Charles de Saint-Évremond
Œuvres mêlées
CIII. Réponse de la Fontaine à Saint-Évremond, 1687.
RÉPONSE DE LA FONTAINE À SAINT-ÉVREMOND.
Ni vos leçons, ni celles des neuf Sœurs,
N’ont su charmer la douleur qui m’accable :
Je souffre un mal qui résiste aux douceurs,
Et ne saurois rien penser d’agréable.
Tout rhumatisme, invention du diable,
Rend impotent et de corps et d’esprit ;
Il m’a fallu, pour forger cet écrit,
Aller dormir sur la tombe d’Orphée ;
Mais je dors moins que ne fait un proscrit,
Moi, dont l’Orphée étoit le dieu Morphée.
Si me faut-il répondre à vos beaux vers,
À votre prose, et galante et polie.
Deux déités par leurs charmes divers,
Ont d’agréments votre lettre remplie :
Si celle-ci n’est autant accomplie,
Nul ne s’en doit étonner à mon sens ;
Le mal me tient, Hortense vous amuse.
Cette déesse, outre tous vos talents,
Vous est encore une dixième Muse :
Les neuf m’ont dit adieu jusqu’au printemps.
Voilà, monsieur, ce qui m’a empêché de vous remercier aussitôt que je le devois
de l’honneur que vous m’avez fait de m’écrire. Moins je méritois une lettre si
obligeante, plus j’en dois être reconnaissant. Vous me louez de mes vers et de ma
morale, et cela de si bonne grâce, que la morale a fort à souffrir, je veux dire la
modestie.
L’éloge qui vient de vous,
Est glorieux et bien doux :
Tout le monde vous propose
Pour modèle aux bons auteurs ;
Vos beaux ouvrages sont cause,
Que j’ai su plaire aux neufs Sœurs :
Cause en partie, et non toute,
Car vous voulez bien sans ...
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