Lettre de Saint-Évremond à M. Barbin

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Charles de Saint-Évremond
Œuvres mêlées
CXXII. Lettre à M. Barbin, 1698.
1LETTRE À MONSIEUR BARBIN .
(1698.)
Je vous suis fort obligé, Monsieur, de la bonne opinion que vous avez des
bagatelles qui ...
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Charles de Saint-Évremond Œuvres mêlées CXXII. Lettre à M. Barbin, 1698.
1 LETTRE À MONSIEUR BARBIN . (1698.)
Je vous suis fort obligé, Monsieur, de la bonne opinion que vous avez des bagatelles qui me sont échappées, et qu’on a la bonté de nommerouvrages. Si j’étois d’un âge où l’imagination m’en pût fournir de pareilles, telles qu’elles pourroient être, je ne manquerois pas de vous les envoyer : la beauté de l’impression les feroit valoir. Mais le peu d’esprit que j’ai eu autrefois est tellement usé, que j’ai peine à en tirer aucun usage pour les choses même qui sont nécessaires à la vie. Il ne s’agit plus pour moi de l’agrément ; mais mon seul intérêt, c’est de vivre. Vous me demandez que je vous fasse savoir les choses qui sont de moi, dans les petites pièces qu’on a imprimées sous mon nom. Il n’y en a presque point où je n’aie la meilleure part, mais je les trouve toutes changées ou augmentées. Lesgrosses cloches de Saint-Germain-des-Prés, que Luigi 2 admiroit, ne m’appartiennent sûrement pas. C’est la première addition qui me vient dans l’esprit.Les charmes de l’amitié, la longuelettre de consolation à une demoiselle, lesRéflexions sur la Doctrine d’Épicure, l’Éloquence de Pétrone et quelques autres, dont il ne me souvient pas, ne m’appartiennent en rien. Si j’étois jeune et bien fait, je ne serois pas fâché qu’on vît mon portrait à la tète d’un livre ; mais c’est faire un mauvais présent au lecteur, que de lui donner la vieille et vilaine image d’un homme de quatre-vingt-cinq ans. Les yeux me manquent ; je ne puis ni lire ni écrire, qu’avec beaucoup de peine : vous m’excuserez, si je ne saurois vous donner une connoissance plus exacte de ce que vous me demandez.
NOTES DE L’ÉDITEUR
1. Barbin, libraire de Paris, avoit demandé à Saint-Évremond quelques-uns de ses ouvrages, ou du moins de lui marquer les pièces qui étoient de lui, dans ce qu’on avoit imprimé sous son nom.
2. Barbin avoit mis cette sottise dans lesRéflexions sur les Opéras, qu’on trouve à notre tome II, page 389.
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