La leçon de musique

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Extrait : Dès le début de l'adagio, je fus entraîné au travers du monde des réalités navrantes. Le volume, la rondeur, la suavité des sons eussent fait croire aux vibrations d'une voix magnifique. D'une tendresse profonde, le chant atteignait graduellement au pathétique et amenait les larmes dans les yeux. On n'y trouvait point trace de ce sentiment fébrile, poignant, déchirant, qui coule à flots dans les compositions maladives de quelques Italiens modernes, et aussi dans les mélodies énervantes du tendre Schubert 
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26

EAN13

9782824711836

Licence :

Libre de droits

Langue

Français

CHARLES BARBARA
LA LEÇON DE
MUSIQU E
BI BEBO O KCHARLES BARBARA
LA LEÇON DE
MUSIQU E
1857
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1183-6
BI BEBO OK
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Sour ces :
– B.N.F .
– Éfélé
Ont contribué à cee é dition :
– Gabriel Cab os
Fontes :
– P hilipp H. Poll
– Christian Spr emb er g
– Manfr e d KleinLicence
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LA LEÇON DE MUSIQU E
   violoncelle p ar v enaient jusqu’à moi pur s et p
énétrants, quoique affaiblis, comme j’ entrais dans le p etit hôtel oùL demeurait mon maîtr e . A u se cond étag e , j’aendis, p our
heurter à la p orte , que l’instr ument eût cessé de vibr er .
Le désordr e de la chambr e rép ondait à l’ e xtérieur singulier du
musicien. Schenk v enait de coucher sa basse sur le lit. Du p apier réglé , des
plumes, de l’ encr e , un diap ason, de la colophane , jonchaient le tapis v ert
d’une table . D es mor ce aux de musique , gravés et manuscrits, des habits
et du ling e , encombraient au hasard un piano dr oit placé entr e les deux
fenêtr es de la piè ce . J’ap er çus dans la cheminé e un p oêlon, proh pudor  !
où cuisait je ne sais quelle chose , car le couv er cle était dessus. Ce détail
culinair e , en app ar ence puéril, de vait pr endr e à mes y eux les pr op ortions
d’une pr euv e de l’influence des choses e xtérieur es dans les sensations que
cause la musique .
Schenk, p etit homme de tr ente et quelques anné es, se tenait deb out,
les mains sur les hanches. Ses che v eux ter nes et r oides, étaient hérissés
comme les p oils d’un chat furieux. Il r eg ardait de mon côté et semblait
ne p as me v oir . Sans quier cet air distrait, il me pria, d’un ton de v oix
indé cis, d’aller , de sa p art, pré v enir une de ses élè v es qu’il n’était plus
1La le çon de musique
indisp osé . . .
A défaut, dans la ville , de ce qu’ on p eut app eler un pr ofesseur de
violon, Schenk avait consenti à dirig er mes études sur cet instr ument. Par
suite de son ir ritabilité e x cessiv e , je ne jouissais jamais de vant lui de la
plénitude de mes mo y ens. Il était des jour s où je n’ entendais sonner
l’heur e de la le çon qu’av e c une sorte d’ effr oi. A chaque oubli, à chaque
fausse note , et Dieu sait combien j’ en faisais  ! il me malmenait av e c
mesur e d’ab ord, bientôt sans ménag ement, et p our p eu que la p eur accrût
ma maladr esse , sa colér euse dé chaînait à l’ég al d’une tempête  ; rien n’y
manquait  : les é clair s p artaient de ses y eux, et les coups qu’il donnait av e c
son p oing sur sa basse ou av e c ses pie ds contr e le mur figuraient on ne
p eut mieux le tonner r e . Je pleurais bien souv ent, et encor e aujourd’hui je
p our rais montr er sur la table de mon violon les rig oles que la chaleur et
l’âcr eté de mes lar mes y ont dessiné es.
Cela ne m’ empê chait p as de l’aimer b e aucoup . Il tirait de son
violoncelle des sons qui me p énétraient et é v eillaient dans mon imagination des
choses my stérieuses, fé eriques, d’un char me eniv rant, et cela seul suffisait
à l’absoudr e dans mon esprit de son humeur bizar r e et de ses imp atiences.
Les p er sonnes chez qui j’allais me v o yaient pr esque chaque jour .
Susanne , leur unique enfant, initié e à la musique p ar un vieux pr ofesseur
qui, chose notable , lui avait appris quelque chose , n’était heur euse qu’à
son piano . Si mé dio cr e e x é cutant que je fusse , elle mar quait toujour s du
contentement de m’av oir p our accomp agner , tant bien que mal, les
sonates de Haydn, de Mozart ou de Be etho v en. D’autr es fois, je faisais ma
p artie dans des trios que Schenk comp osait et dont il ré duisait le violon
à mes for ces.
Je montai au pr emier , où se tenait habituellement la famille , et j’y
tr ouvai effe ctiv ement le pèr e , la mèr e et Susanne , autour d’un grand feu.
On était en automne . Le pèr e et la mèr e o ccup aient chacun un angle de
la cheminé e  ; la jeune fille était entr e eux deux, à quelque distance en
ar rièr e , appuyé e contr e un piano à queue sur le pupitr e duquel s’ ouv rait
une p artition. Un jour gris estomp ait de molles ombr es les contour s de ces
tr ois p er sonnes dont les visag es p enchés accusaient des pré o ccup ations
tristes.
Il est présumable qu’ on m’ entendit. Pourtant on ne prit p as g arde à
2La le çon de musique
moi, ce qui me dé contenança. Je me tins deb out dans un coin du salon,
craignant d’êtr e imp ortun, n’ osant p as r emuer .
A un soupir de la jeune fille , le pèr e et la mèr e tour nèr ent
simultanément la tête de son côté . Leur s y eux p assèr ent sur moi sans se dé cider à
me v oir .
« ’as-tu, mon enfant  ? » demanda la mèr e av e c tendr esse . Susanne
rép ondit p ar une lar me qui coula le long d’un cil et tomba sur sa joue .
Le pèr e r enouv ela la question, mais du ton de l’imp atience . Une se conde
lar me étincela à l’autr e p aupièr e de la jeune fille et glissa sur l’épider me
comme une g oue d’ e au sur la cor olle satiné e d’une fleur .
J’étais mal à l’aise , et j’ eusse épr ouvé du soulag ement si ma présence ,
r emar qué e , eût mis fin à une scène dont j’ obser vais les détails malgré
moi. Outr e cela, j’étais sur pris des pleur s de Susanne que je savais gâté e
p ar ses p ar ents. Incap able alor s de conce v oir qu’un rê v e contrarié suffit
p arfois à eng endr er de mortelles douleur s dans l’âme d’une fille esclav e
de ses impr essions, je me demandais av e c étonnement, comme le pèr e et
la mèr e , ce qu’ elle avait.
Le pèr e , homme de haute taille , gr os en pr op ortion, d’une santé
luxuriante , quia son fauteuil et se pr omena de long en lar g e . Il s’ar rêta
ensuite de vant sa fille , et, les bras cr oisés, lui adr essa des p ar oles très-dur es.
A utant que je puis me le rapp eler , entr e autr es choses, il lui dit  : « ’il
était nav ré de la v oir p ay er d’ingratitude l’affe ction de p ar ents qui
l’aimaient plus qu’ eux-mêmes  ; que l’ obstination de son muet chagrin n’était
p as conce vable , puisqu’ on allait au-de vant de ses moindr es fan

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