Ce guide fournit un aperçu introductif au Système africain des droits de l’homme à l’occasion de la célébration de30 ans de l’adoption de la Charte africaine des droits del’homme et des peuples, le 28 juin 198125 ans de l’entrée en vigueur de la Charte africaine, le 21 octobre 1986.Le guide fait une brève historique de la Charte africaine, fait l’inventaire des réalisations de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, son organe de supervision, et propose des réflexions sur les défis futurs. Bien que la Commission Africaine ait été, jusqu’ici,été l’organe principal des droits de l’homme en Afrique, elle a été complétée par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et le Comité africain d’experts sur les droits de l’enfant. Ces organes et leurs documents statutaires sont également discutés pour donner unaperçu exhaustif du système africain des droits de l’homme.Ce guide a été préparé par le Centre for Human Rights, Faculté de droit, Université de Pretoria, en collaboration avec la Commission Africaine. Les informations contenues dans le guide ont été, autant que possible, mises à jour au 21 octobre 2011, date de son lancement.
CÉLÉBRATION DES 30 ANS DE LA CHARTE AFRICAINE: UN GUIDE DU SYSTÈME AFRICAIN DES DROITS DE L’HOMME
Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Célébration des 30 ans de la Charte Africaine: Un guide du système africain des droits de l’homme
Publié par: Pretoria University Law Press (PULP) Pretoria University Law Press (PULP) est un éditeur/une maison d’édition basée au Centre for Human Rights, Faculté de Droit, Université de Prétoria, Afrique du Sud. PULP vise à publier et à accroître l’accès aux textes innovatifs de qualité et revus par les pairs dans le domaine des droits humains et du droit international public, particulièrement en Afrique.
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Couverture: Yolanda Booyzen, Centre for Human Rights
Introduction: Une raison de célébrer Histoire de la Charte africaine Caractéristiques principales de la Charte Instruments additionnels complétant la Charte africaine La Commission africaine Les membres de la Commission africaine Sessions de la Commission africaine Communications Décisions historiques de la Commission Rapports périodiques des états Les organisations non-gouvernementales (ONG) et la Commission africaine Les Institutions Nationales des Droits de l’Homme (INDH) et la Commission africaine Mécanismes spéciaux de la Commission Missions effectuées par la Commission Résolutions de la Commission africaine La Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Succès et défis de la Charte africaine et de la Commission Impact de la Charte africaine sur les systèmes nationaux des droits de l’homme en afrique Liste des abbréviations Bibliographie et reférénces complémentaires
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Déclaration de Banjul de l’Union Africaine à l’occasion du e 25 anniversaire de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 2006
«...Charte a offert un cadre juridique pour la promotion et la la protection des droits de l’homme et des peuples sur notre continent et le développement de la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) atteste de cette réalisation».
INTRODUCTION: UNE RAISON DE CÉLÉBRER
Entre 1981, quand les États membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (désormais l’Union Africaine) adoptèrent la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et 2011, l’Afrique avait subi un nombre important de violations massives des droits de l’homme à très grande échelle: le fléau de la pauvreté, la pandémie du VIH/SIDA, le génocide rwandais de 1994, la crise du Darfour et les guerres civiles en Somalie, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire et au Libéria. Y a-t-il dès lors une raison de célébrer le trentiè me anniversaire de la Charte?
La réponse est: oui. La Charte africaine a contribué à faire progresser l’Afrique de la période de la méconnaissance à celle de la reconnaissance des droits de l’homme. Elle a ouvert à l’Afrique la voie de la responsabilité supranationale. La Charte établit des normes et constitue la fondation de la protection et de la promotion des droits de l’homme en Afrique. Depuis son adoption il y a 30 ans, la Charte a constitué le fondement juridique des demandes de droits individuels devant un organe international. La Charte a également mis un terme à l’entrave que constituait la souveraineté des Etats en insistant sur ce que les violations des droits de l’homme ne pouvaient plus être passées sous le couvert de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Le prétexte selon lequel seules les juridictions nationales étaient compétentes en cas de violation ne pouvait plus justifier les violations des droits de l’homme dans les pays africains.
La Charte a créé la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour promouvoir, protéger et interpréter les droits protégés par la Charte. La jurisprudence de la Commission a été une ressource solide pour les juridictions nationales, les ONG et les autres systèmes régionaux. Le mécanisme de soumission de rapport par les Etats mis en place par la Charte a fourni une opportunité de dialogue constructif et de revue. Il a aussi aidé les Etats membres à répertorier leurs avancées ainsi que leurs défis. La mise en place de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, compétente pour rendre des décisions ayant force exécutoire, a réduit davantage la marge de manœuvre des violateurs des droits de l’homme en Afrique. Alors que la Cour s’installe progressivement, la mesure conservatoire
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contre la Lybie a démontré le potentiel de coopération entre les différentes institutions des droits de l’homme en Afrique.
On peut aisément imaginer ce que serait devenu le continent sans la Charte. A cet égard, l’Afrique a une bonne raison de célébrer la Charte africaine. Dans l’esprit de cette célébration, il est aussi important de réfléchir aux réalisations passées, aux activités présentes et aux défis à venir quant à la réalisation des droits contenus dans la Charte.
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HISTOIRE DE LA CHARTE AFRICAINE
L’idée de rédiger un document établissant des mécanismes de protection des droits de l’homme en Afrique a germé au début des années 1960. Au premier Congrès des Juristes Africains tenu à Lagos, au Nigéria en 1961, le Congrès adopta une résolution également appelée «loi de Lagos» appelant les gouvernements africains à adopter une convention africaine sur les droits de l’homme avec une cour et une commission. Cependant, à l’époque, les gouvernements africains ne firent aucun effort pour promouvoir ce concept.
La charte créant l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) n’imposait aucune obligation explicite aux Etats membres en matière de protection des droits de l’homme. La charte créant l’OUA imposait seulement aux Etats la prise en compte des droits de l’homme dans leurs relations internationales tels que prévus par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Malgré l’absence d’un mandat clair de protection des droits de l’homme, l’OUA prit des initiatives courageuses pour régler un certain nombre de questions relatives aux droits de l’homme telles que la décolonisation, la discrimination raciale, la protection de l’environnement et les problèmes des refugiés. L’organisation continentale ignora cependant les violations massives des droits de l’homme délibérément perpétrés par des chefs d’Etat despotes contre leurs propres citoyens. Ceci était dû à l’inclinaison de l’OUA en faveur du développement socio-économique, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat au détriment de la protection des droits de l’homme sur la base de l’affirmation du principe de non-ingérence dans les affaires internes des Etats membres.
A la première conférence des Juristes Francophones Africains à Dakar, au Sénégal, en 1967, les participants ravivèrent l’idée de la «Loi de Lagos» relative à la nécessité d’une protection régionale des droits de l’homme en Afrique. Dans la Déclaration de Dakar, adoptée à l’issue de la Conférence, les participants demandèrent à la Commission Internationale de Juristes d’examiner en concertation avec d’autres organisations africaines pertinentes, la possibilité de créer un mécanisme régional des droits de l’homme en Afrique.
Les Nations Unies facilitèrent également la tenue d’une série de séminaires et conférences dans certains pays africains. La Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies créa un
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groupe de travail ad hoc et adopta une résolution appelant le Secrétaire Général de l’ONU à fournir l’assistance nécessaire pour la création d’un système régional des droits de l’homme en Afrique. Ces initiatives onusiennes en vue d’obtenir l’accord des Etats africains pour l’adoption d’une convention régionale sur les droits de l’homme échouèrent. Les participants à l’une de ces conférences décidèrent alors de mettre en place un comité de suivi ayant pour objectif d’organiser des visites auprès des Chefs d’Etat et d’autres autorités d’influence pour insister sur la nécessité d’un système africain des droits de l’homme. A la suite de la visite du Comité au Sénégal, le Président du Sénégal de l’époque, Léopold Sédar Senghor, promit d’évoquer cette proposition devant l’Assemblée de l’OUA à sa session suivante.
En 1979, l’Assemblée des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA demanda unanimement au Secrétaire Général de l’OUA de convoquer une réunion d’un comité d’experts pour la rédaction d’un instrument sur les droits de l’homme en Afrique, semblable aux conventions européenne et interaméricaine.
Extraits de la décision de l’Assemblée de l’OUA
AHG/Dec. 115 (XVI) Rev. 1 1979
L’Assemblée réaffirme le besoin d’une meilleure coopération internationale, du respect des droits fondamentaux de l’homme et des droits des peuples et en particulier le droit au développement … L’Assemblée demande au Secrétaire Général:
(b) d’organiser dès que possible, dans une capitale africaine, une réunion restreinte d’experts de haut niveau afin de préparer un projet préliminaire d’une « Charte africaine des droits de l’homme et des peuples » prévoyant entre autres l’établissement d’institutions pour promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples.
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Une conférence de vingt experts africains présidée par le Juge Kéba Mbaye fut organisée en 1979 à Dakar au Sénégal. Il convient de noter que le Comité d’Experts fut largement influencé par le discours d’ouverture du Président hôte, le Président Senghor, qui enjoignit au Comité de s’inspirer des valeurs africaines et traditionnelles mais également, de mettre l’accent sur les besoins réels des africains, le droit au développement et les devoirs des individus. Après environ 10 jours de délibération, le Comité prépara un projet initial de la Charte.
En raison de l’hostilité de certains gouvernements africains à la protection régionale des droits de l’homme en Afrique, une conférence de plénipotentiaires, prévue à Addis Abéba, ne put se tenir. Cette période fut la plus tragique dans l’histoire de la Charte. Le projet de Charte était manifestement menacé. Dans cette atmosphère tendue et à l’invitation du Secrétaire Général de l’OUA, le Président de la Gambie convoqua deux conférences ministérielles à Banjul, en Gambie, où le projet de Charte fut adopté et soumis par la suite à l’Assemblée de l’OUA. C’est en raison de ce rôle historique de la Gambie que la Charte africaine fut baptisée “Charte de Banjul”. La Charte de Banjul fut finalement adoptée par l’Assemblée de l’OUA le 28 juin 1981, à Nairobi, au Kenya. Suite aux ratifications par l’écrasante majorité des Etats membres de l’OUA, la Charte entra en vigueur le 21 octobre 1986. En 1999, la Charte avait été ratifiée par tous les Etats membres de l’OUA.
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