Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesCXXI. Lettre à M. Justel, 1681.1LETTRE À M. JUSTEL .(1681.)Je suis ravi, Monsieur, de vous voir en Angleterre ; le commerce d’un homme aussisavant et aussi curieux que vous, me donnera beaucoup de satisfaction : maispermettez-moi de n’approuver pas la résolution que vous avez prise de quitter laFrance, tant que je vous verrai conserver pour elle un si tendre et si amoureuxsouvenir. Quand je vous vois triste et désolé, regretter Paris aux bords de notreTamise, vous me remettez dans l’esprit les pauvres Israélites, pleurant leurJérusalem aux bords de l’Euphrate. Ou vivez heureux, en Angleterre, par une pleineliberté de conscience ; ou accommodez-vous à de petites rigueurs sur la religion,en votre pays, pour y jouir de toutes les commodités de la vie.Est-il possible que des images, des ornements, de légères cérémonies ; que depetites nouveautés, superstitieuses à votre égard, dévotes au nôtre ; que decertaines questions agitées avec plus de subtilité, pour la réputation des docteurs,que de connoissance et de bonne foi, pour notre édification : est-il possible enfin,que des différences si peu considérables, ou si mal fondées, troublent le repos desnations et soient cause des plus grands malheurs qui arrivent aux hommes ? Il estbeau de chercher Dieu en esprit et en vérité. Ce premier être, cette souveraineintelligence mérite nos spéculations les plus épurées : mais quand nous voulonsdégager notre âme de tout commerce ...
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