Une âme forte : Thérèse Martin - article ; n°1 ; vol.2, pg 91-108
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1996 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 91-108
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Forthomme
Une âme forte : Thérèse Martin
In: Les Cahiers du GRIF, Hors-Série N. 2, 1996. Âmes fortes, esprits libres. pp. 91-108.
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Forthomme Bernard. Une âme forte : Thérèse Martin. In: Les Cahiers du GRIF, Hors-Série N. 2, 1996. Âmes fortes, esprits
libres. pp. 91-108.
doi : 10.3406/grif.1996.1904
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1996_hos_2_1_1904Une âme forte: Thérèse Martin
Bernard Forthomme
« Geneviève, Jeanne* Bernadette.» Thérèse.» Quand Dieu veut parler à la France, H
fait monter des prés, sortir des bois, jaillir des sources, une jeune fille..* Depuis deux ou
trois siècles, elle n'avait guère été endoctrinée que par des docteurs sévères... Aux uns,
Dieu montre sa force.» Dominique.» Ignace. Mais nous autres de France, H nous prend
par un charme. »
Marie Noël, Notes Intimes, i 936- 1 940
I . La foudre
Il est convenu qu'une âme forte se manifeste d'abord dans sa capacité de
destruction dégageant le champ indispensable à la mise en chantier de nouveaux
horizons. Sans doute, certains trouveront-ils un raffinement supérieur dans la
confirmation d'une force tranquille, dont l'affirmation relève toutefois plus d'une
aisance fabuleuse que d'une réelle possibilité humaine. S'énonce encore le
paradoxe de la force qui trouve sa pleine mesure au moment même où la faiblesse
paraît devoir tout emporter.
Mais il est une autre force d'âme, celle qui s'expose à la violence extrême,
sans que cela paraisse la preuve quelconque d'une vertu de résistance ou implique
Les Cahiers du Grif 91 ^ des ressources considérables, rapprochant de l'envergure héroïque. Comme si
tout se passait naturellement, au cours d'un jeu d'enfant. Force ludique de
l'enfance. Elle se manifeste précisément de cette manière lors de l'épreuve de
l'orage et de la foudre telle que la rapporte Thérèse. Au cours d'une promenade
sereine avec son père, soudain peu rassuré par le brusque cours des éléments, la
foudre tomba non loin d'elle ; foudre dont la voix redoutable, la violence
désastreuse, l'éclat cruel et la proximité effroyable, suscitèrent en elle tout autre
chose que la course panique ou l'angoisse paralysante, et bien plutôt, de manière
stupéfiante, la sérénité de la présence accomplie, l'épreuve réjouie de la proximité
du tout-autre. Non plus à la manière d'une violence altière contestant les illusions
de la fécondité terrestre ou du cours immanent des choses, mais à la façon d'un
amour, bien qu'animé d'une jalousie fulgurante, sans partage, intraitable, où l'orage
déchaîné rime aussitôt avec visage. Où l'élément d'altération le plus sauvage, la
voix et la lumière la plus inapprivoisées, la falaise à l'emphase de son abrupt,
trouve aussitôt à s'éprouver comme un rivage hospitalier.
La force d'âme qui se manifeste là, tient à cette puissance de percevoir aussitôt
la violence, la vitesse, l'énergie et l'éclat le plus archaïque, fort redoutable,
emblème de la spiritualité élianique la plus fanatique et cruelle, sur le mode d'un
attendrissement, d'une proximité suscitant la confiance. Seule une âme forte peut
éprouver la chute foudroyante et toute proche de l'éclair en rase campagne, par
un clair après-midi d'été, ressentir cette fulgurance-là, comme l'expression d'une
sollicitude et plus encore, si jeune, d'une maternelle paternité divine.
Rien qui ne soit désormais crédité d'un profond degré de charme et
d'humanité native, qu'il s'agisse de l'altérité divine, des tourbillons de la nature,
des influences stellaires ou des saxifrages, des criminels, des apostats ou des
damnés, de toute la colère dernière.
2. L'épreuve de la vitesse .
La force d'âme se manifeste dans une double épreuve de la vitesse. Non
seulement dans la fulgurance de la foudre, du céleste, mais dans celle des
nourritures terrestres. L'être manifeste sa fragilité par la vitesse des changements
qui l'affectent. Très tôt, l'enfant perçoit avec mélancolie que les teintes vives de la
confiture qui colorent son pain passent à la moisissure. Aussi se manifeste une
révélation de la vulnérabilité déchirante de l'être. Celle-ci se confirme par d'autres
épreuves, comme celle du monde qui n'arrive à soi que de loin, affaibli, assourdi,
92 Les Cahiers du Grif ainsi que par les chants nostalgiques des soldats invisibles. Chants issus de gens eux-
mêmes déplacés, éloignés de leur lieu natal, coupés de leurs familles, de leurs
habitudes d'enfance. Chants qui trahissent que l'on n'est plus dans la terre d'origine,
sans être encore déplacé ailleurs de manière décisive. Épreuve mélancolique de
l'entre-deux, impliquant une oscillation des humeurs gaies et tristes, une versatilité et,
plus profondément, un essentiel changement de vitesse, la susceptibilité du passage
d'un long et chronique ralentissement à une brusque et irascible accélération.
Vitesse thymique qui suppose en réalité l'intermezzo ludique : l'euphorie et
l'angoisse du jeu offrant un site qui n'est pas du monde, sans être hors du monde
(puisqu'il en tisse la virtualité ou le champ natif). Vitesse thymique qui rejoint la
sagesse infante comme ses caprices, ce choix de tout de l'orage et du rivage, du jeu
de balle (jeu du monde) et de son percement, cette transverbération jusqu'au sang
- jeu excédant le monde, sa gravitation, l'attraction de sa lourdeur totalisante,
simultanément transe et cèdement à une attaque attendrie. Ainsi le cours
capricieux de l'humeur mélancolique ou son ambivalence affective, s'éclaire à
partir du caprice ludique. L'enfant vit cela en se mettant à l'écart, en jouant
notamment à l'ermite, à la fois dans le monde et hors de lui. A la fin, l'âme forte
tente de faire converger l'épreuve de la feuille caduque, sa vitesse lente de chute,
avec l'accélération de ta mort, éprouvée comme une chance d'aller plus vite au
contact de l'autre, de la foudre divine. Plus la vanité des nourritures terrestres, la
labilité des couleurs et des sons s'éprouvent, plus la mort, prendrait-elle figure de
la véloce araignée, accélère le processus de l'être, plus ce dernier s'expose
rapidement à la vie comme à l'éclair fulgurant, à son énergie autonome, la réalité
absolue de sa vitesse pure.
Certes, Thérèse joue également à la poupée, mais dès la prime enfance, elle
tient, et c'est exceptionnel, à distinguer la petitesse et la grandeur de ses jouets,
en marquant sa préférence pour les plus modestes d'entre eux. L'enfance n'est pas
adéquate à elle-même, dès le tout début II y a luxation et clivage, jeu et crible,
déboîtement et discrimination - sans qu'il s'agisse ici de distinguer déjà,
trivialement, entre enfance et infantilisme. Ce qui l'intéresse, dès le tout début de
sa vie, c'est d'ailleurs moins l'enfance que ta petite enfance ! Au sens fort de la
théologie biblique du Cadet, du petit qui finit par primer I'afne', comme Abel (le
vide) préféré sans raison à Caïn (l'autochtone), ou comme le dernier-né
renversant le droit d'aînesse mais encore le destin biologique, généalogique, autant
que l'impératif catégorique sacral, cultuel ou moral. Les derniers seront les
premiers... Et Thérèse n'est-elle pas la dernière, la cadette d'une longue lignée, et
même la seconde petite Thérèse de la famille ? C'est la petitesse du petit.
Les Cahiers du Grif 93 l'enfance de l'enfance qu'éprouve alors Thérèse, de manière très précoce. Ainsi
donc, les occurrences du terme marquant la petitesse pourraient trahir une forme
de micromanie morbide si, dès le départ, ce genre d'observation et ce type de
tradition spirituelle du renversement, n'étaient pas soulignés. :
Toujours est-il qu'au sein de l'enfance elle-même, son esprit éveillé discerne déjà
ce qui tient à l'enfance qu'elle préf

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