Farces et moralitésOctave Mirbeau1904 P E R S O N N A G E SJEAN GUENILLELE COMMISSAIRE DE POLICEJÉRÔME MALTENU, quart d’œilPREMIER AGENTDEUXIÈME AGENTFLORA TAMBOURLa scène se passe à Paris, dans le bureau du Commissaire de police. De nosjours.Au lever du rideau, la scène est vide. Une lampe à gaz, mi-baissée, donne dansla pièce sombre, tendue de papier vert, comme une lueur triste de bougie...Ameublement ordinaire des bureaux de police... Sur les murs, des affiches, desplacards, des arrêtés. À gauche, un vieux divan... On entend des allées etvenues... des grasses voix dans la coulisse.SCÈNE PREMIÈRELE COMMISSAIRE DE POLICE, JÉRÔME MALTENU, quart d’œil.Le commissaire entre par la droite, suivi de Jérôme Maltenu qui, aussitôt,humble, empressé, va tourner la clef de la lampe et fait la lumière... Lecommissaire est en haute forme, pardessus à collet de fourrure... foulard autourdu cou, bottines vernies...LE COMMISSAIRE, — Fichu temps !... Et à part ça... rien de nouveau, monsieurMaltenu ?MALTENU. — Rien, monsieur le commissaire...LE COMMISSAIRE. — Mais encore ?...MALVENU. — Mon Dieu !... des journalistes venus aux renseignements.LE COMMISSAIRE — Pour l’affaire Le Franchart ?... Vous avez été aimable ?MALTENU. — Dégoûtant d’amabilité, monsieur le commissaire...LE COMMISSAIRE — Et c’est tout ?...MALVENU. — Des pochards, comme toujours... des rixes sans importance...quelques vols... çà et là...LE COMMISSAIRE — Très ...
JEAN GUENILLE LE COMMISSAIRE DE POLICE JÉRÔMEMALTENU,quartd’œli PREMIER AGENT DEUXIÈME AGENT FLORA TAMBOUR LascènesepasseàPairs,danslebureauduCommissairedepolice.Denos jours.
MALTENU. — Rien, monsieur le commissaire... LE COMMISSAIRE. — Mais encore ?... MALVENU.—MonDieu!...desjournalistesvenusauxrenseignements. LECOMMISSAIRE—Pour’laffaireLeFranchart?...Vousavezétéaimable? MALTENU.—Dégoûtantd’amabliité,monsieurlecommissaire... LECOMMISSAIRE—Etc’esttout?... MALVENU.—Despochards,commetoujours...desrixessansimpotrance... quelquesvols...çàetlà... LECOMMISSAIRE—Trèsbien... MALTENU.—Peudemouvemen,tensomme... LECOMMISSAIRE.—Parfait... MALTENU.—Encemomen,tPairsjouitdelaplusgrandetranqullitié... LECOMMISSATRE.—Tranquilltiésupefricielle,monsieurMatlenu...lIyades volcansquigrondentaufond...Personnen’estvenumedemander?... MALTENU.—Personne...(Un temps, durant lequel le commissaire pose sa canneetsonfoulard,qu’ilvientdereitre,rsurunechaise).C’est un succès ?
LE COMMISSAIRE. — Quoi ?
MALTENU.—CettepremièreduVaudeville? LECOMMISSAIRE.—Heuh!...Bellesalle,dureste...trèsbellesalle...Jolies femmes... toujours les mêmes... le roi des Belges... MALTENU,enthousiaste, levant les yeux au plafond.!l—hAtréâthe..!.eLECOMMISSAIRE.—Peuh!...pardessuantsonE(lnveuànerccaehcouqsli’ patère, et apparaissant en tenue de soirée).tJeuvroe...reâthétle,tnavecédneiB quelethéârtesetraîne,monsieurJérômeMaltenu,dansdesreditesfatigantes... dansdesbanalités...oiseuses...Onn’yattaquepasassezdefrontlaquestion sociale,quediable!... MALTENU. — Ah ! si nous en faisions, nous autres, du théâtre... nous qui vivons aveclaquesitonsociale...constamment!... LECOMMISSAIRE.—Mairtalement...même..,onpeutledire...Parbleu!...eslopI( sonchapeausurlebureau,devantlequellis’assoti...toutencompulsantdes papiers.).prre..-moiends...d..s.geuladl’e...erètoda’tejcoshauc..ntde.nesemituD donne-motieslèvres...tantqu’onveu..t.Desréformes...desidées...jamais... MALTENU.Çanefatipaspenser...lethéâtre... LECOMMISSAIRE.Non...çafait...(SurungestepudiquedeMaltenu.)... parfaitement !...lsemiarftoattn(Se.)nsseetitesp..llle.lsaasaavaptiils’’yntE femmesdelasalle...Mafoi!...qu’es-tcequevousvoulez,monsieurMaltenu..I.flaut sefaireuneraison..,quandiln’yapasdegrives...onmangedesgrues...(.)itrIl MALTENU,iarantissuemaD..!.—. LE COMMISSAIRE,regardant la pendule sur la cheminée. — Une heure, moins le quar.t..Sapirsit!..Voussavezquejen’aipasbesoindevous,cesoir,monsieur Matlenu...J’aiàtravalile.r..Allons,bonnenuti... MALTENU.—Bonnenui,tmonsieurleCommissaire...es...ritrosurpoavIl( retournant). Monsieur le commissaire ?...(Le commissaire lève la tête).Et mon aritcle? LECOMMISSAIRE.—Vorteatricle?...C’estvrai...J’oubliais...J’aivuledirecteur duMouvemen.t.. MALTENU.—Ah!...Ehbien?... LECOMMISSAIRE.—Ehbien...ilparatîqueçan’estpasça...queçan’estpas vécu...Pasdemousse,votreaitrcle,monsieurMaltenu...pasde(elahcvèlIaphrase dans un geste...).lIfuardia,tdelamousse...dealov.cuspromezen..? légèreté...dela...).ue(Mêmej...ifneuqnquelcheeospdeapiruls...isne MALTENU,dedrianoitpecéunavecisMa—.ust’ectrèsséneétude,rtsèiruees.. documentée.,.surlapoilceenPatagonie...roni(Iuq.e)Ça ne peut pourtant pas être rtèspairsien... LE COMMISSAIRE,évasifoulez?...Moi,tsc-euqeovsuv.—.’eQuec-tse’n..?sapMALTENU.—Jevousremercietoutdemême,monsieurlecommissaire....rem)A( Etonseplaintde’linféirortié...deladécadencedelapresserfançaise!... LECOMMISSAIRE.—Toutestendécadence,monsieurMatlenu...lapresse...le théâtre.,.legoûtpubilc...Lapoliceaussiestendécadence...etlaPatagonie pareillement...Nousvivonsdansuneépoquededécadence...Quevoulez-vous?... Çanenousrajeuntipas...Allons.,.bonsoi!r... MALTENU.—C’estéga.l..toutcelaesttriste...trèstirste...Bonsoi,rmonsieurle Commissaire... SortMaltenuenfaisantdesgestesdedésolaiton.
SCÈNE II LECOMMISSAIRE,puisFLORATAMBOUR,PREMIERAGEN,TDEUXIÈME AGENT.
LECOMMISSAIRE.—Taisez-vous!...Necompliquezpasvotrecas...lIestassez grave... FLORA.—Mais,monsieurlecommissaire...cen’estpasdemafaute...Cesont cessauvages... LE COMMISSAIRE. — Taisez-vous !...(Aux agents.)ailezssouv..s.tElsuem-io avecladéilnquante...(Sur un mouvement des agents, très fier.)iapsepru...Jen’a (ÀFlora,enlfantlavoix).eltnalItuafvecav,evDs.oueobenuofsinnej’equenissnfi commissaira!t...Unehonte...Ledéfijointàli’mpudeu.r FLORA.—Ah!non...vra!i... LECOMMISSAIRE.—Larévotleajoutéeàl’attentatauxmœurs..,auxmœursdes bravessergentsdeville!... FLORA,sur un ton prolongé d’étonnement. — Ah !... LECOMMISSAIRE.—C’estbien!...(Aux agents.)spoVou..r.eritersuovzevu (Pendantquelesagentsseretirent).Pasde...he,?in,nosuovbérille FLORA.—Mais...monsieulrecommissaire... LECOMMISSAIRE.—Assez!...Commentvousappelez-vous?(Les agents se sontreitrés.Onentendleursgrospasetleursvoixgrognonnesdanslacoulisse.) Comment vous appelez-vous ?...().PulsoftrRépondez !... Touslesdeux,Floraetlecommissaire,écoutent,l’œilifxésurlapotre...Silence... Et tout à coup, pouffant de rire, Flora s élance, vient s’asseoir sur les genoux du commissairequi’lentouredesesbras.
SCÈNEIII FLORA, LE COMMISSAIRE
FLORA.—Ah!moncoco...moncoco...moncoco!... LECOMMISSAIRE.-—Elleesttoujoursdrôle...toujoursdrôle...(Riant.),rsniooB bébé !)sse.mbral’e(IlTon chapeau ! FLORA,elnateau,burimitetneelavtnsdelsopéuseelrconpehaqauelu’ commissaire.)s?...lezev-uoovsuapp...!sutnemmoCT—-voz-seai(Elle l’embrasse.)...si!ham?Aaistus-riere,bluTtseire,issacomm(Leal,xueyojsèrtfait danser sur ses genoux, comme un bébé.)on....nctor.Heejt...rpeie’n!.noN LE COMMISSAIRE,chantonnant. — A dada... à dada. FLORA.—Non..non...lIsm’ontassezsecouéetoutà’lheure. LECOMMISSAIRE.—-Pauvrepettichou!... FLORA.—Etpuis...tusais...jesuissûrequej’aidesbleussurtoultecorps. LE COMMISSAIRE,rdallirgésovriça.!...—Nousallon..erlF.aro(vIlteuplandre sedégage).Eh bien, quoi ? FLORA.—Non...non...’jenaiassezdecetruc-là!...Ah!zut!...(El,evesselèle irfctionnelesbras,lesjambes,répareunpeuledésordredesatoilette).lI s m’arrangentbien,cesbrutesl-à!...Tuverrasqu’unjourlismecasserontquelque chose!...Ettuappellesçadel‘amour,toi!... LE COMMISSAIRE,resserveutcalselissaueèvtiv,ierpsènetFlordeu’ila,q. — De’lamour!...Héoui!parbleu,monbichon...del’amourromanesque...del’amour d’autrefois...Çamerappellelesbalcons...leséchellesdesoie,..lesbelrines...les estaifers...(stengeuitadegetsirceuvA).sitnurusnnseDlaa.ce.t.o!uulaellctèE oùiin’yaplusd’aventures...oùl’amourestsimédiocre...sipla.t..mo.i.,jertouveça déilcieux,imprévu...C’estshakespeairen!FLORA. — Qu’est-ce que tu dis ? LECOMMISSAIRE.—Jedisquec’estshakespeairen...voilà! FLORA.—Encoreuntermedepoilce,biensûr!Ahvrai!..(.nevedtseellEuetoute songeuse). LECOMMISSATRE.Elleestravissantedi’ngénutié...(De songeuse, Flora est devenueirtste).Ftetipe...raloaMas?uqe’tsc-euqeut FLORA.—Jen’aiiren. LECOMMISSAIRE.Tuasquelquechose...Allons!FLORA.—Ehbien,jenertouvepasquecesoitdel’amour...ah!... LECOMMISSAIRE.—Qu’est-cequi’tlefau,talors?... FLORA.—Êrtetraînéecommeunefilledesrues...commeunecriminelle,enrte deuxagents!...C’esttoutdemêmedrôle...tusais?...Danslecommencemen,t celam’amusait...c’estpossible...Maintenan.t..ehbien,oui...là...maintenan,tça m’embête... LECOMMISSAIRE.—Voyons...voyons!...
FLORA,avec plus de moue.ie..umilm’h—Ça(.pmettitepnU)s. Et je suis sûre que,bientôt,tumeforcerasàvenirànosrendez-vousdanslepanieràsalade... pourquecesoitencoreplusromanesque!...
LECOMMISSAIRE.—Tuexagères...
FLORA.—Enifn.,.voilà...J’enaiassez...
LE COMMISSAIRE,manélociluqe. — C’est que tu n’as pas d’imagination, mon pettibébé...pasdepoésie...’lamourdessensationsrares...Tun’espasune passionnée!...
FLORA,avec un air de reproche...i?.—Monemexiftnadrageslesandt,Ler( yeux et lui caressant les cheveux, la tête).!hA...s!..viouse-cenHir.ttoo LECOMMISSAIRE.—Ou..i.oui...J’entendsbien...Jeveuxdirequetun’espas unepassionnéecérébrale...Tuespour’lamournormal...régulier...pot-auf-eu...Mon Dieu!...c’estungenre...Moi,’jaime’lamourpittoresque...lalutte..,ledanger... l’obstacle...Roméo...Hernan.i..Queveux-tu...’jaiunenaturecommeça!... FLORA.—Oh!toi!... LECOMMISSAIRE.---Allons..,viensic.i..Venezici..(Il l’entraîne vers le canapé dufond). FLORA,après une résistance légère, se laisse conduire au canapé, et se retrouve sur les genoux du commissairerviaset—’C.,etunom..!.coEau,iss coco...ilfauttrouverunautremoyendenousvoi.r..Enifn...tudoisbienavoirun aurtemoyen,toi...delapoilce? LECOMMISSAIRE.——Non...je’tassure...jen’enaipas.C’estleseulqui contentemongoûtdel’aventure...enmêmetempsqu’ilm’appotredelasécurtié... J’aibesoindesécuirté...Paspourmoi...tucomprends...pourmafonction...Qu’est-cequetuveux?...Etpuismafemmeestdeplusenplusjalouse...Elleme survelile...m’espionne,mesuti...Toutàl’heure...itens!...elleétatilà...enface... dansunfiacre...voilée...terirble.,.aifndebienvoirsijerentraisàmonbureau...Elle estcapabledetou.t..detout,mafemme. FLORA.—Tafemme!...tafemme!...uelqsedrexiftnemeuq(Ellelerega secondes)....?us-tuvienbea,siro.d’Dbao’ù..dLE COMMISSAIRE. — Du théâtre... FLORA.—Duthéâtre?...Tafemme?...(Tout près de pleurer.) Tu ne m’aimes pas ! LECOMMISSAIRE.—Comment.j..ene’taimepas? FLORA.—Non...dumoins...tunem’aimesplus... LECOMMISSAIRE.—Mais...jet’adore!...Donne-moiteslèvres. FLORA,elle se laisse embrasse.r,renrdta...açhO—...r!.nsûbiesieajame’suTnpour ça. LE COMMISSAIRE,avec une passion comiques...èvreneJee.r.—sTlsveèsel..tt’aimepas?...Maissijenet’aimaispas...monpetitbébé...es-tcequejeteferais attendredesheuresetdesheures...lanuit,surletrottoi...rparlapluie...parle froid...parlaneige!...Es-tcequeje’texposeraisaussicarrémentauxinsultes grossièresdespassants...auxbrutatilésdemesagents...auxcongesitons pulmonaires...àpirepeu-têtre?...Réfléchisunpeu...sansnervosité.,.avecsang-froid!...,vera(Gqitahpmeeu).ant.enfess..cifeccair...-sàle...net’lmâunqoMilévè quipurifient’lâme...cessacrificessubilmes!...onnelesexigequedescréatures que’lonaime...vértiablement...passionnément... FLORA,un peu étonnée, ne comprenant pas très bien. — Tu dis ça ! LECOMMISSAIRE.—Héoui!...jedisça...Évidemrnen,tjedisça...jedisça parcequec’estlavértié!...parbleu!...(Flora hoche la texte.)As-tu lu Bourget ? (Florafatisignequenon.)andlasousraff.ecn..ervIdansssesacrle.e..ficipuétvlo soufrfancedanslavolupté. FLORA,haussant les épaules. — Des blagues ! LECOMMISSAIRE—Comment,desblagues?...Lavértiépsychologique, psychologiqueetchréitenne,monbébé...Cequimefaitdelapeine...cequime nuexevc...uepseionedteider’estquej’aiebuassertmef.semolu.t.cetse..laLe.femmesquiontluBourget...auraientcomprisça...auraientsenitçat...outdesutie... FLORA,après un temps où elle est toute songeuse. — Tu m’aimes, peut-être... maistunemerespectespas...(Le commissaire proteste d’un geste.)ne,utno....N. merespectespas...J’aibeauêtreunepetitecocotte...tunemerespectespas... assez. LECOMMISSAIRE.—Ça...parexemple...c’estunpeufort!...Maistuesfolle... (Avec un grand geste.)coinreulet,.....!ecneréhinjunl’bieoilàmmsesefeedtsciV FLORA.—Non...non.(Le commissaire veut la caresser.)Laisesmsetsnia... Enifn...jevinsici,àunrendez-vousd’amour,commesionm’emmenatiàSain-t Lazare... LECOMMISSAIRE.—Justement...C’estçaquiestépatant!FLORA. — Ah ! vrai !