Le foncier agricole : une ressource sous tensions
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Témoin de leur importance depuis toujours, la terre et l'agriculture sont aux origines de la science économique. Le foncier agricole est d'abord un moyen de production. Selon Adam Smith (1776), il est source de rente pour son détenteur dès lors que la terre devient propriété privée. Dans sa célèbre théorie de la rente foncière (1817), David Ricardo s'appuie sur les différentiels de fertilité naturelle des sols pour expliquer l'avantage procuré par la mise en culture de terres moins fertiles face à la croissance démographique aux détenteurs des terres les plus fertiles. Cette thématique reste d'une grande actualité. La question de la suffisance alimentaire d'une population mondiale en croissance, et ses corollaires que sont la détention de terres et leur productivité, ont été remises au cœur des débats par les émeutes alimentaires de 2008 et la médiatisation de l'achat de terres agricoles par des investisseurs étrangers dans des pays en développement. Mais d'autres préoccupations ont également surgi depuis une vingtaine d'années, en France, comme dans les autres pays développés.

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Langue Français

Extrait

Le foncier agricole :
une ressource sous tensions
émoin de leur importance depuis toujours, la terre et l’agriculture sont aux origines Tde la science économique. Le foncier agricole est d’abord un moyen de produc-
tion. Selon Adam Smith (1776), il est source de rente pour son détenteur dès lors que la
terre devient propriété privée. Dans sa célèbre théorie de la rente foncière (1817), David
Ricardo s’appuie sur les différentiels de fertilité naturelle des sols pour expliquer l’avan-
tage procuré aux détenteurs des terres les plus fertiles par la mise en culture de terres
moins fertiles face à la croissance démographique.
Cette thématique reste d’une grande actualité. La question de la suffsance alimentaire
d’une population mondiale en croissance, et ses corollaires que sont la détention de
terres et leur productivité, ont été remises au cœur des débats par les émeutes alimen-
taires de 2008 et la médiatisation de l’achat de terres agricoles par des investisseurs
étrangers dans des pays en développement. Mais d’autres préoccupations ont également
surgi depuis une vingtaine d’années, en France comme dans les autres pays développés.
Les ressources foncières étant limitées par nature, le développement économique et les
changements sociologiques qui l’accompagnent concourent à des confits d’usages qui
grignotent les terres dédiées à l’agriculture. Bien qu’occupant encore presque la moitié
du territoire métropolitain la superfcie agricole a perdu par exemple 3 % en 10 ans
(Agreste Primeur, 2011), au proft de la forêt et de l’urbanisation. Maîtriser le rythme de
consommation des terres agricoles est devenu un objectif explicite des textes et régle-
mentations les plus récents, dans lesquels la préoccupation environnementale vient éga-
lement occuper une place croissante.
Le présent numéro ne propose pas un panorama complet de ces questions, mais il en
balaye de nombreux aspects. Il s’agit, en premier lieu, de l’analyse de la ressource fon-
cière et des politiques permettant de la gérer : « politique des structures » des grandes
lois agricoles qui se sont succédé depuis 1960, statut du fermage et ses effets écono-
miques sur les modes de faire-valoir. La ressource foncière est, en effet, au cœur de la
production agricole et du patrimoine des ménages d’agriculteurs : de quelle façon est
exploité et circule le patrimoine foncier agricole ? Quels sont les aspects régionaux
des marchés fonciers et sous l’effet de quelles dynamiques évoluent-ils ? Comment se
forment les prix de la terre ? D’autres articles se penchent plus spécifquement sur la
concurrence entre agriculture et autres usages des sols et sur son impact : infuence
urbaine, particulièrement en zones littorales, sur les prix fonciers et sur l’agriculture. Les
aspects environnementaux sont également étudiés dans ce numéro : les terres agricoles
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 444–445, 2011 3et l’effet de serre, les effets de zonages environnementaux. Enfn, ce numéro conclut par
un regard international, tourné vers le monde en développement, en abordant la question
des achats transfrontaliers et du phénomène de « course aux terres ».
Politiques foncières, détention et transmission des terres agricoles
ace à la concurrence sur les usages du sol, les pouvoirs publics tentent depuis une Fvingtaine d’années de réguler l’accès au foncier. Certaines politiques foncières sont
spécifques au foncier agricole, d’autres plus générales (cf. encadré 1). C’est ainsi que la
loi d’orientation agricole (2006) consacre son titre II à la protection de l’espace agricole
et forestier et inscrit l’agriculture comme élément à prendre en compte lors de l’élabo-
ration des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme
(PLU). La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (2010) organise la régula-
tion de la consommation des terres agricoles dans son titre V.
Les documents de planifcation au niveau local sont de portée plus large que la seule
ressource foncière agricole. Ils organisent l’occupation du sol à l’échelle de la com-
mune : urbanisation et réserves foncières pour une urbanisation ultérieure, séparation de
l’espace résidentiel et des sols dédiés aux activités économiques (zones commerciales,
industrielles, artisanales), terres agricoles, nature. Protéger les espaces naturels y est une
autre cible, laquelle est assurée de manière plus spécifque par la création de zonages
environnementaux. Gérer les ressources foncières est aussi un objectif de la loi portant
« engagement national pour l’environnement » dite Grenelle II (2010) dont un chantier
est de « favoriser un urbanisme économe en ressources foncières » : elle prescrit aux
collectivités territoriales de fxer des objectifs chiffrés de consommation d’espace dans
les documents d’urbanisme (SCOT et PLU).
Ces objectifs se superposent à des objectifs plus anciens. Les politiques foncières agri-
coles élaborées au sortir de la seconde guerre mondiale répondaient à de tout autres pré-
occupations que les confits d’usage sur les terres. Le souci de la suffsance alimentaire
a dicté les orientations des politiques foncières mises en place en France au sortir de
la seconde guerre mondiale, et celles de la politique agricole commune de sa création
aux années 1980. Au sortir de la seconde guerre mondiale et jusqu’aux années 1960, la
volonté de faire évoluer l’agriculture française vers un modèle plus productif tout en
préservant les structures familiales a conduit à réglementer l’accès au foncier agricole et
à le soustraire partiellement de l’économie de marché.
Deux articles sont consacrés aux politiques foncières agricoles dans ce numéro.
Jean-Pierre Boinon rappelle ainsi qu’en France, un arsenal juridique assez contraignant
encadre l’utilisation des terres agricoles, les transactions foncières et les relations entre
propriétaires et locataires, législation élaborée pour l’essentiel au cours des vingt années
qui ont suivi la seconde guerre mondiale (lois d’orientation agricole de 1960, 1962 et
1968). A travers l’analyse des textes, législatifs et réglementaires, et des rapports, débats
et propositions qu’ils ont suscités, il met en lumière les déterminants des politiques fon-
cières, leurs modalités d’application et leurs effets.
4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 444–445, 2011Encadré 1
« LE TERRITOIRE FRANÇAIS, PATRIMOINE COMMUN DE LA NATION » :
COMMENT RÉGULER SON USAGE ?
La croissance de la population et du revenu des ména- La loi sur l’environnement n° 2010-788 du 12 juillet 2010
ges d’une part, les besoins économiques d’autre part (dite « loi Grenelle II »), dans son article 14, conclut
(réseaux de communication, activités tertiaires, admi- dans le sens d’un équilibre entre ces préoccupations
nistrations), couplés avec l’aspiration d’une majorité légitimes, mais contradictoires, en énumérant ainsi les
de nos concitoyens à vivre en habitat individuel, ali- objectifs du développement durable dans ce domaine :
mentent une forte demande de terrains à bâtir et des « 1 Équilibre entre a) le renouvellement urbain, le déve-
besoins d’infrastructures qui induisent un mouvement loppement urbain maîtrisé, la restructuration des espa-
continu de conversion d’espaces naturels et agrico- ces urbanisés, la revitalisation des centres urbains
les. La forêt étend également son emprise spatiale au et ruraux, la mise en valeur des entrées de villes et
détriment de l’agriculture et de terres sans usage (qui le développement rural ; b) l’utilisation économe des
sont souvent des anciennes terres agricoles). Les sur- espaces naturels, la préservation des espaces affectés
faces boisées ont progressé de trois millions d’hec- aux activités agricoles et forestières, et la protection
tares (+ 12,7 %) en 30 ans (enquête annuelle Teruti des sites, des milieux et paysages naturels ; c) la sau-
réalisée par le ministère en charge de l’agriculture). vegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti
remarquable. 2°La diversité des fonctions urbaines et
De cette concu

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