L assiette des impôts locaux : la détermination des bases cadastrales et leur gestion par les service de l Etat - cour des comptes
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L'assiette des impôts locaux : la détermination des bases cadastrales et leur gestion par les service de l'Etat - cour des comptes

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Calculs des impôts locaux : taxe d'habitation, taxe foncière

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L'assiette des impôts locaux : la détermination des bases cadastrales et leur gestion par les services de l’Etat
_________________________________________ PRESENTATION La Cour a conduit, dans les services fiscaux, une enquête sur la manière dont ils établissent et gèrent les valeurs locatives servant d’assiette aux impôts directs locaux, afin d’en évaluer l’efficience. Les taxes directes locales qui apportent aux collectivités locales 66,1 Md€ de recettes, sont le résultat du produit d’une assiette (les bases cadastrales établies par l’Etat) par un taux, voté par les collectivités territoriales, chacune pour ce qui la concerne. Le législateur a, en effet, souhaité instaurer une dualité de responsabilité dans la détermination du montant des taxeslocales. Les modes de gestion des bases sont ainsi au cœur de la relation entre l’Etat et les collectivités territoriales. La mesure de leur efficience revêt un intérêt particulier dans le contexte des réflexions institutionnelles en cours sur les compétences et les ressources de ces dernières. En outre, la conjoncture financière et économique, marquée par un ralentissement de la construction, est de nature à ralentir le dynamisme spontané des bases cadastrales, rendant d’autant plus nécessaire la modernisation de leur gestion. L’enquête de la Cour s’est déroulée à un moment où les services fiscaux faisaient l’objet d’une double réorganisation avec la fusion entre les centres des impôts et les centres des impôts fonciers au sein de l’ex direction générale des impôts (DGI), et la fusion de cette dernière avec la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) pour former la direction générale des finances publiques (DGFIP).
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La Cour a examiné les modes d’organisation retenus pour la gestion des bases cadastrales, l’évolution des effectifs chargés de cette mission et le coût de celleci pour l’Etat. Elle a également mesuré les résultats obtenus au regard du rendement de l’impôt mais aussi de sa transparence et de son équité, afin d’apprécier l’efficacité fiscale du dispositif mis en œuvre. Les impôts à assiette cadastrale Les impôts locaux dont l’assiette procède, partiellement ou totalement, des bases cadastrales, constituent une ressource majeure pour les collectivités territoriales. Selon la DGFIP, les ressources de fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales (communes, départements, régions, collectivités à fiscalité propre), en 2007, se sont élevées à 169,7 Md€ dont 66,1 Md€ pour les impôts dont l’assiette est totalement ou partiellement fondée sur les bases cadastrales. Cinq impôts sont concernés :  les deux taxes foncières, bâtie et non bâtie(15,25 Md€ en 2007) : l’assiette repose sur la valeur locative cadastrale à laquelle est appliquée un abattement de 50% pour le bâti et 20 % pour le non bâti ;  la taxe d’habitation(19,2 Md€ en 2007) : l’assiette repose sur la valeur locative de l’immeuble occupé ;  la taxe professionnelle (26,8 Md€ en 2007) : l’assiette est beaucoup plus complexe et les bases cadastrales y interviennent à hauteur de 16 % ;  la taxe d’enlèvement des ordures ménagères(4,8 Md€ en 2007) : son assiette est établie d’après le revenu net servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Si les ressources dont ont disposé les collectivités locales, en 2007, au titre de ces cinq impôts se sont élevées à 66,1 Md€, ce chiffre ne correspond pas au montant acquitté par le contribuable local pour deux raisons : l’Etat a pris à sa charge 16 Md€ afin de compenser des exonérations et dégrèvements divers ; en revanche, le produit voté et perçu par les collectivités territoriales est augmenté d’un prélèvement (5,5Md€ en 2007)correspondant aux frais de gestion perçus par l'Etat. L'enquête de la Cour montre que le processus d’établissement des bases cadastrales par la DGFIP est d’une grande opacité : il est à la fois exagérément complexe, fragile, et d’un coût mal cerné. En outre, l’absence de révision générale des bases depuis 1970, combinée à une mise en œuvre trop restreinte des procédures d’actualisation par les services fiscaux, dans le cadre du droit existant, produit une situation obsolète et inéquitable.
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I  Unprocessus opaque
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Les opérations permettant de déterminer la valeur locative d’un bien constituent une chaîne longue et complexe, marquée par de nombreuses fragilités, au coût mal identifié.
A  Une chaîne d’opérations longue et complexe
Les modalités de détermination de la valeur locative varient selon que le bien est à usage d’habitation, à usage commercial ou est un bâtiment industriel. L’énumération qui suit en montre l’extrême et excessive complexité :
1 Les propriétés à usage d’habitation
Les propriétés à usage d’habitation représentent 30 millions de locaux. Le calcul de leur valeur locative revient à multiplier une surface pondérée, obtenue après de nombreuses opérations, par le tarif de la catégorie dans laquelle est classé le bien. Treize étapes sont suivies par les agents de l’administration fiscale : propriété à usage d’habitation est d’abord1. La 21 classée dans une catégoriefonction des en éléments de confort qu’elle est supposée détenir. 22 Il existe huit catégories, ellesmêmes diviséesen sous catégories (6M ;6, 5M, 5…), allant du local très dégradé (catégorie 8) au grand luxe (catégorie 1). Les dépendances isolées sont classées de la catégorie A à D et celles de pur agrément de CA à DA. 2. Lasurface pondérée comparative estensuite calculée.
21) Article324 H de l’annexe III du code général des impôts (CGI) 22) Annexe III, article 324 F du CGI
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L’administration fiscale part d’une surface de référence, dite « surface réelle » dans le CGI, correspondant au nombre de mètres carrés au sol. Ce mode de calcul de la surface est différent des règles imposées au marché immobilier (calcul en loi Carrez) qui ne prennent en compte que les surfaces dont la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80 mètre. Cette surface de référence est pondérée par l’appartenance à la catégorie auterme d’un calcul réalisé à travers trois tranches de 2 superficie. Pour une maison individuelle, les premiers 20 msont affectés d’un coefficient variant de 3 (catégorie 1) à 1,10 (catégorie 8); les mètres carrés suivants sont affectés d’un coefficient uniforme de 0,90 jusqu’à un plafond correspondant à la norme de la catégorie; les mètres carrés supplémentaires par rapport à la norme de la catégorie sont affectés d’un coefficient de 2 0,75. Dans un immeuble collectif, les premiers 20 msont affectés d’un coefficientde pondération variant de 2,60 à 1,05. 3.La surface pondérée nettealors déterminée, est grâce à un correctif appliqué à la surface pondérée comparative, pour tenir compte de l’état d’entretien de la partie principale. 4. Un coefficient de situation générale et particulièreest affecté à la surface pondérée nette en fonction de la situation générale du bien dans la commune (proximité ou éloignement du centre ville, cadre tranquille, risques d’inondation) et de sa situation particulière (exposition, présence d’espaces verts, présence ou absence de dépendances non bâties…). 5.Le confort de l’habitationexaminé pour obtenir est une équivalence superficielle. Les divers éléments, supposés illustrer un surcroît ou une déficience de confort, ajoutent ou retranchent des mètres carrés. 2 .Ainsi, une salle de bains augmente la surface de 5m Chaque pièce de l’habitation bénéficiant d’un chauffage 2 central accroît la surface de 2 m . Un videordures compte 2 2 pour 3 met l’eau courante pour 4 m . 6.Les mêmes calculs sont effectués pour les dépendancestels que garages, places de stationnement, hangars…Un garage ou une place de stationnement dans un garage collectif doté d’une prise d’eau courante est, par exemple, davantage taxé que la même dépendance qui n’en bénéficie pas.
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7.Le total de ces pondérations successives donnela surface pondérée totale.
8.La surface pondérée totale est multipliée par le tarif de la catégorie dans la partie de commune concernée pour donnerla valeur locative 1970, date de la dernière révision des bases.
9. Cette valeur locative 1970 est ensuiteactualisée en valeur 1980, année de la dernière et unique actualisation intervenue pour tenir compte de l’évolution locale du prix des loyers, qui s’était faite au moyen de coefficients départementaux.
10.La valeur locative 1980 est enfinrevalorisée par un taux annuelvoté en loi de finances.
11. Cettevaleur revalorisée est divisée par deux pour donner le montant durevenu cadastral.
12revenu cadastral se voit affecter un. Letaux voté par chaque collectivité concernée (commune, intercommunalité, département, région), auquel s’ajoute la part de la taxe pour les ordures ménagères. Le produit du revenu cadastral par le taux détermine l’impôt dû à chaque collectivité.
13. Letotal de l’impôt, toutes collectivités confondues, est majoré d’un taux de 8 % représentant le prélèvement de l’Etat pour frais de gestion (cf. infra).Après ces treize opérations successives, les services fiscaux sont en mesure de déterminer le montant dela taxe sur le foncier bâti. A partir de la valeur locative, ils procèdent au calcul dela taxe d’habitationqui fait entrer en jeu des éléments qui ne sont plus seulement liés à la valeur du bien comme le revenu des cohabitants ou le nombre de personnes à charge.
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Exemple de calcul du montant dû par le redevable pour un bien en catégorie 5 (sourceDGFIP) 2 « Surface réelle » de l’appartement132 m Surface pondérée comparative de la partie principale : 2 126 m 2 22 (20 m* 1,45) ° (90 m* 0,90) + (22 m* 0,75) 2 Surface pondérée brute des dépendances incorporées+ 22 m (par exemple : véranda…) 2 Equivalences superficielles (correspondant à la prise en+ 52 m compte d’éléments tels que la situation du bien ainsi que le confort de l’habitation et des ses dépendances) 2 Surface pondérée totale229 m 2 Dépendances non incorporées19 m (par exemple : parking distinct de l’habitation) 2 Surface pondérée nette7 m 2 Surface pondérée totale7 m 2 22 TOTAL : 229 m+ 7 m236 m 2 valeur locative pondérée6,86 € / m 2 valeur locative du local 1970 : 236 mx 6,86 €1 619 € valeur actualisée 1980 : 1 619 € * 1,492 412 € valeur revalorisé : 2 412 € * 2,6896 486 € (taux annuel voté en loi de finances) Revenu cadastral : 6 486 € / 23 243 € Impôt dû à la commune : 3 243 € * 24,66 %800 € (taux voté par la commune) Impôt dû à l’Intercommunalité 3 243 € * 7,27 %236 € (taux voté par l’EPCI) Impôt dû au Département : 3 243 € * 11,45 %371 € (taux voté par la Dpt) Impôt dû à la Région 3 243 € * 3,66 %119 € (taux voté par la Région) Taxe d'enlèvement des ordures ménagères :422 € 3 243 € * 13 % Montant de l’impôt total1 948 € Prélèvement de l’Etat pour frais de gestion : 1 948 € * 8 %156 € Montant dû par le redevable : 1948 € + 156 €2 104 €
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2 Les locaux industriels
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La détermination de la valeur locative cadastrale est une opération 23 moins complexe. Elle se fonde sur la "méthode comptable": le prix de revient des différents éléments (terrain et constructions), revalorisé annuellement par les coefficients prévus en matière de révision des bilans, est affecté d’un coefficient fixé par décret en Conseil d’Etat.
3 Les locaux commerciaux
24 Trois méthodessont utilisées. Le local peut être évalué au moyen des baux sous réserve qu’il ait été loué à des conditions de prix normales er au 1janvier 1970, par comparaison si le bien n’était pas loué dans les conditions requises en 1970 ou, à défaut, par la méthode d’appréciation directe. L’évaluation à partir des baux conclus avant 1970 représente 5,7 % du parc. L'évaluation par comparaison, aujourd’hui la plus utilisée (92,7 % des locaux évalués) consiste, selon le CGI, "à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d’autres biens de même nature pris comme types.". L’exercice de la comparaison suppose qu’existe la possibilité de comparer. L’agent des services fiscaux doit trouver un local type, existant en 1970, ce qui n’est pas le cas par exemple pour les chaînes d’hypermarché ou les complexes cinématographiques, par exemple, apparus postérieurement à cette date. 25 L’évaluation par appréciation directeconsiste à déterminer la valeur locative à partir de la valeur vénale du local appréciée en valeur 1970, affectée d’un taux d’intérêt. Elle concerne 1,5 % des évaluations mais des entreprises importantes (sociétés de téléphonie mobile). Il s’agit pour l’agent des services fiscaux de repérer, pour un immeuble comparable, la transaction la plus proche possible de 1970.
23) Article 1499 du CGI 24) Article1498 du CGI 25) Le CGI décrit cette méthode comme «subsidiaire »,dans son article 1498, précisé par les articles 324 AB et 324 AC de l’annexe (décret du 28 novembre 1969)
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B  Un processus marqué par de nombreux points de fragilité
1 Des moyens limités pour apprécier la valeur cadastrale du bien
Le processus de détermination des valeurs cadastrales pâtit d’une forte contradiction entre le nombre et la nature des critères utilisés pour établir cette valeur et les moyens de l’administration pour en vérifier l’existence. Les permis de construire constituent le principal outil de renseignement des services. Les autorisations délivrées par les communes sont centralisées dans les bases de données du ministère chargé de l’équipement et reversées aux services de la DGFIP. Les propriétaires ont, 26 quant à eux, une obligation déclarative. Six mois après la création du permis de construire, les services fiscaux envoient une lettre les invitant à fournir des renseignements sur leur propriété, après l’achèvement des travaux. Les nouveaux propriétaires ont 90 jours pour s’acquitter de cette obligation. S’ils ne le font pas, une lettre de mise en demeure leur est adressée. La deuxième mise en demeure intervient après trente jours. Si l’absence de déclaration persiste, les services fiscaux procèdent à une évaluation d’office, soit à partir des documents déposés à la mairie si l’achèvement des travaux a été déclaré à la commune, soit en se rendant sur place. Cette procédure est correctement suivie par les services fiscaux. Il reste que les informations contenues dans les permis de construire sont d’une précision inégale pour les 36 000 communes françaises, à supposer même que le droit, en matière de permis de construire, soit totalement respecté. En outre, des dispositions récentes viennent réduire les obligations relatives à ces derniers, privant l’administration d’une partie des informations qu’elle recueillait antérieurement. Le décret du 5 janvier 2007 réduit de manière très significative le nombre de changements de consistance susceptibles d’être portés à la connaissance de l’administration, hors secteurs protégés. Sont désormais exemptées de toutes formalités des constructions diverses dont les bâtiments dont la hauteur au sol est inférieure à 12 mètres et qui ont pour effet de créer une 2 surface hors œuvre brute de moins de 2 m(abri de jardin, par exemple), 2 ou les piscines dont la superficie est inférieure ou égale à 10 m . De même, l’obligation de dépôt d’un permis de construire est supprimée au bénéfice 2 d’une simple déclaration pour les bâtiments d’une surface située entre 2 m 2 et 20 m(garage, par exemple) ou pour une piscine dont la superficie est 2 inférieure à 100 m . 26) Article 1406 du CGI.
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En tout état de cause, la notion de changement de consistance n’a jamais inclus les modifications intérieures du bien: la construction de trois salles de bains dans une maison qui en était dépourvue ne nécessite pas un permis de construire ; elle n’est donc pas portée à la connaissance des services fiscaux alors que chaque salle de bains identifiée entre dans 2 l’assiette fiscale et compte pour 5 mdans le calcul de la surface pondérée totale. La situation est encore plus contrastée en cas de changement de propriétaire. Les renseignements concernant le bien qui arrivent dans les services fiscaux sont parcellaires et rarement exploités, pour plusieurs raisons. Le descriptif du bien peut être très incomplet et ne détailler que partiellement les éléments de confort. Certains professionnels soucieux d’optimisation fiscale pour leurs clients y veillent particulièrement. Les contribuables n’ont, en outre dans ce cas, aucune obligation déclarative, à la différence de celle faite aux déposants de permis de construire. Les pratiques des services fiscaux sont d’ailleurs différentes selon lesdépartements : certains n’envoient aucun formulaire destiné à recueillir des renseignements à l’occasion d’une mutation, d’autres le font systématiquement :une convention avec la mairie de Paris le prévoit expressément, mais ce cas est unique. Les professionnels (syndics, gestionnaires de biens…) sont parfaitement informés du caractère non obligatoire de la réponse aux interrogations des services fiscaux, contrairement aux contribuables non professionnels qui répondent plus volontiers. Cet état de fait crée une inégalité de traitement peu justifiable. Enfin, la Cour a constaté que les services fiscaux ne vérifiaient pas systématiquement la cohérence entre le prix d’achat du bien et la catégorie dans laquelle il est classé. La DGFIP met en place, désormais, un livret foncier, accompagné d’une déclaration préremplie, à diffuser aux acquéreurs d’un bien. Ceux ci valident la description de leur bien. Le projet a débuté en 2008, pour expérimentation dans trois départements: Hérault, SeineetMarne, Somme. Cette initiative est positive. La validation de la déclaration reste néanmoins facultative. En outre, l’expérience réalisée en partenariat avec le notariat venant de débuter, il est impossible d’en faire le bilan, tant du point de vue du «civisme »déclaratif que de la capacité des services fiscaux à exploiter les déclarations. En tout état de cause, cette initiative ne règle pas les problèmes d’égalité entre contribuables. Un propriétaire ayant déposé un permis de construire ou un acheteur parisien remplissant scrupuleusement le formulaire prévu par un accord entre l’Etat et la Ville alimentent les
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services fiscaux en renseignements permettant d’asseoir la taxation sur une base correspondant aux éléments réels de superficie et de confort. A l’inverse, un redevable, propriétaire depuis plusieurs années d’un bien dans lequel il a fait réaliser d’importants aménagements intérieurs, voire extérieurs, pourra être taxé sur la base d’une assiette sans rapport avec les éléments réels de confort dont il bénéficie.
2 Un risque non négligeable d’erreurs matérielles ou d’appréciation
La complexité du processus d’établissement des bases crée inévitablement des risques d’erreurs. Si certaines des treize opérations décrites plus haut sont totalement automatisées comme les calculs d’actualisation, de revalorisation ou l’application de taux, il n’en va pas de même de celles qui relèvent d’une évaluation du bien.
Certains critères renvoient à une appréciation purement subjective : la classification dans la catégorie, l’appréciation de l’état d’entretien de la partie principale de l’immeuble, le jugement porté sur les avantages et les inconvénients de la situation générale du bien dans la commune, de la situation particulière…
Le risque d’erreurs peut également être d’ordre matériel : le décompte exhaustif de tous les éléments contribuant à la pondération (existence d’un ascenseur, d’un videordures, d’une prise d’eau dans le garage, nombre de salles de bains, de cabinets de toilettes…) ou la vérification de la pérennité de l’abri de jardin ou de la véranda laisse place à des inexactitudes, quelle que soit la conscience professionnelle de l’agent.
Places de stationnement et taxe d’habitation
L’assiette fiscale des particuliers peut aussi être concernée par une application variable d’un droit incertain. Ainsi, la jurisprudence du Conseil d’Etat considère qu’un garage ou une place de stationnement individuel située « à proximité » de l’habitation principale est une dépendance de celui ci et donc soumis à la taxe d’habitation. La proximité est définie par une distance de moins d’un kilomètre en voiture. Aucune précision n’est fournie pour le cas, fréquent dans les grandes villes, où le plan de circulation entraîne une distance de moins d’un kilomètre à l’aller et de plus d’un kilomètre au retour. Dans la pratique, les services fiscaux ne calculent jamais la distance à parcourir et imposent une taxe à toutes les places de garage.
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Or, la DGFIP ne dispose d’aucune statistique interne sur les erreurs ou les facteurs de risques et n’a pas mis en place les contrôles nécessaires.
Les travaux relatifs à l’assiette cadastrale sont, en effet, effectués par un seul agent, pour chaque propriété concernée. Jusqu’en décembre 2008, il n’existait aucune« traçabilité » de l’opération de classification, le nom de l’agent responsable ne figurant pas dans le fichier. Cette traçabilité vient d’être mise en place à la suite du contrôle de la Cour. Les équipes sont formées d’agents de catégorie C encadrés par un agent de catégorie B. Ce dernier ne contrôle pas systématiquement le classement opéré, sauf s’il est consulté sur un cas précis. En outre, aucun agent rencontré, durant l’instruction de la Cour, n’a vu son travail de classement vérifié par un contrôleur extérieur (contrôle de deuxième niveau) au cours de sa carrière.
L’administration avance deux arguments pour justifier la faiblesse de ces contrôles. Le premier porte sur le fait que la liste dite 41, remise aux communes chaque année, fait mention des modifications opérées, pour l’essentiel les constructions neuves, instaurant ainsi un contrôle implicite par la collectivité locale. Ces dernières tiennent, en effet, au moins sur une base annuelle, des commissions communales des impôts directs qui examinent les créations ou modifications de classification dans le parc immobilier communal. Le second argument s’appuie sur la faiblesse du contentieux de l’évaluation.
Aucun de ces deux arguments ne peut être reçu. Le législateur a expressément confié aux services de l’Etat la responsabilité de l’assiette des impôts locaux pour éviter des distorsions de tous ordres entre collectivités. Une commission communale des impôts directs ne peut être considérée comme un contrôle de deuxième niveau.
Quant à la faiblesse des contentieux de l’évaluation, elle est incontestable et de plus en plus marquée. En 2007, on ne compte qu’environ 80 000 réclamations sur plus de 22 millions d’articles émis pour la taxe foncière bâtie alors que ce chiffre atteignait 120 000 en 1995. Les contentieux devant les juridictions administratives sont de l’ordre de 2 500 par an. La diminution des réclamations traduit d’indéniables progrès dus à la meilleure qualité de l’informatisation des services. La faiblesse des réclamations et des contentieux paraît, néanmoins, devoir être attribuée, pour partie, à l’opacité du processus même si la faiblesse de la valeur locative, comparée au loyer réel, facilite l’acceptation de l’imposition. Le contribuable, surtout lorsqu’il est un particulier, ne connaît ni la catégorie dans laquelle son bien est classé, ni les éléments de pondération qui affectent ce classement. Il n’a aucun moyen réel de contester l’assiette de son impôt, à la différence de l’impôt sur le revenu pour lequel il connaît l’assiette retenue.
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