L Invention de l’Etat
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L'Invention de l’Etat , livre ebook

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Description

À la veille de la guerre de 14-18, l’État français s’est métamorphosé : le régime républicain s’est consolidé en traversant les crises et les affaires ; la notion de service public a vu le jour en accompagnant la naissance de l’état providence ; les progrès scientifiques et technologiques ont offert de nouvelles opportunités. Pour accompagner ces mutations, il fallait une nouvelle approche conceptuelle. Cette biographie croisée de deux éminents juristes – Léon Duguit à Bordeaux, Maurice Hauriou à Toulouse – retrace leurs itinéraires intellectuels. Nés dans les années 1850, marqués par la défaite de 1870, ils incarnent une génération confiante dans le progrès, attentive aux enjeux de la science et du débat intellectuel. Défricheurs conceptuels, ils sont de véritables « inventeurs de l’État » au sens où ils en dévoilent les nouvelles réalités. Maurice Hauriou et Léon Duguit ont eu une influence cruciale sur des questions qui nous touchent aujourd’hui. Leur biographie est l’occasion de réfléchir aux conditions d’efficacité du politique. Jean-Michel Blanquer est, depuis mai 2017, ministre de l’Éducation nationale. Il a été directeur général de l’ESSEC, après avoir été directeur général de l’Enseignement scolaire. Il a également été recteur de l’académie de Guyane et de l’académie de Créteil. Il a récemment publié L’École de la vie. Marc Milet est maître de conférences en science politique à l’université Panthéon-Assas, membre du CERSA (CNRS). Ses travaux portent sur l’engagement civique et politique des juristes. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 avril 2015
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738166890
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cet ouvrage a reçu le soutien de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. Il a bénéficié du soutien du Centre d’études et de recherches des sciences administratives et politiques (CERSA), unité mixte CNRS/université Panthéon-Assas.
© O DILE J ACOB, AVRIL 2015 15, RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6689-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À la mémoire de mon père, Roland Blanquer. J.-M. B. Pour Marie et Chloé. M. M.
Prologue

Le 22 avril 1931, à 4 heures de l’après-midi, les autorités les plus éminentes de Toulouse et des personnalités du monde du droit et de l’enseignement supérieur se pressent dans le jardin de la faculté de droit. Dans quelques minutes, la statue du doyen Maurice Hauriou sera dévoilée. Œuvre du sculpteur toulousain Vivent et de l’architecte Bonamy, elle a été réalisée grâce à une souscription de la faculté de droit.
Le doyen Charles César-Bru prend la parole, suivi du maire de Toulouse, Étienne Billières, puis du doyen de la faculté de droit de Paris, Henry Berthélemy. Tous soulignent l’œuvre accomplie et l’attachement de la communauté des juristes, en France et à l’étranger, à cette grande figure disparue deux ans plus tôt. Devant le buste, le doyen a fait placer une bonne partie de l’œuvre du maître et il a mis en première place les onze éditions de son Précis de droit administratif , allant de 1892 à 1927, et les deux éditions (en six ans) de son Précis de droit constitutionnel . À côté de dizaines d’autres articles et ouvrages, cela compose une somme impressionnante.
Le jeune Georges Vedel, âgé d’à peine 20 ans, mais déjà président de la section de droit de l’assemblée générale des étudiants, s’avance pour prendre à son tour la parole :
« Je me souviens de l’étonnement qui nous saisissait en voyant, à la parole d’un tel professeur, se découvrir à nous les majestueuses perspectives du droit public, que nous imaginions volontiers plus rébarbatives. Voilà que le droit, figuré dans nos esprits comme une technique ardue, avec ses rites et son langage mystérieux, inclus dans des codes traditionnellement poudreux, se révélait à nous comme une science étonnamment proche de la vie, et sans cesse en contact avec les grandes questions qui se posent devant l’esprit humain. »
Georges Vedel n’a eu Maurice Hauriou comme professeur que lors de sa première année, en 1927, lorsque le doyen, déjà retraité mais tout de même chargé de cours, donnait pour la dernière fois son cours de droit constitutionnel. Ce fut suffisant pour allumer une flamme chez le débutant qui s’était inscrit en droit alors que ses goûts l’auraient plutôt porté vers les lettres. Vedel avait apprécié aussi le sens pédagogique du vénérable professeur, avec un recours fréquent aux métaphores sportives plus ou moins maîtrisées, mais il n’avait pas conscience d’avoir un monument du droit en face de lui 1 .
En ce jour d’avril 1931, devant la statue, il en a maintenant pleinement conscience et son discours insiste sur ce qu’il comprend maintenant de l’esprit du droit, une matière reliée à la vie, par les concepts comme par les questions concrètes qu’elle affronte :
« C’est à lui que nous devons, en grande partie, d’avoir compris que le droit n’est pas une logique exercée sur des textes, bien qu’il faille textes et logique au juriste, mais une science de l’homme, j’allais presque dire une partie des humanités qui comme telle peut être passionnante (…). »
L’avalanche d’hommages fait écho à ceux déjà entendus au moment de la disparition de Maurice Hauriou deux ans plus tôt, le 12 mars 1929 2 . Et la liste des souscripteurs n’est pas seulement un recueil de notabilités toulousaines et françaises de ce début des années 1930. C’est aussi une galerie de tous les grands noms du droit public français et international qui, tous, ont eu à se référer à l’œuvre du doyen de Toulouse. C’est Romieu, Marcilhacy, Pichat, issus de ce Conseil d’État qui n’a pas voulu de lui quelques années plus tôt alors qu’il était le meilleur analyste de leur jurisprudence. C’est Jellinek 3 depuis Heidelberg, Diaz depuis Barcelone ou Tahir Bey depuis Istanbul. C’est aussi et surtout des collègues, parfois concurrents, parfois amis, parfois disciples qui composent une géographie physique et mentale d’un droit public français au sommet de sa puissance conceptuelle pour avoir accompagné la naissance d’un droit nouveau de l’État, celui d’une administration qui a de nouvelles responsabilités et de nouvelles compétences, celui d’une République qui s’est consolidée en plusieurs décennies et qui a mené la guerre au nom d’une certaine conception du droit. C’est Capitant, c’est Le Fur, c’est Mestre, c’est Chevallier, Renard, Trotabas, Eisenmann, Esmein, Waline, Carré de Malberg et des dizaines d’autres qui tous savent ce qu’Hauriou a apporté et lui rendent un ultime hommage.
Deux ans auparavant, tout le monde a été frappé par la concomitance de la disparition de Maurice Hauriou et de Léon Duguit, car leurs deux noms étaient systématiquement associés.
Ainsi, un contemporain critique note :
« Les deux plus illustres professeurs français de droit public, M. Duguit, doyen de Bordeaux, et M. Hauriou, doyen de Toulouse, sont morts à quelques mois de distance. (…) Leur enseignement, par leurs ouvrages de doctrine, dominait la pensée juridique actuelle et, par leurs manuels, formait presque tous les étudiants en droit 4 (…). »
La mort de Léon Duguit le 18 décembre 1928 avait précédé de peu celle de Maurice Hauriou, et cette double disparition marquait la fin d’une génération, née sous le Second Empire, affectée par la défaite de 1870 et frayant un chemin conceptuel tout au long de la III e  République pour doter la France d’une armature juridique de droit public lui permettant d’affermir son État et de garantir les libertés. Les querelles intellectuelles entre les deux amis, qui avaient passé ensemble l’agrégation, avaient structuré l’arène juridique française pendant plus de trois décennies. Elles n’avaient pas seulement illustré la rivalité traditionnelle entre Toulouse et Bordeaux. Elles avaient surtout représenté un de ces débats que la France affectionne entre deux philosophies, deux approches, deux attitudes vis-à-vis de la vie et du droit.
La mort de Duguit avait d’ailleurs suscité le même type de réaction que celle d’Hauriou 5 . Les hommages étaient venus du monde entier, États-Unis, Amérique latine, Égypte, Japon… Autant de pays où le doyen de Bordeaux, grand voyageur, avait étendu son influence au travers d’une œuvre tournée vers la volonté de doter l’État d’une théorie objective s’appuyant notamment sur la notion de « service public ». À Bordeaux aussi, des cérémonies avaient été organisées, des discours prononcés. Et l’on insistait non seulement sur l’œuvre de Duguit, mais aussi sur son action dans le domaine politique et social où il avait cherché à mettre en pratique sa vision du monde. À Bordeaux comme à Toulouse, des disciples s’apprêtent à prolonger une pensée. Hauriou et Duguit « font école ».
Au moment où une crise économique et politique mondiale s’apprête à se déployer sur le continent européen, deux hommes qui ont contribué à la consolidation institutionnelle de la France s’éteignent.

1 . Entretien du doyen Georges Vedel avec les auteurs, 18 novembre 1996.

2 . Voir aussi les nécrologies publiées : La Croix , 17 mars 1929 ; « Un maître : Maurice Hauriou », par Achille Mestre à la une du Figaro , 18 mars 1929.

3 . Walter Jellinek, professeur à Heidelberg, est le fils de Georg Jellinek.

4 . M. de Roux, « Professeurs et théories de droit constitutionnel », in L’Action française économique et sociale , 31 mars 1929.

5 . Voir ainsi M. Malherbe, La Faculté de droit de Bordeaux (1870-1970) , Presses universitaires de Bordeaux, 1996, p. 71 ; cf. aussi Le Temps , 20 décembre 1928, p. 8, et 23 décembre 1928 ; Le Gaulois , 20 décembre 1928 ; La Gironde , 22 décembre 1928.
PREMIÈRE PARTIE
LES ENFANTS DE LA VIGNE ET DU DROIT

(1856-1882)
CHAPITRE 1
Entre Cognac et Bordeaux

En septembre 1852, la ligne de chemin de fer est ouverte entre Angoulême et Bordeaux. Le train est synonyme de modernité et de prospérité pour une France qui entre dans le Second Empire, à la recherche d’une nouvelle formule politique d’équilibre entre ses tendances monarchiques, bourgeoises et révolutionnaires. Pour les régions occidentales du pays, comme la Charente et la Gironde, ce milieu du XIX e  siècle représente une pause dans une histoire chargée, une pause qui doit permettre à l’activité économique de se déployer. L’effort porte notamment sur les communications. Les ponts sur la Dordogne (1824) et sur l’Isle (1831) ont été des étapes décisives pour une ville telle que Libourne. Mais l’ouverture de la gare en 1853, qui entraînera le déclin du port, est un événement plus important encore, l’entrée dans une nouvelle ère.
Libourne et Angoulême sont, à ce moment-là, dans le giron de Bordeaux. Le trajet en train de Libourne à Bordeaux (35 km) dure quarante minutes alors que la cité girondine est elle-même à 12 h 30 de Paris. L’urbanisme se développe avec des ouvrages comme les hôpitaux, les bains-douches, les abattoirs ou encore l’éclairage au gaz. Les campagnes bénéficient de cet essor, car elles sont reliées aux métropoles régionales et connaissent de n

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