, de la connaissance et de la délectation.
J. L.
PREMIÈRE PARTIE
Le palais des métamorphoses, par Jean L ACOUTURE
Il est un peu plus de 17 heures, ce 24 septembre 1981. Dans le salon de l’Élysée, la première conférence de presse de François Mitterrand, président de la République depuis quatre mois, va s’achever. Il a été amplement question des institutions, de l’économie, des rapports Est-Ouest et de l’Europe. C’est alors seulement que fusent quelques questions relatives à la culture — bien tardives, s’agissant d’un Président dont chacun sait bien qu’il porte un intérêt plus constant et éclairé à Pascal et à Chateaubriand qu’au cours du dollar.
Entre la promesse de consacrer à la culture 1 % du budget de la nation — vieille ambition inspirée à Malraux par Jean Vilar mais vite abandonnée — et l’annonce de la célébration solennelle, huit ans plus tard, du bicentenaire de la Révolution française, François Mitterrand rend public un engagement qui fait d’emblée sensation : « J’ai également pris la décision, sans vouloir désobliger personne, de rendre le Louvre à sa destination. De ce fait, j’ai demandé au Premier ministre de prévoir l’installation et la construction du ministère des Finances dans des lieux aussi nobles qu’il le mérite, mais sans qu’il y ait de confusion excessive entre l’état de fonctionnaire de cette noble maison et les objets d’art qu’il convient de montrer au public. »
Le « sans vouloir désobliger personne » ne manque pas de sel : il est notoire que les fonctionnaires de cette « noble maison » qu’est le ministère des Finances — et bien que leur installation y soit, le ministre et ses plus proches collaborateurs exceptés, fort inconfortable — sont accrochés à « Rivoli » comme l’arapède à son rocher. Un fonctionnaire de ce département n’est pas seulement assuré de détenir la réalité du pouvoir. Il est « de Rivoli » comme on était « duc d’Abrantès » sous l’Empire. Le fief, d’emprunt ou non, semblait inséparable du service rendu ou à rendre…
Mais l’orateur est un personnage fort soucieux de sa gloire (qui ne l’est, d’ailleurs, à ce niveau ?) et impatient de « griffer le temps », comme le dit joliment son ami et conseiller Paul Guimard. Pour le nouveau Président, se lancer dans cette entreprise téméraire, c’est s’inscrire dans la lignée prestigieuse des retoucheurs du Louvre, lignée dont il n’exclut pas, lui, le second Napoléon pour lequel il a toujours laissé percer une curieuse attirance *1 . C’est aussi, sur un terrain certes limité mais capital en matière d’histoire nationale, « doubler » de Gaulle qui n’a pas osé, lui.
Si avide de gloire qu’il fût, on pourrait penser que le nouveau Président a intérêt à ne pas bousculer sans mesure rouages et équilibres dans l’État. Prenant mille risques en matières sociale et législative, lui faut-il défier aussi le conservatisme culturel, les « monuments historiques », les pesanteurs académiques ? Oui, parce que l’aventure culturelle le fascine autant que l’expérimentation politique. Et quel plaisir acide ne prend-il pas à faire « valser les Finances »…
Politicien provincial, il a longtemps subi les injonctions ou les veto des jeunes gens de la rue de Rivoli glorieusement entassés dans les bureaux vétustes hérités du Second Empire et des fonctionnaires à col cassé chapitrés par Raymond Poincaré. Il n’est pas de visiteur venu du bout du monde pour traiter avec « les Finances » françaises qui n’ait constaté que, de cet entassement sous les ors ternis, les messieurs de la rue de Rivoli tiraient gloire (« on n’a pas de pétrole, mais nos vieux lambris sont si beaux… »).
Il est vrai que le ministre en charge est Jacques Delors, étranger à ce « sérail » et fort attaché lui-même au rayonnement culturel du pays, et qui est alors, à la veille d’une dévaluation, en proie à d’autres angoisses qu’à celles qui ont trait au logement de ses services. Ce qui ne l’empêche pas de laisser paraître quelque surprise et un peu d’inquiétude pour ce qui touche aux implications financières du projet…
Mais il s’agit avant tout d’un grand dessein, celui de mettre la culture, et ses exigences financières, et les audaces techniques qu’elle implique, au cœur d’un ample projet de rénovation sociale et politique. Quand on prétend « changer la vie »…
Ainsi la grande entreprise est-elle lancée. Dès lors que ce chef d’État à la personnalité vigoureuse, féru de culture et élu à une forte majorité, encore soutenu, en ce domaine au moins, par un large secteur du monde intellectuel, a pris sa décision et qu’il y a associé des personnalités aussi dynamiques et proches de sa personne, le mécanisme ne peut manquer de suivre son cours. L’opération « Grand Louvre » (quoi qu’on pense de l’adjectif, de ce que cette enseigne a d’emphatique et de redondant) est en cours. Une entreprise de dix ans ? De quinze, de vingt peut-être…
CHAPITRE PREMIER
DU DONJON AU PALAIS LE MÔLE DE L’ÉTAT FRANÇAIS
L’histoire du Louvre est celle de ses métamorphoses. Le mot est même trop faible encore pour suggérer la perpétuelle transfiguration de cet édifice fameux dont ne changent pas seulement la forme, le volume, la configuration, mais encore la signification historique, la mission régalienne, la valeur symbolique. On pourrait presque parler, à son propos, de métempsycose.
Aucun bâtiment au monde, aussi intimement lié à l’histoire d’une nation — ni Karnak, ni la Cité interdite, ni Sainte Sophie, ni la Tour de Londres, ni l’Escurial, ni le Kremlin — n’a connu en effet semblables avatars. Hormis la religieuse (et bien qu’une chapelle y fût vouée pour un temps à saint Napoléon), il n’est pas de vocation qui ne lui fût donnée.
Vingt monarques, trente architectes (dont quatre ou cinq étrangers) illustres ou obscurs, inspirés ou malavisés, cent vingt-neuf projets répertoriés dont un quart fut tant bien que mal mené à bien, ont transfiguré le Louvre comme le héros innombrable d’un conte brahmanique ou de l’ Histoire véritable de Montesquieu. Il n’est pas de grand souverain de ce pays (Charles de Gaulle mis à part) qui n’ait mis sa marque sur cette forêt de pierres coupée de vastes clairières au cœur de Paris.
D’un pouvoir l’autre, princes, empereurs, assemblées, on dirait que les maîtres successifs de la France s’ingénièrent à faire de la berge nord de la Seine, à l’ouest de la Cité, la table d’u