Flux d emploi et de main-d uvre en France : un réexamen
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Les flux d'emploi et de main-d'œuvre sont au cœur des analyses récentes du marché du travail. L'ampleur des flux bruts d'emploi (créations + destructions), au regard des flux nets (créations - destructions), a contribué au renouveau des analyses schumpetériennes en termes de destruction créatrice. Il était jusqu'à présent admis que les flux bruts d'emploi sont du même ordre de grandeur dans des pays aussi différents que la France et les États-Unis, ce qui va à l'encontre du lien attendu entre protection de l'emploi et réallocations. Les flux de main-d’œuvre font l’objet d’interprétations divergentes entre ceux qui y voient, dans le cadre de modèles d’appariement, un simple prolongement des flux d’emploi et ceux qui soulignent leur spécificité. La présente étude utilise la possibilité de suivre les salariés sur deux ans dans les DADS pour corriger la mesure des flux d'emploi des flux artificiels engendrés par les changements d'identifiant des établissements. Cette correction réduit de moitié les flux d'emploi qui se révèlent ainsi nettement moins importants en France qu'aux États-Unis. La même source permet d'étudier sur un champ quasi exhaustif la relation entre flux d'emploi et flux de main-d’œuvre. Les rotations ou excès des flux de main-d'œuvre sur les flux d'emploi, apparaissent plus liés à des caractéristiques sectorielles qu'aux flux d'emplois. Leur ampleur, révisée à la hausse par cette étude, est plus le signe d'un certain dualisme du marché du travail que de la vigueur du processus de destruction créatrice. À des secteurs offrant des emplois stables, des salaires élevés, attractifs et caractérisés par de faibles rotations s’opposent des secteurs où la rotation est intense, avec de bas salaires et davantage de jeunes. Des flux nets de salariés s’observent du premier groupe de secteurs vers le second, le déficit de ce dernier étant compensé par l’embauche de personnes sans emploi.

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Langue Français

Extrait

EMPLOI
Flux d’emploi et de main-d’œuvre
en France : un réexamen
Claude Picart*
Les fl ux d’emploi et de main-d’œuvre sont au cœur des analyses récentes du marché du
travail. L’ampleur des fl ux bruts d’emploi (créations + destructions), au regard des fl ux
nets (créations – destructions), a contribué au renouveau des analyses schumpetérien-
nes en termes de destruction créatrice. Il était jusqu’à présent admis que les fl ux bruts
d’emploi sont du même ordre de grandeur dans des pays aussi différents que la France
et les États-Unis, ce qui va à l’encontre du lien attendu entre protection de l’emploi et
réallocations. Les fl ux de main-d’œuvre font l’objet d’interprétations divergentes entre
ceux qui y voient, dans le cadre de modèles d’appariement, un simple prolongement des
fl ux d’emploi et ceux qui soulignent leur spécifi cité.
La présente étude utilise la possibilité de suivre les salariés sur deux ans dans les DADS
pour corriger la mesure des fl ux d’emploi des fl ux artifi ciels engendrés par les change-
ments d’identifi ant des établissements. Cette correction réduit de moitié les fl ux d’em-
ploi qui se révèlent ainsi nettement moins importants en France qu’aux États-Unis.
La même source permet d’étudier sur un champ quasi exhaustif la relation entre fl ux
d’emploi et fl ux de main-d’œuvre. Les rotations ou excès des fl ux de main-d’œuvre sur
les fl ux d’emploi, apparaissent plus liés à des caractéristiques sectorielles qu’aux fl ux
d’emploi. Leur ampleur, révisée à la hausse par cette étude, est plus le signe d’un certain
dualisme du marché du travail que de la vigueur du processus de destruction créatrice.
À des secteurs offrant des emplois stables, des salaires élevés, attractifs et caractérisés
par de faibles rotations s’opposent des secteurs où la rotation est intense, avec de bas
salaires et davantage de jeunes. Des fl ux nets de salariés s’observent du premier groupe
de secteurs vers le second, le défi cit de ce dernier étant compensé par l’embauche de
personnes sans emploi.
* Au moment de la rédaction de cet article, Claude Picart appartenait à la Division Marchés et stratégies d’entreprises de l’Insee.
L’auteur remercie deux rapporteurs anonymes de la revue, dont les remarques et les conseils lui ont permis d’améliorer le contenu de
cet article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 412, 2008 27haque année, de nombreux établissements indistinctement à la fois aux fl ux d’emploi et aux Ccréent des emplois et de nombreux autres fl ux de main-d’œuvre, et néglige les rotations (à
en détruisent. La somme de ces créations et des- savoir, l’écart entre ces deux fl ux) qui consti-
tructions d’emploi, couramment désignée par le tuent en elles-mêmes un phénomène d’ampleur
terme de fl ux d’emploi, est un indicateur impor- spécifi que et irréductible aux fl ux.
tant du fonctionnement du marché du travail. Si
aucune création (resp. destruction) d’emploi ne
Les DADS permettent d’éliminer peut se faire sans embauche (resp. départ) de
123l’essentiel des fl ux fi ctifs d’emploisalarié, de nombreux départs et arrivées de sala-
riés peuvent s’effectuer par rotation sur des pos-
L’objectif de cet article est double. En premier tes pérennes. On appelle fl ux de main-d’œuvre
lieu, il tente d’améliorer la mesure des fl ux l’ensemble de ces départs et de ces arrivées de
d’emploi en France, en utilisant une source de salariés dans les établissements (cf. annexe 1).
données qui permet (au prix d’un travail impor-
tant sur les données) de fournir des chiffres cor-L’attention est souvent focalisée sur le solde
rigés de certains biais et établis sur un champ de ces fl ux (l’évolution du stock d’emplois ou
plus large que celui considéré par la plupart des de chômeurs). Cependant, l’analyse des fl ux
études précédentes sur le sujet. Cette mesure d’emploi ou de main-d’œuvre en tant que tels
permet en particulier d’apporter une réponse est justifi ée pour trois raisons. D’abord, créa-
empirique au débat évoqué plus haut. En effet, tions et destructions d’emplois ne concernent
le diagnostic d’une similitude de l’ampleur des pas forcément les mêmes personnes. L’attention
fl ux d’emplois entre différents pays de l’OCDE se concentre à juste titre sur les destructions
repose sur la mise en regard de différentes étu-d’emplois, surtout lorsqu’elles touchent massi-
des nationales diffi cilement comparables. En vement des professions et des bassins d’emploi
plus des traditionnelles questions de défi nitions sans perspectives de reconversion immédiates.
et de champ qui rendent toujours délicates les Ensuite, dans le cadre d’approches soulignant
comparaisons internationales, la mesure des les vertus d’une fl uidité du marché du travail
fl ux bruts est fortement biaisée par l’existence alors considérée comme vitale, le solde, et donc
de fl ux artifi ciels (2) : en l’absence de suivi le niveau du chômage, dépend de l’ampleur
longitudinal des établissements, le changement des fl ux bruts. Enfi n, ces fl ux sont aussi des
d’identifi ant d’un établissement pérenne de 100 éléments importants de la compréhension du
salariés est confondu avec la destruction de 100 fonctionnement du marché du travail : l’exis-
emplois et la création de 100 emplois. Si les étu-tence simultanée de nombreuses créations et
des sur les États-Unis corrigent en général de ces destructions d’emploi est le signe d’une grande
effets, il est diffi cile de le faire en France. Cela hétérogénéité entre les entreprises (Blanchard
nécessiterait en effet dans l’absolu de disposer et Diamond, 1990). Certains économistes pous-
d’un fi chier longitudinal de suivi des entreprises/sent l’interprétation plus loin et voient dans
établissements (3). C’est d’autant plus domma-cette simultanéité une preuve de l’ampleur du
geable que, compte tenu de l’importance des res-processus de destruction créatrice mis en avant
tructurations intra-groupe, le biais risque d’être par Schumpeter (Caballero et Hammour, 1996 ;
plus important en France. En particulier, les Cahuc et Zylberberg, 2004) (1).
études sur les fl ux d’emploi se font par apparie-
ment de fi chiers annuels, ce qui ne permet pas de Ce discours sur la fl uidité du marché souffre
gérer les changements d’identifi ants. En dehors de certaines limites. D’abord, il ne semble pas
de cette diffi culté de suivi longitudinal, les étu-validé par les mesures couramment admises des
des sur les fl ux de main-d’œuvre utilisent des fl ux d’emploi. D’après les théories classiques
fi chiers d’établissements sur un champ restreint du marché du travail, les différences de contexte
institutionnel, et en particulier entre les législa-
tions assurant la protection de l’emploi, devraient 1. Pour Blanchard et Diamond (1990) la cyclicité des fl ux d’em-
ploi allait au contraire à l’encontre de la vision schumpetérienne. avoir un impact sur le rythme des créations et
Les données mobilisées ici sont sur une période trop courte pour
des destructions d’emploi. Cependant, alors que examiner la relation entre fl ux d’emploi et cycle (voir, pour la
France, Duhautois (2002)).de tels dispositifs sont beaucoup plus dévelop-
2. Ce qui est souligné par certains chercheurs américains : « Un
pés en France qu’aux États-Unis, la mesure des suivi longitudinal de haute qualité des liens entre les identifi ants
des entreprises est essentiel pour une mesure précise des fl ux fl ux d’emploi donne dans ces deux pays des
d’emploi. Des liens rompus créent des entrées et sorties arti-ordres de grandeurs comparables. Ce paradoxe fi cielles, conduisant à une surestimation des fl ux d’e

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