Les Producteurs de télévision , livre ebook

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« S'interroger sur la manière dont s'élabore l'offre de télévision, c'est partir à la recherche de personnages faussement familiers dans les représentations sociales : les producteurs de télévision. Aller au cœur des concepts qui organisent leur métier, détailler comment se définit pour chacun d'entre eux le champ des possibles et sur quels principes explicites ou implicites ils conduisent leur activité dans le cadre de cette économie originale qu'est la production de programmes, à la frontière de la culture et du marché, c'est se donner une chance de saisir sociologiquement et économiquement un fait social dans sa pleine maturité qu'est la télévision. »
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Nombre de lectures

21

EAN13

9791022302005

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Nicolas Brigaud-Robert
Les Producteurs de télévision
© Presses Électroniques de France, 2014
Avant-propos
La télévision est installée au bas de la hiérarchie des productions culturelles. Les programmes qu’elle diffuse en font une consommation culturelle en même temps trop restreinte (ne permettant pas d’exprimer des jugements de goûts suffisamment différenciés) et trop abondante (à tous matériellement et symboliquement accessible) pour [1] faire l’objet d’une appropriation distinctive comme l’entendrait Bourdieu . La production de télévision serait par ailleurs trop soumise aux règles banales du marché, pour être redevable d’une analyse économique originale ou tout au moins pour se différencier de manière significative d’autres secteurs de l’économie marchande. Pourtant, dès que l’on s’approche de plus près du processus d’élaboration des programmes, en interrogeant les pratiques des professionnels on découvre très vite une autre dimension sociologique et économique à l’offre de télévision.
Lorsque que l’on aborde la télévision comme « complexe médiologique », selon le [2] terme de Régis Debray , celle-ci est associée à trois dimensions ou propriétés caractéristiques. La première renvoie à la nature technique de la communication, en l’espèce la technologie de l’image de télévision, la seconde implique son contenu symbolique et la troisième concerne ses effets politiques ou sociaux. Notre premier constat est que la télévision est en position dominante lorsqu’on l’étudie sous l’aspect de chacune de ces trois propriétés – au point où certains programmes ou certaines chaînes [3] peuvent prétendre échapper à leur illégitimité culturelle radicale . En tant que technologie de transmission, elle tend à imposer les règles techniques et économiques qui l’organisent aux autres formes de communication sociale et aux autres espaces de création immatérielle – même si elle est peut-être partiellement concurrencée aujourd’hui par Internet. En tant que lieu d’élaboration d’objets symboliques, elle polarise les autres espaces culturels et intellectuels (cinéma, musique, édition, voire production scientifique) selon que les agents appartenant à ces espaces acceptent ou refusent l’alliance avec ce médium dominant et qu’ils se résignent ou non à accepter les règles de son spectacle. Quant à l’enjeu politique ou social que constitue la télévision, il est proportionnel à la pratique objective qu’elle représente : celle-ci est encore clairement prééminente par rapport à toutes les autres activités en volume de temps consacré en moyenne par les [4] individus ou les foyers dans le monde occidental . Dans ces différentes dimensions et telle que les révèle lapraxisdes professionnels de la télévision, on constate que celle-ci s’est affranchie de la hiérarchie des biens et des pratiques culturels en imposant au moins en partie aux autres champs sa propre logique matérielle et symbolique. On ne peut plus alors penser la télévision uniquement comme objet culturel illégitime mais on doit l’étudier simultanément dans son rapport de pouvoir inversé aux autres productions culturelles : médium dominant et lieu d’une production culturelle globalement dominée.
Le second constat établit que si les programmes de télévision sont des marchandises, l’offre de programmes du producteur est toujours de valeur incertaine. Celle-ci porte en elle les « aléas de la valeur » de tout bien culturel, objet unique destiné à une consommation symbolique satisfaisant un besoin évanescent qui, parce qu’il est impossible à formuler, ne se laisse pas enfermer dans les certitudes des études de marché. La coordination des échanges nécessaires à l’avènement d’un programme échappe alors à la rationalité calculatrice qui guide le comportement de l’agent de l’économie néoclassique. Si l’économie des programmes repose bien sur des échanges commerciaux entre différents partenaires, dont on peut retrouver la forme triviale dans
d’autres industries, ces échanges restent pour chaque programme économiquement singulier et la définition de l’offre et de la demande de programmes semble se passer entièrement du mécanisme des prix comme variable d’ajustement. Conclure, dès lors, que la télévision et ses produits occupent une place dévalorisée dans la hiérarchie des objets culturels ou renvoyer les programmes de télévision à la seule sphère des marchandises ne rend plus compte de manière satisfaisante des rapports existant entre la télévision et le reste des mondes de la culture, ni des rapports entre l’économie des programmes et la logique du reste du monde marchand. Parce qu’ils revendiquent une place centrale dans le processus de fabrication des programmes, les producteurs de télévision nous sont apparus comme un objet d’étude fertile pour comprendre la manière dont se construit la télévision pleine de ses rapports complexes aux hiérarchies culturelles et des spécificités [5] des échanges économiques conduits en son sein . Appartenant à un groupe professionnel très modeste en taille et occupant des fonctions peut-être encore trop floues ou trop techniques pour être spontanément saisies, cachés dans l’ombre portée des producteurs de cinéma et n’existant dans les représentions sociales que de manière éphémère lorsqu’ils se font « animateurs d’émissions », les producteurs de télévision restent un fait social discret. Si notre étude s’appuie largement sur des sources orales et des témoignages, on ne trouvera pas ici de révélations sur les coulisses des émissions, ni sur l’intimité de tel ou tel producteur ou vedette de l’antenne. L’approche n’est pas non plus celle d’une description ethnographique d’un milieu exotique. Nous avons eu plutôt pour ambition d’établir, avec les outils de la sociologie économique, les principes structurant qui organisent les pratiques d’une profession à la frontière de la culture et du marché. Nous avons voulu comprendre un métier en train d’affirmer sa relative autonomie, animé par la spécificité que représente à la fois la production de biens culturels en économie de marché et son rapport aux politiques publiques. Nous avons cherché à dégager, pas à pas, les concepts qui permettent de penser l’ensemble de l’activité des producteurs de télévision quel que soit le genre de programmes dans lequel ils se spécialisent et quelle que soit leur posture ou la démarche intime qu’expriment leurs choix de productions en veillant, comme l’enseignait Durkheim, à ce que « se trouvent réunies et l’unité qu’exige toute recherche vraiment scientifique et la diversité qui est donnée [6] dans les faits ». Notre étude des producteurs comme groupe professionnel se situe ainsi dans une réflexion plus large sur la télévision dans sa double relation dominée et dominante aux autres espaces de production symbolique parce qu’entre autres choses elle oriente socialement le recrutement des professionnels et organise leurs prises de positions les uns par rapport aux autres. Cependant, notre démarche s’inscrit en même temps dans le cadre d’un modèle économique spécifique à la production des biens culturels – ou, si l’on veut, propre à l’univers des transactions incertaines – et dont on veut donner ici une illustration exemplaire, au sein duquel la sociologie des agents, les liens qu’ils entretiennent dans un réseau social, les rapports existant entre eux à distance au sein d’un espace concurrentiel, prennent toute leur place pour l’analyse des échanges et de la création de valeur. Notre terrain a également été l’occasion de mobiliser des outils conceptuels de tradition scientifique parfois opposée, comme ceux de la « nouvelle sociologie économique » et ceux de la « socio-économie des champs » afin de tenter de rendre intelligible la réalité du métier et dans ses pratiques et dans ses principes d’action.
Le métier de producteur de télévision pose des questions spécifiques à la sociologie économique. En principe, au centre du processus d’élaboration de programmes le producteur se révèle comme particulièrement démuni de ressources, à la merci d’un ensemble d’intervenants qui peuvent avoir leurs propres objectifs : il est en négociation permanente avec les chaînes pour une place à l’antenne, il est confronté sur chaque programme à des problèmes de financement et il doit s’assurer de la collaboration récurrente d’artistes ou plus largement d’un personnel « créatif » aux intérêts parfois
strictement divergents des siens. De plus, les projets développés par un producteur n’offrent jamais de garantie objective de leur succès. Et pourtant certains producteurs font carrière, s’inscrivent durablement dans l’espace professionnel, conduisent leurs affaires en dépit des incertitudes, d’autres non. L’étude est alors guidée par des questions telles que : comment s’organise le rapprochement des « points de vue » entre les producteurs et leurs partenaires, en particulier le personnel des chaînes, afin que s’élaborent les programmes ? Comment se distribuent les ressources pour produire et sur quels critères ? Comment s’impose le monopole professionnel du producteur dans la division du travail ? Ou bien, plus largement, quelles sont les conditions qui permettent aux échanges économiques de se réaliser et comment s’orientent les choix dans un secteur où domine une incertitude théorique tant sur ce qu’il faut produire que sur le choix des partenaires avec lesquels il convient de le faire ?
Nous avons organisé la présentation de cette étude en trois parties. La première est consacrée à une étude historique de la genèse du métier de producteur de télévision qui s’appuie notamment sur l’exploitation d’archives inédites. On a cherché à identifier les facteurs qui ont contribué à l’affirmation du métier et à sa différenciation. L’étude de la transformation de la division du travail dans la production de programmes entre le début des années 1960 et le milieu des années 1980 nous a mené à réunir méthodologiquement les différentes causes isolées respectivement en éléments externes et internes à l’espace professionnel selon le degré d’implication des agents eux-mêmes dans la transformation des conditions de production et dans l’autonomisation relative de leur espace professionnel. Dans la deuxième partie, on a tenté de déterminer, à travers l’analyse des pratiques des producteurs, ce qui constitue les formes unifiées de leur intervention. Ou dit autrement : les enjeux partagés par l’ensemble des agents formant un groupe professionnel doué d’une reconnaissance sociale et ayant le monopole objectif de compétences dans l’élaboration des programmes de télévision. L’analyse des ressources nécessaires à la production et des principes qui président à leur mobilisation entre les mains des producteurs est au cœur de cette étape de la recherche. On fait ressortir à ce niveau en particulier les « principes d’autorité » qui fondent l’exercice du métier. La troisième partie aborde les questions des hiérarchies internes à l’espace professionnel ou si l’on veut de l’inégal accès aux ressources ainsi que celles des prises de positions en termes de programmes produits par les agents selon la position qu’ils occupent dans cet espace. On s’est attaché tout d’abord à évaluer l’importance de la coordination des actions des producteurs dans un réseau social, lieu même où semblent se définir l’offre et la demande de programmes et où s’évaluent des formes spécifiques de capital symbolique associé aux individus y participant. L’analyse statistique des propriétés sociales et des trajectoires des producteurs nous a permis ensuite d’isoler les variables qui pouvaient contribuer à expliquer la distribution inégale des chances d’accès aux moyens de production pour les agents et de construire l’univers probable des programmes qui pouvaient leur être associés.
L’émergence du métier de producteur, naissance d’un espace professionnel
« Innomdradles sont nos voies, et nos Demeures incertaines. » Saint-John Perse,Pluies, VII.
ans les génériques De programmes De télévision, le proDucteur se présente comme un personnage central Du processus De fadrication. En Dédut ou en fin, il signe De son nom ou Du nom De sa société, le plus souvent Des Deux, Dans un lettrage D’une taille hadituellement au moins aussi flatteur que celui De tous les autres noms Du générique, généralement sur un carton séparé, privilège qu’il ne partage à la rigueur qu’avec le réalisateur et quelques coméDiens pour une fiction, ou le présentateur pour un programme De plateau. ans la mesure où le générique D’un programme serait la manifestation Des Distinctions De rang existant au sein Du travail collectif qui présiDe à son avènement, on est odligé De se renDre à l’éviDence : le proDucteur occupe une place Distinguée De toutes les autres, une Des toutes premières. Pourtant il n’en a pas toujours été ainsi. La télévision a existé en France avant que n’apparaissent Des proDucteurs au générique Des programmes qu’elle Diffusait.
Les raisons De l’apparition Du métier De proDucteur De télévision en France sont à rechercher à la fois Dans la Dynamique propre Du processus De fadrication Des programmes De télévision lui-même et Dans le travail progressif D’unification symdolique D’un groupe D’agents et De reconnaissance que ce groupe a conquis à travers sa pratique. On parlera Dans les pages qui suivent D’ « affirmation » Du métier De proDucteur et De son « autonomisation » concomitante. La première notion renvoie plus Directement à la place qu’occupent progressivement les proDucteurs Dans la Division Du travail De fadrication Des programmes. La seconDe recouvre Deux processus qui se superposent : D’une part, l’appropriation Des fonctions De proDuction à l’origine entre les mains Du personnel De la télévision par Des agents spécialises et, D’autre part, la constitution D’un espace professionnel unifié autour D’enjeux communs et régi par ses propres règles et valeurs.
Les hypothèses concernant les seuls facteurs économiques et technologiques et leurs éventuelles contraDictions internes ne renDent pas compte Du mouvement collectif et Des actions singulières De rupture Du groupe D’agents qui a imposé sa reconnaissance professionnelle – sauf à se résouDre à une théorie Du reflet Dont la valeur heuristique s’épuise à mesure que l’on pénètre plus profonDément Dans l’analyse. Mais, en même temps, les trajectoires et les prises De position, voire les stratégies, De ceux qui ont progressivement étadli la place Du proDucteur Dans la fadrication Des programmes, ne se comprennent que retraDuites et révélées Dans le contexte qui les conDitionne et leur Donne jour. Pour le Dire drièvement, les agents agissent mais sont agis par les structures Dans lesquelles s’inscrit leur action. Il serait aussi erroné De Donner la prééminence, D’un côté, à l’analyse Des structures ou Des conDitions matérielles De proDuction qui se passeraient D’agents pour agir, que De la Donner, D’un autre côté, aux actions sans contraintes D’agents sans histoire. GuiDé par ces principes et cherchant à réponDre aux
exigences De clarté De l’exposition, on a choisi De présenter l’analyse en regroupant les facteurs ayant participé à la genèse Des proDucteurs De télévision, ou plus précisément à la naissance D’un espace professionnel relativement autonome De la proDuction De télévision, selon qu’ils peuvent être consiDérés comme tenDant à êtreexogènes, c’est-à-Dire relevant Du contexte socio-économique général, ou au contraireendogènes, c’est-à-Dire relevant De l’action plus Directe Des agents eux-mêmes – quitte à rappeler, lorsque c’est nécessaire, qu’il s’agit D’une Distinction méthoDologique. On a Donc regroupé Dans un premier temps les causes apparaissant comme les plus inDépenDantes Des volontés collectives ou inDiviDuelles De ceux qui postulaient au métier De proDucteur sans que ces causes externes soient limitées aux seuls effets Des instances économiques et technologiques, mais en y incluant, par exemple, l’étuDe Du contexte juriDique et politique. ans un Deuxième temps, on a isolé les raisons plus internes, résultant De la modilisation Des agents et De leurs pratiques inDiviDuelles et collectives – sans se refuser l’étuDe Des conDitions matérielles De celles-ci et Des rapports sociaux qu’elles supposent et présupposent.
Le contexte socio-économique de l’émergence d’un métier
L’apparition Du proDucteur De télévision en France est le résultat D’un faisceau De facteurs Dans lequel on a regroupé Dans un premier temps les éléments structurants Du contexte social et économique pour la proDuction De programmes. Il s’agit De retenir ici les facteurs qui se sont affirmés progressivement comme une série D’états De fait qui se sont imposés aux proDucteurs De télévision. Certains De ces éléments appartiennent à Des mutations à long terme De l’espace social Dans son ensemdle. Bien que se limitant à l’analyse D’un segment De Deux ou trois Décennies seulement, l’étuDe a recherché la « part Du milieu » – en espérant, qu’à la télévision, l’accélération Des mutations technologiques pouvait renDre perceptidles les transformations Du « temps long ». Trois facteurs contextuels paraissent ainsi Décisifs Dans l’affirmation D’un espace professionnel autonome De la proDuction De programmes à partir Du Dédut Des années 1960. Tout D’adorD, l’accroissement De la DemanDe De contenus telle qu’elle se proDuit parallèlement aux gains De proDuctivité De l’économie en général, puis la transformation Des outils et Des techniques auDiovisuels ; et enfin, l’évolution De l’environnement politique et iDéologique.
Le développement de la télévision de masse
L’accroissement de la demande
L’accroissement Du volume De programmes Diffusés par la télévision est un phénomène qui a Des conséquences mécaniques sur le volume De proDuctions à fournir. ans le même temps, il semdle que les outils, les personnels et les duDgets De proDuction gérés par l’organisme De Diffusion lui-même soient insuffisants. L’émergence Du proDucteur, personne physique et morale, apparaît alors comme une conséquence Des Défaillances De la télévision elle-même face à la DemanDe croissante De programmes Dont elle a desoin. L’analyse Des archives De la RTF et De l’ORTF et les témoignages permettent De comprenDre comment les proDucteurs ont été la solution grâce à laquelle la télévision a pu alimenter son antenne en programmes nouveaux et les faire fadriquer sous
la responsadilité D’agents spécialisés.
Entre 1952 et 1964, la Diffusion passe De 1230 heures à environ 3 000 heures, avant De connaître ensuite une accélération pour atteinDre 6 800 heures en 1974. Au total, en à peine plus De vingt ans, la télévision multiplie par cinq son volume De programmes Diffusés, conséquence à la fois De l’exploitation De plages horaires toujours plus étenDues et De la mise à l’antenne De nouvelles chaînes (la Deuxième chaîne est lancée en 1964, la troisième en 1973). Chronologiquement, ce sont les proDucteurs au cachet, c’est-à-Dire Des personnes physiques emdauchées à la tâche pour Des Durées Déterminées qui, à la fin Des années 1950, vont D’adorD dénéficier De l’appel D’air que constitue l’augmentation [7] continue Du nomdre D’heures à Diffuser . « La Direction nous dousculait pour que nous trouvions Des iDées nouvelles, on soumettait Des projets presque chaque semaine […]. On était reçus facilement. C’était un sentiment agréadle, je Dois Dire, De sentir que l’on avait desoin De vous », raconte un De ces proDucteurs qui fait ses premiers pas à la télévision à cette époque, même s’il travaillait encore principalement Dans l’espace plus [8] concurrentiel et plus rémunérateur De la raDio . Mais ce sont également, rapiDement, Des sociétés De proDuction privées qui vont dénéficier De l’accroissement De la DemanDe De programmes. Le phénomène Devient sensidle Dès le milieu Des années 1960, avec la [9] naissance De l’ORTF , les sociétés De proDuction privées apparaissant comme une solution matérielle supplémentaire à l’outil De proDuction pudlic et permettant aux chaînes De faire face à l’augmentation Du nomdre D’heures à fadriquer. Certes, il y a là en partie un choix politique (pourquoi ne pas avoir renforcé l’outil De proDuction pudlic ?), mais aussi Des contraintes techniques et, Du point De vue Des Diffuseurs, Des avantages comparatifs en termes De coût et De flexidilité. Les sociétés privées viennent en partie [10] pallier l’insuffisance Des « ressources physiques et matérielles » Du secteur pudlic . La mise en place Des programmes De la Deuxième chaîne en particulier se fait Dans Des conDitions D’incertituDe duDgétaire et De graves insuffisances De moyens alors que le volume horaire à Diffuser Doit connaître une accélération Décisive. En 1968, une note interne De l’ORTF émanant De la Direction fait le point sur le principe D’association avec le secteur privé pour la fadrication Des programmes. L’auteur y conclut sans farD que « la proDuction extérieure […] soulage les emprises De l’Office et évite D’avoir à procéDer à [11] Des investissements pour la proDuction intérieure ». Les sociétés De proDuction privées sont Donc, D’une part, capadles De fournir Des programmes Dans Des Délais courts et Dans Des limites De volume pratiquement extensidles à volonté - puisque les proDucteurs aDaptent les ressources nécessaires à la DemanDe précise exprimée par les chaînes en modilisant Des équipes D’intermittents et Des moyens techniques selon les desoins qu’on leur signifie. ’autre part, cette souplesse De l’outil privé contraste avec les moyens internes De l’Office qui, pour la Direction De l’époque, sont De plus en plus Difficiles à manier.
L’effet De volume se Doudle pour les Diffuseurs D’une puissante contrainte économique : le duDget De la télévision ne suit pas la croissance Des volumes horaires Diffusés. Selon nos calculs, le duDget Du service pudlic De l’auDiovisuel rapporté au nomdre D’heures Diffusées passe De 488 800 francs à 302400 francs entre 1965 et [12] 1975 . Il faut Donc Diffuser plus à meilleur prix. La concurrence par le prix entre l’outil pudlic De proDuction et le secteur privé Devient progressivement un enjeu. Les sociétés privées marqueront leur avantage : D’une part, en proposant le recours à la coproDuction et en s’assurant, D’autre part, D’une plus granDe proDuctivité De leurs programmes.
La pénurie des ressources et le partage des coûts
Les « coproDuctions » que propose la proDuction privée sont un moyen De réDuire la part De financement Du programme à la charge Du Diffuseur, les chaînes ne Devant alors payer qu’une partie Du coût total Du programme. Elles permettent D’envisager Des formes plus ou moins éladorées De partenariat où les frais De fadrication sont partagés entre la chaîne De télévision et un proDucteur extérieur : celui-ci ayant la charge Du Déficit De financement qu’il Devra comdler avec l’apport D’autres Diffuseurs étrangers et ses fonDs propres (le retour sur investissement Devant être assuré à terme par Des ventes et reventes Du programme : reDiffusions et ventes à l’étranger Dans les pays non-coproDucteurs Du programme). Ainsi, le système Des coproDuctions permet à l’ORTF, puis aux chaînes nationales qui lui ont succéDé à partir De 1974, De Diffuser Des programmes à moinDres frais puisqu’il permet De dénéficier par rapport à la proDuction interne D’un adattement théoriquement égal à la part « portée » par le proDucteur privé qui a la charge Du financement. ans sa version D’origine, le système Des coproDuctions avec le privé permettait à l’ORTF De ne couvrir que 60 % à 80 % Du duDget Déclaré Des programmes [13] coproDuits .
Les coproDuctions avec le secteur privé n’interviennent en Droit qu’après la naissance De l’ORTF en 1964 en raison De l’autorisation consentie au Diffuseur De Déroger au « monopole De proDuction » en place jusque-là. La télévision est autorisée à partir De cette époque à traiter avec le secteur privé alors que la règle – Du reste fermement DéfenDue par la majorité Du personnel De la télévision – était jusque-là que l’ensemdle Des programmes était fadriqué avec les moyens humains et matériels internes. En tout état De cause, le recours à Des proDucteurs payés au cachet, appelés progressivement les « proDucteurs Délégués », gérant souvent De manière autonome Des enveloppes financières et ayant une granDe liderté Dans le choix De leurs équipes, avait Déjà été le préluDe significatif De cette moDification Des règles D’association au secteur privé. En pratique, Deux techniques sont utilisées pour partager les coûts : la coproDuction proprement Dite, D’une part, qui institue une copropriété Du programme et un partage Des recettes entre le Diffuseur et le coproDucteur privé, et l’achat De Droits-commanDe, D’autre part, qui laisse la propriété De l’émission au proDucteur, mais qui réserve pour un temps, jusqu’à une quinzaine D’années, les Droits De Diffusion Du programme sur le territoire national De l’ORTF. En Dehors De cette Distinction, les Dispositions contractuelles sont [14] étonnamment similaires . L’achat De Droits-commanDe, selon le témoignage Des acteurs Du système eux-mêmes et malgré l’argumentation De l’époque sur le partage Des coûts De proDuction, n’a semdle-t-il été le plus souvent qu’un moyen Détourné D’externaliser la fadrication De programmes à l’entière charge De l’ORTF sur le duDget réservé aux coproDuctions. ans ce mécanisme, en effet, réservé aux proDuctions les plus moDestes, la part Du duDget portée par le proDucteur privé est réDuite au minimum, c’est-à-Dire qu’elle peut être Dans les faits inexistante si le duDget est artificiellement augmenté – « gonflé » Disent les professionnels – sur le papier, ce qui semdle avoir été très fréquemment le cas (voirinfra). La coproDuction proprement Dite est, pour sa part, une forme D’association plus amditieuse qui peut impliquer la participation au financement De plusieurs Diffuseurs étrangers. Elle prévoit un partage entre les partenaires Des recettes futures. C’est le proDucteur qui conserve les Droits De commercialisation Du programme et qui a la charge De la répartition Du proDuit Des ventes à venir. Il reste que, pour le proDucteur privé, le manDat De commercialisation qui lui est confié et sa part sur les recettes apparaissent plus comme un donus venant s’ajouter à la marge Déjà réalisée lors De la fadrication que comme le moyen véritadle De rentadiliser son travail et son [15] investissement . Quel que soit le type De partenariat avec le privé (achat De Droits-commanDe ou coproDuction), la Direction De l’ORTF convient elle-même que le partage effectif Des coûts n’est le plus souvent que théorique. « [Il est] De notoriété pudlique [que] Des proDucteurs ont proDuit Des séries sans autre apport financier que celui De l’Office »,
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