Les Nuées
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Les NuéesAristophaneTraduction française d’Eugène TalbotPrologue 11 - 24STREPSIADE. : Iou ! Iou ! O souverain Zeus, quelle chose à n'en pas finir que lesnuits ! Le jour ne viendra donc pas ? Et il y a déjà longtemps que j'ai entendu lecoq ; et mes esclaves dorment encore. Cela ne serait pas arrivé autrefois. Mauditesois-tu, ô guerre, pour toutes sortes de raisons, mais surtout parce qu'il ne m'estpas permis de châtier mes esclaves ! Et ce bon jeune homme, qui ne se réveillepas de la nuit ! Non, il pète, empaqueté dans ses cinq couvertures. Eh bien, si bonnous semble, ronflons dans notre enveloppe. Mais je ne puis dormir, malheureux,rongé par la dépense, l'écurie et les dettes de ce fils qui est là. Ce bien peignémonte à cheval, conduit un char et ne rêve que chevaux. Et moi, je ne vis pas, quandje vois la lune ramener les vingt jours ; car les échéances approchent. Enfant, allumela lampe, et apporte mon registre, pour que, l'ayant en main, je lise à combien degens je dois, et que je suppute les intérêts. Voyons, que dois-je ? Douze mines àPasias. Pourquoi douze mines à Pasias ? Pourquoi ai-je fait cet emprunt ? Parceque j'ai acheté Coppatias. Malheureux que je suis, pourquoi n'ai-je pas eu plutôtl'œil fendu par une pierre !25 - 55PHILIPPIDE, rêvant. Philon, tu triches : fournis ta course toi-même.STREPSIADE. Voilà, voilà le mal qui me tue ; même en dormant, il rêve chevaux.PHILIPPIDE, rêvant. Combien de courses doivent fournir ces chars de guerre ...

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Langue Français
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Extrait

Prologue 11 - 24Les NuéesAristophaneTraduction française d’Eugène TalbotSTREPSIADE. : Iou ! Iou ! O souverain Zeus, quelle chose à n'en pas finir que lesnuits ! Le jour ne viendra donc pas ? Et il y a déjà longtemps que j'ai entendu lecoq ; et mes esclaves dorment encore. Cela ne serait pas arrivé autrefois. Mauditesois-tu, ô guerre, pour toutes sortes de raisons, mais surtout parce qu'il ne m'estpas permis de châtier mes esclaves ! Et ce bon jeune homme, qui ne se réveillepas de la nuit ! Non, il pète, empaqueté dans ses cinq couvertures. Eh bien, si bonnous semble, ronflons dans notre enveloppe. Mais je ne puis dormir, malheureux,rongé par la dépense, l'écurie et les dettes de ce fils qui est là. Ce bien peignémonte à cheval, conduit un char et ne rêve que chevaux. Et moi, je ne vis pas, quandje vois la lune ramener les vingt jours ; car les échéances approchent. Enfant, allumela lampe, et apporte mon registre, pour que, l'ayant en main, je lise à combien degens je dois, et que je suppute les intérêts. Voyons, que dois-je ? Douze mines àPasias. Pourquoi douze mines à Pasias ? Pourquoi ai-je fait cet emprunt ? Parceque j'ai acheté Coppatias. Malheureux que je suis, pourquoi n'ai-je pas eu plutôtl'œil fendu par une pierre !25 - 55PHILIPPIDE, rêvant. Philon, tu triches : fournis ta course toi-même.STREPSIADE. Voilà, voilà le mal qui me tue ; même en dormant, il rêve chevaux.PHILIPPIDE, rêvant. Combien de courses doivent fournir ces chars de guerre ?STREPSIADE. C'est à moi, ton père, que tu en fais fournir de nombreusescourses ! Voyons quelle dette me vient après Pasias. Trois mines à Amynias pourun char et des roues.PHILIPPIDE, rêvant. Emmène le cheval à la maison, après l'avoir roulé.STREPSIADE. Mais, malheureux, tu as déjà fait rouler mes fonds ! Les uns ont desjugements contre moi, et les autres disent qu'ils vont prendre des sûretés pour leursintérêts.PHILIPPIDE, éveillé. Eh ! mon père, qu'est-ce qui te tourmente et te fait te retournertoute la nuit ?STREPSIADE. Je suis mordu par un dèmarque sous mes couvertures.PHILIPPIDE. Laisse-moi, mon bon père, dormir un peu.STREPSIADE. Dors donc ; mais sache que toutes ces dettes retomberont sur tatête. Hélas ! Périsse misérablement l'agence matrimoniale qui me fit épouser tamère ! Moi, je menais aux champs une vie des plus douces, inculte, négligé, etcouché au hasard, riche en abeilles, en brebis, en marc d'olives. Alors je me suismarié, moi paysan, à une personne de la ville, à la nièce de Mégaclès, fils deMégaclès, femme altière, luxueuse, fastueuse comme Coesyra. Lorsque jel'épousai, je me mis au lit, sentant le vin doux, les figues sèches, la tonte des laines,elle tout parfum, safran, tendres baisers, dépense, gourmandise, Colias, Génétyllis.Je ne dis pas qu'elle fût oisive ; non, elle tissait. Et moi, lui montrant ce vêtement, jeprenais occasion de lui dire : "Femme, tu serres trop les fils."56- 89
UN SERVITEUR. Nous n'avons plus d'huile dans la lampe.STREPSIADE. Malheur ! Pourquoi m'avoir allumé une lampe buveuse ? Viens ici,que je te fasse crier !LE SERVITEUR. Et pourquoi crierai-je ?STREPSIADE. Parce que tu as mis une trop grosse mèche... Après cela, lorsquenous arriva ce fils qui est là, nous nous disputâmes, moi et mon excellente femme,au sujet du nom qu'il porterait. Elle voulait qu'il y eût du cheval dans son nom :"Xanthippos, Chaerippos, Callippidès". Enfin, au bout de quelque temps, nousfîmes un arrangement, et nous le nommâmes "Philippide. Elle, embrassant son fils,le caressait : "Quand tu seras grand, tu conduiras un char à travers la ville, commeMégaclès, et vêtu d'une belle robe." Moi, je disais : « Quand donc feras-tudescendre tes chèvres du mont Phelleus, comme ton père, vêtu d'une peau debique?"» Mais il n'écoutait pas mes discours, et sa passion pour le cheval a coulémon avoir. Maintenant, durant cette nuit, à force d'y songer, j'ai trouvé un expédientmerveilleux qui, si je puis le convaincre, sera pour moi le salut. Mais je veux d'abordl'éveiller. Seulement, comment l'éveiller le plus doucement possible ? Comment ?Philippide, mon petit Philippide !PHILIPPIDE. Quoi, mon père ?STREPSIADE. Un baiser, et donne-moi la main.PHILIPPIDE. Voici. Qu'y a-t-il ?STREPSIADE. Dis-moi, m'aimes-tu ?PHILIPPIDE. J'en jure par Poseidon, dieu des chevaux !STREPSIADE. Non, non, pas de ce dieu des chevaux ! C'est lui qui est la cause demes malheurs. Mais si tu m'aimes réellement et de tout cœur, ô mon enfant, suismon conseil.PHILIPPIDE. Et en quoi faut-il que je suive ton conseil ?STREPSIADE. Change au plus tôt de conduite, et va prendre des leçons où jet'indiquerai.90 - 132PHILIPPIDE. Parle, qu'ordonnes-tu ?STREPSIADE. Et tu obéiras?PHILIPPIDE. J'obéirai, j'en jure par Dionysos.STREPSIADE. Regarde de ce côté. Vois-tu cette petite porte et cette petitemaison ?PHILIPPIDE. Je les vois; mais, mon père, qu'est-ce que cela veut dire ?STREPSIADE. C'est le philosophoir des âmes sages. Là sont logés des hommesqui disent et démontrent que le ciel est un étouffoir, dont nous sommes entourés, etnous, des charbons. Ils enseignent, si on leur donne de l'argent, à gagner lescauses justes ou injustes.PHILIPPIDE. Qui sont-ils ?STREPSIADE. Je ne sais pas exactement leur nom. Ce sont de profondspenseurs, beaux et bons.PHILIPPIDE. Ah! oui, les misérables, je les connais. Ce sont des charlatans, deshommes pâles, des va-nu-pieds, que tu veux dire, et, parmi eux, ce maudit Socrateet Chéréphon.STREPSIADE. Hé ! hé ! tais-toi! ne dis pas de bêtises. Si tu as souci des orgespaternelles, deviens l'un d'eux, et lâche-moi l'équitation.PHILIPPIDE. Oh ! non, par Dionysos ! quand tu me donnerais les faisans quenourrit Léogoras.
STREPSIADE. Vas-y, je t'en supplie, ô toi, l'homme le plus cher à mon cœur. Entreà leur école.PHILIPPIDE. Et qu'est-ce que je t'y apprendrai ?STREPSIADE. Ils disent qu'il y a deux raisonnements : le supérieur et l'inférieur. Ilsprétendent que, par le moyen de l'un de ces deux raisonnements, c'est-à-dire del'inférieur, on gagne les causes injustes. Si donc tu m'y apprenais ce raisonnementinjuste, de toutes les dettes que j'ai contractées pour toi, je ne paierais une obole àpersonne.PHILIPPIDE. Je n'y saurais consentir : je n'oserais pas regarder les cavaliers avecma face jaune et maigre.STREPSIADE. Alors, par Déméter, vous ne mangerez plus mon bien, ni toi, ni tonattelage, ni ton cheval. Je te chasse de ma maison et je t'envoie aux corbeauxmarqué au S.PHILIPPIDE. Mon oncle Mégaclès ne me laissera pas sans monture. Je vais chezlui, et je me moque de toi.STREPSIADE. Eh bien, moi, pour une chute, je ne reste point par terre. Maisj'invoquerai les dieux et j'irai moi-même au philosophoir. Seulement, vieux commeje suis, sans mémoire et l'esprit lent, comment apprendrai-je les broutilles de leursraisonnements raffinés? Il faut y aller. Pourquoi hésiter encore et ne pas frapper à laporte ?... Enfant, petit enfant !133 - 179UN DISCIPLE. Va-t'en aux corbeaux ! Qui frappe à la porte ?STREPSIADE. Le fils de Phidon, Strepsiade du dême de Cicynna.LE DISCIPLE. De par Zeus ! tu dois être un grossier personnage, toi qui donnes àla porte un coup de pied si brutal, et qui fais avorter la conception de ma pensée.STREPSIADE. Pardonne-moi, car j'habite loin dans la campagne ; mais dis-moi lachose avortée.LE DISCIPLE. Il n'est permis de la dire qu'aux disciples.STREPSIADE. Dis-la-moi donc sans crainte, car je viens comme disciple auphilosophoir.LE DISCIPLE. Je la dirai; mais songe donc que ce sont des mystères. Socratedemandait tout à l'heure à Chéréphon combien de fois une puce saute la longueurde ses pattes. Elle avait piqué Chéréphon au sourcil, et de là elle était sautée sur latête de Socrate.STREPSIADE Et comment a-t-il mesuré cela?LE DISCIPLE. Très adroitement. Il a fait fondre de la cire, puis il a pris la puce, et illui a trempé les pattes dedans. La cire refroidie a fait à la puce des soulierspersiques ; en les déchaussant, il a mesuré l'espace.STREPSIADE. O Zeus souverain, quelle finesse d'esprit !LE DISCIPLE. Que serait-ce, si tu apprenais une autre invention de Socrate ?STREPSIADE. Laquelle ? Je t'en prie, dis-la-moi ?LE DISCIPLE. Chéréphon, du dème de Sphattos, lui demandait s'il pensait que lebourdonnement des cousins vînt de la trompe ou du derrière.STREPSIADE. Et qu'a-t-il dit au sujet du cousin ?LE DISCIPLE. Il a dit que l'intestin du cousin est étroit ; et que, à cause de cetteétroitesse, l'air est poussé tout de suite avec force vers le derrière ; ensuite,l'ouverture de derrière communiquant avec l’intestin, le derrière résonne par la forcede l'air.STREPSIADE. Ainsi le derrière des cousins est une trompette. Trois fois heureux
l'auteur de cette découverte ! Il doit être facile d'échapper à une poursuite en justice,quand on connaît à fond l'intestin du cousin.LE DISCIPLE. Dernièrement il fut détourné d'une haute pensée par un lézard.STREPSIADE. De quelle manière ? Dis-moi.LE DISCIPLE. Il observait le cours de la lune et ses révolutions, la tête en l'air, labouche ouverte ; un lézard, du haut du toit, pendant la nuit, lui envoya sa fiente.STREPSIADE. Il est amusant ce lézard, qui fait dans la bouche de Socrate !LE DISCIPLE. Hier, nous n'avions pas à souper pour le soir.STREPSIADE. Eh bien ! qu'imagina-t-il pour avoir des vivres ?LE DISCIPLE. Il étend sur la table une légère couche de cendre, courbe une tige defer, prend un fil à plomb, et de la palestre il enlève un manteau.180 - 220STREPSIADE. Et nous admirons le célèbre Thalès ! Ouvre-moi, ouvre vite lephilosophoir ; et fais-moi voir au plus tôt Socrate. J'ai hâte d'être son disciple. Maisouvre donc la porte. O Héraclès ! de quels pays sont ces animaux ?LE DISCIPLE. Qu'est-ce qui t'étonne ? A quoi trouves-tu qu'ils ressemblent ?STREPSIADE. Aux prisonniers de Pylos, aux Laconiens. Mais pour quoi regardent-ils ainsi la terre ?LE DISCIPLE. Ils cherchent ce qui est sous la terre.STREPSIADE. Ils cherchent donc des oignons. Ne vous donnez pas maintenanttant de peine ; je sais, moi, où il y en a de gros et de beaux. Mais que font ceux-citellement courbés?LE DISCIPLE. Ils sondent les abîmes du Tartare.STREPSIADE. Et leur derrière, qu' a-t-il à regarder le ciel ?LE DISCIPLE. Il apprend aussi pour son compte à faire de l'astronomie... Maisrentrez, de peur que le maître ne vous surprenne.STREPSIADE. Pas encore, pas encore : qu'ils restent, afin que je leur communiqueune petite affaire.LE DISCIPLE. Mais ils ne peuvent pas demeurer trop longtemps à l'air et dehors.STREPSIADE. Au nom des dieux, qu'est ceci ? Dis-moi.LE DISCIPLE. L'astronomie.STREPSIADE. Et cela ?LE DISCIPLE. La géométrie.STREPSIADE. A quoi cela sert-il ?LE DISCIPLE. A mesurer la terre.STREPSIADE. Celle qui se partage au sort ?LE DISCIPLE. Non ; la terre entière.STREPSIADE. C'est charmant ce que tu dis là : voilà une invention populaire etutile !LE DISCIPLE. Tiens, voici la surface de la terre entière: vois-tu ? Ici, c'est Athènes.STREPSIADE. Que dis-tu? Je ne te crois pas; je n'y vois point de juges en séance.LE DISCIPLE. C'est pourtant réellement le territoire Attique.
STREPSIADE. Et où sont mes concitoyens de Cicynna ?LE DISCIPLE. C'est ici qu'ils habitent. Voici l'Eubée, tu vois, cette terre qui s'étenden longueur infinie.STREPSIADE. Je vois : nous l'avons pressurée, nous et Périclès. Mais où estLacédémone ?LE DISCIPLE. Où elle est ? Ici.STREPSIADE. Comme c'est près de nous ! Songez-y bien, éloignez-la de nous àla plus grande distance possible.LE DISCIPLE. Il n'y a pas moyen.STREPSIADE. Par Zeus! vous en gémirez. Mais quel est donc cet homme juchédans un panier ?LE DISCIPLE. Lui.STREPSIADE. Qui, lui ?LE DISCIPLE. Socrate.STREPSIADE. Socrate ! Voyons, toi, appelle-le-moi donc bien fort.LE DISCIPLE. Appelle-le toi-même. Moi, je n'en ai pas le temps.221 - 261SOCRATE. Pourquoi m'appelles-tu, être éphémère ?STREPSIADE. Et d'abord que fais-tu là ? Je t'en prie, dis-le-moi.SOCRATE. Je marche dans les airs et je contemple le soleil.STREPSIADE. Alors c'est du haut de ton panier que tu regardes les dieux, et nonpas de la terre, si toutefois...SOCRATE. Je ne pourrais jamais pénétrer nettement dans les choses d'en haut, sije ne suspendais mon esprit, et si je ne mêlais la subtilité de ma pensée avec l'airsimilaire. Si, demeurant à terre, je regardais d'en bas les choses d'en haut, je nedécouvrirais rien. Car la terre attire à elle l'humidité de la pensée. C'estprécisément ce qui arrive au cresson.STREPSIADE. Que dis-tu ? Ta pensée attire l'humidité sur le cresson ? Maismaintenant descends, mon petit Socrate, afin de m'enseigner les choses pourlesquelles je suis venu.SOCRATE. Pourquoi es-tu venu ?STREPSIADE. Je veux apprendre à parler. Les prêteurs à intérêts, race intraitable,me poursuivent, me harcellent, se nantissent de mon bien.SOCRATE. Comment t'es-tu donc endetté sans le savoir ?STREPSIADE. C'est l'hippomanie qui m'a ruiné, maladie dévorante. Maisenseigne-moi l'un de tes deux raisonnements, celui qui sert à ne pas payer, et, quelque soit le salaire, je jure par les dieux de te le payer.SOCRATE. Par quels dieux jures-tu ? D'abord les dieux ne sont pas chez nous unemonnaie courante.STREPSIADE. Par quoi jurez-vous donc ? Est-ce par de la monnaie de fer, commeà Byzance ?SOCRATE. Veux-tu connaître nettement les choses célestes, ce qu'elles sont aujuste ?STREPSIADE. Oui, par Zeus ! si elles sont.SOCRATE. Et converser avec les Nuées, nos divinités ?
STREPSIADE. Assurément.SOCRATE. Assois-toi donc sur la banquette sainte.STREPSIADE. Voilà, je suis assis.SOCRATE. Maintenant prends cette couronne.STREPSIADE. A quoi bon une couronne ? Malheur à moi, Socrate ! Est-ce quevous allez me sacrifier comme Achamas ?SOCRATE. Non ; c'est tout ce que nous faisons aux initiés.STREPSIADE. Eh bien, qu'y gagnerai-je ?SOCRATE. D'être un roué en fait de langage, une cliquette, une fleur de farine.Seulement, ne bouge pas.STREPSIADE. Par Zeus ! tu ne mens pas ! Saupoudré comme je suis, je vaisdevenir fleur de farine.Parodos 1262 - 274SOCRATE. Il faut que ce vieillard observe le silence et qu'il écoute la prière :"Souverain maître, Air immense, qui enveloppes la terre de toutes parts, Etherbrillant, et vous, Nuées, vénérables déesses, mères du tonnerre et de la foudre,levez-vous, ô souveraines, apparaissez au penseur dans les régions supérieures !"STREPSIADE. Pas encore, pas encore ; pas avant que je me sois enveloppé dece manteau, de peur d'être inondé. N'avoir pas pris, en sortant de chez moi, unecasquette de peau de chien, quelle malchance !SOCRATE. Venez, ô Nuées vénérées, vous manifester à cet homme, soit que vousoccupiez les cimes sacrées de l’Olympe, battues par les neiges, soit que dans lesjardins de votre père Océan vous formiez un chœur sacré avec les Nymphes, soitque, aux bouches du Nil, vous puisiez des eaux dans des cornes d'or, que vousrésidiez aux Marais Méotides ou sur le rocher neigeux du Mimas, écoutez-nous,accueillez notre sacrifice, et que nos cérémonies vous fassent plaisir.275 - 290LE CHOEUR. Nuées éternelles, élevons-nous, en rosée transparente et légère, dusein de notre père Océan aux bruissements profonds, jusqu'aux sommets desmonts couronnés de forêts, afin de découvrir les horizons lointains, les fruits quiornent la Terre sacrée, le cours sonore des fleuves divins, et la Mer auxmugissements sourds; car l'œil de l'Ether brille sans relâche de rayons éclatants.Mais dissipons le voile pluvieux qui cache nos figures immortelles, et embrassonsle monde de notre regard illimité.291 - 298SOCRATE. O Nuées très vénérables, il est certain que vous avez entendu monappel. Et toi, as-tu entendu leur voix divine avec le mugissement du tonnerre ?STREPSIADE. Moi aussi je vous révère, Nuées respectables, et je veux répondre
au bruit du tonnerre, tant il m'a causé de tremblement et d'effroi. Aussi, tout de suite,permis ou non, je lâche tout.SOCRATE. Ne raille pas et ne fais pas comme les poètes que grise la vendange.Sois silencieux : un nombreux essaim de déesses s'avance en chantant.299 - 313LE CHOEUR, se rapprochant de la scène. Vierges dispensatrices des pluies,allons vers la terre féconde de Pallas, voyons le royaume de Cécrops, riche engrands hommes et mille fois aimé. Là se trouve le culte des initiations sacrées, lesanctuaire mystique des cérémonies saintes, les offrandes aux divinités célestes,les temples magnifiques et les statues, les processions trois fois saintes desbienheureux, victimes couronnées immolées aux dieux ; les festins dans toutes lessaisons; et là, au renouveau, la fête de Bromios, les chants mélodieux des chœurset la musique des flûtes frémissantes.314 - 355STREPSIADE. Au nom de Zeus, je t'en prie, dis-moi, Socrate, quelles sont cesfemmes qui font entendre un chant si respectable ? Sont-ce quelques héroïnes ?SOCRATE. Pas du tout ; mais les Nuées célestes, grandes divinités des hommesoisifs, qui nous suggèrent pensée, parole, intelligence, charlatanisme, loquacité,ruse, compréhension.STREPSIADE. C'est pour cela qu'en écoutant leur voix, mon âme se sent desailes ; elle cherche à épiloguer, à ergoter sur de la fumée, à coudre trait d'esprit àtrait d'esprit, pour riposter à l'autre raisonnement. De telle sorte que, s'il estpossible, je souhaite vivement de les voir en personne.SOCRATE. Eh bien, regarde du côté de la Parnès. Je les vois descendrelentement par là.STREPSIADE. Où donc ? Montre-moi.SOCRATE. Elles s'avancent en grand nombre, à travers les cavités et les bois, surune ligne oblique.STREPSIADE. Qu'est-ce donc ? Je ne les vois pas.SOCRATE. Là, à l’entrée.STREPSIADE. Ah ! oui, maintenant un peu, par là.SOCRATE. Tu dois maintenant les voir tout à fait, à moins que tu n'aies unecoloquinte de chassie.STREPSIADE. Oui, par Zeus ! O vénérables divinités, elles remplissent toute lascène.SOCRATE. Et cependant tu ne savais pas, tu ne croyais pas que ce fussent desdéesses ?STREPSIADE. Non, par Zeus ! mais je me figurais que c'était du brouillard, de larosée, de la fumée.SOCRATE. Non, non, par Zeus ! Sache que ce sont elles qui nourrissent une foulede sophistes, des devins de Thourion, des empiriques, des oisifs à bagues qui vontau bout des ongles et à longs cheveux, des fabricants de chants pour les chœurscycliques, des tireurs d'horoscopes, fainéants, dont elles nourrissent l'oisiveté,parce qu'ils les chantent.STREPSIADE. Voilà pourquoi ils chantent "le rapide essor des Nuées humides quilancent des éclairs, les tresses du Typhon aux cent têtes, les tempêtes furieuses,filles de l'air, agiles oiseaux qu'un vol oblique fait nager dans les airs, torrents dePluies émanant des Nuées humides". Et, pour prix de leurs vers, ils engloutissent
des tranches salées d'énormes et bons mulets, et la chair délicate des grives.SOCRATE. Grâce à elles toutefois, et n'est-ce pas juste ?STREPSIADE. Dis-moi, comment se fait-il, si ce sont vraiment des Nuées, qu'ellesressemblent à des mortelles ? Elles ne le sont pourtant pas?SOCRATE. Alors que sont-elles donc ?STREPSIADE. Je ne sais pas trop. Elles ressemblent à des flocons de laine et nonà des femmes, j'en atteste Zeus, pas le moins du monde. Et celles-ci ont des nez.SOCRATE. Réponds maintenant à mes questions.STREPSIADE. Dis-moi vite ce que tu veux.SOCRATE. As-tu vu quelquefois, en regardant en l'air, une nuée semblable à uncentaure, à un léopard, à un loup, à un taureau ?STREPSIADE. De par Zeus ! j'en ai vu. Eh bien ?SOCRATE. Elles sont tout ce qu'elles veulent. Et alors, si elles voient un débauchéà longue chevelure, quelqu'un de ces sauvages velus, comme le fils de Xénophante,pour se moquer de sa manie, elles se changent en centaures.STREPSIADE. Qu'est-ce à dire? Si elles voient Simon, le voleur des denierscyniques, que font-elles ?SOCRATE. Pour le représenter au naturel, elles deviennent tout à coup des loups.STREPSIADE. C'est donc pour cela certainement que, hier, voyant Cléonyme, quia jeté son bouclier, à la vue de ce lâche, elles sont devenues cerfs.SOCRATE. Et maintenant, quand elles ont aperçu Clisthène, tu vois, c'est pour celaqu'elles sont devenues femmes.Choeur 1356 - 391STREPSIADE. Salut, ô souveraines! Aujourd'hui, si vous l'avez fait pour quelqueautre, faites résonner pour moi votre voix céleste, reines toutes-puissantes.LE CHOEUR. Salut, vieillard. des anciens jours, pourchasseur des études chèresaux Muses ; et toi, prêtre des plus subtiles niaiseries, dis-nous ce que tu désires.Car nous ne prêtons l'oreille à aucun des sophistes égarés dans les nuages, si cen'est à Prodicos, à cause de sa sagesse et de son bon sens, et à toi, à cause de tadémarche fière dans les rues, ton regard dédaigneux, tes pieds nus, ta patience àsupporter nombre de maux, et l'air de gravité que tu tiens de nous.STREPSIADE. O Terre, quelle voix ! Qu'elle est sainte, auguste, prodigieuse !SOCRATE. C'est qu'elles seules sont déesses ; tout le reste n'est que bagatelle.STREPSIADE. Mais, dis-moi, par la Terre ! notre Zeus Olympien n'est-il pas dieu ?SOCRATE. Quel Zeus ? Trêve de plaisanteries ! II n'y a pas de Zeus.STREPSIADE. Que dis-tu ? Et qui est-ce qui pleut ? Dis-moi cela avant tout.SOCRATE. Ce sont elles ; et je t'en donnerai de bonnes preuves. Voyons, où as-tujamais vu pleuvoir sans Nuées ? Si c'était lui, il faudrait qu'il plût par un jour serein,elles absentes.STREPSIADE. Par Apollon ! Ta parole s'applique bien à notre conversationactuelle. Autrefois je croyais bonnement que Zeus pissait dans un crible. Mais qui
est-ce qui tonne ? Dis-le-moi. Cela me fait trembler.SOCRATE. Elles tonnent en roulant.STREPSIADE. Comment cela, ô toi qui braves tout ?SOCRATE. Lorsqu'elles sont pleines d'eau, et contraintes à se mouvoir,précipitées d'en haut violemment, avec la pluie qui les gonfle, puis alourdies, etlancées les unes contre les autres, elles se brisent et éclatent avec fracas.STREPSIADE. Mais qui donc les contraint et les emporte ? N'est-ce pas Zeus ?SOCRATE. Pas du tout, mais le Tourbillon Ethéréen.STREPSIADE. Le Tourbillon ? J'ignorais et que Zeus n'existât pas et que leTourbillon régnât aujourd'hui à sa place. Mais tu ne m'as encore rien appris sur lebruit du tonnerre.SOCRATE. Ne m'as-tu pas entendu te dire que les Nuées étaient pleines d'eau et,tombant les unes sur les autres, font ce fracas à cause de leur densité ?STREPSIADE. Voyons, comment peut-on croire cela ?SOCRATE. Je vais te l'enseigner par ton propre exemple. Quand tu t'es rempli deviande aux Panathènées et que tu as en suite le ventre troublé, le désordre ne lefait-il pas résonner tout à coup ?STREPSIADE. Oui, par Apollon ! je souffre aussitôt, le trouble se met en moi ;comme un tonnerre le manger éclate et fait un bruit déplorable, d'abordsourdement, pappax, pappax, puis plus fort, papapappax, et quand je fais mon cas,c'est un vrai tonnerre, papapappax, comme les Nuées.392 - 436SOCRATE. Considère donc que, avec ton petit ventre, tu as fait un pet résonnant :n'est-il pas naturel alors que l'air qui est immense produise un bruit détonant ?STREPSIADE. En effet, les mots "bruit détonant" et "pet résonnant" ont entre euxquelque ressemblance. Mais la foudre, d'où lui vient son étincelle de feu, dis-le-moi,qui tantôt nous frappe et nous consume, tantôt laisse vivants ceux qu'elle aeffleurés ? Il est évident que c'est Zeus qui la lance sur les parjures.SOCRATE. Mais comment, sot que tu es, toi qui sens l'âge de Cronos, plus vieuxque le pain et la lune, s'il frappait les parjures, comment n'aurait-il pas foudroyéSimon, Cléonyme, Théoros ? Ce sont pourtant bien des parjures. Mais il frappe sespropres temples et Sounion, le cap de l'Attique, et les grands chênes.STREPSIADE. Je ne sais ; mais tu sembles avoir raison. Qu'est-ce donc alors quela foudre ?SOCRATE. Lorsqu’un vent sec se lève vers les Nuées et s’y enferme, il en gonflel'intérieur comme une vessie ; ensuite, par une force fatale il les crève, s'échappeau dehors avec violence, en raison de la densité, et s'enflamme lui-même par lafougue de son élan.STREPSIADE. Par Zeus ! la même chose tour à fait m'est arrivée un jour auxDiasies : je faisais cuire pour ma famille un ventre de truie ; je néglige de le fendre ;il se gonfle, éclate tout à coup, me débonde dans les yeux et me brûle le visage.LE CHOEUR. Homme, qui as désiré apprendre de nous la grande sagesse, tuseras très heureux parmi les Athéniens et les Hellènes, si tu as de la mémoire, de laréflexion, et de la patience dans l'âme ; si tu ne te lasses ni de rester debout, ni demarcher, ni d'endurer la rigueur du froid; si tu ne désires pas te mettre à table ; si tut'abstiens de vin, des gymnases et des autres folies ; si tu regardes comme lemeilleur de tout, ainsi qu'il convient à un homme sensé, d'être le premier par taconduite, ta prudence et par la force polémique de ta langue.STREPSIADE. Pour ce qui est d'une âme forte, d'un souci qui brave l'insomnie,d'un ventre économe, qui ne s'écoute pas, et qui dîne de sarriette, sois sans crainte,pour tout cela, je servirais bravement d'enclume.
SOCRATE. A l'avenir, n'est-ce pas, tu ne reconnaîtras plus d'autres dieux que ceuxque nous reconnaissons nous-mêmes : le Chaos, les Nuées et la Langue, ces trois-? àlSTREPSIADE. Jamais, franchement, je ne converserai avec les autres, même si jeles rencontrais : pas de sacrifices, pas de libations, pas d'encens brûlé.LE CHOEUR. Dis-nous maintenant avec confiance ce que nous devons faire pourtoi ; tu auras pleine satisfaction, si tu nous honores, si tu nous admires, et si tu veuxdevenir un habile homme.STREPSIADE. O Souveraines, je ne vous demande qu'une toute petite chose :c'est d'être de cent stades le plus fort des Hellènes dans l'art de parler.LE CHOEUR. Tu l'obtiendras de nous : désormais, à partir de ce moment, devant lepeuple, personne ne fera triompher plus d'idées que toi.STREPSIADE. Je ne tiens pas à exposer de grandes idées ; ce n'est pas là que jevise, mais à retourner la justice de mon côté et à échapper à mes créanciers.LE CHOEUR. Tu obtiendras donc ce que tu désires; car tu ne vises pas au grand :livre-toi donc bravement à nos ministres.437 - 456STREPSIADE. Je le ferai en toute confiance ; car la nécessité m'y contraint, étantdonnés ces chevaux marqués du Kappa, et le mariage qui m'a ruiné. Maintenantque ceux-ci fassent de moi ce qu'ils voudront : je leur livre mon corps à frapper, à luifaire endurer la faim, la soif, le chaud, le froid, à le tailler en outre, pourvu que je nepaie pas mes dettes : je consens à être aux yeux des hommes insolent, beaudiseur, effronté, impudent, vil coquin, colleur de mensonges, hâbleur, rompu auxprocès, table de lois, cliquette, renard, tarière, souple, dissimulé, visqueux, fanfaron,gibier à étrivières, ordure, retors, hargneux, lécheur d'écuelles. Dût-on me donnerces noms au passage, qu'ils fassent de moi ce qu'ils voudront; et, s'ils veulent, parDéméter ! qu'ils me servent en andouille aux penseurs.457 - 475LE CHOEUR. Voilà une volonté ! Il n'a pas peur, il a du cœur. Sache que dès que tutiendras de moi cette science, tu auras parmi les mortels une gloire montantjusqu'aux cieux.STREPSIADE. Que m'arrivera-t-il ?LE CHOEUR. Tout le temps avec moi tu passeras la vie la plus en viable qui soitparmi les hommes.STREPSIADE. Verrai-je jamais cela ?LE CHOEUR. La foule ne cessera d'assiéger tes portes : on voudra t'aborder,causer avec toi d'affaires et de procès d'un grand nombre de talents, dignes desconseils de ta prudence. (A Socrate.) Mais toi, commence à donner au vieillardquelqu'une de tes leçons ; mets en mouvement son esprit, et fais l'épreuve de sonintelligence.476 - 509SOCRATE. Allons, voyons, dis-moi ton caractère, afin que, sachant qui tu es, jedirige, d'après un plan nouveau, mes machines de ton côté.STREPSIADE. Quoi donc ? Songes-tu, au nom des dieux ! à me battre en brèche ?SOCRATE. Pas du tout, mais je veux t'adresser quelques questions. As-tu de la
mémoire ?STREPSIADE. C'est selon, par Zeus ! Si l'on me doit, j'en ai beaucoup ; mais si jedois, infortuné, je n'en ai aucune.SOCRATE. As-tu de la facilité naturelle à parler ?STREPSIADE. A parler, non ; mais à voler, oui.SOCRATE. Comment pourras-tu donc apprendre ?STREPSIADE. Ne t'inquiète pas ; très bien.SOCRATE. Voyons maintenant ; quand je te laisserai quelque sage pensée ausujet des phénomènes célestes, saisis-la vite.STREPSIADE. Quoi donc ? Happerai-je la sagesse, comme un chien ?SOCRATE. Oh ! l'homme ignorant, le barbare ! J'ai peur, mon vieux, que tu n'aiesbesoin de coups. Voyons, que ferais-tu, si l'on te battait ?STREPSIADE. On me bat ; un peu après, je prends des témoins, et ensuite, aprèsun moment de répit, je vais en justice.SOCRATE. Voyons maintenant ; ôte ton manteau.STREPSIADE. Ai-je commis quelque faute ?SOCRATE. Non ; mais il est prescrit d'entrer nu.STREPSIADE. Mais je n'entre pas chercher un objet volé !SOCRATE. Ote-le : pourquoi ce bavardage ?STREPSIADE. Dis-moi seulement ceci : si je suis attentif, et si j'apprends aveczèle, auquel des disciples serai-je comparable ?SOCRATE. Tu seras le portrait de Chéréphon.STREPSIADE. Malheur à moi ! J'aurai l'air d'un cadavre.SOCRATE. Pas un mot ; mais suis-moi de ce côté : hâtons-nous.STREPSIADE. Mets-moi donc maintenant entre les mains un gâteau miellé : j'aipeur, en entrant là dedans, comme si je descendais dans l'antre de Trophonios.SOCRATE. Marche ; pourquoi lanterner devant la porte ?LE CHOEUR. Va gaiement, en raison de ton ouvrage. Bonne chance à ce vieillard,que son âge avancé n'empêche pas de prendre une teinture des nouveautés à lamode, et qui s'exerce à la sagesse.PARABASE DU CHOEUR.510 - 626Spectateurs, je vous dirai librement la vérité, j'en atteste Dionysos, dont je suis lenourrisson. Puissé-je être vainqueur et réputé sage, moi qui, vous regardantcomme des spectateurs intelligents, et pensant que cette pièce est la meilleure demes comédies, ai cru devoir vous la donner à goûter les premiers, vu qu'elle m'acoûté beaucoup de peine ! Et pourtant je me suis retiré, vaincu par des lourdauds,sans l'avoir mérité. C'est donc ce que je vous re proche, à vous, hommes habiles,pour lesquels je me suis donné tant de mal. Et cependant jamais je ne me soustrairai à des juges intelligents comme vous l'êtes. Car de puis que dans cetteréunion, à laquelle il est agréable de s'adresser, mon Modeste et mon Débauchéont été écoutés avec un plein succès, moi aussi, vierge alors et n'ayant pas encore
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