Le financement d une entreprise textile familiale : des logiques entrecroisées - article ; n°3 ; vol.21, pg 377-394
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Histoire, économie et société - Année 2002 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 377-394
Abstract The management of family companies has for long been assimilated to inefficient and malthusian conservatism. The example of the Elbeuvian wool firm Blin et Blin, kept under the control of the same family since its foundation in 1827 until the suspension of its activity in 1975, shows to what extent it's difficult, for a family company, to find a opportune compromise between the interests of associates and those of the company. The Blin has successively adopted two opposite attitudes : the first is that of the industrialist entrepreneur who, concerned by development, combines self-financing, widening of social capital and recourse to loans in order to finance investments. The second is that of the conservative entrepreneur who doesn't look for more than to favour his personal income and maintain his acquired situation. The family, thus, can be at the same time a source of dynamism and fragility.
Résumé La gestion des entreprises familiales a été longtemps assimilée à un conservatisme inefficace et malthusien. L'exemple de la firme lainière elbeuvienne Blin et Blin, demeurée contrôlée par la même famille de sa fondation en 1827 à sa cessation d'activité en 1975, montre la difficulté, pour une entreprise familiale, de trouver un compromis heureux entre les intérêts des associés et ceux de l'entreprise. Les Blin y ont successivement adopté deux attitudes opposées: celle, d'abord, de l'entrepreneur industrialiste qui, soucieux de croissance, associe autofinancement, élargissement du capital social et recours à l'emprunt pour financer les investissements ; celle, ensuite, de l'entrepreneur conservateur n'ayant d'entre perspective que de privilégier son revenu et de maintenir sa situation acquise. La famille peut donc être aussi bien source de dynamisme que de fragilité.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Daumas
Le financement d'une entreprise textile familiale : des logiques
entrecroisées
In: Histoire, économie et société. 2002, 21e année, n°3. pp. 377-394.
Résumé La gestion des entreprises familiales a été longtemps assimilée à un conservatisme inefficace et malthusien. L'exemple
de la firme lainière elbeuvienne Blin et Blin, demeurée contrôlée par la même famille de sa fondation en 1827 à sa cessation
d'activité en 1975, montre la difficulté, pour une entreprise familiale, de trouver un compromis heureux entre les intérêts des
associés et ceux de l'entreprise. Les Blin y ont successivement adopté deux attitudes opposées: celle, d'abord, de l'entrepreneur
industrialiste qui, soucieux de croissance, associe autofinancement, élargissement du capital social et recours à l'emprunt pour
financer les investissements ; celle, ensuite, de l'entrepreneur conservateur n'ayant d'entre perspective que de privilégier son
revenu et de maintenir sa situation acquise. La famille peut donc être aussi bien source de dynamisme que de fragilité.
Abstract The management of family companies has for long been assimilated to inefficient and malthusian conservatism. The
example of the Elbeuvian wool firm Blin et Blin, kept under the control of the same family since its foundation in 1827 until the
suspension of its activity in 1975, shows to what extent it's difficult, for a family company, to find a opportune compromise
between the interests of associates and those of the company. The Blin has successively adopted two opposite attitudes : the
first is that of the industrialist entrepreneur who, concerned by development, combines self-financing, widening of social capital
and recourse to loans in order to finance investments. The second is that of the conservative entrepreneur who doesn't look for
more than to favour his personal income and maintain his acquired situation. The family, thus, can be at the same time a source
of dynamism and fragility.
Citer ce document / Cite this document :
Daumas Jean-Claude. Le financement d'une entreprise textile familiale : des logiques entrecroisées. In: Histoire, économie et
société. 2002, 21e année, n°3. pp. 377-394.
doi : 10.3406/hes.2002.2308
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2002_num_21_3_2308LE FINANCEMENT D'UNE ENTREPRISE TEXTILE FAMILIALE
DES LOGIQUES ENTRECROISÉES
par Jean-Claude DAUMAS
Résumé
La gestion des entreprises familiales a été longtemps assimilée à un conservatisme inefficace et
malthusien. L'exemple de la firme lainière elbeuvienne Blin et Blin, demeurée contrôlée par la
même famille de sa fondation en 1827 à sa cessation d'activité en 1975, montre la difficulté, pour
une entreprise familiale, de trouver un compromis heureux entre les intérêts des associés et ceux de
l'entreprise. Les Blin y ont successivement adopté deux attitudes opposées: celle, d'abord, de l'en
trepreneur industrialiste qui, soucieux de croissance, associe autofinancement, élargissement du ca
pital social et recours à l'emprunt pour financer les investissements ; celle, ensuite, de l'entrepreneur
conservateur n'ayant d'entre perspective que de privilégier son revenu et de maintenir sa situation
acquise. La famille peut donc être aussi bien source de dynamisme que de fragilité.
Abstract
The management of family companies has for long been assimilated to inefficient and malthusian
conservatism. The example of the Elbeuvian wool firm Blin et Blin, kept under the control of the
same family since its foundation in 1827 until the suspension of its activity in 1975, shows to what
extent it's difficult, for a family company, to find a opportune compromise between the interests of
associates and those of the company. The Blin has successively adopted two opposite attitudes : the
first is that of the industrialist entrepreneur who, concerned by development, combines self-finan
cing, widening of social capital and recourse to loans in order to finance investments. The second
is that of the conservative who doesn't look for more than to favour his personal i
ncome and maintain his acquired situation. The family, thus, can be at the same time a source of dy
namism and fragility.
La gestion des entreprises familiales a longtemps été assimilée à un conservatisme
inefficace et malthusien l. Sans doute, dans certains cas, les intérêts patrimoniaux des
associés ont-ils été privilégiés au détriment de l'expansion de l'entreprise, mais cette
constatation ne peut guère être généralisée. En effet, nombre d'affaires familiales ont
donné la priorité à la croissance et n'ont pas hésité à chercher à l'extérieur les fonds
dont elles avaient besoin. Aussi bien la structure familiale du capital ne dicte pas
mécaniquement les choix en matière de financement qui demeurent largement ouverts 2.
C'est dire que chaque firme familiale entrecroise de manière spécifique objectifs patri-
1. Pour la critique des thèses de l'historiographie américaine, voir Claude Fohlen, «Entrepreneurship
and Management in France in the Nineteenth century», dans P. Mathias, M.M. Postan (dir.), Cambridge Eco
nomie History of Europe, VII/1, Cambridge, Cambridge University Press, 1978, p. 347-381; François Caron,
« L'entreprise », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Ш72, Paris, Gallimard, 1992, p. 339-343.
2. Alain Plessis, « Le financement des entreprises », dans Maurice Lévy-Leboyer (dir.), Histoire de la
France industrielle, Paris, Larousse, 1996, p. 129-159.
HES 2002 (21e année, n°3) Histoire Économie et Société 378
moniaux et intérêts de l'entreprise, et cela en fonction de ses traditions, de sa situation
et de l'évolution des conditions de la production et du marché.
L'exploration de l'histoire de la firme lainière elbeuvienne Blin et Blin 3 qui a été
contrôlée par la même famille pendant cinq générations, est susceptible de nous aider
à mieux comprendre quelles logiques sont à l'œuvre en se demandant comment, à
chaque étape de son histoire, l'entreprise a dosé financement interne et externe ainsi
que sources et formes de crédit.
1827-1871 : l'autofinancement comme base de la croissance
Du démarrage à l'élargissement de la société
Les débuts d'Aron Blin qui, en 1827, monta à Bischwiller, petit centre textile de
Basse Alsace, un modeste atelier de draperie, sont mal documentés mais ce que l'on
en découvre à travers des archives très lacunaires s'accorde bien avec ce que l'on sait
des premiers pas de nombre de fabricants dans l'industrie textile4.
Débutant avec seulement deux métiers a tisser installés dans une maison de loca
tion, il s'est d'abord exclusivement consacré au tissage, recourant à des façonniers
pour toutes les autres opérations de la draperie qui ne seront intégrées que progressive
ment. En 1836 encore, les immobilisations étaient on ne peut plus réduites : huit
métiers à tisser, un atelier de teinture, une maison qui servait d'atelier et quelques
pièces de terre utilisées au séchage des draps. Au total, le capital fixe s'élevait alors à
8000 F, soit 43,7 % de l'actif (18300 F) 5.
Étant donné la faiblesse des investissements initiaux, le financement du démarrage
n'a sans doute guère posé de problèmes : en mobilisant son héritage paternel, les éco
nomies qu'il avait réalisées comme colporteur, puis dans sa boutique d'épicerie et de
tissus, et la dot de son épouse, Aron a pu en effet disposer de 6400 F, sans compter
l'apport de son frère Jacques avec qui il s'était associé mais dont on ignore le montant
et l'aide de sa sœur Sarah avec qui il a acheté en indivision la maison où il s'est
installé en 1829. Ce sont donc les capitaux préalablement accumulés par l'entrepreneur
et sa famille qui ont permis de financer le lancement de Blin frères. Cependant, la
faiblesse de ses moyens a d'emblée placé la société devant l'obligation de faire appel
au crédit des fournisseurs de laine et peut-être aux avances des commissionnaires en
tissus pour financer des actifs circulants d'un poids bien supérieur au capital fixe.
Quant à la croissance ultérieure de l'outil de production, elle n'a pas exigé de
fonds bien considérables car l'investissement a été à la fois fractionné et limité : le
parc de machines a été complété graduellement et lentement (en 1848 encore, Blin

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