A la recherche d une unité : segmentation et traitement de la parole - article ; n°1 ; vol.91, pg 59-86
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Description

L'année psychologique - Année 1991 - Volume 91 - Numéro 1 - Pages 59-86
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Anne Christophe
Christophe Pallier
Josiane Bertoncini
Jacques Mehler
A la recherche d'une unité : segmentation et traitement de la
parole
In: L'année psychologique. 1991 vol. 91, n°1. pp. 59-86.
Citer ce document / Cite this document :
Christophe Anne, Pallier Christophe, Bertoncini Josiane, Mehler Jacques. A la recherche d'une unité : segmentation et
traitement de la parole. In: L'année psychologique. 1991 vol. 91, n°1. pp. 59-86.
doi : 10.3406/psy.1991.29445
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1991_num_91_1_29445L'Année Psychologique, 1991, 91, 59-86
Laboratoire de Sciences cognilives et psycholinguistique1
A LA RECHERCHE D'UNE UNITÉ :
SEGMENTATION ET TRAITEMENT
DE LA PAROLE
par Anne Christophe, Christophe Pallier,
Josiane Bertoncini et Jacques Mehler
En 1965, François Bresson publie un chapitre intitulé « Lan
gage et communication dans le Traité de psychologie expéri
mentale édité par Fraisse et Piaget (Bresson, 1965). Il y pré
sente des travaux qui ressortent de la psychologie, de la li
nguistique et de la théorie de l'information ; il soutient que
l'étude du langage implique la collaboration de ces différentes
disciplines, d'où la proposition d'un nouveau terme : la psychol
inguistique.
Son article, en ébauchant une approche multidisciplinaire
de l'étude du langage, préfigurait le mouvement des sciences
cognitives. En plus des disciplines mentionnées plus haut, le
problème des fondements biologiques du langage transparaît en
filigrane dans cet article. Un quart de siècle plus tard, le point
de vue de François Bresson constitue un programme de recherche
dynamique, poursuivi par un grand nombre de psycholinguistes.
Parler ou comprendre la parole est un acte qui ne nous
coûte aucun effort. Spontanément, nous percevons des mots,
qui s'enchaînent en phrases, qui elles-mêmes s'organisent en
conversation. Cette impression que le langage est une chose
aisée et naturelle pour l'être humain est renforcée par le fait
que tout enfant maîtrise sa langue maternelle vers trois ou
quatre ans.
1. CNRS, ehess, 54, boulevard Raspail, 75005 Paris. 60 A. Christophe, C. Pallier, J. Berloncini et J. Mehler
Pourtant, quel désappointement dès que nous arrivons dans
un pays dont nous ne connaissons pas la langue ! Que d'efforts
un adulte doit-il fournir pour apprendre une seconde langue !
L'apprentissage par lequel il faut alors passer se révèle bien
souvent pénible. Or, ceci est un paradoxe. Car, a priori, l'adulte
n'a qu'à apprendre de nouveaux termes pour des choses qu'il
connaît déjà, tandis que l'enfant a tout à découvrir du monde
et du langage.
D'autre part, il faut bien constater que nous n'avons pas
d'intuitions concernant les règles qui gouvernent notre langage.
Considérez l'exemple suivant, emprunté à Chomsky (1986) :
1 / II dit que Pierre est fatigué,
2 / Pierre dit qu'il est
tout locuteur du français sait que dans la phrase 1 le pronom
« il » ne peut certainement pas désigner « Pierre », alors qu'aucune
contrainte identique ne pèse sur le « il » de la seconde phrase.
Cette intuition, de même que celles qui nous permettent de
juger de la grammaticalité d'une phrase, ne sont pas explic
itement apprises. Et, hormis quelques distingués linguistes, per
sonne n'est capable de justifier ces intuitions, de fournir des
explications sur les règles qu'il emploie pour résoudre, par
exemple, le problème de la référence du pronom.
C'est la linguistique generative, au cours des dernières
années, qui a attiré l'attention sur ces phénomènes. Pour les
expliquer, des entités non observables, telles que les traces,
ont dû être introduites. Bien que les traces ne soient pas phys
iquement réalisées, elles sont nécessaires pour l'interprétation et
la production des phrases2. Or la notion de trace n'est jamais
enseignée ; pourtant, les enfants appliquent sans erreur les
règles qui la mettent en jeu. Comment les « apprennent »-ils ?
A partir d'études formelles3 on a montré qu'il était logiquement
impossible que l'enfant acquière la syntaxe, uniquement à
partir des phrases qu'il entend. C'est le problème dit de la
2. Une preuve de l'existence d'une trace est, par exemple, le blocage
de la règle de contraction suivante en américain : « Who do you want to
talk to ?» devient « Who do you wanna talk to ? ». Pour « Who do you
want to talk to you ? » : contraction impossible, car bloquée par la présence
d'une trace (représentant le sujet de « to talk ») entre « want » et « to ».
3. Voir les théories formelles de l'apprentissage : Osherson, Stob et
Weinstein (1984). à François Bresson 61 Hommage
« pauvreté du stimulus », qui ne peut être résolu qu'en postulant
un dispositif inné d'acquisition du langage (Lenneberg, 1967 ;
Chomsky, 1957).
Si on postule un dispositif inné, celui-ci doit permettre au
bébé d'acquérir n'importe quelle langue naturelle. C'est pourquoi
les linguistes ont recherché des caractéristiques universelles
malgré la diversité apparente des langues naturelles. L'ensemble
de ces propriétés est appelé grammaire universelle, dont on
suppose qu'elle est innée (Chomsky, 1957). De plus, la théorie
linguistique tente d'expliquer la manière dont la grammaire
universelle s'applique sur les grammaires particulières. Dans
cette optique, l'acquisition du langage apparaît comme un
processus de convergence vers une langue cible.
Contrairement au linguiste, préoccupé par les aspects for
mels du langage, le psycholinguiste recherche quelles sont les
procédures de traitement, et les représentations sur lesquelles
elles opèrent. La psycholinguistique s'est constituée autour de
plusieurs domaines de recherche comme la perception des sons
élémentaires de la parole (Liberman, Cooper, Shankweiler et
Studdert- Kennedy, 1967), la reconnaissance des mots (Morton,
1969 ; Forster, 1976), ou le rôle de la syntaxe dans la com
préhension (Miller, 1962). De nos jours, l'interface entre l'étude
de la perception des sons de parole et l'accès au lexique mental
est un domaine très actif où se situe l'activité principale de
notre groupe de recherche.
Dans cet article, nous avons choisi de présenter des recherches
en psycholinguistique, concernant le niveau de représentation
pré-lexical.
Qu'appelle-t-on niveau pré-lexical ? Devant la télévision ou
en écoutant la radio, nous avons l'impression de saisir les mots
que nous connaissons, mais nous sommes aussi capables de
répéter, voire de retenir des mots que nous entendons pour la
première fois, éventuellement des mots d'une langue étrangère.
Nous posséderions ainsi deux manières de traiter la chaîne
parlée, l'une s'appuyant sur notre connaissance des mots (ou
lexique mental), l'autre identifiant des segments sonores plus
élémentaires, « pré-lexicaux » (i.e. précédant l'accès au lexique).
Nous avons une autre raison, théorique cette fois, de pos
tuler un niveau de traitement pré-lexical. Pour apprendre à
parler, l'enfant doit découvrir les mots qui sont employés dans
son entourage, donc, avant tout, extraire de l'information de la 62 A. Christophe, C. Pallier, J. Berloncini et J. Mehler
parole. Pour ce faire, il ne peut pas s'appuyer sur une repré
sentation des mots, puisque au contraire il lui faut se constituer
un lexique. Cela lui serait impossible s'il ne disposait pas d'un
niveau de représentation pré-lexical.
Ce système de représentation pré-lexical doit permettre de
traiter toutes les langues naturelles, donc être universel. Qu'en
est-il du niveau de traitement chez l'adulte ? A-t-il
subi l'influence de la langue acquise, ou a-t-il conservé ses carac
téristiques universelles ?
Pour répondre à ces questions, nous allons étudier des sujets
adultes de langues maternelles différentes, ainsi que des bilingues.
Quant à l'étude des enfants nouveau-nés, elle doit nous per
mettre de déterminer l'unité de représentation universelle et
d'explorer les processus de convergence, au cas où les adultes
utiliseraient des unités pré-lexicales p

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