La lèpre à Karamui (Nouvelle-Guinée) - article ; n°2 ; vol.6, pg 82-87
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Description

L'Homme - Année 1966 - Volume 6 - Numéro 2 - Pages 82-87
6 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 13
Langue Français

Extrait

Robert Glasse
La lèpre à Karamui (Nouvelle-Guinée)
In: L'Homme, 1966, tome 6 n°2. pp. 82-87.
Citer ce document / Cite this document :
Glasse Robert. La lèpre à Karamui (Nouvelle-Guinée). In: L'Homme, 1966, tome 6 n°2. pp. 82-87.
doi : 10.3406/hom.1966.366786
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1966_num_6_2_366786LA LÈPRE A KARAMUI
par
ROBERT GLASSE
Les Daribi et les Tudawhe, deux groupes linguistiques voisins, vivent sur le
plateau de Karamui dans le district oriental de la Nouvelle-Guinée, au sud de
la grande cordillère centrale, assez avant dans l'intérieur des terres. Encore mal
étudiée et sommairement décrite, leur culture semble tributaire à la fois de celle
de la plaine côtière et de celle des Hautes Vallées (Highlands). Dans les deux
populations, la lèpre sévit avec une intensité particulière. En 1962, les services
de santé du Territoire de Papouasie et de Nouvelle-Guinée entreprirent d'étudier
l'efficacité à long terme du vaccin B.C.G. contre la lèpre1.
Administrativement, le sous-district de Karamui fait partie du district orien
tal des Hautes Vallées (Eastern Highlands district). C'est une région de plateaux
à forêt dense, que domine le Mont Karamui (ou Mikaru), un volcan triconique
éteint qui culmine environ à 3 000 mètres. Des gorges abruptes, profondes de
plusieurs centaines de mètres, rayonnent à partir du Mont dans toutes les direc
tions. Vers le sud, le paysage change, la terre volcanique noire cède devant les
affleurements calcaires. Dans ce relief plus rude, plus tourmenté, les Yasa, autre
groupe linguistique, vivent en petits hameaux.
Une forêt secondaire humide, extrêmement dense, couvre le plateau. La
lumière filtre à grand-peine à travers le feuillage touffu, et le sol est saturé d'humid
ité. Les essences de conifères atteignent, dans ce milieu particulièrement favo
rable, des hauteurs prodigieuses. Le climat, chaud et humide, s'apparente plus
au climat de la plaine côtière qu'à celui des Hautes Vallées. La saison humide
dure d'octobre à janvier, mais il pleut toute l'année par intermittence. Le taux
des précipitations annuelles dépasse 2,50 mètres.
Les gens de Karamui pratiquent une forme rudimentaire de jardinage. Chaque
1. Nous avons mené, Shirley Glasse et moi-même, une enquête ethnographique pour le
compte des services de santé locaux, en septembre 1962. LA LÈPRE A KARAMUI
SOUTHERN *•
HIGHLANDS
DISTRICT
7°30"S
^ '""":...
GULF DISTRICT
14-4* 7"E
PLATEAU DE KARAMUI
lOkn Poste de Police Routes Aérodrome
BOISAMALU
o Clan Sisi en septembre 1962
vers TUA RIVER
Maison sans étage
D Maison à étage
50m
Eglise
Luthérienn
♦ Jardins
Foret humide
secondaire ROBERT GLASSE 84
année, avant les grandes pluies, ils essartent la forêt et ouvrent de nouveaux
jardins. Les femmes coupent les arbustes et brûlent les taillis, tandis que les
hommes abattent les grands arbres — certains atteignent plusieurs mètres de
diamètre — laissant les troncs pourrir sur place. Ils clôturent les jardins afin
de les protéger des cochons sauvages. A l'encontre des cultivateurs des Hautes
Vallées, les Karamui ne retournent ni ne labourent jamais la terre. Avec un bâton
à fouir, les femmes creusent des trous peu profonds où elles enfouissent des
boutures de patate douce, des fanes de taro et autres semences. Les gens pré
fèrent défricher la forêt secondaire plutôt que débroussailler de vieux jardins,
rapidement envahis par la végétation.
La collecte du sagou sauvage ou cultivé qui pousse sur les rives du fleuve
Tua, et la cueillette de noix de pandane et d'autres produits forestiers sauvages
représentent d'importantes activités économiques. Les hommes consacrent beau
coup de temps à la chasse car la forêt est giboyeuse : sarigues, cochons sauvages
et oiseaux de toutes sortes abondent. On attache un grand prix aux plumes
chatoyantes, celles de l'oiseau de paradis particulièrement, qui peuvent s'échan
ger contre des cochons, des parures de coquillages et des produits européens
venus de la vallée du Chimbu. Les Karamui élèvent quelques cochons domest
iques qui ne sont abattus qu'au cours de certains rites.
Un village karamui comprend plusieurs vastes habitations à étage {sigabei
en daribi), qui abritent chacune un lignage ou sous-clan, et quelques maisons
sans étage (kerabei en daribi), éparses parmi les jardins en exploitation. Ces
dernières années, les fonctionnaires du gouvernement et les missionnaires ont
fait des efforts pour que les indigènes construisent des maisons plus petites, une
par famille nucléaire, disposées selon un alignement régulier. Le plan du village
de Boisamalu montre la disposition actuelle des habitations, et indique les maisons
communautaires partiellement abandonnées.
La maison karamui à étage ne se retrouve, à notre connaissance, nulle part
ailleurs en Nouvelle-Guinée. Les hommes occupent l'étage qu'ils atteignent au
moyen d'une échelle extérieure, tandis que les femmes et les jeunes enfants
vivent au rez-de-chaussée. On cuisine surtout en bas, mais on trouve aussi des
foyers au premier étage. Forteresse en puissance, la sigabei possède des murs
d'écorce extrêmement résistants ; la maison dure longtemps, vingt à trente ans,
car ses piliers de soutènement sont des troncs d'arbres qui, des années durant,
demeurent vivaces dans le sol. Dans la maison traditionnelle sans étage, hommes
et femmes sont séparés par une cloison. Jusqu'aux toutes dernières années, les
Karamui vivaient surtout dans les sigabei ; certaines familles construisaient à
proximité des jardins des kerabei où elles s'installaient à leur convenance lors-
qu'aucun danger n'était à craindre.
Nous avons étudié la structure sociale d'un clan daribi seulement, mais les
résultats obtenus paraissent valoir pour les deux groupes linguistiques. Le clan LA LÈPRE A KARAMUI 85
patrilinéaire constitue l'unité de base ; il porte un nom spécifique et comprend
cent membres environ. Les généalogies remontent jusqu'à la cinquième généra
tion ; comme en d'autres régions des Highlands, des étrangers peuvent être admis
dans le clan et ne s'y trouvent pas ou peu désavantagés par rapports aux agnats.
Si les occupants d'une sigabei forment généralement une unité exogame, des
mariages interviennent cependant à l'intérieur du clan. J'espère donner, dans un
travail ultérieur, un compte rendu détaillé de l'organisation sociale daribi.
Les services du recensement répartissent la population du sous-district de
Karamui en deux divisions : la division Karamui, où les Tudawhe sont tous
concentrés (ils étaient environ 2 200 en 1962) et où quatre clans daribi sont
également installés ; et la division Daribi où habitent la majorité des Daribi.
Les Daribi sont environ 2 800. Ceux des Tudawhe qui vivent à proximité de la
frontière linguistique, la rivière Boisa, sont bilingues. Il semble que les Daribi
empiètent de plus en plus sur le territoire tudawhe, mais pour l'instant l'identité
culturelle de chaque groupe ne prête pas à confusion. Les Tudawhe se disent
descendants d'un ancêtre commun et se désignent collectivement comme des
Oiyabe. On ne trouve chez les Daribi nulle tradition de cet ordre et ceux d'entre
eux qui parlent tudawhe ne sont pas considérés comme des Oiyabe.
Les Daribi n'ont aucune théorie générale de la maladie, qu'ils assignent à
diverses causes naturelles, et aucun guérisseur spécialisé. Ils laissent sans expli
cations un grand nombre d'affections mineures, se contentant de les rapporter
aux changements saisonniers. Ils attribuent les maladies plus graves, la malaria
par exemple, à l'agressivité des esprits des morts et des fantômes ancestraux ;
nulle puissance surnaturelle n'est censée intervenir.
Daribi et Tudawhe s'accordent pour affirmer que la lèpre, appelée ouyabei
par les premiers, bilisian par les seconds, sévit à Karamui depuis plusieurs géné
rations. Ils ne possèdent aucun mythe, aucune légende pour expliquer son origine
et nul ne peut dire si, de son vivant, la maladie a changé de fréquence. Les uns
et les autres la considèrent comme un phénomène foncièrement naturel, dans la
mesure où elle se propage généralement par contact direct plutôt que par influence
humaine ou surnaturelle. A

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