Espagne : changement de la société, modernisation autoritaire et démocratie octroyée - article ; n°4 ; vol.27, pg 582-600

REVUE_FRANCAISE_DE_SCIENCE_POLITIQUE0 - Guy Hermet

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Revue française de science politique - Année 1977 - Volume 27 - Numéro 4 - Pages 582-600
SPAIN: CHANGE OF SOCIETY, AUTHORITARIAN MODERNISATION AND DEMOCRACY CONCEDED, by GUY HERMET The upheavals in the demographic, economic and social order which have affected Spain during the last three decades are considerable. To what extent and at what rate have the political institutions been able to assume control of these material upheavals ? Which theory of social change should be preferred in order to account for it ? Is exclusive use of one or other of the two reputedly incompatible theories of modernisation and dependence satisfactory from the point of view of analysing so-called fascist or near-fascist dictatorships, as is the Franco dictatorship ? In other words, is the « management » of social change effected by these regimes modernising or not, and does it or does it not reduce the dependence of these countries ? [Revue française de science politique XXV1I (4-5), août-octobre 1977, pp. 582-600.]
ESPAGNE : CHANGEMENT DE LA SOCIÉTÉ, MODERNISATION AUTORITAIRE ET DÉMOCRATIE OCTROYÉE, par GUY HERMET Les bouleversements dans l'ordre démographique économique et social qui ont affecté l'Espagne, durant les trois dernières décennies sont considérables. Dans quelles mesures et à quels rythmes les institutions politiques ont-elles été capables de prendre en charge ces bouleversements matériels ? Quelle théorie du changement social convient-il de privi- légier pour en rendre compte. L'utilisation exclusive de l'une ou de l'autre des deux théories réputées inconciliables de la modernisation et de la dépendance est-elle satisfaisante au plan de l'analyse des dictatures dites fascistes ou proches du fascisme, comme l'est la dictature franquiste ? En d'autres termes, la « gestion » du changement social opérée par ces régimes est-elle ou non modernisatrice, et réduit-elle ou non la dépendance de ces pays ? [Revue française de science politique XXVII (4-5), août-octobre 1977, pp. 582-600.]
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par	REVUE_FRANCAISE_DE_SCIENCE_POLITIQUE0
Publié le	01 janvier 1977
Nombre de lectures	55
Langue	Français
Poids de l'ouvrage	1 Mo

Extrait

Monsieur Guy Hermet
Espagne : changement de la société, modernisation autoritaire
et démocratie octroyée
In: Revue française de science politique, 27e année, n°4-5, 1977. pp. 582-600.
Résumé
ESPAGNE : CHANGEMENT DE LA SOCIÉTÉ, MODERNISATION AUTORITAIRE ET DÉMOCRATIE OCTROYÉE, par GUY
HERMET
Les bouleversements dans l'ordre démographique économique et social qui ont affecté l'Espagne, durant les trois dernières
décennies sont considérables. Dans quelles mesures et à quels rythmes les institutions politiques ont-elles été capables de
prendre en charge ces bouleversements matériels ? Quelle théorie du changement social convient-il de privi- légier pour en
rendre compte. L'utilisation exclusive de l'une ou de l'autre des deux théories réputées inconciliables de la modernisation et de la
dépendance est-elle satisfaisante au plan de l'analyse des dictatures dites fascistes ou proches du fascisme, comme l'est la
dictature franquiste ? En d'autres termes, la « gestion » du changement social opérée par ces régimes est-elle ou non
modernisatrice, et réduit-elle ou non la dépendance de ces pays ?
[Revue française de science politique XXVII (4-5), août-octobre 1977, pp. 582-600.]
Abstract
SPAIN: CHANGE OF SOCIETY, AUTHORITARIAN MODERNISATION AND DEMOCRACY CONCEDED, by GUY HERMET
The upheavals in the demographic, economic and social order which have affected Spain during the last three decades are
considerable. To what extent and at what rate have the political institutions been able to assume control of these material
upheavals ? Which theory of social change should be preferred in order to account for it ? Is exclusive use of one or other of the
two reputedly incompatible theories of modernisation and dependence satisfactory from the point of view of analysing so-called
fascist or near-fascist dictatorships, as is the Franco dictatorship ? In other words, is the « management » of social change
effected by these regimes modernising or not, and does it or does it not reduce the dependence of these countries ?
[Revue française de science politique XXV1I (4-5), août-octobre 1977, pp. 582-600.]
Citer ce document / Cite this document :
Hermet Guy. Espagne : changement de la société, modernisation autoritaire et démocratie octroyée. In: Revue française de
science politique, 27e année, n°4-5, 1977. pp. 582-600.
doi : 10.3406/rfsp.1977.393738
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1977_num_27_4_393738ESPAGNE : CHANGEMENT DE LA SOCIÉTÉ
MODERNISATION AUTORITAIRE
ET DÉMOCRATIE OCTROYÉE
Des faits à leur interprétation conceptuelle*
GUY HERMET
LES CHANGEMENTS DANS LA SOCIÉTÉ ESPAGNOLE
DEPUIS 1940
DEUX lectures complémentaires des changements survenus dans la
société espagnole depuis 1940 sont concevables. Banale mais
inévitable, la première se rapporte à l'évaluation de ces change
ments au niveau des sites d'analyse habituels, et plus ou moins mesurab
les, qui se rapportent au volume et à la répartition spatiale ou « caté
gorielle » de la population, à la structure, à l'importance et aux caracté
ristiques technologiques de l'appareil économique, ainsi qu'aux éléments
observables des systèmes de valeurs. Plus historique et synthétique,
moins statistiquement abstraite aussi, la seconde lecture de ces change
ments tend, de son côté, à appréhender comment les grands « problè
mes » — agraire, national, religieux, etc. — posés de façon assez spécifi
que à la société espagnole ont été modifiés, résolus ou aggravés au cours
des dernières décennies.
Sans doute convient-il de ne pas s'attarder trop sur la première lec
ture du changement social. Au plan de la population, la période écoulée
depuis 1940 a été le théâtre d'une croissance démographique très impor-
* Version remaniée d'une note présentée à la session de Berlin (avril 1977) du Con
sortium européen de recherche politique, dans le cadre de l'atelier sur les sociétés méditer
ranéennes dirigé par le professeur Jean Leca. Ce texte a été rédigé pour l'essentiel en
février 1977, soit avant les élections du 15 juin dernier.
582 : changement de la société... Espagne
tante (26 millions d'habitants en 1940, 34 en 1970), qui a permis à
l'Espagne de combler une partie de son retard vis-à-vis des grands pays
européens comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie ou la
France, et de cesser d'apparaître comme relativement sous-peuplée en
Europe. Surtout, l'Espagne a enregistré entre 1940 et 1960 une modernis
ation démographique qui l'a fait passer du modèle démographique
« pré-industriel », à forte natalité et à forte mortalité, au modèle
« industriel » à natalité décroissante et à mortalité — même infantile —
très faible, avec taux de croissance soutenu pendant un certain nombre
d'années et vieillissement à terme. En outre, la distribution spatiale de la
population s'est caractérisée au cours de la même période par trois phé
nomènes d'envergure : 1. l'exode rural et l'urbanisation concomittante
(les villes de plus de 100 000 habitants regroupent 36 °7o de la population
en 1970, contre 19 % en 1930) ; 2. la poursuite modérée de la croissance
des zones industrielles périphériques au détriment des zones centrales
agricoles (périphérie industrielle : 22 °/o de la population en 1930, 30 °/o
en 1970) ; 3. l'émigration de deux millions d'Espagnols vers l'étranger
de 1950 à 1965, par suite d'un décalage entre la modernisation démogra
phique et le développement industriel.
Au plan économique, le décollage industriel brutal qui commence en
1958-1959 fait suite à une longue période de marasme et d'autarcie for
cée pendant laquelle l'Espagne ne retrouve son niveau de production
d'avant la guerre civile qu'en 1953. Les résultats de ce décollage n'en
apparaissent que plus remarquables. Le produit national à prix constants
quadruple entre 1953 et 1975, tandis que le revenu par habitant passe de
300 dollars par an vers 1945 à 400 en 1953 et à 1 400 en 1975, dans le
même temps que l'écart sur ce point se réduit un peu entre l'Espagne et
les pays de l'Europe occidentale. Pendant quelques années, l'accroiss
ement de la production industrielle espagnole atteint même un taux parmi
les plus élevés du monde ; en 1971, par exemple, selon l'OCDE, le taux
de croissance industrielle de l'Espagne s'élève à 20,4 °/o contre 16,4 °/o
au Japon, et 12,6 °/o au maximum dans les pays du Marché commun.
De plus, si la dépendance technologique — et bien entendu financière —
de l'Espagne croît dans une certaine mesure en fonction de sa croissance
industrielle « sauvage » et fondée largement sur les fabrications sous
licence étrangère, il demeure que l'appareil économique espagnol fait un
bond qualitatif après 1965 : ainsi dans les secteurs de pointe de l'info
rmatique et de la production d'énergie d'origine nucléaire (le plan
nucléaire espagnol est le plus important en Europe après le plan fran
çais). De son côté, le secteur agricole progresse aussi au cours des années
1960-1970, et permet à l'Espagne de parvenir à l'autosuffisance aliment
aire en 1975.
583 Hermet Guy
Reflet de l'ajustement imparfait et chronologiquement décalé du
changement démographique et du changement économique, la réparti
tion de la population active s'est trouvée parallèlement modifiée au
cours des trente dernières années. Analogue en 1930 à la structure
actuelle de la active en Turquie1, avec 70 °/o des travailleurs
dans le secteur primaire, 15 °/o dans le secteur secondaire et 15 % égal
ement dans le tertiaire, la structure socio-professionnelle de l'Espagne
s'apparente aujourd'hui à celle des pays assez fortement industrialisés
avec (dès 1968) 28 °/o des actifs dans le secteur primaire, 39 °/o dans le
secondaire et 33 °/o dans le tertiaire2. A moyen terme, la population
active agricole de l'Espagne ne devrait plus représenter un pourcentage
sensiblement différent du pourcentage français, par exemple. Certes,
cette évolution ne se fonde pas seulement sur le développement interne
des em