Apprendre à lire2 Metz
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APPRENDRE A LIRE EN FRANÇAIS LANGUE SECONDE (Jean-Charles Rafoni, IUFM de Versailles) ___________________________________________________________________________ Certains enfants très jeunes ou plus âgés mais non scolarisés antérieurement n’ont pu bénéficier d’une première immersion dans un environnement qui prépare à l’acte de lecture. Ces enfants qui nous interpellent n’ont aucune expérience ni de l’école ni de l’écrit et nous obligent donc très vite à quitter nos références habituelles. Ils nous condamnent à travailler en amont de l’apprentissage ordinaire dans une sorte de hors-lieu pédagogique. Ils invalident d’emblée toutes les notions et principes qui tenaient lieu d’évidence parce qu’ils ne répondent plus aux critères classiques et se calent sur des catégories insolites à l’école élémentaire. C’est ce public qui nous intéresse plus particulièrement ici car la Clin nous offre à travers eux un laboratoire de recherche extraordinaire… Le parler de l’école, "pré-texte" pour l’apprentissage de la lecture… Pour les élèves non francophones qui viennent d’arriver en France, le monde de l’école est l’univers privilégié de l’apprentissage du français. Nulle part ailleurs les interactions langagières n’auront un tel impact sur l’acquisition de la langue. C’est dans ce contexte naturel d’interlocution entre pairs que l’enseignant doit puiser matière à construire les premiers bilans langagiers qui serviront de supports pour l’apprentissage ...

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Langue Français

Extrait

Résumé de la conférence donnée par J.‐C. Rafoni au CASNAV‐CAREP de Nancy‐Metz, le 15 octobre 2008.
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1
A
PPRENDRE A LIRE EN FRANÇAIS LANGUE SECONDE
(Jean-Charles Rafoni, IUFM de Versailles)
___________________________________________________________________________
Certains enfants très jeunes ou plus âgés mais non scolarisés antérieurement n’ont pu bénéficier
d’une première immersion dans un environnement qui prépare à l’acte de lecture. Ces enfants qui
nous interpellent n’ont aucune expérience ni de l’école ni de l’écrit et nous obligent donc très vite
à quitter nos références habituelles. Ils nous condamnent à travailler en
amont
de l’apprentissage
ordinaire dans une sorte de hors-lieu pédagogique. Ils invalident d’emblée toutes les notions et
principes qui tenaient lieu d’évidence parce qu’ils ne répondent plus aux critères classiques et se
calent sur des catégories insolites à l’école élémentaire. C’est ce public qui nous intéresse plus
particulièrement ici car la Clin nous offre à travers eux un laboratoire de recherche
extraordinaire…
Le parler de l’école, "pré-texte" pour l’apprentissage de la lecture…
Pour les élèves non francophones qui viennent d’arriver en France, le monde de l’école est
l’univers privilégié de l’apprentissage du français. Nulle part ailleurs les interactions langagières
n’auront un tel impact sur l’acquisition de la langue. C’est dans ce contexte naturel d’interlocution
entre pairs
que l’enseignant doit puiser matière à construire les premiers bilans langagiers qui
serviront de supports pour l’apprentissage de la lecture.
Le
parler de l’école
ne doit cependant pas être confondu avec la
langue de scolarisation
qui, en tant
que vecteur des savoirs, véhicule essentiellement des catégories conceptuelles (lexique des
disciplines) et des pratiques langagières liées à la conduite de la classe. Au contraire,
le parler de
l’école
touche à tout ce qui peut se dire de manière spontanée lorsque l’élève n’est pas directement
dans l’appréhension des contenus scolaires (bavardage en classe, jeux dans la cour, échanges à la
cantine ou au cours d’activités dans des disciplines non fondamentales : EPS, Arts plastiques,
sorties…). C’est en ce sens que la classe d’initiation, de par sa nature (effectif réduit, espace
multilingue, latitude pédagogique du maître référent), reste à l’arrivée des élèves en France le seul
lieu qui permet de jouer à la fois la carte de pratique linguistique véritable et celle de la pertinence
didactique. Il n’est pas inutile de rappeler l’inanité d’un discours qui fait de l’intégration directe –
et quasiment à plein temps – des élèves non francophones dans les classes ordinaires l’alpha et
l’oméga de la réussite linguistique. Rien ne se prête moins à l’acquisition du français que le type de
pratiques langagières instituées dans des classes qui, du CP au CM2, ont pour seul objectif
l’actualisation du programme dans chaque discipline. On confond "immersion linguistique",
formule volontairement générale et "immersion scolaire" où un cadre didactique verrouille toute
velléité d’appropriation spontanée de la langue. Quand comprendra-t-on que c’est dans
l’inattendu de la langue et les interactions imprévues entre pairs que se joue l’essentiel de
l’acquisition du français ?
Toute entrée dans l’écrit doit donc s’organiser autour de bilans langagiers tirés du
parler de
l’école
… Les leçons préalables de langage où les enfants tâtonnent en parlant (syntaxe fautive,
lexique approximatif, prononciation défectueuse…) sont de véritables "pré-textes", des
"brouillons" de lecture. Le rôle de l’enseignant consiste à reformuler
pour le lire
ce que les élèves
sont
capables de dire…
Ce principe général – simultanéité des apprentissages oral et écrit – doit
toujours rester présent à l’esprit si l’on veut sortir des impasses pédagogiques dans lesquelles
conduisent la plupart des méthodes de lecture. Ces dernières, conçues exclusivement pour des
Résumé de la conférence donnée par J.‐C. Rafoni au CASNAV‐CAREP de Nancy‐Metz, le 15 octobre 2008.
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élèves natifs et monolingues, considèrent la langue comme acquise et ne permettent aucun
recentrage méthodologique sur
une langue en cours d’acquisition
.
La notion "d’adressage vocal"…
Un second principe méthodologique devra être mis en place dès le début de l’apprentissage :
ne
pas faire lire l’élève,
mais utiliser le matériau écrit pour engager un travail explicite de manipulation
orale de la langue. Après avoir fourni très rapidement un minimum d’appuis codiques, demander
systématiquement à l’élève de désigner sur le papier ce qui vient d’être dit. On parlera de "lecture
en réception vocale" ou "adressage vocal" chaque fois qu’on fera reconnaître
visuellement
, parmi
plusieurs éléments écrits, une unité (syllabe ou mot) qui est dite et prononcée distinctement par le
maître. Lire, c’est ici redire…
Exemple 1 :
Inès - Hoang - Rachid - Pédro - Fatou - Elena
- "Parmi ces prénoms, montre-moi
Pedro… Inès… Rachid…
"
Exemple 2 :
Pédro mange à la cantine.
- "Dans cette phrase,
Pédro mange à la cantine,
montre-moi :
cantine… la… mange…
"
Exemple 3 :
Pédro
- "Dans
Pédro
, montre-moi
dro
pé…
"
Exemple 4 :
o… P… d… é… r
- "Réécris
Pédro
avec ces lettres (étiquettes)
!
"
Au cours de cette phase d’apprentissage où l’élève essaie de voir quelque chose de ce qu’il entend,
on ne fait pas lire l’enfant, on lui parle…
On lui fait simplement repérer à l’écrit des oppositions
visuelles
pertinentes (syllabes, mots) qui correspondent à des oppositions vocales également
pertinentes. Il faut comprendre que l’adressage vocal est le mode d’entrée privilégié dans
l’écrit pour les élèves non scolarisés antérieurement : au bout de quelques mois, 40% du système
est acquis (graphèmes, syllabes et mots les plus fréquents…). Cela sera largement suffisant pour
autoriser l’élève à entrer dans une deuxième phase ("la lecture en production vocale" à l’oeuvre
dans toutes les méthodes ordinaires) où l’enfant se jette à l’eau,
tente de lire cette fois tout seul
, en
mobilisant simultanément tâtonnement phonologique et anticipation contextuelle.
1
Ce principe d’entrée dans l’apprentissage initial de la lecture où l’écrit n’est qu’un truchement,
sorte d’intermédiaire qui permet de saisir les éléments articulés d’une langue seconde, est une
condition méthodologique indispensable pour l’enseignant. Il nous permet de sortir des impasses
actuelles où l’on tente de calquer en les simplifiant les méthodes conçues pour les natifs
francophones (intérêt des contenus, diversité fonctionnelle des textes, convocation réitérée du
plaisir et de l’appétit de lire). Les élèves qui ne savent rien de l’écrit nous auront donc appris
quelque chose : l’implicite du lien entretenu avec
la parole
est au fondement même de
l’apprentissage de la lecture. On peut même faire le pari que leur expérience gagnerait à être
reprise pour l’ensemble des élèves en difficulté dans les classes ordinaires…
Jean-Charles Rafoni
jrafoni@noos.fr
1
Pour plus de détails sur ces notions et les types d’exercices à appliquer, se reporter à
Apprendre à lire en
français langue seconde,
J.-Ch. Rafoni, L’Harmattan, 2007.
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