Un monde sans maître : Ordre ou désordre entre les nations ?
147 pages
Français

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Un monde sans maître : Ordre ou désordre entre les nations ? , livre ebook

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Description

Le monde Yalta est mort le jour de la chute du mur de Berlin. Né sur les décombres de l'ancien, le monde nouveau qui voit le jour sous nos yeux est-il si indéchiffrable qu'on le dit, et, surtout, aussi dangereux qu'on le croit ? La puissance américaine est-elle moribonde ? Que signifie aujourd'hui la vocation mondiale de la France ? Faut-il encore croire en l'Europe ? Avec ce livre, c'est tout un pan de la diplomatie française qui sort de l'ombre. Ambassadeur de France, Gabriel Robin a été l'un des plus proches conseillers diplomatiques de Valéry Giscard d'Estaing, avant de devenir le représentant de la France au conseil de l'OTAN à Bruxelles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1995
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738161499
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , FÉVRIER  1995 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odliejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6149-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Introduction

Le temps de quelques coups de pioche et d’une brèche dans un mur, c’est moins qu’il n’en faut pour un entracte, mais quand le rideau se lève à nouveau sur le théâtre du monde, tout est changé.
Le décor n’est plus ce qu’il était ; tout s’y peignait en noir et blanc ; le voici bariolé aux mille couleurs d’un manteau d’Arlequin. Les lumières étaient fixes ; elles se sont mises à clignoter et à virevolter en tous sens. La distribution, surtout, est méconnaissable : des deux géants qui occupaient le centre du plateau, l’un a subrepticement disparu et l’on a cessé de trembler aux éclats de sa voix de tonnerre ; l’autre, demeuré seul en piste, ne sait trop ce qu’il doit faire de sa personne, arborer un air triomphant ou prendre la mine embarrassée, arpenter en vainqueur le devant de la scène ou regagner les coulisses ; il s’est, de surcroît, perché sur de si hauts cothurnes qu’il en paraît plus grand mais non pas plus à l’aise ; autour de lui, ceux qui, aujourd’hui, mènent le plus grand bruit et se disputent les feux de la rampe sont ceux-là même qui, hier, se tenaient cois et qu’on avait fini par croire muets à force de ne jamais les entendre. Tous, d’ailleurs, ou presque, ont pris soin de modifier leur apparence : ici, c’est un nouveau masque, là, un nouveau costume. Quant à l’intrigue, bien malin qui saurait en renouer le fil tant les discours et les mimiques du jour se raccordent mal à ceux de la veille. Rien, décidément, n’est plus comme avant. C’est à n’y rien comprendre.
Le public, décontenancé, se frotte les yeux ; tout lui semble insolite et quand il laisse flotter son regard, c’est pour aller de méprises en déconvenues. Il applaudit encore par moments mais sans ensemble ni entrain et presque toujours à contretemps. Il soupçonne, du reste, à la façon dont ils ânonnent leur texte, que les acteurs eux-mêmes ont quelque peine à entrer dans la peau de leurs personnages. Déjà, au parterre comme aux balcons, l’impatience se manifeste : on murmure, on siffle, on parle de quitter son siège. Le spectacle, visiblement, ennuie et s’il fut un temps où la salle et la scène vibraient à l’unisson, ce temps n’est plus.
C’est qu’on ne s’est pas laissé bercer impunément pendant quarante ans et plus au son des grandes orgues de la tragédie classique. On a pris goût à cette éloquence soutenue et à ces nobles tirades où il n’était question que de périls mortels à conjurer et de causes glorieuses à défendre, de héros à encourager et de belles captives à délivrer ou à plaindre. Tout y était grand, propre, exaltant. Tout juste pouvait-on regretter d’entendre un peu trop souvent résonner le tocsin et cela, au début, avait fait peur ; mais on s’était bientôt rassuré : de cette guerre qui toujours menaçait et jamais n’éclatait, on avait deviné qu’on serait quitte pour le mot sans la chose. Alors, complice, on faisait semblant d’y croire et, dans l’ombre, on n’en frissonnait qu’avec plus de délice.
Or, voici que, séance tenante, il faut de ces hauteurs épiques descendre aux platitudes du drame bourgeois quand ce n’est pas aux bouffonneries de la comédie burlesque. Comment ne bâillerait-on pas à ce spectacle décousu, vulgaire et parfois écœurant ? Tantôt, il vous emporte aux confins de la Mésopotamie mais c’est pour assister, en direct, au lynchage télévisé d’un bandit de grand chemin ou réputé tel ; tantôt, il vous entraîne dans les méandres d’un interminable marchandage d’apothicaires ; tantôt vous êtes priés de vous passionner pour une aventure dans la corne de l’Afrique : commencée en chevauchée héroïque, elle s’achève en mascarade sanglante ; tantôt on vous somme de prendre parti entre des peuples qui se disputent à votre porte avec une barbarie qui scandalise. C’est du Corneille qu’il fallait à ce public épris de sublime et on ne trouve à lui servir que l’indigne feuilleton d’un mauvais roman de série noire.
Le choc est si rude que l’on comprend que la tête lui tourne. Rien ne l’y avait préparé. Quand le mur de Berlin était tombé, il en avait salué la chute d’enthousiasme ; il avait senti, d’instinct, qu’un chapitre de l’histoire se refermait et il ne demandait qu’à croire, comme on l’y invitait, qu’au bout du long tunnel de la guerre froide brillait enfin la lumière. Hélas, courte avait été l’illusion. N’en déplaise aux prophètes de la fin de l’histoire, tout continuait, tout, peut-être, recommençait. Si encore, comme l’assuraient quelques-uns, ce n’avait été que l’aube un peu brouillée d’un « nouvel ordre mondial » ! Si encore on avait pu ajouter foi au miracle annoncé de la paix perpétuelle régnant sous l’égide de la force soutenant le droit ! Mais non. L’apothéose promise n’avait été que le mirage d’un instant.
Bien plus, loin de toucher au port, comme on l’espérait, on n’aperçoit autour de soi que les flots agités d’une mer inconnue. Nulle flotte ennemie, il est vrai, ne croise à l’horizon ; celle que, pendant tant d’années, on avait si fort redoutée, n’est plus à craindre ; vaisseau amiral sabordé et navires d’escorte à la dérive, elle a fui en désordre. Mais, pour une menace disparue, combien d’autres hantent ces parages hostiles ? Elles inquiètent d’autant plus que, tapies entre deux eaux, elles évitent de se montrer au grand jour. On devine leur présence mais nul ne sait laquelle fera irruption la première. Viendra-t-elle de l’explosion en chaîne des nationalismes fanatisés ou de la vague déferlante des intégrismes religieux ? de l’action corrosive des mafias sur la coque fatiguée de nos fragiles sociétés, ou de quelque choc gigantesque entre les morceaux épars de la vieille banquise soviétique ? Penchés à l’avant de notre esquif, nos meilleurs capitaines renoncent à se prononcer mais, comme leur prudence n’est jamais en défaut, ils sont d’avis que, puisqu’on ne peut rien prédire, il faut s’attendre à tout.
Ah ! que les choses étaient simples au bon vieux temps de la guerre froide ! La justice, évidemment, ni la liberté n’y trouvaient leur compte. Chacun, au moins, savait à quoi s’en tenir. Les choix étaient clairs, les frontières tracées, l’ennemi dûment identifié. Pas la moindre incertitude ; ni risque d’erreur ni cas de conscience. À chaque question, infailliblement sa réponse. Comme le note avec une pointe de nostalgie, le Livre blanc du gouvernement sur la défense, tout se passait sous le signe d’une « exceptionnelle rationalité ».
Alors qu’aujourd’hui, n’est-ce pas, la crise est partout, l’ordre nulle part. De tant d’organisations qui, naguère, servaient à fédérer les énergies et à canaliser la violence, combien ont péri ! Parmi les survivantes, combien, malades, sont en quête d’un remède et combien, désœuvrées, à la recherche d’un emploi ? Entre les États, désormais livrés à leurs démons, la contestation est permanente. Des revendications qu’on croyait endormies se réveillent en tumulte ; des querelles, qu’il y a peu on aurait tenues pour futiles, mobilisent les opinions publiques. Chaque peuple entend tracer sa propre route ; chaque nation veut demeurer seule en face de son destin.
 
Quant aux gouvernements, ils sont trop affairés à faire chez eux le ménage pour avoir cure des foyers d’incendie qui s’allument au loin. Quelques-uns, sans doute, plus altruistes ou plus sensibles au danger font semblant de s’activer autour des brasiers les plus menaçants mais s’ils y jettent, de temps à autre, qui une poignée de dollars, qui une brassée de Casques bleus, c’est moins dans le dessein d’éteindre les flammes que dans l’espoir d’apaiser leur conscience. Même dans ce petit nombre, beaucoup, déjà, désespèrent de ce monde de pyromanes et se préparent un refuge à l’épreuve du feu. Pour certains, c’est l’Europe et, modernes Sisyphes, ils s’acharnent à en remonter les murs à mesure qu’ils s’éboulent ; pour d’autres, ou pour les mêmes, car deux abris valent mieux qu’un, c’est l’ OTAN  : sa caserne désaffectée serait la dernière, assurent-ils, où l’on puisse encore trouver une brigade de pompiers en état de marche. Tous, en réalité, lorgnent du côté du grand shérif d’outre-Atlantique et n’ont qu’une peur : c’est que, de fatigue ou de dégoût, il n’aille suspendre ses patrouilles et rendre son étoile.
* *     *
Que le monde qui a surgi des décombres du mur de Berlin soit aussi noir qu’on vient de le peindre, rien ne le prouve encore ; mais que ce soit sous ces sombres couleurs qu’il apparaisse aux yeux de nos contemporains n’est pas en doute. Dirigeants responsables, observateurs informés, simples citoyens, tous, au fond, d’accord sur ce point, le disent à leur façon. À écouter leurs déclarations, leurs commentaires ou leurs réflexions, il est clair que l’époque présente n’a pas bonne réputation et ne mérite guère un bel avenir. Si forte est la déception, pour ne pas dire le vague écœurement, qu’elle inspire, que beaucoup vont jusqu’à en concevoir rétrospectivement quelque estime pour l’époque précédente. Le monde, pensent-ils, est devenu trop opaque pour être compréhensible, trop confus pour n’être pas anarchique et trop incertain pour n’être pas dangereux.
Le verdict est sévère, mais est-il juste ? C’est celui de l’opinion dominante mais est-ce suffisant pour lui conférer une autorité absolue ? Som

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