La scène littéraire postcoloniale
146 pages
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La scène littéraire postcoloniale , livre ebook

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Description

Comment lire avec justesse les littératures neuves des pays anciennement colonisés, les apprécier dans leur dimension esthétique, sans méconnaître leur signification politique ? Comment tenir compte de l'héritage colonial dont elles portent la marque sans les enfermer dans cette condition historique ? Cet essai propose des éléments de réponse à ces questions en construisant « une scène littéraire postcoloniale », librement inspirée par les Postcolonial Studies. Quelques oeuvres y sont convoquées : Le Quatrième Siècle (Edouard Glissant), Maps (Nurridine Farah), Pagli (Ananda Devi), Hombo (Chantal Spitz). Leurs auteurs sont issus d'aires géographiques éloignées (Martinique, Somalie, Polynésie Française, Maurice) qui n'ont de commun que d'avoir subi la violence coloniale. Dans l'espace de confrontation transdisciplinaire ainsi dessiné s'élaborent la figure contemporaine de « l'écrivain postcolonial » et les singularités de l'« écriture du trauma » qui ordonne son travail.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 février 2021
Nombre de lectures 10
EAN13 9782304037074
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Patrick Sultan
La scène littéraire postcoloniale
L’Esprit des lettres
Éditions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2011
© Illustration de couverture : Laurent Valère, Cap 110
EAN : 978230403706 (livre imprimé)
EAN : 9782304037074 (fichier numérique)


« L’Esprit des lettres »
Collection coordonnée par Alain Schaffner et Philippe Zard
« L’Esprit des lettres » présente, dans un esprit d’ouverture et de rigueur, toutes les tendances de la critique contemporaine en littérature française ou comparée. Chaque proposition de publication fait l’objet d’une évaluation scientifique par les directeurs de collection ainsi que par des spécialistes reconnus.


Dans la même collection
Agnès Spiquel et Alain Schaffner (ed.), Albert Camus, l’exigence morale. Hommage à Jacqueline Lévi-Valensi , 2006
Jeanyves Guérin (ed.), La Nouvelle Revue française de Jean Paulhan , 2006 Isabelle Poulin, Écritures de la douleur. Dostoïevski, Sarraute, Nabokov , 2007 Philippe Marty, Le poème et le phénomène , 2007
Philippe Zard (ed.), Sillage de Kafka , 2007
Jeanyves Guérin (ed.), Audiberti. Chroniques, roman, théâtre , 2007
Emmanuelle André, Martine Boyer-Weinmann, Hélène Kuntz (ed.), Tout contre le réel. Miroirs du fait divers , 2008
Yves Landerouin, Aude Locatelli (ed.) , Musique et littérature , 2008
Hedi Kaddour (ed.), Littérature et saveur. Explications de textes et commentaires offerts à Jean Goldzink , 2008
Alain Romestaing (ed.), Jean Giono. Corps et cosmétiques , 2009
Jean Goldzink, La Plume et l’Idée, ou l’intelligence des Lumières , 2009
Vincent Ferré, Daniel Mortier (ed.), Littérature, Histoire et politique au 20 e siècle : hommage à Jean-Pierre Morel , 2010
Jean Goldzink, Aux amis, faux frères et malades imaginaires des Lumières , 2011


À mon épouse Dora


« L’Égypte manquait-elle de tombeaux que tu nous aies emmenés mourir au désert. »
Exode 14,11.
« La solidarité de ceux qui ont subi un choc, de ceux qui sont à même de comprendre ce dont il va dans la vie et dans la mort, et par conséquent dans l’histoire. »
J. Patocka, Essais hérétiques : Sur la philosophie de l’histoire , Lagrasse, Verdier, 1975, p.144.


Propos liminaire
E. Auerbach écrivait en 1952 : « Ce qui est sûr, c’est que notre patrie philologique est la terre ; ce ne peut plus être la nation » 1 .
Une histoire littéraire écrite d’un point de vue cosmopolitique est-elle désormais possible? Peut-on enfin porter sur les littératures du monde un regard affranchi des préjugés eurocentriques, libéré de l’étroitesse de vue qu’imposent les limites nationales?
Le présent essai voudrait contribuer à ce projet : Explorer notre « patrie philologique ». Pour mieux l’habiter.


1 « Philologie de la littérature mondiale », in C. Pradeau, T. Samoyault (Sous la direction de), Où est la littérature mondiale ? , Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2005), Traduction D. de Meur, p. 37.


Introduction
C’est au XIXème siècle que les historiens s’accordent à placer l’époque où, de toutes parts, en Europe, souvent dans le fracas des armes et des insurrections, se forment, se précisent ou se fixent les frontières des territoires nationaux, où s’exacerbent les revendications des peuples à disposer d’eux-mêmes, où se propage « le mythe de l’unilinguisme national » 2 , où se forgent et s’inventent des identités et des héritages et se ‘nationalisent’ les cultures.
À cette même période se forme l’idée d’une étude cosmopolitique de la littérature, et notamment l’idée d’un savoir à vocation transnationale, la littérature comparée, voit le jour. On a cru discerner un paradoxe 3 dans le fait que cette discipline d’esprit cosmopolite, pacifiste et libéral, voire démocratique, émerge en Europe au milieu du XIX e siècle, dans le moment où se cristallisent et s’édifient les cultures nationales, où s’opère et s’achève l’identification, en un seul corps civique, d’une nation, d’un État souverain, d’un territoire et d’une langue (unique).
Pourtant, seule une vue trop restrictive de l’idée nationale ou un défaut de perspective historique laisseraient penser qu’à l’ère libérale des éveils nationaux, il ait pu y avoir rien de contradictoire à aspirer à la paix et aux agréments de l’échange civilisé entre les peuples tout en aimant sa patrie, voire à la préférer aux autres, à la vouloir souveraine sous la forme d’un l’État-nation dont tous les citoyens, libres, seraient gouvernés par leurs représentants, c’est-à-dire par eux-mêmes.
Le philosophe P. Manent rappelle cette vérité qui lui semble oubliée et qui permet de comprendre le nationalisme démocratique moderne :
La nation moderne est pour une part une expression du projet démocratique moderne. Grâce à la forme-nation, le « se gouverner soi-même », qui, dans la forme-cité, ne pouvait concerner que des citoyens peu nombreux, inclut et embrasse désormais des millions, voire des dizaines de millions de citoyens. Prendre la mesure de ce fait aide à comprendre et, en quelque façon à légitimer l’extrême fierté des grandes nations européennes au XIX ème et dans la première moitié du XX ème siècle : en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France, le sentiment était répandu qu’on était parvenu à un sommet de l’histoire, peut-être au sommet de l’histoire, que l’avant-garde des Européens avaient élaboré la forme politique ultime de la vie civilisée 4 .
Nationalisme et cosmopolitisme littéraire non seulement sont conciliables mais s’entre-appartiennent, se fondent réciproquement, voire se renforcent l’un par l’autre. Se sentir comme chez soi partout dans le monde ne vous rend pas apatride ; aimer à passer les frontières ne les abolit pas.
C’est l’orientation que Ferdinand Brunetière avait indiquée lors de la vigoureuse réflexion qu’il engagea avec son étude sur « Le cosmopolitisme et la Littérature nationale » 5 , en réplique à un article de Jules Lemaitre : « De l’influence récente des littératures du Nord » 6 . Ce dernier, membre fondateur de la Ligue de la Patrie Française 7 , avait lancé une charge virulente et xénophobe contre ce qu’il appelle l’ » inquiétante septentriomanie » 8 du public français qui découvrait avec enthousiasme et admiration, en cette fin de siècle, les œuvres de Tolstoï, de Strindberg et d’Ibsen. Avec la sorte de morgue persifleuse coutumière des polémistes d’extrême-droite, J. Lemaitre affirmait non seulement la supériorité de la littérature française sur toutes les autres, mais son autosuffisance. Passant en revue divers écrivains du Nord, il s’ingéniait à prouver que ce que l’on croyait original et nouveau chez eux avait en fait... déjà été exprimé par les auteurs français quelque cinquante années auparavant: à quoi bon chercher dans Tolstoï ce qui se trouve déjà dans Hugo et Sand, et de surcroît exprimé dans la seule langue qu’un Français, fût-il polyglotte, peut goûter pleinement et sans recourir à l’ « espèce de cote mal taillée » 9 qu’est une traduction ? Au mieux, la lecture de ces auteurs révèle au lecteur français telle ou telle dimension qui lui avait échappé dans sa propre littérature : « En repensant nos pensées, ils nous les découvrent » 10 . Enfin, si J. Lemaitre reconnaissait, non sans réticence, que les Français avaient bien emprunté à tel ou tel auteur étranger, c’est pour ajouter qu’ils reprenaient leur bien et se réappropriaient ce qu’ils avaient donné avec la prodigalité qui caractérise le génie latin, mis en péril par l’invasion nordique. Il est à craindre en effet, concluait le futur membre de l’Action Française, qu’ « à force d’être européen, notre génie ne devienne encore moins français » 11 .
À ce nationalisme fermé et autarcique, répond le nationalisme, non moins patriote, mais plus ouvert et résolument cosmopolite, de F. Brunetière. Se fondant sur des considérations historiques, sociologiques et esthétiques, il avançait ainsi l’idée 12 que le monde moderne est

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