Les politiques d allégements ont-elles un effet sur la mobilité salariale des travailleurs à bas salaires ?
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Cet article cherche à déterminer les effets des allégements de cotisations sociales employeur sur la politique salariale des entreprises à l'égard des travailleurs à bas salaires. Une approche théorique à l’aide d’un modèle d’appariement suggère que les allégements ont un effet ambigu sur le taux de croissance des salaires : d'un côté, le coût moyen du travail est réduit et le surplus ainsi dégagé par les entreprises peut être en partie utilisé pour accélérer la promotion salariale. De l’autre, le coût marginal du travail augmente en raison de la dégressivité des allégements, ce qui renchérit d'autant le coût d'une augmentation de salaire brut. Ces conclusions théoriques sont rapprochées d’une estimation d’un modèle à effets fixes étudiant les déterminants du taux de croissance des salaires, réalisée pour des bas salaires (salaires mensuels inférieurs à 1,3 Smic). Cette estimation utilise un panel d’individus restés au moins trois ans dans la même entreprise, ces personnes étant suivies sur une période de vingt ans. Elle confirme l’existence des deux effets antagonistes et permet de les isoler : l'effet négatif de la progressivité du coût marginal sur la mobilité salariale des travailleurs à bas salaires l'emporte. Cet effet négatif est moins accusé si l’on élargit la définition des bas salaires à 1,8 Smic.

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Extrait

SALAIRES
Les politiques d’allégements ont-elles
un effet sur la mobilité salariale
des travailleurs à bas salaires ?
Bertrand Lhommeau et Véronique Rémy*
Cet article cherche à déterminer les effets des allégements de cotisations sociales
employeur sur la politique salariale des entreprises à l’égard des travailleurs à bas salai-
res. Une approche théorique à l’aide d’un modèle d’appariement suggère que les allé-
gements ont un effet ambigu sur le taux de croissance des salaires : d’un côté, le coût
moyen du travail est réduit et le surplus ainsi dégagé par les entreprises peut être en
partie utilisé pour accélérer la promotion salariale. De l’autre, le coût marginal du travail
augmente en raison de la dégressivité des allégements, ce qui renchérit d’autant le coût
d’une augmentation de salaire brut.
Ces conclusions théoriques sont rapprochées d’une estimation d’un modèle à effets fxes
étudiant les déterminants du taux de croissance des salaires, réalisée pour des bas salaires
(salaires mensuels inférieurs à 1,3 Smic). Cette estimation utilise un panel d’individus
restés au moins trois ans dans la même entreprise, ces personnes étant suivies sur une
période de vingt ans. Elle confrme l’existence des deux effets antagonistes et permet de
les isoler : l’effet négatif de la progressivité du coût marginal sur la mobilité salariale des
travailleurs à bas salaires l’emporte. Cet effet négatif est moins accusé si l’on élargit la
défnition des bas salaires à 1,8 Smic.
* Au moment de la rédaction de cet article, Bertrand Lhommeau et Véronique Rémy appartenaient à la Dares, Mission Analyse
Économique, Ministère du Travail, des Relations Sociales et de la Solidarité, 39-43 quai André Citroën 75902 Paris cedex 15.
Les auteurs remercient tout particulièrement Ronan Mahieu pour son soutien au cours de leur travail, ainsi que Pascale Breuil, Dominique
Goux, Bérengère Junod, Frédéric Lerais, Benoît Heitz, les deux rapporteurs anonymes de la revue et les participants de la session des
JMA 2007 et du séminaire de la Dares pour leurs remarques et leurs suggestions. Ils restent seuls responsables des erreurs éventuelles
qui pourraient subsister dans cet article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 429-430, 2009 211coût du travail (1)es allégements de cotisations sociales . Aussi les mesures mises en L employeur mis en œuvre à partir de 1993 place depuis 1993 ont-elles joué sur ces deux
avaient pour objectif principal de lutter contre paramètres de la politique d’allégements.
le chômage des travailleurs peu qualifés tout
en maintenant le niveau du salaire minimum. La majorité des études sur les allégements por-
La qualifcation des travailleurs et des emplois tent sur la mesure de leurs effets sur l’emploi.
constituant un critère diffcile à défnir et à Elles concluent à leur effcacité pour augmenter
2contrôler, ces allégements ont été destinés aux l’emploi peu qualifé (2). Les études cherchant
travailleurs à bas salaires. La première priorité à évaluer explicitement l’effet des allégements
de ces mesures était d’améliorer les perspecti- sur les trajectoires salariales des individus déjà
ves d’emploi de ces derniers. Néanmoins, ces présents dans l’entreprise sont en revanche à ce
dispositifs ont pu affecter les trajectoires sala- jour peu nombreuses. Audenis, Laïb et Roux
riales des personnes concernées ou non par de (2002) analysent l’évolution des salaires à l’em-
tels allégements dans la mesure où ils agissent bauche et les perspectives d’emploi et de salai-
sur le coût du travail. En effet, ils sont suscep- res des personnes faiblement rémunérées à la
tibles d’avoir contribué à modifer la politi - suite de l’instauration des allégements de coti-
que d’embauche des entreprises et par voie de sations employeurs. Les auteurs constatent qu’il
conséquence les caractéristiques des individus existe effectivement une certaine persistance de
l’état de travailleur à bas salaire dans la mesure nouvellement employés ainsi que la mobilité
où l’on a plus de chances de percevoir un bas salariale des travailleurs déjà employés. De
salaire une année donnée si c’était déjà le cas plus, les allégements venant augmenter le sur-
l’année précédente. Néanmoins, ce risque ne plus de l’entreprise, l’employeur a pu décider
semble pas s’être aggravé avec les allégements. d’augmenter les salaires de tout ou partie de ses
En effet, la décote salariale liée au fait d’avoir salariés, qu’ils soient ou non éligibles aux allé-
perçu auparavant un salaire de faible niveau est gements.
comparable en 2001 et en 1991. Les auteurs
attribuent cette apparente absence de trappe à Pour déterminer le degré de ciblage souhai-
bas salaires aux augmentations du salaire mini-table de la politique d’allégement, plusieurs
mum, susceptibles d’avoir compensé le ralen-effets doivent être pris en compte, notamment,
tissement des hausses de salaires induit par les l’effet d’assiette et l’effet de trappe à bas salai-
allégements.res. L’effet d’assiette se traduit par le fait qu’un
budget donné affecté à la politique de l’emploi
Plus récemment, Aeberhardt et Sraer (2010, est d’autant plus effcace qu’il concerne des tra-
dans ce numéro) étudient dans quelle mesure les vailleurs percevant une rémunération proche du
trajectoires salariales des individus à bas salaire salaire minimum (CSERC, 1996, L’Horty, 2000).
ont pu être affectées par les allégements de coti-En effet, la baisse du coût du travail induite par
sations sociales patronales mis en place entre les allégements est d’autant plus forte et les
1994 et 1997 en utilisant les DADS (déclara-emplois créés d’autant plus nombreux que les
tions annuelles de données sociales) exhaus-travailleurs sont faiblement rémunérés. De plus,
tives sur la période 1994-1997. Les auteurs l’élasticité de la demande de travail par rapport à
constatent qu’en 1997 le taux de croissance des son coût est plus élevée pour les travailleurs fai-
salaires entre t et t + 1 est plus élevé pour les blement qualifés (Hamermesh, 1993 ; Dormont
individus à temps complet faiblement rému-et Pauchet, 1997). Cependant, l’effet potentiel
nérés (ayant un salaire inférieur à 1,33 Smic) de trappe à bas salaires des mesures d’allége-
que pour les salariés non éligibles aux allége-ment modère le degré de ciblage souhaitable.
ments et situés immédiatement au-dessus dans En présence d’allégements, le coût du travail
la hiérarchie des salaires (à savoir les salariés des salariés augmente plus que proportionnelle-
rémunérés entre 1,33 et 1,6 Smic). Les premiers ment à la hausse des salaires accordée par l’en-
ont également davantage de chances d’être treprise. Cette progressivité risque de freiner les
augmentés en 1997 qu’en 1994, date à laquelle carrières salariales des intéressés et même, dans
le cas le plus défavorable, de les enfermer dans
une trappe à bas salaires, les employeurs étant
1. Cette progressivité varie avec la forme que prennent les allé-plus réticents à augmenter leur rémunération en gements : elle est plus forte lorsqu’ils fonctionnent par palier que
lorsqu’ils sont dégressifs. Dans le cas d’une ristourne dégressive, raison du surcoût qu’ils encourent (Malinvaud,
telle qu’elle existe actuellement, l’effet de seuil lié à la perte de 1998). L’éventualité de telles trappes plaide en l’allégement au-delà d’un certain niveau de salaire est moindre,
l’augmentation du coût salarial étant plus régulièrement répartie faveur d’un élargissement de la fenêtre d’exo-
(L’Horty, 2000).nération et d’une réduction de l’ampleur des
2. Cf. les travaux de Crépon et Desplatz (2001), Gafsi, L’Horty et
allégements afn de limiter la progressivité du Mihoubi (2005) et Jamet (2005).
22 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 429-430, 2009les allégements étaient moin

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