Les Oiseaux (Aristophane)
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Description

Les OiseauxAristophaneTraduction française d’Eugène TalbotPERSONNAGESEvelpidès.Pisthétæros.Le Roitelet, serviteur de la Huppe.La Huppe.Chœur d’Oiseaux.Le Phœnikoptère.Hérauts.Un prêtre.Un Poète.Un diseur d'Oracles.Le Rossinol.Proknè.Métôn, géomètre.Un Inspecteur.Un Vendeur de décrets.Messagers.Iris.Un Parricide.Kinésias, poète dithyrambique.Un Sykophante.Promètheus.Poséidôn.Un Triballe.Héraklès.Un Esclave de Pisthétæros.Xanthias. Esclaves,Manodoros ou Manès personnages muets.La scène se passe dans un endroit sauvage, rocailleux, au fond d’une forêt.[Deux citoyens, Pisthétéros (Fidèle ami) et Evelpide (Bon espoir), dégoûtés de la vie que l’on mène à Athènes, se déterminent à bâtir une ville aérienne,Néphélococcygia (Nuéecoucouville). Tous les hommes veulent y venir habiter, mais le poète, enlevant le sceptre aux dieux qui ne savent plus maintenir l’ordresur la terre, chasse impitoyablement de la cité nouvelle les prêtres, les devins, les philosophes, les poètes, les législateurs, les avocats. On crée des divinitésà l’image des oiseaux, à qui appartient désormais l’empire du monde, et les anciens dieux, bloqués dans l’Olympe, où n’arrive plus l’odeur des offrandes, sontforcés d’entrer en composition avec Pisthétéros.] EVELPIDÈS, au geai.Est-ce tout droit que tu me dis d’aller, du côté où l’on voit cet arbre ?PISTHÉTÆROS, tenant une corneille.La peste te crève ! La voilà qui me croasse de revenir en arrière !EVELPIDÈS.Pourquoi, ...

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Extrait

Les OiseauxAristophaneTraduction française d’Eugène TalbotPERSONNAGESEvelpidès.Pisthétæros.Le Roitelet, serviteur de la Huppe.La Huppe.Chœur d’Oiseaux.Le Phœnikoptère.Hérauts.Un prêtre.Un Poète.Un diseur d'Oracles.Le Rossinol.Proknè.Métôn, géomètre.Un Inspecteur.Un Vendeur de décrets.Messagers..sirIUn Parricide.Kinésias, poète dithyrambique.Un Sykophante.Promètheus.Poséidôn.Un Triballe.Héraklès.Un Esclave de Pisthétæros.Xanthias. Esclaves,Manodoros ou Manès personnages muets.La scène se passe dans un endroit sauvage, rocailleux, au fond d’une forêt.[Deux citoyens, Pisthétéros (Fidèle ami) et Evelpide (Bon espoir), dégoûtés de la vie que l’on mène à Athènes, se déterminent à bâtir une ville aérienne,Néphélococcygia (Nuéecoucouville). Tous les hommes veulent y venir habiter, mais le poète, enlevant le sceptre aux dieux qui ne savent plus maintenir l’ordresur la terre, chasse impitoyablement de la cité nouvelle les prêtres, les devins, les philosophes, les poètes, les législateurs, les avocats. On crée des divinitésà l’image des oiseaux, à qui appartient désormais l’empire du monde, et les anciens dieux, bloqués dans l’Olympe, où n’arrive plus l’odeur des offrandes, sontforcés d’entrer en composition avec Pisthétéros.]  EVELPIDÈS, au geai.Est-ce tout droit que tu me dis d’aller, du côté où l’on voit cet arbre ?PISTHÉTÆROS, tenant une corneille.La peste te crève ! La voilà qui me croasse de revenir en arrière !EVELPIDÈS.Pourquoi, malheureux, sautillons-nous de haut en bas ? Nous noustuons à chercher ainsi notre route de côté et d’autre.PISTHÉTÆROS.Je me suis fié, pour mon malheur, à cette corneille, qui m’a fait parcourirdeux mille stades de chemin.EVELPIDÈS.Et moi je me suis fié, pour mon infortune, à ce geai, qui m’a rongé lesongles des doigts.
PISTHÉTÆROS.En quel endroit de la terre sommes-nous ? je n’en sais rien.EVELPIDÈS.D’ici, retrouverais-tu ta patrie, toi ?PISTHÉTÆROS.Non, de par Zeus ! pas plus qu’Exèkestidès.EVELPIDÈS.Malheur !PISTHÉTÆROS.Allons, mon ami, suis cette route.EVELPIDÈS.Certes, il nous a joué un vilain tour, cet oiseleur du marché à la volaille,ce fou de Philokratès, en me disant que ces deux guides seuls, parmiles oiseaux, nous diraient où est Tèreus, la huppe, changé en oiseau. Ilnous a vendu une obole ce geai, fils de Tharrélidès, et trois oboles cettecorneille qui, l’un et l’autre, ne savent rien que mordre. Eh bien ! qu’as-tu, maintenant, à ouvrir le bec ? Est-ce que tu vas encore nous mener defaçon à tomber des rochers ? Ici il n’y a pas de route.PISTHÉTÆROS.Et ici, de par Zeus ! pas le moindre sentier.EVELPIDÈS.La corneille ne dit donc rien au sujet de la route ? Pas decroassements ?PISTHÉTÆROS.Pas plus maintenant que tout à l’heure.EVELPIDÈS.Enfin, que dit-elle de la route ?PISTHÉTÆROS.Que veux-tu qu’elle dise, sinon qu’en les rongeant, elle me mangera lesdoigts ?EVELPIDÈS.N’est-il pas étrange, assurément, que, avec notre désir d’aller auxcorbeaux et nos préparatifs achevés, nous ne puissions ensuite trouverla route ? En effet, ô vous, hommes qui assistez à cet entretien, noussommes malades du mal contraire à celui de Sakas. N’étant pascitoyen, il veut l’être à toute force, et nous qui sommes d’une tribu etd’une famille honorables, citoyens comme nos concitoyens, sans enêtre chassés par personne, nous prenons des deux pieds notre vol loinde notre patrie, non point par haine pour cette ville qui n’est passeulement grande et heureusement douée par la nature, mais ouverte àtous pour y dépenser leur avoir. En effet, les cigales ne chantent qu’unou deux mois sur les jeunes figuiers, tandis que les Athéniens chantenttoute leur vie l’air des procès. Voilà pourquoi nous avons entrepris cevoyage, et comment, pourvus d’une corbeille, d’une cruche et de myrte,nous errons tous deux à la recherche d’un lieu tranquille, où nouspuissions nous établir et séjourner. Nous nous dirigeons du côté deTèreus la huppe, pour le prier de nous dire si, dans la région où il aporté son vol, il a vu quelque part cette sorte de ville. PISTHÉTÆROS.Holà ! hé !EVELPIDÈS.Qu’est-ce donc ?PISTHÉTÆROS.Depuis longtemps la corneille m’indique quelque chose là-haut.EVELPIDÈS.
Et ce geai aussi ouvre le bec comme pour me montrer quelque chose. Iln’est pas possible qu’il n’y ait pas par là des oiseaux. Nous le sauronstout de suite en faisant du bruit.PISTHÉTÆROS.Alors, sais-tu ce qu’il faut faire ? Heurte ta jambe contre cette roche.EVELPIDÈS.Et toi ta tête ; ce sera un double bruit.PISTHÉTÆROS.Alors, toi, une pierre ; prends et frappe.EVELPIDÈS.Très bien, si cela te plaît. Esclave, esclave !PISTHÉTÆROS.Que dis-tu ? Au lieu de la Huppe, tu appelles : « Esclave ! » En place d’« Esclave ! » il te fallait crier : « Epopoï ! »EVELPIDÈS.Epopoï ! Veux-tu que je frappe encore une fois ? Epopoï !---LE ROITELET.Quels sont ces gens ? Qui est-ce qui crie en appelant mon maître ?EVELPIDÈS.Apollôn sauveur, quelle ouverture de bec !LE ROITELET.Malheur à moi ! ce sont deux oiseleurs !EVELPIDÈS.Voilà un être affreux et d’une vilaine conversation !LE ROITELET.Allez tous deux à la malheure !EVELPIDÈS.Mais nous ne sommes pas des hommes !LE ROITELET.Qu’êtes-vous donc ?EVELPIDÈS.Je suis le Peureux, oiseau de Libyè.LE ROITELET.Des contes !EVELPIDÈS.Regarde plutôt à mes pieds.LE ROITELET.Et l’autre ? Quel oiseau est-ce ? Tu ne parles pas ?PISTHÉTÆROS.Je suis l’Emmerdé, oiseau du Phasis.EVELPIDÈS.Et toi, quel animal es-tu, au nom des dieux ?LE ROITELET.Je suis un oiseau esclave.EVELPIDÈS.Tu as été vaincu par quelque coq ?LE ROITELET.Non pas ; mais lorsque mon maître est devenu huppe, il demanda que,moi aussi, je devinsse oiseau, afin d’avoir un compagnon et unserviteur.
EVELPIDÈS.Est-ce qu’un oiseau a besoin d’un serviteur ?LE ROITELET.Lui, du moins, je le crois, parce que jadis il était homme. Tantôt il veutmanger des anchois de Phalèron ; je cours lui chercher des anchoisdans une écuelle ; tantôt il désire de la purée : il lui faut une cuillère etune marmite ; je cours chercher la cuillère.EVELPIDÈS.C’est un coureur que cet oiseau. Sais-tu ce qu’il te faut faire, Roitelet ?Appelle-nous ton maître.LE ROITELET.Mais, de par Zeus ! il vient de s’endormir, après avoir mangé des baiesde myrte et quelques moucherons.EVELPIDÈS.Malgré cela, éveille-le !LE ROITELET.Je suis sûr qu’il va se mettre en colère ; mais, pour vous plaire, jel’éveillerai. (Il sort.)---PISTHÉTÆROS, au Roitelet qui s’en va.Puisses-tu périr de malemort, toi qui as failli me tuer.EVELPIDÈS.Ah ! malheureux que je suis ! mon geai s’est envolé de frayeur.PISTHÉTÆROS.Tu es bien le plus lâche des animaux : ta frayeur a fait partir le geai. EVELPIDÈS.Dis-moi, toi-même n’as-tu pas fait partir la corneille, en tombant ?PISTHÉTÆROS.Non pas, de par Zeus !EVEOLPù IeDsÈt-Sel.le alors ?PISTHÉTÆROS.Elle s’est envolée.EVELPIDÈS.Et tu ne l’as pas fait partir ! Ô mon bon, comme tu es brave !---LA HUPPE.Ouvre l’huis, pour que je sorte.EVELPIDÈS.Par Héraklès ! quel est cet animal ? Quel plumage ! Quel appendice detriple aigrette !LA HUPPE.Quelles sont ces gens qui me cherchent ?EVELPIDÈS.Les douze dieux semblent t’avoir mis en piteux état.LA HUPPE.Ne vous riez pas de moi en voyant mon plumage ! Car ; ô étrangers,autrefois j’étais homme.
EVELPIDÈS.Nous ne rions pas de toi.LA HUPPE.Mais de quoi ?EVELPIDÈS.Ton bec nous paraît risible.LA HUPPE.C’est pourtant comme cela que Sophoklès me traite indignement dansses tragédies, moi Tèreus.EVELPIDÈS.Tu es donc Tèreus ? Simple oiseau ou paon ?LA HUPPE.Oiseau.EVELPIDÈS.Où sont donc tes plumes ?LA HUPPE.Elles sont tombées.EVELPIDÈS.Est-ce par suite de quelque maladie ?LA HUPPE.Non ; mais, en hiver, tous les oiseaux muent, et nous reprenons ensuited’autres plumes. Mais vous deux, dites-moi, qui êtes-vous ?EVELPIDÈS.Nous ? Des mortels.LA HUPPE.De quel pays ?EVELPIDÈS.De celui où sont les belles trières.LA HUPPE.Êtes-vous hèliastes ?EVELPIDÈS.Absolument le contraire : antihèliastes.LA HUPPE.On sème donc là-bas de cette graine ?EVELPIDÈS.Tu n’en recueillerais pas beaucoup en cherchant dans nos champs.LA HUPPE.Quelles pressantes affaires vous ont fait venir ici ?EVELPIDÈS.Le désir de converser avec toi.LA HUPPE.Et pourquoi ?EVELPIDÈS.Parce que, d’abord, tu as été homme comme nous, jadis ; parce que tuas dû de l’argent, comme nous, jadis ; parce que tu aimais à ne pas lerendre, comme nous, jadis. Puis, ayant changé ta nature en celled’oiseau, tu as promené ton vol circulaire sur la terre et sur la mer. Etc’est la raison pour laquelle tu as l’intelligence de l’homme mêlée à cellede l’oiseau. Aussi sommes-nous venus ici tous deux vers toi te prier denous dire s’il y a quelque cité de laine épaisse, comme une couverturemoelleuse où l’on goûte le repos.LA HUPPE.Alors tu cherches une ville plus grande que celle des fils de Kranaos ?
EVELPIDÈS.Pas plus grande, mais qui nous convienne mieux. LA HUPPE.Il est clair que tu cherches un gouvernement aristocratique.EVELPIDÈS.Moi ? Pas du tout : je déteste même le fils de Skellios.LA HUPPE.Quelle ville habiteriez-vous donc le plus volontiers ?EVELPIDÈS.Celle où la plus grande affaire serait d’entendre à ma porte, dès lematin, quelque ami me dire : « Au nom de Zeus Olympien, présente-toichez moi de bonne heure, toi et tes enfants, au sortir du bain : je doisdonner un repas de noces ; n’y manque pas surtout ; autrement, ne metsjamais les pieds chez moi, quand je serai dans le malheur. »LA HUPPE.De par Zeus ! tu as la passion des grandes infortunes ! Et toi ?PISTHÉTÆROS.J’ai une passion semblable, moi.LA HUPPE.Et laquelle ?PISTHÉTÆROS. Celle d’une cité où, en me rencontrant, le père d’un joligarçon me dise d’un ton de reproche, comme offensé par moi :« Vraiment, Stilbonidès, en voilà une belle conduite ! Tu rencontres monfils revenant du bain et du gymnase, et pas un baiser, pas une parole,pas une caresse, pas un attouchement de toi, l’ami du père ! »LA HUPPE.Mon pauvre homme, pour quelles tristes choses tu te passionnes ! Ehbien, il y a une ville heureuse, telle que vous le dites, sur les côtes de lamer Erythræa.EVELPIDÈS.Malheur ! Ne nous parle pas d’une ville maritime : un beau matin on yverrait aborder la Salaminienne amenant un huissier. As-tu une villehellénique à nous proposer ?LA HUPPE.Pourquoi n’iriez-vous pas habiter Lépréon, en Élis ?EVELPIDÈS.Par les dieux ! sans l’avoir vue, j’ai en horreur Lépréon, à cause deMélanthios.LA HUPPE.Il y a encore dans la Lokris la ville des Opontiens ; vous pourriez yhabiter.EVELPIDÈS.Mais moi je ne voudrais pas être Opontien, pour un talent d’or. Et quelleest la vie qu’on mène chez les oiseaux ? Tu dois le savoir parfaitement.LA HUPPE.Pas désagréable à vivre : premièrement il faut s’y passer de bourse.EVELPIDÈS.Vous avez ainsi retiré de la vie une grande source de fraudes.LA HUPPE.Notre nourriture, cueillie dans les jardins, est le sésame blanc, le myrte,les pavots et la menthe.EVELPIDÈS.Mais alors vous êtes en quête d’une vie de nouveaux mariés.
PISTHÉTÆROS.Hé ! hé ! J’entrevois un grand dessein pour la race des oiseaux : elledeviendrait puissante, si vous m’obéissiez. LA HUPPE.Et comment t’obéirions-nous ?PISTHÉTÆROS.Comment vous m’obéiriez ? Tout d’abord ne voltigez pas n’importe où,bec ouvert : c’est une habitude malséante. Chez nous quand il y a desgens volages, on dit : « Quel est cet oiseau ? » Et Téléas répond :« C’est un homme sans équilibre, un oiseau qui vole, un êtreinconsidéré, qui ne saurait jamais rester en place. »LA HUPPE.Par Dionysos ! tes railleries portent juste. Que pourrions-nous doncfaire ?PISTHÉTÆROS.Bâtissez une ville.LA HUPPE.Et quelle ville bâtirions-nous, nous autres oiseaux ?PISTHÉTÆROS.Vrai ? Oh ! la sotte parole lâchée ! Regarde en bas.LA HUPPE.Je regarde.PISTHÉTÆROS.Tourne le cou.LA HUPPE.De par Zeus ! quelle jouissance, si je me déboîte la tête !PISTHÉTÆROS.As-tu vu quelque chose ?LA HUPPE.Oui, les nuages et le ciel.PISTHÉTÆROS.Eh bien ! n’est-ce pas le pôle des oiseaux ?LA HUPPE.Le pôle ? Comment cela ?PISTHÉTÆROS.Comme qui dirait le lieu. Attendu que cela tourne et traverse tout, onl’appelle pôle. Une fois bâti et fortifié par vous, on l’appellera police.Alors vous régnerez sur les hommes, ainsi que sur les sauterelles ; etles dieux, vous les ferez mourir de faim comme les Mèliens.LA HUPPE.De quelle manière ?PISTHÉTÆROS.L’air est entre le ciel et la terre ; et de même que, quand nous voulonsaller à Delphœs, nous demandons passage aux Bœotiens, ainsi, quandles hommes sacrifieront aux dieux, si les dieux ne nous paient pas tribut,votre ville, étrangère pour eux, et l’espace empêcheront de monter lafumée des cuisses.LA HUPPE.Iou ! Iou ! Par la Terre, les filets, les nuées, les rets, je n’ai jamaisentendu dessein mieux imaginé. Aussi suis-je tout prêt à bâtir la villeavec toi, si le projet a l’approbation des autres oiseaux.PISTHÉTÆROS.Qui donc leur exposera l’affaire ?
LA HUPPE.Toi. Jadis ils étaient barbares ; mais moi je leur ai enseigné le langage,depuis mon long séjour avec eux.PISTHÉTÆROS.Comment les convoqueras-tu ?LA HUPPE.Aisément. Je vais entrer tout de suite dans le taillis, éveiller ma chèreAèdôn, et nous leur ferons appel. Dès qu’ils auront entendu notre voix,ils voleront ici à tire-d’ailes.PISTHÉTÆROS.Ô toi, le plus aimable des oiseaux, ne tarde pas davantage. Je t’en prie,entre au plus vite dans le taillis, et éveille Aèdôn.  LA HUPPE.Allons, ma compagne, cesse de sommeiller ; fais jaillir de ta bouchedivine les notes des hymnes sacrés ; gémis sur mon fils et le tien, ledéplorable Itys, en gazouillements harmonieux, sortis de ton bec agile.Ta voix pure monte à travers le smilax couronné de feuillage, jusqu’autrône de Zeus où Phœbos à la chevelure d’or répond à tes élégies parle son de sa lyre d’ivoire et préside aux danses des dieux ; et de leursbouches immortelles s’élance le concert plaintif des bienheureusesdivinités. (On entend le son d’une flûte.) PISTHÉTÆROS.O Zeus souverain ! quelle voix charmante pour un si petit oiseau ! Quelledouceur de miel répandue sur le taillis entier !EVEHLoPlIàD !ÈS.PISTQHuÉyT aÆ-tR-ilO ?S .Te tairas-tu ?EVELPIDÈS.Pourquoi ?PISTHÉTÆROS.La Huppe prépare de nouveaux chants. LA HUPPE, dans le taillis.Epopopopopopopopopopoï ! Io, Io ! Venez, venez, venez, venez, venezici, ô mes compagnons ailés ; vous qui paissez les sillons fertiles deslaboureurs, tribus innombrables de mangeurs d’orge, famille descueilleurs de graines, au vol rapide, au gosier mélodieux ; vous qui,dans la plaine labourée, gazouillez, autour de la glèbe, cette chansond’une voix légère : « Tio, tio, tio, tio, tio, tio, tio, tio ; » et vous aussi quidans les jardins, sous les feuillages du lierre, faites entendre vosaccents ; et vous qui, sur les montagnes, becquetez les olives sauvageset les arbouses, hâtez-vous de voler vers mes chansons. – Trioto, trioto,totobrix ! – Et vous, vous encore qui, dans les vallons marécageux,dévorez les cousins à la trompe aiguë, qui habitez les terrains humidesde rosée et les prairies aimables de Marathôn, francolin au plumageémaillé de mille couleurs, troupe d’alcyons volant sur les flots gonflés dela mer, venez apprendre la nouvelle. Nous rassemblons ici toutes lestribus des oiseaux au long cou. Un vieillard habile est venu, avec desidées neuves et de neuves entreprises. Venez tous à cette conférence,ici, ici, ici, ici. – Torotorotorotorotix. Kikkabau, kikkabau.Torotorotorotorolililix.
 PISTHÉTÆROS.Vois-tu quelque oiseau ?EVELPIDÈS.Non, par Apollôn ! pas un ; et pourtant je suis là bouche béante àregarder le ciel.PISTHÉTÆROS.Ce n’était guère la peine, ce semble, que la Huppe allât couver dans letaillis, à la façon du pluvier. LE PHŒNIKOPTÈRE.Torotix, tororix.PISTHÉTÆROS.Mais, mon bon, on s’avance, c’est quelque oiseau qui arrive.EVELPIDÈS.Oui, de par Zeus ! un oiseau. Quel est-il ? N’est-ce pas un paon ?PISTHÉTÆROS.La Huppe nous le dira. Quel est cet oiseau ?LA HUPPE.Ce n’est pas un de ces oiseaux ordinaires comme vous en voyez tousles jours, mais un oiseau de marais.PISTHÉTÆROS.Oh ! oh ! il est beau, et d’un rouge phœnikien.LA HUPPE.Sans doute ; aussi l’appelle-t-on Phœnikoptère.EVELPIDÈS.Ohé ! dis donc, toi !PISTHÉTÆROS.Qu’as-tu à crier ?EVELPIDÈS.Un autre oiseau que voici.PISTHÉTÆROS.Par Zeus ! c’en est effectivement un autre ; il doit être étranger. Quelpeut être ce singulier prophète, cet oiseau de montagnes ?LA HUPPE.Son nom est le Mède.PISTHÉTÆROS.Le Mède ! Oh ! souverain Hèraklès ! Comment, s’il est Mède, a-t-il pu,sans chameau, voler ici ?EVELPIDÈS.En voici un autre qui a pris une aigrette.PISTHÉTÆROS.Quel prodige est-ce là ? Tu n’es donc pas la seule huppe, et il y en aune autre.LA HUPPE.Mais celle-ci est née de Philoklès, par la huppe ; et moi, je suis legrand-père de cette dernière : c’est comme si tu disais : « Hipponikosissu de Kallias, et Kallias d’Hipponikos.PISTHÉTÆROS.Kallias est donc un oiseau ? Comme il mue !EVELPIDÈS.C’est qu’étant généreux, il est plumé par les sykophantes, et les
femelles lui arrachent aussi des plumes.PISTHÉTÆROS.Ô Poséidôn ! voici un autre oiseau de couleurs nuancées : commentl’appelle-t-on ?LA HUPPE.Lui ? Le katophagas !PISTHÉTÆROS.Il y a donc d’autres katophagas que Kléonymos ?EVELPIDÈS.Comment alors se fait-il, si ce n’est pas Kléonymos, qu’il ait perdu sonaigrette ?PISTHÉTÆROS.Mais cependant que signifie cette affluence d’oiseaux à aigrettes ?Viennent-ils pour le diaulos ?LA HUPPE.Ils font comme les Kariens, mon bon, qui habitent les aigrettes de laterre, pour cause de sûreté.PISTHÉTÆROS.Ô Poséidôn, ne vois-tu pas quelle terrible agglomération d’oiseaux ?EVELPIDÈS.Souverain Apollôn, quelle nuée ! Iou ! Iou ! Leurs ailes étendues nelaissent plus voir l’entrée.PISTHÉTÆROS.Voici la perdrix, et cet autre, de par Zeus ! c’est le francolin ; puis lepénélops, et celui-ci l’alcyon.EVELPIDÈS.Et quel est celui qui vient derrière ?PISTHÉTÆROS.Celui-ci ? Le kèrylos.EVELPIDÈS.Ce kèrylos est donc un oiseau ?PISTHÉTÆROS.Est-ce qu’il n’y a pas Sporgilos ? Voici la chouette.EVELPIDÈS.Que dis-tu ? Qui a donc amené une chouette à Athènes ?PISTHÉTÆROS.À la suite pie, tourterelle, alouette, éléas, hypothymis, colombe, nertos,épervier, ramier, coucou, rouget, céblépyris, porphyris, kerkhné,plongeon, pie-grièche, orfraie, pivert.EVELPIDÈS.Iou! Iou ! Que d’oiseaux !PISTHÉTÆROS.Iou ! Iou ! Que de merles ! Comme ils gazouillent, comme ils arrivent àgrands cris !EVELPIDÈS.Est-ce qu’ils nous menacent ? Oh ! là, là ! Ils ouvrent le bec, ils nousregardent, toi et moi.PISTHÉTÆROS.Cela me paraît être ainsi.  LE CHŒUR.Popopopopopop ! Où est celui qui m’a appelé ? Dans quel endroit se
tient-il ?LA HUPPE.Je suis ici depuis longtemps, et je ne lâche pas mes amis.LE CHŒUR.Tititititititititi ! Quelle bonne idée as-tu à me communiquer ?LA HUPPE.D’un intérêt commun, sûre, juste, agréable, utile. Deux hommes d’unjugement délié sont venus ici me trouver.LE CHŒUR.Où ? Comment ? Que dis-tu ?LA HUPPE.Je dis que, de chez les hommes, deux vieillards sont venus me parlerd’une affaire prodigieuse.LE CHŒUR.Oh ! quelle faute ! C’est la plus grosse depuis que je suis né ! Que dis-? utLA HUPPE.Que mes paroles ne t’effraient pas.LE CHŒUR.Qu’as-tu fait ?LA HUPPE.J’ai accueilli deux hommes qui désirent vivement notre alliance.LE CHŒUR.Et tu as fait cela ?LA HUPPE.Je l’ai fait, et je m’en réjouis.LE CHŒUR.Et ils sont maintenant chez nous ?LA HUPPE.Comme je suis chez vous moi-même ?LE CHŒUR.Ea ! Ea ! Trahison ! Sacrilège ! Un ami, nourri avec nous des produitsde nos campagnes, a violé nos antiques lois, violé les serments desoiseaux. Il m’a attiré dans un piège, il m’a jeté en proie à une race impiequi, depuis qu’elle existe, m’a déclaré la guerre. Nous aurons, plus tard,une explication avec cet oiseau ; mais il faut commencer par lechâtiment de ces deux vieillards et les mettre en pièces. PISTHÉTÆROS.C’en est fait de nous !EVELPIDÈS.C’est pourtant toi seul qui es la cause de tous les maux qui nousarrivent. Pourquoi m’as-tu amené ici ?PISTHÉTÆROS.Afin de t’avoir pour compagnon.EVELPIDÈS.Pour me faire pleurer de grands malheurs.PISTHÉTÆROS.En vérité, tu radotes absolument. Comment pleureras-tu donc, quandune fois tu auras les deux yeux arrachés ? 
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