Que veut la gauche plurielle ?
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Description

Quelles sont les grandes valeurs qui, aujourd'hui encore, opposent de façon radicale la gauche à la droite ? Quelles sont les tendances et les aspirations qui caractérisent désormais l'électorat de gauche, des ultras aux centristes, des toujours fidèles aux toujours déçus du socialisme, des communistes aux gaucho-lepénistes ? En quoi les années Mitterrand ont-elles modifié leur vision du monde ou leur conception de la politique ? Et que réclament-ils sur des problèmes aussi sensibles que le chômage, la crise économique, l'immigration ou l'Europe ? Conçue comme une série de portraits, cette enquête menée auprès d'hommes et de femmes aux statuts les plus divers permet de mieux cerner ce que les Français, aujourd'hui, attendent d'un gouvernement de gauche. Politologue, directrice de recherche au CNRS et à la Fondation nationale des sciences politiques (CEVIPOF), Janine Mossuz-Lavau a notamment publié aux Éditions Odile Jacob Les Français et la politique et Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres (en collaboration avec Anne de Kervasdoué).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1998
Nombre de lectures 7
EAN13 9782738162366
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , FÉVRIER  1998 15  RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6236-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
INTRODUCTION

Le premier juin 1997, au terme d’élections législatives anticipées, les Français envoyaient à l’Assemblée nationale une nouvelle majorité : 320 sièges revenaient à la « gauche plurielle » composée du Parti socialiste, du Parti radical-socialiste, des Verts, des divers gauche, du Mouvement des citoyens et du Parti communiste. Dans l’Assemblée de 1993, l’opposition de gauche ne comptait que 91 députés. En 1997, la droite et l’extrême droite n’ont plus que 257 sièges contre 485 en 1993. Cette défaite de la droite n’était pratiquement prévue par personne à la date de la dissolution, le 21 avril. Mais au soir du premier tour, les résultats en pourcentages indiquaient déjà assez bien que le vent était en train de tourner. La droite recueillait 36,15 % des suffrages exprimés, la gauche (dont les Verts) 42,11 %, l’extrême gauche 2,18 %, l’extrême droite 15,09 %, les divers écologistes 2,67 % et les « divers divers » 1,79 % 1 . Pourtant, fin avril, un sondage effectué par la SOFRES montrait que, pour 54 % des Français, les socialistes n’étaient pas prêts à gouverner le pays. Mais, tout au long de l’année précédente, des mobilisations de masse ou du moins relativement importantes – et que l’on a pu désigner par le terme de « mouvements sociaux » – avaient souligné l’état de mécontentement d’une partie de la population : de la manifestation pour les droits des femmes (25 novembre 1995) à la grève des routiers, des grèves de novembre-décembre 1995 aux pétitions et manifestations contre la loi Debré, la période a été fertile en événements traduisant un désaccord avec la politique conduite par le pouvoir en place. Mais, dans le même temps, ceux qui s’insurgeaient ainsi contre la droite alors aux affaires n’avaient pas forcément le sentiment qu’une alternative politique existait. En d’autres termes, la gauche, qui avait, sous les septennats de François Mitterrand, déçu de nombreux électeurs, n’était pas encore rentrée en grâce. Tous n’avaient pas « pardonné » et n’étaient pas persuadés qu’on pourrait résoudre les problèmes en renvoyant les socialistes et éventuellement les communistes au pouvoir. Mais, au même moment, la droite provoquait de plus en plus de mécontentement. La cote de popularité de Jacques Chirac comme celle d’Alain Juppé baissaient vertigineusement, jusqu’à atteindre des records au printemps 1997. D’ailleurs, au lendemain du premier tour des élections législatives d’avril 1997, 70 % des Français se déclaraient déçus par l’action de Jacques Chirac depuis son élection en mai 1995 2 . Le mécontentement s’enracinait dans un manque de confiance en l’avenir : 65 % de nos compatriotes se montraient, à la même date, « plutôt inquiets » en pensant à l’avenir de leur situation personnelle et professionnelle. Ce mécontentement était tel chez certains qu’ils disaient pouvoir envisager de participer à un mouvement de revendication : 52 % des Français déclaraient être dans cet état d’esprit, selon un sondage réalisé par la SOFRES pour Le Nouvel Observateur du 5 septembre 1996. C’est toute la tension entre ces deux tendances (le mécontentement par rapport à la droite, la confiance non encore retrouvée dans la gauche) qu’il m’a semblé intéressant de mettre au jour, afin de faire apparaître l’état d’esprit dans lequel se trouvaient un cer tain nombre de Français, et tout particulièrement ceux qui se situent à gauche, à la veille d’échéances électorales importantes.
J’ai donc effectué une étude qualitative, entre août 1996 et février 1997, dans une période où les élections législatives étaient prévues pour 1998. Le changement de calendrier a fait que cette enquête permet de montrer les mécanismes à l’œuvre dans nombre d’opinions et dans la structuration de certains votes à la veille des législatives de 1997. Elle apporte des éléments d’information sur le changement politique qui s’est produit à cette occasion et qui, s’il s’est traduit par la venue d’une autre majorité, n’a pas donné lieu à une vague rose analogue à celle de 1981. À l’origine, je souhaitais explorer l’univers des personnes qui se définissaient comme étant à gauche afin de savoir comment elles analysaient la situation, ce qu’elles souhaitaient, ce qu’elles attendaient. Je voulais prendre le pouls du « peuple de gauche ». Mais si la gauche pouvait espérer des soutiens de cette partie-là de la population, elle avait aussi la possibilité de bénéficier de l’appui – peut-être temporaire – de ceux qui – électeurs volatils par excellence – ont des affinités à la fois avec la droite et la gauche, et de ceux qui, au contraire, rejettent et la droite et la gauche mais votent, néanmoins, tantôt pour l’une tantôt pour l’autre. Il importait donc de les inclure dans l’enquête. Il m’a semblé intéressant de donner aussi la parole aux personnes de droite afin qu’elles disent comment elles voyaient la gauche, pour comprendre pourquoi la plupart d’entre elles ne pouvaient pas, sinon accidentellement, voter pour cette famille politique. Ce qui m’a amenée au bout du compte à effectuer une recherche sur la grande majorité de la population en âge de voter.
J’ai réalisé cette enquête à l’aide d’entretiens semi-directifs. J’ai interrogé cinquante-quatre personnes (vingt-six hommes et vingt-huit femmes), à Paris, dans la banlieue parisienne (Conflans-Sainte-Honorine, La Courneuve, Les Lilas, Versailles, Villeneuve-la-Garenne), à Colmar, Grenoble, Le Mans, Lyon, Marseille, Perpignan, Strasbourg ainsi que dans des petits villages de Haute-Savoie et du Var dont je ne donne pas les noms afin de préserver l’anonymat des personnes interrogées. Tous les âges sont représentés, de dix-neuf à soixante-dix-huit ans, de même que tous les milieux sociaux. De l’ouvrier au cadre supérieur, de la chômeuse à la fonctionnaire, en passant par la RMiste, la diversité des situations a été respectée 3 .
Je commençais l’entretien en demandant à mon interlocuteur de se situer sur la classique échelle gauche-droite qui se présente de la manière suivante :


Je lui expliquais que 1 correspondait à extrême gauche, 2 à gauche, 3 à centre gauche, 4 à centre, 5 à centre droit, 6 à droite et 7 à extrême droite. Puis je lui demandais pour qui il avait voté aux deux tours de la présidentielle de 1995. S’il s’agissait d’une personne se situant dans l’une des cases de gauche (ou encore, comme certaines, à la fois dans une case de gauche et dans une case de droite), je l’interrogeais sur son identité politique (être à gauche) et ensuite – puisqu’il s’agissait d’un entretien semi-directif – je le lançais sur les thèmes suivants : le bilan des gouvernements socialistes, François Mitterrand, l’Europe, l’immigration, les prochaines législatives (les intentions de vote, le souhait que la gauche l’emporte, les attentes en cas de victoire). S’il s’agissait d’une personne non située à gauche, je l’interrogeais d’abord sur sa vision de la gauche, puis je lui soumettais les thèmes utilisés pour les personnes de gauche et cités ci-dessus.
J’ai recueilli au total un matériel abondant (les entretiens duraient rarement moins d’une heure et demie), riche (sur toutes ces questions, les Français ont énormément de choses à dire) et qui permet de voir fonctionner les mécanismes à l’œuvre dans les choix des électeurs qui ont saisi l’occasion fournie par la dissolution pour renvoyer la droite dans l’opposition, mais qui n’ont pas pour autant donné un chèque en blanc à la gauche. Celle-ci est aujourd’hui véritablement sous surveillance et peut s’attendre, si elle déçoit, à des mouvements de protestation.
Ces entretiens m’ont permis de présenter une vision diversifiée de la gauche. J’avais, dans un ouvrage réalisé à partir d’entretiens non directifs et paru en 1994 4 , consacré un chapitre au peuple de gauche, un chapitre intitulé « Être à gauche », dans lequel je montrais quel était le « fonds commun » à l’ensemble des personnes qui se situaient à gauche, quelles étaient les valeurs fondamentales qui leur étaient propres. La famille de gauche, globalement considérée, se caractérisait par son souci de voir réduire les inégalités sociales, son refus de la xénophobie, son choix en faveur de l’épanouissement de l’individu (crédité de potentialités face auxquelles il ne faut pas imposer trop de normes), sa dénonciation du déficit démocratique (elle voulait que chacun ait son mot à dire concernant le sort de la collectivité nationale). Mais faute d’effectifs, et aussi parce que mon objectif était alors de mettre en lumière d’abord ce qui séparait la gauche de la droite, je n’avais pu distinguer, entre les diverses variétés de cette famille qui, si elle a de grands traits qui l’opposent radicalement à la droite, abrite en son sein des variétés diverses, des tendances qui ne se réduisent pas les unes aux autres. Aujourd’hui, après l’enquête conduite entre août 1996 et février 1997 et des lectures attentives des entretiens, je suis en mesure de distinguer quatre composantes de cette gauche : l’ultragauche, la gauche communisante, les (toujours) déçus du socialisme, et le camp de base des socialistes. J’étudie aussi les « gauche-droite » qui ont le sentiment d’appartenir à la fois à la gauche et à la droite, les « ni droite ni

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